CES, amplificateur de la révolution numérique

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La transformation numérique est la plus récente étape de la révolution cognitive de l’homme. Elle diffère des étapes précédentes par son caractère à la fois global et rapide. Elle concerne la planète toute entière, et se développe de façon exponentielle depuis la démocratisation de l’internet avec le web en 1995. Jamais dans son histoire l’humanité n’avait accumulé autant de potentiel technique et d’information pour transformer son environnement et ses connaissances. Et les progrès que nous avons accomplis en dix ans dans la maîtrise de chacun des composants techniques - processeurs, réseaux, logiciels - sont stupéfiants.

Le CES révèle la dualité de la révolution numérique. L’industrie informatique ne cesse de gagner en puissance et de se concentrer, quelques acteurs majeurs ayant la maîtrise de l’infrastructure technique qui constitue le socle indispensable de la performance. Simultanément, viennent se greffer sur ce socle une multitude de solutions, parfois marginales ou éphémères, issues de centaines de milliers d’entrepreneurs et d’innovateurs répartis sur toute la planète. De cette effervescence créative, brouillonne et spontanée, émergeront des pratiques et des usages qui contribueront à tisser les mailles d’un nouvel environnement socio-technique. Les formes de ce nouvel environnement émergent progressivement de ce double mouvement de transformation technique et de création d’opportunités. Elles sont encore floues, certaines pistes ne se concrétiseront pas comme nous l’avons vu pour la promesse avortée de la généralisation de l’image 3D ou de la transformation du système de production par la multiplication des imprimantes 3D. Elles prendront certainement des formes imprévisibles et une ampleur encore insoupçonnable. L’intérêt du CES est de nous plonger dans ce mouvement puissant de tectonique des plaques techniques et d’usages et de permettre sinon des prévisions fiables, tout au moins des analyses des vecteurs de force en présence.

La transformation continue des pratiques sociales

Chacun peut observer dans son environnement immédiat, au travail, dans la vie quotidienne, la transformation effective des pratiques courantes. Avec l’irruption du smartphone, on sait désormais, avec ce seul outil, prendre des décisions informées et contextuelles pour organiser son temps, ses itinéraires, l’usage des moyens de transport, ses relations personnelles et professionnelles. On sait choisir, comparer, acheter, payer. On peut améliorer sa forme physique, gérer la température de son domicile, surveiller ses enfants à distance, piloter sa consommation d’énergie. Et tout ceci sans délai, de n’importe quel point, à n’importe quelle heure.… Quand à chaque nouvelle version de smartphone, la presse boude en trouvant qu’il n’y a plus d’innovations, on a tout simplement oublié qu’avec cet outil, et son environnement technique de logiciels, de réseaux, de géolocalisation, de capteurs, tout a déjà profondément changé. Et si le marché ralentit, les chiffres font encore rêver avec environ 1,6 milliard de ventes en 2016.

L’innovation se porte massivement dans l’industrie qui a su rapidement apprendre à acclimater robots et capteurs, drones et imprimantes 3D, pour repenser les processus industriels dans un souci d’optimisation énergétique et de meilleure gestion des ressources naturelles. L’homme y trouve  sa place dans une coopération nouvelle homme/machines qui appelle de nouvelles compétences. La continuité numérique permet de gérer simultanément plusieurs niveaux d'implication personnelle et donc d'augmenter sa capacité d'interaction avec l'environnement. C'est certainement au prix d'effets secondaires, comme un risque de superficialité, une forme de distraction, ou encore de stress. Tout ceci commence à faire l'objet d'études scientifiques, mais force est de reconnaître que chacun d'entre nous a su apprendre à évoluer dans ce nouveau monde sans difficulté et sans douleur.

L’innovation, ce n’est plus une percée isolée d’un nouvel usage, d’un nouveau produit, c’est une avancée systémique qui englobe une multitude de nouvelles pratiques et de nouveaux services, tellement intégrés dans la vie sociale qu’ils sont immédiatement métabolisés.

Le CES de Las Vegas, dans les premiers jours de janvier chaque année, est avant tout un lieu d’observation de cette nouvelle réalité numérique, qu'il faut analyser à travers la visite des stands, écouter comme au spectacle lors des keynote et des conférences, humer lors des échanges entre participants. Plus exactement, il ne faudrait pas parler de "réalité numérique" mais d'"amplification numérique de la réalité". Car le numérique ne se substitue pas au monde réel, il y ajoute une couche de simplification et de mise en cohérence qui rend plus faciles les décisions les plus triviales comme les plus complexes. Mais nous vivons dans le réel. Notre rythme de vie est scandé par des activités réelles et notre rythme biologique. Jusqu‘alors, l’informatique était bien éloignée des considérations quotidiennes des terriens. Bien sûr, l’informatique est déjà présente depuis des décennies dans les grandes organisations, et imprime sa marque sur toutes les transactions. Mais c’est une action invisible souterraine, pilotée par d’autres. Ce n’est vraiment que depuis le début du web que l’on peut toucher chaque jour un objet informatique, produit et application, qui va nous aider à accomplir une tâche, à régler un problème, par nos propres moyens, sans investissement coûteux en ressources, en temps et en compétences.

L’ère numérique décrit cette situation nouvelle dans laquelle se multiplient les situations personnelles et professionnelles où l’utilisation d’un objet, généralement connecté au réseau internet, et doté de programmes quasiment gratuits et faciles à utiliser, va s’insérer dans notre vie pour nous aider de façon continue à accomplir des tâches. On observe depuis dix ans au CES l’amplification de ce phénomène dans trois directions:

  • le nombre d’objets connectés, couvrant un nombre croissant de cas d’usage, augmente
  • ces objets ne se contentent plus d’interagir de façon unitaire avec l’homme, mais coopèrent pour apporter un service qui recouvre plusieurs types d’interactions spécifiques
  • cette coopération laisse de plus en plus de place à l’utilisation des outils de l’intelligence artificielle pour affiner le service rendu de façon prédictive et contextuelle

Au-delà des fausses bonnes vraies idées qui foisonnent avec des start-up souvent éphémères, il y a plusieurs courants de fond qui, de fait, vont changer la manière dont nous vivons et dont la société est organisée. Robots, intelligence artificielle auto-apprenante ("machine learning"), traitements informatiques et stockages de données déportés dans des serveurs distants ("cloud"), déploiement de réseaux à bas coût pour les objets connectés, déploiement de la 5G à haut débit, tout ceci compose la couche technique qui permet d'inventer des services peu coûteux et facilement déployables. Les progrès fulgurants du matériel et du logiciel permettent de constituer aujourd'hui de nouvelles plateformes qui offrent un niveau de service aux intégrateurs que deviennent les constructeurs automobiles, les transporteurs, les institutions de santé, les opérateurs de voyage. Evidemment ce niveau de service élevé s'appuie sur la maîtrise fine d'une information personnalisée et géolocalisée, dont l'usage ouvre également des champs d'intrusion dans nos vies à un niveau jamais imaginé. Il y a donc un défi nouveau pour les législateurs : trouver le juste niveau d'équilibre entre les bénéfices fournis et le niveau de risque. Au CES, il y a encore beaucoup d'innovations et de transformations, parfois subtiles d’année en année, de l’écosystème mais aucune ne revêt de caractère spectaculaire. Désormais c'est la cohérence systémique qui va devenir révolutionnaire, tous les outils étant mis à profit simultanément pour délivrer un service efficient et utile. La technique doit servir l'homme, pour de grands projets comme pour la vie quotidienne. C'est moins spectaculaire mais plus profond. La question du sens de l’innovation technique, l’impact sur la transformation de l’emploi, le problème du traitement des données personnelles sont des sujets qui ont été abordés de façon directe pendant les conférences du CES 2017 avec une certaine gravité. La prise de conscience auprès des acteurs engagés dans cette révolution de son caractère anthropologique, avec des conséquences majeures sur la vie de hommes, est récente. C’est un fait important de ce CES 2017 qui replace l’innovation dans un contexte beaucoup plus large de l’intérêt de la technique pour les humains.

La France est désormais très présente

La France peut s'enorgueillir d'une forte présence au CES 2017 dans tous les secteurs. Le CES n’a longtemps été qu’une manifestation commerciale américaine. Depuis plusieurs années, les entreprises chinoises ont étendu leur présence passant du statut discret de fournisseurs de composants et d’assembleurs aux premières places désormais occupées par des entreprises de stature mondiale, comme Huawei ou Baidu, ou des acteurs majeurs en Chine mais encore faiblement implantés sur les grands marchés mondiaux comme Hisense ou Haier. Si l’influence japonaise s’étiole, avec la disparition de Sharp, les difficultés de Sony, Panasonic est encore largement présent notamment grâce à son partenariat avec Tesla dans les batteries. Les grands firmes coréennes LG et Samsung rivalisent en créativité pour faire de leurs stands au CES un brillant démonstrateur de leur savoir-faire dans tous les segments du marché.

Il faut se féliciter de la forte présence française en 2017. Car si les start-up sont actives, le tissu économique régional très présent, on peut rencontrer dans des stands plus grands et établis au cœur des grandes marques une première génération d'ETI qui ont fait leurs débuts au CES il y a quelques années, comme Netatmo, Sculpteo ou Withings, des éditeurs comme Dassault Systems, des services publics comme La Poste, des énergéticiens (EDF, Engie) des entreprises historiques comme Valeo, Air Liquide ou Somfy et Terraillon. Loin d'être une opération vitrine, la présence française au CES, il y a encore quelques années marginale, illustre un savoir-faire systémique qu'il faut valoriser et développer.

Plus que jamais il faut être tiré par ce futur entrepreneurial et innovant plutôt que poussé par un passé nostalgique. C’est la leçon pour la France d’un CES 2017 où la créativité est imprégnée de gravité face aux responsabilités des acteurs sociaux dans un monde qui se révèle avec ses multiples opportunités brillantes mais aussi fait émerger de nouvelles vulnérabilités..


Inventons la démocratie du XXIe siècle !

En ces temps d’élections imminentes dans deux des plus anciennes démocraties du monde, le doute, et c’est un euphémisme, s’installe dans l’opinion américaine comme française sur la bonne santé du système démocratique. Le spectacle offert par ces (mauvais) acteurs que sont devenus les politiciens professionnels fait encore recette même si les audiences initiales de ces shows déclinent rapidement quand la mauvaise foi et l’incompétence éclatent au grand jour. Certes, il y a encore un intérêt pour les joutes politiques. Mais il s’agit d’un show.  En effet les spectateurs sont très peu nombreux à modifier leur point de vue à l’issue de ces émissions où le culte de l’image impose des mises en scène millimétrées et aseptisées où les communicants attitrés cherchent à éviter toute spontanéité qui pourrait conduire à un dérapage.

Or la question clef des citoyens posée à leurs dirigeants en démocratie est bien claire : aidez-nous à comprendre ce monde et, surtout, à faire en sorte que le futur de nos enfants soit meilleur que notre vie actuelle.

