Previous month:
janvier 2017
Next month:
mai 2017

Propos de campagne

 

Si le blog reste le support du temps long, Facebook et Twitter sont les champs du débat en temps réel. Néanmoins certains propos dépassent le temps instantané pour toucher des ressorts plus profonds sur une vision de l'évolution de la démocratie dans un monde global et numérisé. C'est pourquoi j'ai repris ici mes commentaires faits sur Facebook car, à leur relecture, il me semble qu'ils éclairent l'ampleur du débat qui divise, non seulement la France, mais tous les grands pays qui voient leur monde ancien, celui de leur suprématie impériale et coloniale, s'effriter et laisser la place à un monde où les acteurs nouveaux n'ont nullement peur du progrès. Car se plaindre de la mondialisation dans le Pas-de-Calais est légitime, mais pour les centaines de millions d'Indiens, de Chinois, de Vietnamiens et autres peuples qui sont sortis en cinquante ans de la soumission coloniale et du sous-développement, la mondialisation et le numérique ont précisément été le vecteur de leur accession à la prospérité. Comprendre d'où on vient, pour essayer de donner une vision du futur et des objectifs reste la base des grand rendez-vous démocratiques que sont les élections.

Capture d’écran 2017-04-24 à 11.34.34

La réflexion sur l'impact de la transformation technique sur notre contexte économique  social et culturel est depuis onze ans l'unique philosophie de ce blog qui tente de ramener dans le champ du rationnel  les débats de l'époque.

13 avril

Cette hystérie qui caractérise les débats sur les réseaux sociaux traduit bien l'extrême faiblesse de la culture politique dans une société où on "like" et on zappe sans discernement... Si on croit qu'au-delà des images de salles plus ou moins vides, des drapeaux et de chants, on vote pour Mister ou Missiz France 2017, on se trompe lourdement. On est pas dans Top Chef. Non que le président de la République soit l'alpha et l'omega de la vie publique, mais quand même il faut choisir quelqu'un qui incarne la France à l'étranger, qui anime une équipe gouvernementale confrontée à 2000 milliards de dettes , qui soit, accessoirement, le chef des armées avec des zozos comme Poutine ou Trump. Il faut donner envie et espoir à tous ceux qui produisent dans ce pays pour développer notre compétitivité et notre attractivité, former les nouvelles générations à un monde complexe et exigeant. Une vision et une ambition qui apportent du sens, mais surtout laissent chacun les interpréter dans son environnement personnel. Car ce qui compte c'est d'accélérer le mouvement de transformation de notre pays dans les fondamentaux : initiative individuelle, créativité, qualités techniques, respect de l'environnement, respect mutuel. Il faut écarter l'émotion, car cinq ans d'émotion, ce sera long, pour identifier la personne la mieux apte à favoriser ce cadre qui permettra à chacun, dans sa sphère, d'avoir envie de résoudre les problèmes. Il est vain de penser qu'un président va "créer" des emplois, soigner les malades, sauver la biodiversité. Arrêtons la pensée magique. Soyons pragmatiques pour fabriquer un cadre propice à la résolution des problèmes de notre communauté nationale dans le cadre plus large des interactions qui nourrissent la vie de notre planète dont on ne peut ignorer aujourd'hui qu'elle constitue un système unique.

