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La Chine en marche vers l'électromobilité

L'électromobilité mondiale a son démonstrateur vivant à grande échelle, la Chine. Tout ce qui roule est déjà électrifié ou en passe de l'être. Le NEV, véhicule à nouvelle énergie, appellation qui recouvre les véhicules électriques à batteries, les véhicules hybrides rechargeables et les véhicules à pile à combustible à hydrogène, est au coeur de la stratégie de mobilité automobile de la Chine. Mais ce ne sont pas seulement les voitures qui sont électriques, mais l'ensemble des moyens de transport collectifs et individuels. L'électrification de la mobilité sous toutes ses formes est le fruit de vingt ans d'évolution technique et industrielle qui font aujourd'hui de la Chine le leader mondial de l'électromobilité. Cette stratégie, associée à la maîtrise de la filière des piles ion-lithium, confère à la Chine un avantage considérable par rapport aux pays qui n'ont pas choisi de faire régresser leur parc de véhicules thermiques et constitue une menace majeure sur leurs industries de moyens de transport.

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Le vélo a longtemps été le symbole de la Chine maoïste et, à ce titre, a été délaissé dans les années quatre-vingt dix au profit de la motocyclette et de l'automobile. Mais depuis plus de décennies les deux-roues motorisés ont abandonné en ville leur moteur thermique au profit de moteurs électriques. En 2015, le gouvernement chinois a interdit tout deux-roues thermique en ville. Même dans la Chine rurale, les deux-roues thermiques régressent au profit de véhicules à deux et trois roues électriques. L'industrie chinoise du deux-roues motorisé thermique a beaucoup souffert de cette régression programmée du marché intérieur et s'est massivement tournée vers l'exportation, qui a atteint 7,3 millions d'unités en 2018. Après avoir atteint un pic de production en 2014 avec 26,9 millions d'unités, l'industrie n'a vendu en 2018 que 15,5 millions d'unités, le marché chinois étant désormais dépassé par l'Inde.

La Chine dispose aujourd'hui de plus de 200 millions de vélos électriques, essentiellement en libre service dans les villes. Les trottinettes se développent également. Dans les villes les plus modernes, ce flux de deux roues, qui est passé par un pic chaotique, est canalisé dans des pistes cyclables en site propre qui bordent désormais les grandes avenues.

Les bus électriques sont aujourd'hui une spécificité chinoise. Deux grands leaders, BYD et Yutong, se sont imposés sur le marché intérieur et ont fait de cette expérience à grande échelle la base de leurs exportations mondiales. Sur les 425 000 bus électriques en service dans le monde fin 2018, 99% circulent en Chine. Ainsi la ville de Shenzhen est la première au monde à disposer d'une flotte de bus intégralement électrique, soit 16 000 véhicules. Il est admis qu'un bus électrique coûte à l'achat 50% de plus qu'un bus diesel de taille équivalente, mais la baisse du prix des batteries se traduit par une baisse du coût de ces véhicules qui, de plus, ont un cout de fonctionnement plus faible. La transition des flottes chinoises vers l'électrique a été massivement subventionnée jusqu'à la moitié du coût du véhicule mais on estime que la décennie prochaine verra les solutions de bus électrique s'aligner sur les bus diesel en coût total de possession. Bien entendu, les bénéfices en matière d'absence d'émission au lieu d'usage et de silence de fonctionnement sont déterminants dans l'adoption de ces solutions.

En matière de transport urbain et interurbain de masse, la Chine a déployé un plan global d'équipement ferroviaire du pays et des grandes villes. Le réseau interurbain est le plus important du monde, 27 000 km, sur lequel circulent les TGV Hexie, co-produit avec Siemens, Alstom, Bombardier et Kawasaki, et, depuis 2017, Fuxing, de conception chinoise qui circulent à 350 km/h. Le nombre de lignes de métro atteint désormais 4300 km et plus de 31 villes sont désormais équipées d'un métro, chaque ville étant désormais autorisée à s'équiper d'un métro à partir de 1,5 million d'habitants. 6500 kilomètres de lignes de métro seront en service en 2020.

La Chine est devenue d'un pôle majeur d'innovations en transport ferroviaire avec ses propres TGV, circulant à 350 km/h, et ses innovations comme le MAGLEV, train à sustentation magnétique, qui relie Shanghai à son aéroport à 430 km/h en 7 minutes. La Chine s'est dotée pour 7 milliards $ d'un centre d'innovation ferroviaire pour définir les trains du futur, MAGLEV comme TGV à très haute vitesse et TGV autonomes, dans la ville de Qingdao dans l'est du pays. Qingdao n'est pas seulement une ancienne colonie allemande qui a laissé comme héritage la bière Tsin-Tao, mais est surtout le centre de la construction ferroviaire chinoise avec CRCC Sifang, China Railway Construction Corporation, désormais leader mondial du transport ferroviaire.

Dans cette large politique d'infrastructures et d'équipements destinée à fluidifier l'économie du pays et des grandes villes en diminuant les émissions de CO2, de particules et de gaz polluants produits par la circulation automobile de véhicules thermiques, la stratégie chinoise d'électrification du parc automobile tient une place centrale. Après avoir depuis 1980 réussit à construire la première industrie automobile du monde grâce aux co-entreprises, la Chine mise désormais sur les NEV et a réorienté depuis 2018 sa stratégie de coopération avec ses partenaires constructeurs mondiaux dans cette unique direction. En fixant des quotas de NEV pour chaque constructeur, des règles sur les crédits carbone et des normes de plus en plus strictes d'émission et d'usage, le gouvernement dissuade le développement de nouveaux véhicules thermiques. 1,1 million de voitures électriques ou hybrides rechargeables ont été livrées en Chine en 2018 et toutes l'ont été par des constructeurs chinois. BYD en est le leader avec 225 000 véhicules revus en 2018, dépassant BAIC et SAIC. L'objectif du gouvernement est de cesser toute aide financière pour le développement du marché des NEV en 2022, considérant qu'à cette date les coûts de production devraient s'aligner sur les véhicules thermiques.

La stratégie chinoise d'électrification des transports représente à ce jour l'expression la plus accomplie d'un cheminement global vers l'électromobilité dans le monde et se doit de servir de référence. Le groupe Volkswagen, qui a fait de la Chine sa base de développement des voitures électriques, ne s'y est pas trompé en s'engageant à produire en 2028 50% de véhicules électriques dans sa production totale en Chine.