La question est d’autant plus pressante que tous les indicateurs qui nous entourent annoncent une montée de périls. On est fondé de parler  de retour aux années trente avec la montée des tensions interétatiques et l’incapacité de l’ONU à assurer une sécurité internationale. A l’instabilité politique due aux chocs potentiels entre blocs, s’ajoute les risques de déstabilisations climatiques ayant des conséquences sur les mouvements de population, déjà redoutés et ingérables. On peut rajouter à cette liste de périls les transformations structurelles résultant de la mondialisation et des évolutions démographiques :  la perte de revenus des salariés des pays développés et l’effondrement de la classe moyenne, les angoisses face à l’omni-contrôle des données, la non-maîtrise des pandémies, aux conséquences inconnues des OGM, l’instabilité terroriste…

Face à ces défis systémiques, le discours politique peine à produire du sens. Il n’y a aucun lien démontrable entre les propositions émises et les causes identifiées. L’analyse du passé, même si elle est souvent superficielle et émotionnelle, ne donne pas confiance dans la capacité des candidats au pouvoir à trouver des réponses crédibles aux multiples problèmes à résoudre. La tâche est d’autant plus rude que nous sommes dans un monde ouvert qui ne connait plus ni croissance, ni inflation, ni contrôle des changes qui furent d’utiles variables d’ajustement qui ont bien aidé les gouvernants antérieurs.  Si les faits sont têtus, l’aventure de la parole est alors bien tentante. La pensée magique fait facilement des ravages et permet de trouver, sinon des solutions, au moins des coupables commodes. L’histoire nous enseigne que la stigmatisation de présumés coupables conduit rarement à des solutions heureuses. Et que dans le despotisme éclairé auquel beaucoup aspirent tacitement par résignation, lassés des contre-performances de la démocratie et des promesses de la classe politique, on trouve rarement l’éclairage, mais toujours le despotisme.

La règle du jeu démocratique est ancienne et longtemps reconnue comme un modèle. Choisir ses représentants pour gérer les affaires publiques s’est révélé sur le long terme plus efficace que la démocratie directe, lente et complexe. C’est aussi le système le plus désiré. Tous les pays qui en sont privés se battent pour y accéder.  Et l’on s’empresse de retrouver la démocratie avec délectation lorsque le totalitarisme, qui fait son lit dans les défauts et les lâchetés de la démocratie, finit à son tour par démontrer son incapacité à résoudre les problèmes. Le système représentatif est certainement le moins mauvais des systèmes mais il est désormais débordé par ses ailes qui le remettent en cause de façon percutante. Qu’un candidat à la présidentielle dans une des plus anciennes démocraties du monde en arrive à proclamer que s’il perd il se peut qu’il ne reconnaisse pas le résultat, dont il annonce par avance qu’il sera truqué, et qu’il s’il gagne il jettera en prison sa rivale est totalement surréaliste et traduit à quel point notre système démocratique est malade. Une des forces de la démocratie est bien précisément la loyauté du débat et le respect mutuel des protagonistes.

Il faut sauver la démocratie. Car rien ne peut faire mieux. Les solutions ne sont pas simples car la démocratie, comme l’hydrogène aux vertus multiples, n’existe pas à l’état naturel. Il faut la fabriquer, et cela demande du soin et de l’énergie.

Deux voies s’affrontent pour proposer une méthode de résolution de problèmes.

L’aile de la modernité – libérale et progressiste pour utiliser un vocabulaire lui aussi usé - a trouvé dans le web et les réseaux sociaux le cadre d’expression pour la porter. Ce fut le cas lors de l’élection d’Obama, puis de la campagne de Sanders, c’est actuellement là où se trouvent l’inspiration d’Emmanuel Macron ou de NKM, voire même de Mélenchon. Mais ce n’est pas parce qu’on utilise les vecteurs contemporains qu’on véhicule les contenus les plus pertinents. La démocratie du web prône une parole libre et décontractée, qui s’écarte des cadres anciens, qui parle à une société fluide, mondialisée. Adepte de technique, ouverte aux courants les plus divers en matière de consommation, de pensée, de mœurs, confiante dans les bienfaits de la science, et des GAFA, cette modernité du XXIe siècle considère que l’élection n’est pas le point de passage obligé pour faire avancer les idées. Elle a une vision méfiante de la classe politique, masculine, voire machiste, conventionnelle dans ses diagnostics et dans ses thérapies. Elle croit en l’action et c’est pour cela qu’elle a trouvé dans la population des jeunes entrepreneurs un terreau fécond.

L’aile conservatrice se méfie de la démocratie, qui pour ses tenants est forcément influencée par les médias à la solde du clan des modernes.  Elle a développé une branche à succès, le populisme, qui renvoie au « peuple », le « vrai » le soin de faire triompher la sagesse populaire. Comme la réalité est complexe et ne permet pas des solutions simples, on puise dans le passé des recettes sommaires auxquelles on prête une redoutable efficacité au mépris du droit et du simple réalisme. Emprisonner préventivement toute personne suspecte de pouvoir commettre un crime est une solution élégante. Qui pourrait être étendue, par exemple, aux accidents de la route qui font beaucoup plus de morts que le terrorisme. Il suffit d’analyser les conditions d’accidents mortels pour isoler les chauffards potentiels, classés « C », et les priver préventivement de permis de conduire, de voiture et même de liberté de circuler. On pourrait aussi y penser pour les violences conjugales. « Minority Report » n’était qu’une vue d’artiste que les hommes politiques ont très envie de construire avec des murs, des frontières, des contrôles, des caméras vidéos, des analyses croisées de données, des policiers omniprésents. Les théories complotistes se nourrissent de ces discours. On sait où seraient les solutions, mais « on » ne veut pas les mettre en œuvre… Au nom de quoi, pour protéger qui ? Instiller un doute permanent sur l’incapacité délibérée des dirigeants à résoudre les problèmes pour favoriser les pouvoirs en place est devenu une arme banale de destruction sournoise de la confiance envers l’action publique.

Entre la modernité joyeuse, qui va régler tous les problèmes par la technique, et le populisme  anxiogène et rétrograde, l’électeur est bien en mal de comprendre tant les causes que les solutions.

Nous sommes là au cœur du problème existentiel de la démocratie. Confier à un personnel politique déboussolé, incapable de formuler une vision articulée du futur et de proposer des scénarios crédibles d’adaptation, est en soi anxiogène. Face à cette absence cruelle de vision, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France, l’absurde fait recette. La vérité scientifique est bafouée, le bruit de fond des petites phrases étouffe toute tentative durable et solide d’explication du monde.

Or la complexité ne justifie pas le refus de l’explication. Par bravade médiatique, les hommes politiques en arrivent à dire n’importe quoi sur n’importe quel sujet, encouragés en cela par les journalistes en quête de petites phrases sensationnelles au fracas médiatique sans lendemain. Là où le lent processus de construction d’une culture politique de masse avait éduqué l’opinion à travers le travail des partis, des syndicats, des associations, une presse d’opinion diversifiée, ce travail de terrain, a été sapé par les télévisions en continu, les couvertures de Paris Match et les tweets ravageurs. L’image, instantanée et volatile, efface toute velléité de construction rationnelle.

Le diagnostic de la situation de nos pays occidentaux est certes difficile à conduire pour isoler, dans un arbre des causes foisonnant, les réponses opérationnelles à ce qui angoisse les citoyens. Chacun constate l’inexorable montée des températures, la fonte des glaciers de montagne comme de ceux des pôles. La communauté scientifique est convaincue, à travers les travaux publiés et précis de milliers de chercheurs, qu’il y a une cause sérieuse dans ces déréglements, l’émission en excès de C02 qui contribue à réchauffer l’atmosphère terrestre. L’accord de Paris à la suite de la COP 21 est maintenant signé et un ancien président se permet de dire qu’il ne croit pas à la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique. Quelle confiance accorder à ces responsables qui pour de sordides motifs court-termistes n’hésitent pas à compromettre la parole publique ?

Les exemples sont légion. Là où la vérité scientifique doit faire l’objet d’analyses trans-partisanes et de recherches de solutions consensuelles, les exigences de la lutte politique qui se confond avec l’ambition personnelle minent le discours rationnel. Il existe pourtant des véhicules politiques pour le faire, tant sur les sujets scientifiques que sur les domaines anthropologiques comme l’économie où les biais cognitifs abondent. Citons l‘Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, le Conseil Economique Social et Environnemental, l’Académie des sciences, l’INSEE… Les Think Tanks privés, eux aussi, publient des documents techniquement aboutis et basés sur des références auditables. Au-delà du contrôle des faits (« fact checking », pour être compris en France), qui constitue une étape indispensable, il faut que le débat public soit alimenté par des études indépendantes reconnues et relayées par les medias.  Les débats publics télévisés, qui attirent une audience respectable, devraient laisser une part importante aux avis d’experts en contrepoint de l’exposé par les candidats de leurs propositions. Il est en effet indispensable d’avoir une vue précise des problèmes avant de s’écharper sur les solutions. Par exemple, sur un sujet aussi complexe que la durée du travail, que soient publiées des études indépendantes sur l’effet sur l’emploi du retour aux 39 heures dans un monde ouvert, numérisé, où 12% de la population travaille dans des usines. Il en est de même sur les effets de la hausse de la TVA ou de la suppression de l’ISF. Marqueurs idéologiques, dit-on, ou mesures utiles et documentées ?

Il faut donc promouvoir le débat, non pas avec le seul personnel politique qui défend sa propre cause, mais avec des experts reconnus pour donner une analyse documentée. S’entendre sur les problèmes est déjà un premier pas constructif. Il sera toujours temps ensuite de dérouler les scénarios de solutions pour identifier les plus crédibles. Il faut que la sphère publique s’approprie les solutions qui fonctionne bien dans le monde informatique. Que les idées deviennent « open source », et ne soient plus marquées des labels de certification d’origine largement démonétisés que sont gauche ou droite, souverainiste ou mondialiste, libéral ou socialiste, qui divisent sans expliquer. Que les scénarios de résolution de problème ne s’appellent plus réforme, mais recherche, et obéissent à la logique efficace du « essayer et apprendre » (« test and learn »). Que les projets publics ne mettent pas des années à se concrétiser mais répondent aux règles du développement rapide et des boucles de rétroaction courtes.

Il faut admettre que la démocratie représentative devenue un cirque médiatique peuplé de bateleurs dont on n’attend même plus les derniers tours de magie ne permet plus ni de poser les problèmes, par peur, mensonge ou dissimulation. Ni de mettre en œuvre des solutions. Cette incapacité est devenue anxiogène dans beaucoup de pays. Il faut donc décaper le discours convenu pour s’attaquer aux racines de la méfiance et créer les conditions d’un débat sur le fond et non pas sur des recettes magiques. Il faut pour cela expliquer sans relâche, débattre sur le fond et forger des convictions non pas sur des superstitions mais sur des analyses. Concluons en empruntant au dernier texte de Condorcet, qui date de 1794,  sa vision du rôle de l’éducation sur l’exercice de la liberté et de la démocratie. Il est trop simple de considérer que le « peuple » n’a pas les moyens de comprendre la complexité de l’économie. Il faut donc développer les connaissances, non biaisées, pour tous. Car il n’y a pas de liberté et de démocratie, donc de progrès, sans éducation.