21 avril

Au terme de cette campagne qui n'a pas été percutante au niveau de la lucidité économique, nous sommes confrontés en tant que citoyens à un terrible dilemme. Ce n'est pas tant le choix du président qui compte, mais surtout celui de la méthode. La situation économique de la France qui croule sous les déficits et n'a depuis des années qu'une croissance anémique n'offre que peu de marge de manœuvre. L'équation économique est pesante mais claire : retrouver des moyens pour financer nos besoins structurels induits par notre territoire, notre population, notre rôle international, les besoins cruciaux de montée en compétences de tous, les risques sociaux, communautarisme, ghettoïsation, exclusion. Quel que soit le point de vue adopté, nous ne pourrons nous entendre sur les solutions que si nous sommes d'accord sur le diagnostic... Or nous avons besoin d'une vision systémique avant de plonger dans les solutions sectorielles. Il y pour moi un point incontournable, les solutions ne peuvent en aucun cas se trouver dans la poursuite de l'augmentation infinie du déficit public en fonctionnement. Nous avons atteint les limites de l'exaspération en matière de prélèvements. Il faut donc chercher l'efficience du moindre euro de prélèvement public en examinant à la loupe toutes les poches d'inefficience. C'est un travail qui doit être conduit de façon décentralisée en motivant les agents publics sans donner le sentiment de les punir. Car le paradoxe de l'action publique est que malgré le niveau considérable des prélèvements, les services publics sont très souvent mal dotés en moyens de fonctionnement appropriés. Il faut donc provoquer avec les agents publics une révolution de la productivité du secteur public. Pour retrouver du dynamisme productif, il faut s'appuyer sur le tissu économique local, fédérer les PME autour des grandes entreprises de taille mondiale, orienter l'éducation vers les compétences utiles à l'exercice professionnel, abaisser les charges sur les salaires les plus faibles, autant de règles de bon sens dont il faut éliminer l'interprétation idéologique. Après c'est une question de pondération, de pédagogie collective, de négociation et d'équilibre de tout ceci. L'arme atomique qu'est la sortie de l'euro et de l'UE représente un risque systémique majeur. Une dévaluation compétitive n'a qu'un effet de court terme lorsque le tissu économique est fragilisé. Le problème est que nous ne devrions pas avoir besoin des conseils de l'UE ou de Mc Kinsey pour construire le diagnostic et décider. Pourquoi serions-nous incapables de raison, tous seuls, sans voir besoin de se faire admonester par le FMI, l'OCDE, l'UE, le WEF, tous agents de Satan de l'impérialisme anglo-saxon à entendre la plupart des candidats qui n'ont jamais vraiment travaillé en entreprise ?? Qu'est ce qui pourrait changer durablement dans ce pays pour retrouver de la sérénité dans l'analyse des problèmes et dans l'exécution de plans opérationnels de solution ? Arrêtons la dramatisation révolutionnaire, cessons d'exacerber le sentiment que nous, peuple le plus génial de la Terre, nous sommes persécutés par tous les autres, n'adorons pas les idoles du passé, le "grand roman national", le CNR, Mitterrand, Castro, et même de Gaulle qui était un personnage du XIXe siècle plus que du XXIe. Ne cherchons pas le salut dans la fuite improbable, éphémère rideau de fumée qui nous laisserait encore plus seuls face à nos problèmes et à l'ironie du monde. Vision cohérente de notre futur, pragmatisme de l'exécution, décentralisation responsabilisée, confiance dans la capacité individuelle à relever les défis dans le respect mutuel, tel sera mon choix..

21 avril

Au terme de cette campagne qui n'a pas été percutante au niveau de la lucidité économique, nous sommes confrontés en tant que citoyens à un terrible dilemme. Ce n'est pas tant le choix du président qui compte, mais surtout celui de la méthode. La situation économique de la France qui croule sous les déficits et n'a depuis des années qu'une croissance anémique n'offre que peu de marge de manœuvre. L'équation économique est pesante mais claire : retrouver des moyens pour financer nos besoins structurels induits par notre territoire, notre population, notre rôle international, les besoins cruciaux de montée en compétences de tous, les risques sociaux, communautarisme, ghettoïsation, exclusion. Quel que soit le point de vue adopté, nous ne pourrons nous entendre sur les solutions que si nous sommes d'accord sur le diagnostic... Or nous avons besoin d'une vision systémique avant de plonger dans les solutions sectorielles. Il y pour moi un point incontournable, les solutions ne peuvent en aucun cas se trouver dans la poursuite de l'augmentation infinie du déficit public en fonctionnement. Nous avons atteint les limites de l'exaspération en matière de prélèvements. Il faut donc chercher l'efficience du moindre euro de prélèvement public en examinant à la loupe toutes les poches d'inefficience. C'est un travail qui doit être conduit de façon décentralisée en motivant les agents publics sans donner le sentiment de les punir. Car le paradoxe de l'action publique est que malgré le niveau considérable des prélèvements, les services publics sont très souvent mal dotés en moyens de fonctionnement appropriés. Il faut donc provoquer avec les agents publics une révolution de la productivité du secteur public. Pour retrouver du dynamisme productif, il faut s'appuyer sur le tissu économique local, fédérer les PME autour des grandes entreprises de taille mondiale, orienter l'éducation vers les compétences utiles à l'exercice professionnel, abaisser les charges sur les salaires les plus faibles, autant de règles de bon sens dont il faut éliminer l'interprétation idéologique. Après c'est une question de pondération, de pédagogie collective, de négociation et d'équilibre de tout ceci. L'arme atomique qu'est la sortie de l'euro et de l'UE représente un risque systémique majeur. Une dévaluation compétitive n'a qu'un effet de court terme lorsque le tissu économique est fragilisé. Le problème est que nous ne devrions pas avoir besoin des conseils de l'UE ou de Mc Kinsey pour construire le diagnostic et décider. Pourquoi serions-nous incapables de raison, tous seuls, sans voir besoin de se faire admonester par le FMI, l'OCDE, l'UE, le WEF, tous agents de Satan de l'impérialisme anglo-saxon à entendre la plupart des candidats qui n'ont jamais vraiment travaillé en entreprise ?? Qu'est ce qui pourrait changer durablement dans ce pays pour retrouver de la sérénité dans l'analyse des problèmes et dans l'execution de plans opérationnels de solution ? Arrêtons la dramatisation révolutionnaire, cessons d'exacerber le sentiment que nous, peuple le plus génial de la Terre, nous sommes persécutés par tous les autres, n'adorons pas les idoles du passé, le "grand roman national", le CNR, Mitterrand, Castro, et même de Gaulle qui était un personnage du XIXe siècle plus que du XXIe. Ne cherchons pas le salut dans la fuite improbable, éphémère rideau de fumée qui nous laisserait encore plus seuls face à nos problèmes et à l'ironie du monde. Vision cohérente de notre futur, pragmatisme de l'exécution, décentralisation responsabilisée, confiance dans la capacité individuelle à relever les défis dans le respect mutuel, tel sera mon choix..