« L’égalité d’instruction que l’on peut espérer d’atteindre, mais qui doit suffire, est celle qui exclut toute dépendance, ou forcée, ou volontaire. Nous montrerons, dans l’état actuel des connaissances humaines, les moyens faciles de parvenir à ce but, même pour ceux qui ne peuvent donner à l’étude qu’un petit nombre de leurs premières années, et, dans le reste de leur vie, quelques heures de loisir. Nous ferons voir que par un choix heureux, et des connaissances elles-mêmes, et des méthodes de les enseigner, on peut instruire la masse entière d’un peuple de tout ce que chaque homme a besoin de savoir pour l’économie domestique, pour l’administration de ses affaires, pour le libre développement de son industrie et de ses facultés ; pour connaître ses droits, les défendre et les exercer ; pour être instruit de ses devoirs, pour pouvoir les bien remplir ; pour juger ses actions et celles des autres, d’après ses propres lumières, et n’être étranger à aucun des sentiments élevés ou délicats qui honorent la nature humaine ; pour ne point dépendre aveuglément de ceux à qui il est obligé de confier le soin de ses affaires ou l’exercice de ses droits, pour être en état de les choisir et de les surveiller, pour n’être plus la dupe de ces erreurs populaires qui tourmentent la vie de craintes superstitieuses et d’espérances chimériques ; pour se défendre contre les préjugés avec les seules forces de sa raison ; enfin, pour échapper aux prestiges du charlatanisme, qui tendrait des pièges à sa fortune, à sa santé, à la liberté de ses opinions et de sa conscience, sous prétexte de l’enrichir, de le guérir et de le sauver. « 

Condorcet « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain »  

http://www2.assemblee-nationale.fr/14/les-delegations-comite-et-office-parlementaire/office-parlementaire-d-evaluation-des-choix-scientifiques-et-technologiques/(block)/24975


Ombres sur les télécommunications ?

Le téléphone des années soixante, objet rare et cher, immortalisé par Fernand Raynaud dans son sketch sur le « 22 à Asnières » s’est définitivement estompé dans nos souvenirs. Téléphoner pour se parler n’est plus qu’un cas particulier dans le volume considérable des échanges.  Cette mutation s’est faite rapidement. La diffusion du téléphone fixe a été facilitée par le passage au numérique à partir des années soixante-dix et c’est la large adoption mondiale du standard d’origine européenne de téléphonie cellulaire numérique, GSM, adoptée en 1991, qui a favorisé le déploiement de la téléphonie mobile.

Mais c’est depuis le début des années 2000 que s’est produite une véritable explosion de la diffusion des télécommunications. Avec plus de 6,9 milliards d’abonnements au téléphone mobile recensés par l’Organisation internationale des télécommunications à la fin de 2013, contre 2,2 milliards en 2005, c’est un réseau couvrant la totalité de la planète en moins d’une décennie que l’industrie a réussi à édifier. Plus encore, 2,3 milliards de personnes utilisent déjà un service à haut débit, inexistant en... 2009. Chaque terrien a la possibilité d’exploiter aujourd’hui un téléphone mobile et 3 terriens sur 7 peuvent déjà accéder au web à travers cet outil mobile !

Données télécoms 2013

Simultanément sur la même période, le nombre des abonnements au téléphone fixe a baissé de 1,24 à 1,14 milliard. Cette industrie a généré en 2012  1540 milliards $ de chiffre d’affaire  mondial, dont 66% résultent de l’activité des pays  développés. Le marché des services de télécommunications est le plus important des marchés technologiques, dont il représente 43% du chiffre d’affaires, loin devant le matériel (19%).

Ces chiffres sont sans équivoque : les télécommunications, aujourd’hui mobiles, multimédia et mondiales, représentent un enjeu stratégique et économique considérable.  Après être passée de la voix aux données, du fixe au mobile, l’industrie  des télécommunications va à nouveau  connaître une nouvelle accélération à travers la généralisation de l’accès mobile au web et la connexion des objets aux réseaux internet. Poursuivre et financer l’innovation pour alimenter un monde avide de télécommunications, couche invisible mais vitale des services qui conditionnent désormais la vie quotidienne des milliards d’êtres humains, est le défi de l’industrie en ce début de millénaire.

Volume data

 

Cette révolution sans équivalent dans l’histoire de l’humanité par son amplitude sur une période si courte est d’abord le résultat d’une percée technique continue. Devenu numérique dans les années soixante-dix,  le téléphone a bénéficié des progrès des composants électroniques et des batteries  pour se miniaturiser, devenir mobile et se démocratiser. Naguère dominé par le finlandais Nokia qui avait le premier su exploiter la norme GSM à très grande échelle pour fournir des téléphones fiables et bon marché au monde entier, le marché a connu avec la sortie par Apple de l’iPhone en 2007 une rupture majeure : le « téléphone » ne sert plus qu’occasionnellement à téléphoner, au milieu de dizaines d’usages nouveaux inimaginables à sa sortie. Le « smartphone » s’est imposé en 2014 comme le support universel de la communication mobile et le monde entier s’arrache ces nouveaux terminaux, offrant une gamme très large de produits et de prix. Il devrait se vendre dans le monde 1,2 milliard de smartphones en 2014. L'arrivée massive des frabricants de smartphones chinois, comme Zopo, King Sing, Cubot, Meizu avec des appareils sous Android accessibles largement au-dessous de 100 $ révolutionne le marché mondial et favorise la pénétration d'outils sophistiqués d'accès au web.

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Smartphone chinois  ZopoThree-iphone-sizes-no-glare11
Nouvelle famille iPhone Apple

Toutefois ce succès n’est pas sans créer de nouveaux problèmes. Cette industrie a perdu son rythme de croissance spectaculaire en raison d’une baisse généralisée des prix. Les Etats-Unis et l’Europe connaissent une réduction de leur chiffre d’affaires global alors que la croissance mondiale est encore tirée par les pays émergents mais tend à se tasser. La progression des ventes de smartphones ralentit à 19 % en 2014 contre 39 % en 2013 et les perspectives des prochaines années marquent un tassement en volume comme en prix avec la diffusion de smartphone low cost.  Aussi rapidement qu’il s’est imposé, le smartphone va se banaliser.

 Il faut prendre conscience que la technique qui était le moteur du renouvellement rapide du marché a perdu son caractère déterminant. Le passage du GSM au GPRS puis à la 3G ont marqué un net changement perceptible par les utilisateurs dans la vitesse de transmission et donc le confort d’utilisation. La 4G pourtant prometteuse par ses performances  annoncées n’a pas eu cet effet sur le marché pour inciter les utilisateurs à migrer vers les derniers produits. Seuls 3,7 millions de personnes ont accès à la 4G en France en 2014. Les utilisateurs sont prudents dans leurs choix et cherchent à optimiser l’usage en fonction du coût réel. Conscients de l'augmentation de la part des marchés numériques dans leurs budgets, contraints, les uitlisateurs tendent à mieux maîtriser leurs acahts et leurs consommations. Les opérateurs, obligés d'investir pour enrichir leur offre de service, voient leurs revenus stagner et leur profitabilité décroître.

L’éducation rapide du marché est une caractéristique majeure de l’époque. C’est l’agrément d’usage et l’utilité perçue qui vont déclencher des changements comportementaux, et non pas simplement la promesse technique, phénomène observé dans la plupart des marchés grand public.

Il faut d’ailleurs souligner que la créativité des usages est sans limite. L’Afrique, avec plus de 650 millions de mobiles, est probablement le continent qui a démontré le plus d’inventivité dans l’usage du téléphone mobile. C’est en fait cet outil qui a induit le développement dans de nombreuses zones reculées, offrant à tous la  possibilité de se connecter pour suivre l’évolution de la météo, des cours des produits agricoles ou pour faciliter la surveillance sanitaire et les soins. C’est le téléphone mobile qui a compensé l’inexistence des circuits bancaires comme le démontre le succès du service M-Pesa au Kenya. 17 des 19 millions de Kényans disposent d’un compte dématérialisé qui assurent aujourd’hui 66% des transferts d’argent du pays contre 2% pour les banques. C’est la recharge du téléphone et l’alimentation des antennes qui ont conduit au développement de l’électricité photovoltaïque.  Loin d’être un objet secondaire, le téléphone est ainsi devenu un vecteur de progrès au service de la communauté. La substitution du smartphone au téléphone de base va amplifier ce mouvement pour générer de nouveaux usages.

L’omni connectivité des objets aux réseaux IP va également induire d’importants volumes de trafic concourant à l’alimentation des « données massives » ou Big data. L’Idate estime qu’en 2020 plus de 80 milliards d’objets connectés pourraient être en service sur la planète, mais si cette évaluation est imprécise car d’autres sources tablent sur 9 milliards en 2018, chacun s’entend sur la croissance considérable de ce marché. Les compteurs électriques, les capteurs de confort, les objets relatifs à la santé, les voitures connectées viendront rejoindre PC, tablettes, écrans divers et autres smartphones. Dans la rue, ce seront les infrastructures connectées, les lampadaires, les capteurs de trafic, et même les poubelles qui viendront alimenter le flux des  données publiques.

Mais le grand problème restera pour les opérateurs télécom celui de la monétarisation de ces informations. Beaucoup de modèles d’affaires liés à cette omniconnectivité sont encore inexistants ou bien fragiles. Qui voudra payer in fine ? Panne d’innovation, manque de séduction ? Les promesses lointaines de la 5G, encore plus rapide avec 1 Gbit/s, prévue pour 2020, ne permettent pas de penser que le marché suivra la technique si les usages pratiques ne sont pas identifiés. Plus de vitesse, plus d’applications ne suffisent pas à déclencher de nouvelles intentions d’achat. Car on peut déjà maintenant effectuer beaucoup de tâches avec un smartphone et l’inventivité réside plus dans les applications que dans les objets et les services de télécommunication. Les marchés de la santé, de l’éducation, du transport qui peuvent se développer autour de la mobilité et du haut débit sont certes attractifs en termes de promesses mais butent sur le modèle économique : qui doit payer pour ces nouveaux services ? La connexion de tous les objets de notre environnement familier est aussi un enjeu économique. Il faut inventer des usages pertinents pour que cette omni-connectivité stimule une demande solvable.

L’industrie est donc confrontée à un dilemme sérieux : continuer à innover et à investir pour des revenus commerciaux aléatoires ou exploiter les investissements actuels et renforcer le niveau de service pour retrouver une profitabilité dégradée ? L’innovation bute sur le principe de réalité. Le client a besoin d’absorber l’innovation avant d’être prêt à payer pour de nouveaux services. Il est évident que la loi de Moore déplacera les frontières du possible. Il reste à imaginer des services désirables pour rendre pratiques et concrètes ces promesses.


Le numérique a-t-il un effet déflationniste sur le marché des biens culturels ?

La transformation numérique de l’économie est un phénomène de fond  dont les conséquences sont considérables. Sur le plan macroéconomique on observe un massif déplacement de valeur des producteurs classiques vers les acteurs de l’économie numérique, fournisseurs de contenus, opérateurs de réseaux. Les acteurs de la chaîne numérique – notamment le GAFAL : Google, Apple, Facebook, Amazon et Linkedin - s’imposent comme les nouveaux maîtres de cette économie numérique perçue comme déstabilisatrice. Sur le plan micro-économique, le remplacement d’un produit physique par un service immatériel implique des conséquences multiples sur les chaînes de valeur. 

Le secteur des biens culturels,  terrain historique du développement de la numérisation, offre sur une période de plusieurs années un champ d’analyse économique passionnant car il est très documenté et permet de mesurer l’effet concret du processus de substitution de services immatériels aux biens physiques. Aujourd’hui il est prématuré de conclure par l’analyse de ces marchés sur la  cartographie des gagnants et des perdants en termes de revenus et d’emplois. Le numérique légal n’est encore que très minoritaire, l’impact majeur vient de la baisse de la demande et de la concurrence souterraine du marché illégale de la copie pirate.

La publication par GfK, 4e acteur mondial des études de marchés,  de ses dernières données d’analyse de marché pour l’année 2013 sur les biens culturels apporte  les données nécessaires, corroborées par les données des syndicats professionnels,  pour approfondir cet exercice d’analyse. Il est à noter que GfK a  développé une palette d’outils puissants pour cerner sur internet le comportement du « consommateur roi » à travers les multiples facettes de l’acte d’achat : buzz, sentiments, réputation, mots-clefs, canaux, gestion du temps. Internet, vecteur de la transformation numérique est naturellement le lieu d’observation fine des changements de comportement des consommateurs. A l’intérieur de la consommation culturelle elle-même contrainte par la stagnation du revenu disponible, la diversification de l’offre permet de nouveaux arbitrages entre la consommation physique et la consommation immatérielle. Car in fine c’est le consommateur qui décide en fonction de son intérêt économique et de sa satisfaction.

Une chaîne de production physique complexe

Un produit physique se caractérise par la multiplicité des acteurs et des processus indispensables pour rapprocher le producteur du consommateur final. La diffusion d’un livre papier, par exemple,  implique la mise ne place d’une chaine de production, de logistique et de distribution pour fabriquer,  transporter et stocker le produit physique issu du fichier numérique conçu par l’auteur. Un livre numérique est simplement la diffusion du même fichier numérique sur des réseaux de télécommunication pour être reconstitué chez l’utilisateur final dans sa forme initiale sur un support électronique. Le nombre d’opérations physiques est considérablement limité, de même que l’utilisation de matière (papier, encre, cartonnages, rayonnages…) et de services (transport, stockage, exposition à la vente). Des objets numériques sont indispensables pour retrouver le support initial et donc une part du coût de ces objets généralement polyvalent, sauf les liseuses, devrait être réaffectée au coût d’usage du support numérique. La simplification et la dématérialisation du processus éliminent des tâches intermédiaires qui engagent des ressources physiques  et des emplois. La disparition du réseau Virgin comme les difficultés des librairies Chapitre sont à ce titre des événements majeurs de l’année 2013.

Tentons de distinguer les effets prix et les effets volumes pour mesurer l’impact de cette dématérialisation.

Il faut établir une première constation : le physique et le numérique ne sont pas des univers étanches, ils sont complémentaires. Le budget moyen d’un acheteur de biens culturels dématérialisés est de 1,2 fois celui d’un consommateur de biens physiques. Mais 63% des acheteurs numériques ont aussi acheté un bien culturel physique dans le trimestre. L’offre de contenus s’est considérablement développée depuis la fin des années quatre-vingt-dix. La dématérialisation s’est accompagnée s’une diversification des capacités d’accès aux biens culturels et c’est la révolution de la mobilité, à travers smartphones et tablettes, qui a accéléré cette ouverture des choix.

Néanmoins ce marché, bien que terrain de multiples sollicitations qui s’élevait globalement à 8,8 milliards de chiffre d’affaires en 2004 n’a cessé de se dégrader en une décennie avec une chute prononcée depuis 2009. Ainsi 2013 avec 7,54 milliard de chiffre d’affaires est en baisse de 4% par rapport à une autre année faible, 2012, et 7,84 milliard €.  Notons que le marché des produits culturels est de taille proche de celui de biens physiques électroniques et électroménagers, qui s’est élevé à 8,8 milliards € en 2013. La numérisation des contenus  n’est toutefois qu’un composant ce marché par rapport à une évolution globale de la consommation et des revenus.

  Biens culturels

Source : GfK, février 2014*

Les lecteurs restent attachés au livre papier

Le marché du livre physique et numérique en France représente, en 2013,  356 millions d’unités en volume pour un chiffre d’affaires de 3,9 milliard €. Ces chiffres sont en baisse par rapport à 2012 de 2,8% pour le volume et 2,7% en valeur. Le livre numérique payant s’il affiche une croissance de 125 %… ne représente en volume que 5,17 millions, soit 1,45 % du marché total du livre et seulement 1,1% en valeur. Ces chiffres sont très en deçà du marché américain, ou britannique, où 20% des livres sont vendus au format numérique. De plus la progression estimée par GfK reste très modeste avec un lent passage de 44 millions CA en 2013 à 180 millions en 2017.  L’écart de prix public, les taux de TVA étant désormais alignés, entre un livre numérique est un livre physique est de l’ordre de 30% à 40 % mais le prix de revient du livre numérique est très inférieur. La marge de l’éditeur est donc supérieure pour un risque moindre car il n’y a pas de stocks. Pour l’éditeur, le passage au numérique représente un véritable avantage économique, mais le coupe de son réseau de distribution de grossistes et libraires.

Le marché du livre en France n’est donc que très faiblement impacté par le développement du support numérique et de la lecture sur PC, tablette ou liseuses, alors même que les Français n’ont aucun retard dans l’équipement de ces outils.

Musique et vidéo, une longue descente

Il n’en est pas de même pour la musique et la vidéo.

Le marché de la musique enregistrée est encore dominé par le support physique, CD, DVD ou même vinyle dont le renouveau, certes confidentiel (1,5 % du marché), est dynamique. 83 % du marché légal de la musique se réalise sur un support physique, les téléchargements ne représentant qu’un chiffre d’affaires de 119 millions € sur un marché global de 716 millions €. Mais le drame du marché de la musique enregistrée est son effondrement régulier : -5 % en 2013, -45 % en valeur depuis 2002.

En vidéo, les chiffres sont également très médiocres pour l’industrie qui n’a réalisé en 2013 que 1, 17 milliard de chiffre d’affaires global, physique et numérique, contre 1,44 en 2011, soit une chute de 17 % en valeur et de 19 % en volume,  et 1,36 en 2012. En 2004, la vidéo totalisait 1,958 milliard de ventes. Si la part de la vidéo téléchargée légalement augmente légèrement,  le chiffre d’affaires régresse autour de 250 millions €. L’innovation n’a pas plus dynamisé le marché de la vidéo avec Blu-Ray que du son avec le SACD, qui a sombré. Le marché Blu-Ray a baissé de 9 % en 2013 et ne représente que 20 % du revenu total. Bien évidemment, l’industrie attend beaucoup du nouveau format d’Ultra Haute définition, 4K, après avoir été très déçue de l’accueil médiocre par le consommateur de la 3D. C’est l’offre de films qui tire le marché, car ils représentent 55 % des ventes, mais les séries progressent très rapidement.

Le jeu vidéo très tonique

Le seul marché dynamique est celui du jeu vidéo. Il s’agit réellement d’une transformation des comportements, car le jeu vidéo est devenu un secteur de production à part entière. Avec 2,5 milliards de chiffre d’affaires, en ventes physiques et dématérialisées, ce marché écrase ceux de la musique et de la vidéo et devient le vrai relais de croissance de l’industrie du loisir numérique. Mais c’est aussi un marché où le hardware et les produits physiques dominent largement avec 82 % du chiffre d’affaires. La sortie d’un nouveau titre, comme GTA, est un événement qui génère en 2013 un chiffre d’affaires de 114 millions € pour près de 2 millions d’unités vendues, soir plus que le 1,6 million d’exemplaires d’Asterix chez les Pictes !

Si pour le livre papier, le numérique n’est pas aujourd’hui une menace tangible en France, l’effet déflationniste de la migration du physique vers l’immatériel n’est pas dû au marché légal de la musique et de la vidéo enregistrées mais au piratage. La gratuité obtenue illégalement est effectivement un phénomène massivement destructeur de valeur pour l’industrie, mais perçue par les utilisateurs comme un gain non répréhensible. Les difficultés d’Hadopi illustrent parfaitement ce refus de la sanction. D'après les études d'Hadopi 71% des consommateurs français de musique écoutent de la musique gratuite. Mais 17% des internautes écoutent régulièrement de la musique illégalement.

Le seul moyen de permettre à cette industrie de retrouver une croissance est donc de dynamiser l’offre légale de produits en ligne. Le streaming, par exemple, recueille 1,4 million d’utilisateurs. La France dispose avec Deezer et Qobuz d’acteurs compétents et attractifs. Il faut que les consommateurs en perçoivent l’intérêt à long terme en abandonnant la facilité d’une attitude illégale pour contribuer à la dynamisation d’un marché attractif et compétitif créateur de valeur et stimulant pour la création. 


Le choc numérique

Lancé en mars 2013, notre travaill collectif est entré dans sa phase finale, l'impression. Dans quelques jours, l'ouvrage va être mis en distribution par l'éditeur Nuvis sous forme papier et numérique. Toute l'équipe est heureuse d'avoir mené à bien ce projet collectif qui illustre pleinement notre propos : le numérique met en synergie les compétences et les efforts individuels pour un résultat supérieur à celui atteint par une personne seule. Bien entendu le collectif ne se décrète pas, c'est aussi le résultat d'une volonté et d'un effort particulier de se mettre au service du groupe en acceptant de négocier son point de vue afin de trouver systématiquement un consensus; nous expliquons cela dans le "making off" du livre. Que toute l'équipe enthousiaste des consultants de Sia Partners qui ont participé spontanément à cette aventure soit ici remerciée !

En attendant la parution voici, en avant-première,  la préface de Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué du MEDEF en charge, notamment, de l'économie numérique et l'introduction.

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Préface

Jamais l’espèce humaine n’a produit autant de traces de son quotidien, de ses actions, de ses modes de vie et de son intelligence en si peu de temps et à si grande échelle. Jamais elle n’a bâti de réseaux aussi gigantesques et ouverts, qu’elle ne le fait aujourd’hui grâce aux technologies de l’information et de la communication. Jamais elle n’a tiré autant parti de l’intelligence collective pour changer son environnement, son quotidien et pour transformer son futur.

Et pourtant, ce à quoi nous assistons aujourd’hui n’est qu’un commencement ! Nous sommes à l’aube de transformations qu’un seul individu est incapable de conceptualiser mais que chacun d’entre nous est d’ores et déjà en train d’amorcer. La force du numérique est une promesse que nous contribuons tous à construire, à titre individuel mais surtout de façon collective.

L’enjeu maintenant est d’être en capacité de tirer le meilleur de cet écosystème mouvant, itératif, évolutif, en s’en appropriant les règles du jeu, la logique et surtout en en définissant les objectifs. Tout semble désormais possible, le numérique nous affranchit des distances et du temps, il est un levier incontestable d’optimisation des actions et un accélérateur de la prise de décision. Mais il  impose en même temps, une veille, une vigilance et une responsabilisation des acteurs décuplées tant les effets produits sont puissants.

 

Pour l’entreprise, le défi est à la hauteur des promesses portées : promesses de performances, promesses de compétitivité, promesses de créativité et d’innovation renouvelées. Le saut qualitatif est renforcé par des conditions de coûts qui ne constituent plus une barrière à l’entrée. La PME et le grand groupe bénéficient des mêmes accès, des mêmes avantages, pour peu que la transformation des process et des modèles devienne leur priorité. Nous sommes passés dans un univers où les pesanteurs matérielles s’estompent par la montée en puissance de l’immatériel et sa souplesse d’appropriation.

Tout serait alors vraiment idyllique ?

L’avantage comparatif ira désormais au plus souple, au plus adaptable, à celui qui aura su capter les forces de la métamorphose des systèmes. Il ne faudra plus être le plus gros pour durer mais le plus agile, il ne faudra plus être le riche pour se doter des moyens les plus performants mais certainement le mieux informé, le plus initié. Parce que voilà, la clé du succès dans l’appréhension de ce changement majeur de paradigmes, se cache dans ces petits détails : l’information et sa maîtrise !

Ces deux notions sont en effet le corolaire de la performance des outils qui ont contribué à imposer les nouveaux modèles. Celui qui décode, rend intelligible, s’approprie, diffuse ou organise les flux d’informations produits par la « multitude » saura, à n’en pas douter, tirer son épingle du jeu. A l’inverse, ne pas s’en emparer condamne à quitter le jeu.

Aussi, l’entreprise quelle qu’elle soit, n’a plus le choix du numérique ! Elle n’a d’ailleurs même plus le temps de se poser la question. Tôt ou tard, l’ensemble de ses fonctions, son organisation elle-même, son management et les ressources humaines dont elle a besoin seront impactées par ces transformations.

Le défi aujourd’hui pour les entreprises de France est d’opérer au plus vite ce basculement inéluctable.

En tant que vice-Président délégué du MEDEF en charge de l’économie, de la fiscalité, de l’innovation et du numérique, j’aurai donc à cœur d’accompagner les entrepreneurs dans cette mutation des modèles. Parce que le « Choc numérique » fera résonner encore et pour longtemps ses répliques, nous devons tous nous mobiliser pour rendre cette mutation la plus opportune qu’il soit ! Il en va en effet, de l’intérêt de notre économie, de l’emploi et plus largement du rayonnement de la France dans le monde.

 Geoffroy Roux de Bézieux 

 

Introduction

« J’ai fini par comprendre que les grandes révolutions économiques de l’histoire se produisent quand de nouvelles technologies de communication convergent avec de nouveaux systèmes d’énergie »

Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle

 Ceci est une oeuvre collective. Passionnée. Imparfaite. Nous avons voulu rassembler nos connaissances, nos interrogations, enrichir notre culture naissante de cette ère de l’internet et du web. Tous acteurs d’un cabinet de conseil, engagés auprès de nos clients, nous souhaitons comme eux comprendre cette époque pour les aider à tirer parti des formidables opportunités qu’elle recèle, mais aussi à en déjouer les pièges et les risques. Nous ressentons aussi le devoir comme acteurs sociaux de contribuer à éclairer ce chemin nouveau et bien entendu incertain pour expliquer les faits, poser les problèmes, les expliquer et tenter de contribuer à les résoudre. Avec cette écriture à plusieurs mains, beaucoup de neurones et de travail, de longues discussions et échanges animés, nous avons aussi voulu écrire un ouvrage contemporain. Casser le mode traditionnel avec un livre qui puisse se lire facilement, permettant de rassembler les pièces de ce puzzle parfois complexe que représente l’émergence d’un nouveau cadre socio-technique. Essayer, à chaque instant, de dépasser les modes, dont on mesure la volatilité, comme la pensée toute faite, unique, aux conséquences aussi tranchantes que fragiles. Se poser plus de questions certainement, que les résoudre totalement, car ce monde se créée chaque jour et bien ambitieux celui qui pourra prétendre en dessiner les contours à dix ou vingt ans. C’est un essai. C’est-à-dire une réflexion inachevée, avec  des impasses assumées, qui se poursuivra sous forme d’un site web collaboratif, ouvert aux réflexions de chacun. Nous avons tenté de ne pas refaire ce qui a déjà été fait cent fois en assénant des convictions définitives sur le monde numérique ou en poussant des solutions marchandes du moment. Chaque chapitre éclaire des thématiques indépendantes, des questionnements forts sur le « comment faire ? », étayés par de nombreux exemples. Chaque entrée peut être abordée indépendamment et permet de comprendre le sujet de façon holographique à partir de plusieurs angles.

Nous sommes partis d’un constat simple : beaucoup de gens se posent des questions sans réponse sur cette époque déconcertante. Nous pensons que l’irruption dans nos vies de travailleur, de consommateur, d’épargnant, de citoyen, de parent de cette avalanche de données et d’outils numériques rebat totalement les cartes. En nous adressant aux chefs d’entreprise comme aux décideurs politiques qui sont par leur position actuelle les acteurs majeurs de cette transformation, nous leur disons aussi que leur responsabilité n’est pas seulement économique et politique, mais aussi sociétale. La transformation ne viendra plus seulement comme par le passé des seuls décideurs, mais sera aussi entraînée par de puissants courants décentralisés. Mais il appartient aux responsables politiques de préparer cette société nouvelle en avancant sur deux éléments du socle sociétal : l’éducation et la sécurité.

 Nous disons à tous ceux qui pensent que le développement de nouveaux objets et programmes numériques suffit à transformer le monde que la technologie seule ne fait rien, mais que le changement suppose la révolution des usages, et donc l’adhésion et la compréhension de tous. Un système n’a ni centre ni périphérie. Tout y est important et suppose engagement et conscience.

 Nous vivons une rupture dans l’histoire qui ouvre les portes d’un monde nouveau, attirant et inquiétant à la fois. Mais n’en était-il pas de même lorsque le livre, tous les livres, et surtout ceux qui n’étaient ni attendus ni autorisés, se sont répandus dans l’Europe du XVe siècle ? Aujourd’hui, c’est la planète tout entière qui est entraînée à grande vitesse dans ce monde de l’information et de la connaissance en temps réel. Sans frein, sans chef de projet, sans régulateur...

 

 

 


L'open data, arme naturelle de la transparence

Le débat sur le patrimoine des ministres met en lumière une des grandes difficultés de la démocratie française qui est de parler librement de l’argent.  Ce vieux tabou n’est plus compatible avec une des tendances les plus profondes de la société numérique, la libre circulation de l’information comme base du débat et de la décision. L’ère de l’internet et du web changent radicalement le mode de production et de distribution de l’information et imposent à tous une rigueur nouvelle dans le « rendre compte ». Cette transformation est puissante, perturbante et remet en cause beaucoup de pratiques qui sont dans notre pays héritées d’une culture du secret  qui est au fil du temps devenue une des grandes sources des blocages de la société française.

La classe politique n’a pas l’habitude de rendre des comptes

L’analyse de cette poussée fondamentale du désir de transparence ne se limite pas à la seule sphère de l’action publique. Elle y est encore plus légitime car il s’agit de l’argent public confié par le peuple souverain à ses représentants pour en faire le meilleur usage. Le droit de lever l’impôt dans la clarté est un des fondements du pouvoir démocratique et a été à l’origine de toutes les révolutions contre l'absolutisme royal. La Magna Carta de 1214 en est la source historique. Face à l’absolutisme royal le contrôle de la dépense et donc la légitimité des prélèvements obligatoires - le consentement à l'impôt - constituent la base existentielle du rôle du parlement. Que l’on attende des parlementaires à leur tour la plus grande transparence sur leurs revenus pour éviter toute suspicion à leur égard est un des fondements sacrés de la démocratie. Ce principe s’étend naturellement à tous ceux qui exercent une autorité publique. Il est curieux, dès lors, d’entendre parler de déballage ou de voyeurisme quand il ne s’agit que d’exercer un contrôle démocratique sur les représentants du peuple dans l’exercice de leur mission.  Il est en effet piquant de constater que deux ministres du budget, de deux appartenances politiques distinctes, ont pu être en quelques années suspectés de manque de probité et de transparence…

Il n’en reste pas moins vrai que même désirée ou controversée, cette information ne signifie… rien ! Il n’y a aucun lien naturel entre un niveau de patrimoine, fruit de l’histoire personnelle et familiale, et une aptitude quelconque à participer à la direction des affaires publiques. Un état de fortune, concept tout à fait relatif puisque selon la plupart des perceptions traduites par les enquêtes  est riche celui qui dispose de 50% de plus que soi, ne traduit ni le talent qu’un habile gestionnaire privé pourra transférer dans la sphère publique, ni une inquiétante  prodigalité. Le temps est révolu où la gestion en bon père de famille, à laquelle se référait le suffrage censitaire, apparaissait comme une garantie publique. En ces temps de divorces tempétueux, de paradis fiscaux, de spéculation, mais aussi de chômage, de carrière indécise, être riche ou pauvre, trop riche ou trop pauvre,  ne prouve rien. Au mieux, peut-on contrôler, en début et fin de mandat,  que l’exercice de la responsabilité publique ne génère pas un enrichissement personnel. Le seul mérite de cet exercice est de démystifier le tabou de  l’argent. Au fond savoir ce que chacun gagne, au-delà du décryptage hasardeux des signes de richesse, libère d’une interrogation et permet surtout de passer à autre chose. Après quelques jours de commentaires médiatiques, cette affaire ne suscitera plus d’intérêt majeur.

La vraie question est en effet ailleurs : quelles sont les qualités nécessaires pour  diriger un pays, une commune, une région, et, peut-on ajouter, une entreprise, dans un contexte socio-économique instable ? Il n’y a aucun réponse simple, sinon que les hommes apparemment les plus vertueux et qualifiés n’ont jamais vraiment réussi dans l’exercice du pouvoir. Pierre Mendes-France, qui en est un peu le symbole, n’est resté que 232 jours au pouvoir et laisse une trace d’intégrité et de compétence que peut-être une année supplémentaire aurait définitivement ternie… Jacques Delors, prudent et sage, a renoncé à la tentation présidentielle. Seule la rotation dans l’exercice du pouvoir assure une garantie contre les abus d’intérêt personnel et surtout d’exercice de l’incompétence qui est au fond la plus grand menace que font peser les quelques 500000 élus français sur le pays. Seule la diversité des expériences et des expertises peut offrir à un pays un corps de représentants aguerris capable de transposer pour partie dans l’exercice public une fraction de leurs talents car il ne s’agit au mieux que de présomption tant l’exercice du pouvoir est complexe dans un contexte général « d’impuissance démocratique ».

Ceci implique une vraie « démocratisation » de l’exercice du pouvoir qui ne peut plus être confié à une classe politique qui en a  abusivement fait un métier. Le seul vrai métier de gestionnaire est celui des fonctionnaires qui proposent et exécutent en fonction des règles techniques et du droit. Le responsable politique décide en fonction de sa conception de l’intérêt général. Sa légitimité provient du suffrage universel et est contrôlée politiquement par le corps électoral comme encadrée par le droit. Le retour espéré à plus de rigueur dans l’exercice du pouvoir ne passe pas seulement par la transparence, mais surtout par la démocratisation du processus de prise de décision. Le non-cumul des mandats, leur non-prolongement abusif dans le temps, associés au recours beaucoup plus large au référendum d’initiative populaire sont les outils classiques de la transparence. Mais on peut aussi explorer des voies nouvelles, comme par exemple le recours au tirage au sort pour une partie des élus locaux.

Mais c’est un partage général de l’information – qualifiée, certifiée, documentée – qui doit assurer la base fondamentale du débat démocratique prélude à la prise de décision motivée.

Une transparence élargie à la vie quotidienne

Mais le désir de transparence ne se limite pas à la sphère publique. Chacun d’entre nous dans ses différentes facettes - collaborateur, consommateur, voyageur, patient, lecteur, auditeur, téléspectateur… - souhaite désormais s’assurer que les informations qui lui sont transmises soient « libres et non faussées ». On a érigé la concurrence en dogme absolu de l’efficacité collective en négligeant que la concurrence sans information peut conduire à tous les excès du « renard libre dans le poulailler libre ».

 Cet appétit est d’autant plus légitime que les cas de manipulation de l’information sont légion, le mensonge et la dissimulation étant un des vecteurs majeurs de l’exercice de l’autorité de la connaissance dans une relation dissymétrique entre celui qui sait et qui recherche un avantage grâce à l’information qu’il détient et celui qui subit sans avoir les moyens de contrôler. L’histoire du Mediator ou de la viande de cheval ne sont que des exemples marquants par leur actualité. Le refus récent de l’industrie agro-alimentaire européenne de mettre en place un marquage simple (rouge, jaune, vert) des risques associés à la consommation abusive de ses produits traduit la résilience de la culture de l’information dissymétrique, dont on peut toujours suspecter qu’elle cache de noirs desseins. Dans un passé plus lointain les manipulations prouvées de l’information par l’industrie du tabac ou de l’amiante ont montré que sciemment des industries ont truqué et acheté l’information pour cacher un désastre sanitaire. Il est encore plus grave de cacher des informations vitales pour des millions de consommateurs que de dissimuler des revenus individuels…

Or le débat démocratique peut aujourd’hui s’appuyer sur la technologie. L'open data » ou, en français, les le libre accès aux données publiques, a pour but de rééquilibrer l’accès à l’information. Il s’agit bien en effet de rendre publiques toutes les données économiques, statistiques, scientifiques pour permettre à la société dans son ensemble de comprendre les enjeux. Ces données publiées sont analysées et mises en forme lisibles par le plus grand nombre afin de fournir une information exploitable dont chacun tire les enseignements et pratiques qu’il décide d’adopter en toute lucidité. Elle rend possible la détection de phénomènes cachés et permet la prévention, que ce soit en matière de santé publique, de risques naturels, d’environnement ou plus prosaïquement de dysfonctionnements dans la vie quotidienne comme le transport. Ainsi les pays scandinaves tirent un avantage majeur de leur connaissance approfondie et publique de leur population.

L’accès à ces données permet à des entrepreneurs d‘imaginer des services nouveaux pour faciliter l’exercice de cette liberté de choix que la technologie rend désormais possible.

Mais d’ores et déjà les consommateurs ont bien compris toute l’importance de cette mutation. La plupart des actes d’achat majeurs sont aujourd’hui préparés en concaténant de l’information sur le web. Cette émergence du consommateur expert est un défi pour la distribution et les industriels, mais aussi une formidable opportunité de travailler avec les consommateurs dans une relation de confiance mutuelle. Il en est de même en médecine où les praticiens ont intérêt au dialogue avec des personnes lucides seules gestionnaires  de leur capital-santé. Expliquer les faits de façon pédagogique ne peut que renforcer l’efficacité comme la dignité collectives.

Chaque acteur dans la chaîne de valeur a intérêt à partager une information authentique pour élever le niveau de conscience et de compétence. Les résistances initiales ne peuvent que se dissoudre face à cette poussée inéluctable qui va dans le sens du bien commun, dont aucune catégorie sociale ne peut se prévaloir avec exclusive.


Apple, la magie "désenchantée" ?

Dans la vie politique comme en affaires, dans ce monde où tout évènement est immédiatement amplifié, il est évident que le moindre faux pas est interprété comme marquant l’apogée d’une aventure et l’irrémédiable annonce de lendemains plus difficiles… Quand on a tout réussi depuis dix ans comme Apple, quand on affiche la plus grande capitalisation boursière du monde, malgré une sévère correction cet automne, le moindre grain de sable est porteur de lourdes menaces… Qu’en est-il vraiment ? Peut-on vraiment parler d’Apple avec lucidité, enfin ?

 

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Les chiffres d’Apple, trimestre après trimestre, sont exceptionnels… Avec 36 milliards $ de chiffre d’affaires à son dernier trimestre fiscal, les chiffres sont pulvérisés. Jamais une entreprise n’aura marqué son temps par une réussite aussi brillante. Apple est entrée dans la légende sous l’impulsion d’un homme tyrannique et charismatique qui a su rendre indispensable ce qui était inutile. La mort de Steve Jobs marque dans tous les cas la fin d’une époque, celle où tout objet portait son empreinte avec un soin maniaque. Il n’est pas sûr que Tim Cooks  soit plus « normal » que Steve Jobs, mais il n’a pas encore établi sa légende… Jobs n’est pas encore vraiment  remplacé !

Alors que tout s’inscrit au superlatif chez Apple depuis des années, dans une emphase communicative entre afficionados zélés, il a suffi  que la dernière mouture du système d’exploitation mobile iOS 6 embarque un système cartographique médiocre, anti-Google, pour que toute la communauté hurle au déclin, et pire, à la faute de goût que Steve n’aurait jamais tolérée. Cet épisode a ouvert un processus critique inhabituel envers Apple dont on sait qu’elle n’a pas de clients, mais des fans… Alors quand les fans sont déçus, le ver est dans la pomme.

Déçus de quoi ?  En premier lieu, l’iPhone 5 n’a pas surpris… Attendu depuis longtemps, cette nouvelle déclinaison de l’iPhone avait déjà manqué  de charisme dans sa livrée 4S. La version 5 est un succès technique et esthétique indéniable et fonctionne, seulement, à merveille…  Mais la magie n’est pas au rendez-vous. Il reste à attendre les chiffres de vente.

L’iPad avait bluffé tout le monde et séduit en deux ans plus de cent millions de consommateurs, et plus encore établi un standard pour un produit dont personne ne ressentait le besoin, accueilli avec dédain par tous les conservateurs. Depuis le monde des PC n’est plus le même et doit se repenser pour ressembler à une tablette. Deux ans plus tard, l’iPad Retina n’est pas vraiment  mieux que l’original en dehors, et ce n’est pas secondaire,  d’un écran spectaculaire et d’une vitesse encore plus rapide… et tout le monde crie au scandale.

De nouveaux fronts s’ouvrent dans la critique anti-Apple.  D’une part les conditions de production de ces appareils en Chine chez Foxconn commencent à attirer sérieusement les critiques. Par ailleurs, partout, les employés des Apple Store protestent contre des conditions de rémunération et de travail  très moyennes. Apple n’est donc pas un employeur modèle ni chez lui ni chez ses fournisseurs. Plus grave, Apple  apparaît même comme une entreprise  hautaine, peu soucieuse des conséquences sociales et environnementales  de son immense richesse.

D’autre part Apple a toujours réussi à vendre ses machines au design et à l’attrait sans équivalent à un prix élevé, comme BMW ou Audi. Seulement Apple n’est plus seul. Le marché des smartphones qu’il a ouvert est aujourd’hui peuplé d’une myriade de produits, comme commence à l’être celui des tablettes. Au premier rang de la meute des poursuivants se distingue Samsung, qui commence à faire preuve d’originalité en apportant des fonctionnalités qu’Apple ne propose pas. Et ces poursuivants exploitent pour la plupart un système d’exploitation partagé, Android, qui devient une plate-forme attractive. Microsoft engage un tournant majeur de son histoire en proposant un système d’exploitation couvrant toute la palette des outils, du PC au téléphone, et pourrait séduire les entreprises grâce à la comptabilité de Windows 8 avec les solutions d’entreprise. Aussi l’innovation n’est plus seulement chez Apple,

Comment appelle peut répondre à ces menaces ?

Il faut à nouveau faire rêver en redevenant un outsider sympathique. Même si ses machines gardent une touche incomparable, elles doivent continuer à apporter un peu de magie. Ceci passe par des produits mais aussi par une attitude.

L’iPad mini, inattendu, est une première manifestation d’un esprit combatif. C’est un produit surprenant par sa qualité dans ce format. Le nouvel iMac par une esthétique bluffante apporte à l’ordinateur de bureau une nouvelle jeunesse.  Mais il faut ouvrir d’autres champs capables de générer de la surprise… et des clients. On parle beaucoup d’une télévision Apple, alors que ce marché souffre gravement d’une perte violente de revenus qui a mis ko les grands électroniciens japonais, Sharp, Panasonic et Sony au profit des coréens LG et… Samsung. La nouveauté ne viendrait pas seulement de l’écran, qui sont déjà exceptionnels chez ces grands experts de la télévision, mais du logiciel, pour faire du téléviseur l’écran pivot de la distraction familiale, image, son, shopping, jeux. Le pari n’est pas gagné car des solutions attractives existent déjà.

Il y a encore beaucoup de choses à faire pour rendre cet assistant permanent qu’est devenu le smartphone encore plus agréable et efficace. Plus petit, plus léger, plus flexible, le smartphone a surtout besoin désormais de vitesse de transmission. La 4G s’impose. Il doit aussi pouvoir remplacer d’autres objets familiers. Cette bataille de la poche se joue entre le smartphone – il s’en vendra un milliard dans le monde en 2013 – et la carte de crédit.  Les puces NFC vont permettre de disposer d’un moyen de paiement universel… mais il faut que tout le monde s’y mette. Est-ce qu’Apple peut inventer quelque chose de spectaculaire pour faire bouger les lignes dans le monde des moyens de paiement comme il l’a fait avec celui de la musique avec iPod et iTunes ?

Devenir sympathique passe par une reconquête d’image. Apple doit (re)devenir proche des gens. C’est pourquoi l’annonce de la production d’iMac aux Etats-Unis, même avec seulement quelques centaines d'emplois, s’inscrit dans une logique de proximité… plus marquante certainement que l’attribution de tickets restaurant aux salariés des Apple stores français. Une incursion dans le domaine encore balbutiant et fragmenté de la  e-santé aurait  un impact  très favorable, Apple peut se révéler précurseur.

Innovation et empathie sont des valeurs chaudes. Apple a les moyens de les décliner avec le talent qui lui est reconnu et son trésor de guerre d’une centaine de milliards de dollars. Ces critiques frémissantes peuvent se révéler un bien utile aiguillon pour contrer les ambitions de Samsung et de Google.

 

 


La révolution numérique, grande absente de la campagne électorale présidentielle

Il est bien difficile dans la bruit de la campagne électorale de discerner la place attribuée par les candidats à la science et à la technique. Tout se passe comme si la parole seule, de préférence incantatoire, péremptoire, réductrice, puis quelques promesses de textes législatifs, pouvaient suffire à imprimer à notre pays une nouvelle dynamique de croissance.  Les tribuns n'ont plus de remède miracle à proposer au pays et c'est une bonne nouvelle qui incite au réalisme. Mais on pourrait attendre des candidats au rôle le plus structurant de la politique française à  ce qu'ils exploitent leurs talents pour réveler les potentiels de transformation de la société et orienter résolument les acteurs vers les investissements, les comportements et les compétences les mieux adaptées au XXIe siècle naissant. Pour le moment, on ne voit pas vraiment émerger ce souffle créatif, remplacé, pour la plupart, par un désolant sens de l'invective...

Or il est clair que les solutions du passé sont totalement inadaptées à la complexité des problèmes que nous devons collectivement résoudre. Il faut se projeter dans le futur et rechercher dans l'analyse des transformations récentes de la planète, et dans les potentiels que proposent les recherches scientifiques et techniques, de nouvelles solutions.

Il faudrait donc que nos "leaders", comme notre "élite", acceptent de reconsidérer leur vision du monde. Il en est ainsi dans la plupart des questions évoquées dans la campagne, pression fiscale, réindustrialisation, revenus de solidarité, "valeur travail", sécurité, santé, exercice de la souveraineté populaire... Ce n'est pas parce que ces questions sont récurrentes qu'il faut les traiter avec les outils du XXe siècle qui ont démontré leurs limites.

En effet, beaucoup de choses ont changé sur notre petit vaisseau spatial Gaia, avec ses sept milliards de passagers qui ont maintenant presque tous un téléphone mobile et pour un tiers d'entre eux accès au web ! La compétition économique mondiale est entrée avec le web dans une phase nouvelle.  Ce ne sont plus les facteurs matériels qui vont permettre aux entreprises et aux nations de se différencier, mais leur capacité à gérer données et information pour les transformer en connaissances. L’agrégation continue, créative et impertinente, de ces composants permet de construire un flux permanent d’intelligence compétitive qui constitue désormais le vecteur majeur de la performance.

Ce passage massif de l’économie du XXIe siècle de la main-d’œuvre au « cerveau-d’œuvre » constitue une chance unique pour la France. Il ne s’agit plus en  effet uniquement de réduire les coûts des fonctions opérationnelles classiques de l’entreprise et le l’Etat, mais d’imaginer des produits et services nouveaux pour répondre aux besoins profonds de la société, résoudre les défis de l’éducation, du vieillissement, de la raréfaction des ressources et du réchauffement climatique. Il s’agit d’ouvrir les voies de nouveaux modèles économiques et politiques du XXIe siècle.

 

Parmi les axes clefs de la transformation numérique, trois légitiment une attention particulière :

- La compétitivité des entreprises françaises et la contribution du numérique à la réindustrialisation

- L’exploitation des potentiels numériques dans une stratégie de croissance décarbonnée respectueuse de l’environnement

- Le développement  de la démocratie numérique

 

La nouvelle donne compétititive qui bouleverse les avantages acquis

Il faut rappeler que le moteur  des technologies de l'information est tellement puissant que les performances doublent tous les dix-huit mois à prix constant. Ceci facilite l’interface homme/machine, abaissant sans cesse la barrière de l’accès technique qui se banalise. L’accès à la technologie se diffuse dans toutes les couches de la société, permettant des usages inimaginables il y a encore 15 ans.

Il y a aujourd’hui 62 millions d’abonnés au téléphone portable en France, 5 milliards dans le monde ! Il y a plus de 2,2 milliards d’accédants à internet, dont plus du quart à travers un objet mobile. Cette démocratisation, technique et économique, conduit au développement d’une immense capacité non seulement de « réception » de message, comme ce fut le cas avec la presse écrite, la radio et la télévision mais « d‘émission » ce qui inverse le flux historique de diffusion de l’information et de la connaissance des « sachants » vers la population. Parce que la technique autorise une vraie démocratisation, on peut désormais concevoir, écrire, diffuser textes, images, vidéos documents multimédia avec des moyens financiers très limités et un bagage technique minimal. On peut échanger entre pairs, construire de nouveaux vecteurs d’opinion et faire naître des idées neuves.

Nous avons construit pour la simple année 2010 cent fois le volume d’informations créées depuis l’origine de la civilisation.  Nous ne sommes qu’au début d’une aventure humaine exceptionnelle où la mise en connexion par le web de milliards d’êtres humains constitue une expérience cognitive sans aucun équivalent dans notre histoire. Nous sommes sortis d’une vision linéaire, prédictive du progrès de connaissances pour entrer dans un modèle à la fois systémique et exponentiel, où chaque discipline se nourrit et alimente les progrès des autres disciplines. De cette croissance sans limite  vont émerger des produits et services aujourd’hui simplement inimaginables. 50% des produits et services que nous utiliserons couramment en 2020 n’existent pas aujourd’hui.

La  capture de données, la recherche d’informations et l’élaboration de connaissances constituent les fondements d’un nouveau cycle économique impliquant nouveaux acteurs, nouvelles disciplines, nouveaux modes de gestion et de management.

C'est là où se joue vraiment l'avenir des entreprises : concevoir et mettre sur le marché des produits innovants, attractifs, en ligne avec les besoins des clients  est la vraie -et seule- finalité des entreprises. Le faire en disposant d'un moyen ultra efficace pour rapprocher des informations structurées issues du système d'information interne, et les informations non structurées internes comme externes, donne une efficacité accrue au système de conception, qui bénéficie d'une nouvelle qualité d'exploitation du stock d'informations et de connaissances, souvent dormant. Il s’agit non seulement de gérer des données structurées, mais surtout non structurées, dont des images 3D. Veille technologique, analyses concurrentielles, suivi en temps réel du cycle de vie des produits, analyses fines de la réaction des clients sont les nouveaux outils de la performance. Ce qui naguère fut un exercice souvent négligé, la gestion et l’archivage des données numériques devient désormais un outil incontournable d'efficacité dans tous les métiers.

Le numérique au service de l’industrie française

La France, par la qualité de son enseignement, par la persistance d’une industrie numérique qui a su résister dans les applications professionnelles, même si elle a quasi disparu dans les applications grand public, par l’existence d’une génération d’entrepreneurs numériques audacieux, par une infrastructure numérique de qualité  peut retrouver une dynamique de croissance économique alimentée par un usage pertinent du potentiel numérique dans l’entreprise.

 Produire dans l’ère numérique c’est bien évidemment s’adapter en temps réel à la  demande par une analyse continue de l’évolution de la demande finale, des stocks et des encours de production. Le cycle de conception, production, distribution est désormais ramassé dans le temps ce qui offre de nouvelles perspectives de réindustrialisation des territoires. Cet exercice est sous-tendu par la capacité de gérer les approvisionnements en flux tendu grâce à une logistique précise. Passer de la conception numérique à la maquette numérique puis au  process numérique devient naturel grâce aux outils de PLM (« product life management ») qui permettent de rassembler dans un référentiel unique l’ensemble des informations nécessaires à la conception, à l’évolution et à la production. Selon Dassault pour son Falcon 7X la conception entièrement numérique  a permis des gains considérables dans les phases d'industrialisation et de production : élimination des retouches et problèmes de fabrication, qualité maximale atteinte dès le premier appareil, temps d'assemblage divisé par deux, outillage de production réduit de plus de 50%. Ainsi, l’avantage lié au coût de la main-d’œuvre disparaît si les gains obtenus par la vitesse de conception et de déploiement des produits, la réduction des stocks et la limitation des coûts logistiques.

Cette logique s’applique également aux produits dont toute la chaîne de conception est numérique, qu’ils adoptent une forme matérielle (le journal papier) ou immatérielle (l’image du même journal sur internet). Cette continuité protéiforme qui conduit d’ailleurs à remettre en cause l’opposition duale matériel/immatériel s’applique à de nombreux produits comme par exemple un prêt bancaire ou un voyage où la chaîne de conception et de décision purement numérique s’incarne dans une réalité physique. Ces outils permettent un gain de temps et d’efficacité considérables par rapport aux circuits fragmentés de décision. Leur mise en œuvre est de plus en plus simple et accessible, même aux petites entreprises.

Longtemps handicapées par une moindre propension que leurs compétiteurs à maîtriser l’exportation lointaine, les PME françaises ont en mains avec le commerce électronique sur le web un outil surpuissant qui leur permet de rivaliser sans complexe. Avec 37,7 milliards d'euros de ventes pour le e-commerce en 2011, le chiffre d'affaires du secteur est en hausse de 22% par rapport à 2010. Sur un an, les acteurs du commerce en ligne ont gagné 3 millions de clients et le e-commerce concerne directement 30 millions de français. Cette pratique crée une nouvelle norme de comportement du consommateur, désormais informé et documenté et sensible  à la concurrence et à la qualité du service, qui induit de nouveaux comportements dans le commerce traditionnelle.

Les prémices d’une nouvelle économie respectueuse des ressources naturelles

Les succès de l’espèce humaine dans l’exploitation de l’énergie conduisent aujourd’hui à une impasse. Les alarmes s’allument sur tous les fronts : réchauffement climatique, pénurie d’eau douce, surexploitation des ressources halieutiques comme des sols, encombrement urbain, empoisonnement chimique, épuisement programmé des sources d’énergie fossile. Le rêve prométhéen de la maîtrise de forces de la nature s’est bien réalisé, mais les outils de notre compréhension du monde se sont révélés moins efficaces. En optimisant chaque levier de performance technique et industrielle sans prendre conscience des interactions, nous avons été trop loin dans notre ambition. Les signaux contradictoires sur les causes ne conduisent plus à sous-estimer l’étendue des conséquences. Nous ne savons pas tout, mais nous constatons les  effets de dérèglements qui commencent à nous dépasser.

Or le progrès ce n’est pas seulement la force musculaire amplifiée par les machines. Ce n’est pas la puissance  brute. C’est aussi la capacité à représenter le monde pour en assurer la pérennité à très long terme. Depuis le siècle des Lumières nous avons certes progressé, mais de façon encore éclatée, fragile, dispersée entre les disciplines, les techniques, les chapelles. L’émergence d’un outil mondial unique, fédérateur de savoir, peut changer la donne. Internet et le web nous apportent des moyens de compréhension et d’interaction sans aucune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’alors. Au moment où les menaces physiques s’accumulent sur notre futur, nous avons forgé un outil qui peut justement créer les conditions d’une prise de conscience planétaire de la fragilité de notre environnement. Cette conscience partagée par des milliards d’êtres humains peut déclencher les réactions rendues indispensables par notre vulnérabilité actuelle.

Rechercher des solutions nouvelles dans une gestion parcimonieuse de l’énergie, et de façon plus générale des ressources naturelles, changer nos comportements pour plus de frugalité sans perdre le plaisir, ne sont plus simplement des postures  dites « écologiques », privilèges d’une poignée de nantis, mais aujourd’hui un angle indispensable d’approche de la complexité systémique de notre environnement. Pour que le bénéfice des siècles de progrès industriel ne soient pas compromis pour ceux qui en bénéficient, et interdit à ceux qui y aspirent, il est clair qu’une réaction collective s’impose pour pratiquer, à tous les niveaux, l’efficience plus que l’efficacité. C’est parce que le coût d’acquisition du progrès s’est révélé beaucoup trop élevé en consommation de ressources non renouvelables et en déséconomies externes que le gain net obtenu paraît aujourd’hui, avec le recul, trop faible.

Face au retour en force des questions énergétiques alimenté par les tensions durables sur la demande et les conséquences de l’abus d’énergie carbonée, la compréhension des enjeux par le public devient un impératif sociétal. Le débat sur l'énergie nucélaire face aux énergies renouvelables ne doit pas se cantonner à des schémas sommaires. Car l’énergie reste mal comprise, mal expliquée, mal pilotée par des acteurs qui ne disposent pas d’une responsabilité globale. Il faut changer de modèle et la maîtrise des informations, à travers le réseau internet et les capteurs intelligents constituent une solution très prometteuse.

L’énergie redevient donc problème politique qui doit conduire à piloter la qualité et continuité du service, garantir l’interopérabilité des systèmes et des sources, donner de la transparence aux prix. La capacité à gérer de façon décentralisée et efficiente la production et la consommation de toutes les sources d’énergie, au plus près des capacités et des besoins,  est l’ambition des réseaux intelligents, qui intègrent les producteurs et les consommateurs pour optimiser en temps réel la production et la demande. L’usage de moyens de transport plus efficients, dont le véhicule électrique, la gestion des circulations sont favorisés directement par l’exploitation en temps réel de toutes les informations sur les flux de circulation et d’échanges, aussi bien pour les personnes que pour les produits. L’énergie devient pour le chef d’entreprise un facteur majeur de compétitivité qui s’intégre dans sa stratégie numérique.

La recherche de l’efficience devrait donc être la nouvelle règle économique du XXIe siècle. Pour cela nous devons développer, échanger et mettre en œuvre de nouveaux savoirs, irriguant  tous les acteurs à travers ce vecteur universel qu’est le web. Energie et information se confondent dans une nouvelle synthèse qui caractérise le XXIe siècle. Le temps est compté pour construire cette nouvelle dynamique salvatrice.

Une voie révolutionnaire où la France peut s’illustrer par son audace créatrice

La numérisation ne consiste plus à plaquer des solutions nouvelles sur des situations anciennes, mais à repenser l’ensemble du cycle de vie des produits à partir des processus numériques. Concevoir des systèmes synchronisés en temps réel, partager l’intelligence à chaque étape et à chaque niveau hiérarchique pour construire des systèmes intégrés et reconfigurables n’est pas un exercice facile dans un monde profondément marqué par le taylorisme et la pensée managériale classique, héritière de Fayol. Si l’efficience est incrémentale, l’innovation se nourrit de ruptures, et donc de prise de risque. Cette réflexion doit redonner à tous les acteurs, internes et externes, une responsabilité réelle sur la production et la livraison des services et le contact client. Pour cela, le management nouveau doit s’appuyer sur la compétence de chacun dans une logique de confiance dans le cadre d’une cohérence globale contrôlée de façon pertinente, c’est à dire non intrusive et non réductrice.

Cette dynamique doit également imprimer la vie publique. La démocratie de l’internet doit favoriser une prise de décision participative, ouverte à toutes les sensibilités, documentée de façon approfondie et contradictoire. Les générations de l’internet se méfient des slogans, des dogmes, de la pensée unique et recherchent dans un échange non biaisé les voies de décryptage et de solutions de réalités dont ils mesurent sans illusion la complexité.

Repenser la démocratie en s’appuyant sur les pratiques nouvelles issues de ce foisonnement est un impératif.

Quelques pistes pour approfondir la vision du numérique par la classe politique :

- http://bayrou.fr/article/retrouvez-en-direct-le-dialogue-autour-du-numerique-avec-francois-bayrou

- un dialogue entre François Bayrou et Tzvetan Todorov sur léloge de la modération dans Philosophie Magazine de mars 2012

- http://www.rue89.com/2011/06/22/la-france-connectee-une-tribune-de-martine-aubry-210341

- http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/06/la-politique-numerique-de-nicolas-sarkozy-plombe-l-innovation-francaise_1614004_3232.html

- http://www.clubic.com/internet/actualite-476298-nicolas-sarkozy-bilan-numerique.html

- http://www.lafranceforte.fr/bilan/economie-numerique

- http://www.marianne2.fr/Sarkozy-et-Hollande-sont-d-accord-le-patron-geek-est-un-must_a215896.html


CES 2012, panorama en images

Ceci est le film vidéo que j'ai réalisé sur le Consumer Electronic Show 2012.

Il illustre le développement spectaculaire des outils et applications numériques dans tous les secteurs d'activité, notamment la santé, l'automobile, la distribution... Il montre également le rôle central de la téléphonie mobile et de l'accès au web par les smartphones, le smartphone devenant le centre d'accès universel au système d'information...

<iframe frameborder="0" width="480" height="270" src="http://www.dailymotion.com/embed/video/xo96nb"></iframe><br /><a href="http://www.dailymotion.com/video/xo96nb_ces2012_tech" target="_blank">ces2012</a> <i>par <a href="http://www.dailymotion.com/bneumeister" target="_blank">bneumeister</a></i>

 


CES 2012 : la convergence s'affirme

L'intensité du développement de la planète numérique reste largement une vision conceptuelle quand on s'en tient aux seules statistiques.  Leur démesure spectaculaire ne rend pas compte des bouleversements en cours. En dix ans, soit une fraction de seconde du temps géologique, 5 milliards de terriens ont accédé à la téléphone mobile et 2,1 milliards à l'usage d'Internet. Plus encore le développement de l'Internet mobile rapproche ces deux mondes en créant une mobiquité dont l'ampleur était encore inimaginable il y a quatre ans lors de la sortie de l'iPhone. Rien de tout ceci n'a été prévu, programmé, orchestré.

S'il fallait encore se convaincre du caractère universel de cette transformation, il suffit d'observer les voyageurs d'un TGV. Chacun utilise un, voire plusieurs, objets numériques pour se distraire, regarder un film ou lire un livre numérique, pour s'informer ou travailler, pour communiquer, parfois sans trop de discrétion... Enfants, grand-parents ou professionnels, quel que soit l'âge ou le rôle social,  les objets utilisés sont de format différent mais ont été intégrés de façon naturelle dans le quotidien de chacun. Le monde de l'Internet, du smartphone, ont créé une culture de la mobilité et de la collaboration sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Le vieux monde construit sur la rareté de l'information, sa gestion monopolistique  et son contrôle central s'effondre pour faire place à un monde polycentrique où chacun est à la fois émetteur et récepteur d'information, en tout lieu, à tout instant, avec une pluralité d'outils.

S'il fallait désigner un lieu sur la planète où cette transformation se visualise de façon  évidente, le Consumer Electronic Show en est le candidat par excellence... En effet, le monde du numérique se retrouve chaque année au Consumer Electronic Show dont la 44e session vient de se clore à Las Vegas. Ce qui n'était à l'origine qu'un vaste salon du son et de la télévision est devenu la manifestation globale de l'ère numérique.


Avec  3100 exposants  répartis sur la plus grande surface de l'histoire du CES, 17 ha, l'édition 2012 à attiré 153000 professionnels du monde entier. 20000 nouveaux produits ont été présentés et tous les dirigeants de la planète numérique s'y sont rencontrés. Mais ne sont plus présents les seuls acteurs de l'infrastructure, des produits et services numériques. Aux côtés des dirigeants de l'industrie informatique et télécommunications -Qualcomm, Microsoft, Intel, Xerox, Ericson - , des fournisseurs de services -Google, eBay, Facebook, Verizon - , se précipitent maintenant au CES les dirigeants de l'ancienne économie qui n'hésitent plus à montrer que leurs métiers de base sont revisités par le numérique. Ford est un habitué,  Mercedes a emboîté le pas d'Audi, présent en 2011, Unilever,Wal-Mart, General Electric ont fait une apparition remarquée en 2012.

Si sur la forme le CES affirme son rôle de manifestation mondiale phare, on peut dire que sur le fond il n'a pas apporté  de surprise  mais largement confirmé et amplifié les tendances. La révolution numérique continue à avancer, dans tous les continents, dans tous les usages. D'un CES à l'autre se dessinent et se complétent les vagues de transformation. En 2012, ce sont l'automobile et la santé, la gestion individuelle de l'énergie, la polyvalence des écrans, le développement de l'internet des objets qui attirent l'attention. Mais la 3D qui était le "must" de 2011 et 2010 n'a pas disparue, elle devient mature...

Tout communique : les hommes et les machines. Tout est cohérent : peu importe le contenant, images, voix, données, le contenu est distribué partout sous la même forme  à travers des objets choisis au gré de l'utilisateur pour leurs propriétés contextuelles. Le smartphone est l'outil de la mobilité quotidienne, la tablette et le PC allégé et mobile sont désormais accompagnés des téléviseurs connectés qui offrent un grand confort d'utilisation grâce à leur écran et permettent un partage collectif de l'experience numérique qui n'ets plus nécessairement un exercice solitaire.

L'expérience de l'utilisateur, du client et du citoyen, est fabriquée, enrichie, partagée  au cœur de son propre système à travers les trois axes cognitif, décisionnel, émotionnel. La continuité numérique prolonge l'expérience à travers des codes de mobilité qui sont devenus des standards. Les données, qui s'affranchissent du support grâce à la diversité des outils d'accès et surtout de la capacité à être stockée en dehors des machines dans le nuage  retrouvent tout leurs sens.

Le CES par son impact visuel, par la confrontation des points de vue offre un moment unique de lecture de la société numérique et de compréhension des mouvements rapides qui l'animent. Alors que le numérique tend à dissocier les facteurs de transformation, le CES permet de comprendre leur unité et leur cohérence. C'est une manifestation irremplaçable pour qui veut embrasser d'un seul regard et en un seul lieu la puissance et la diversité de la révolution numérique.