21 avril

Evidemment, le terrorisme s'invite dans l'isoloir. Face à ces menaces diffuses, impossibles à juguler sans instaurer un état policier, les surenchères verbales sont de peu de poids. La fermeté déclamatoire ne sert à rien, car même les pays les plus experts en la matière ne peuvent rien contre la détermination suicidaire d'un homme seul. Néanmoins il faut lutter avec la plus totale énergie contre les idéologies attentatoires à la liberté de conscience et d'expression, dont le radicalisme religieux est une forme particulièrement toxique. Il n faut rien céder au communautarisme, lutter pour libres les femmes du joug patriarcal, développer l'éducation sans cesse, lutter contre les croyances en faisant de la laïcité un modèle de liberté et de confiance en l'homme. Mais aussi éviter que la misère et le desepoir ne constituent le terreau dans lequel fermentent ces croyances délétères.

24 avril

Le scrutin n'est pas surprenant : il y a bien toujours deux France, mais ce ne sont plus une France de gauche contre une France de droite partagées par une conscience de classe. La fracture, douloureuse, est entre une France ouverte sur la transformation socio-technique, métropolisée, mondialisée, numérique, écologique et une France qui a le sentiment d'avoir perdu cette bataille, périphérique, insuffisamment formée, impuissante à comprendre car non préparée, mais, contrairement aux Etats-Unis nullement abandonnée par la première par le jeu des transferts sociaux considérables qui sont l'honneur de notre pays. C'est une France de nomades contre une France sédentaire. Certains pensent que c'est voulu parce qu'ils voient dans cette situation la main invisible des prédateurs, des banques, du CAC 40, des journaux. Une version nouvelle des 200 familles.

D'autres, dont je suis, n'ignorent pas que le partage de la valeur ajoutée a toujours été un combat, et qu'il y a et aura toujours des prédateurs dans un jeu inégal mais qu'il faut consacrer plus d'attention à la production localisée des richesses qu'à leur distribution irraisonnée. Sont-elles réconciliables ? Et surtout pourquoi les opposer durement. Elles ont besoin l'une de l'autre car nous sommes ensemble un pays unitaire dont la caractéristique unique est justement la solidarité. Il faut donc trouver les moyens de réduire cette fracture par la redynamisation des territoires dépréciés, l'entrepreneuriat de proximité, la formation ininterrompue, la réforme des mécanismes de sécurité sociale pour les rendre plus efficients, une stratégie de sortie des énergies fossiles, la reconnaissance du besoin d’une école dissymétrique qui donne plus à ceux qui en ont le plus besoin…

 


Tesla dans la cour des grands

L'industrie reine du XXe siècle, l'automobile, est en train de vivre une mutation sans précédent. Elle est bousculée par les trois vecteurs de la révolution numérique :

  • la généralisation de l'information mobile et géolocalisée,
  • la mutation de l'énergie, centralisée et carbonée, désormais en passe de devenir renouvelable et décentralisée,
  • la transformation de l'économie des transports, individuels ou collectifs, désormais dans une continuité systémique.

 

L'automobile va devenir connectée, électrique et autonome.

Capture d’écran 2017-03-22 à 23.32.05

Présentation de Carlos Ghosn au CES 2017


Chaque véhicule sera en mesure d'entrer en interaction dynamique avec son environnement, l'infrastructure et les autres utilisateurs de cet espace collectif qu'est la route. Les modèles d'affaires vont évoluer, de la possession vers l'usage, de l'individualisation des comportements, parfois agressive, vers la mise en synergie de tous les moyens de transports dans une continuité fluide.

 

B_1_q_0_p_0


S'il ne fallait choisir qu'un indice de l'ampleur de cette transformation, il faut saluer la performance de Tesla qui a dépassé 300 $ par action le 4 avril, portant la valeur de l'entreprise à 49,57 milliards $. Il a suffit que Tesla annonce avoir produit 25000 véhicules au premier trimestre 2017 pour embraser la bourse et tangente le symbole General Motors qui ne vaut que 51,34 M $. Si les résultats en volume de Tesla sont marginaux au regard d'un marché mondial de l'ordre de 90 millions de véhicules, Tesla symbolise le renouveau de l'industrie automobile par son audace dans l'innovation et la qualité du service.

Tesla n'est certes pas seul à porter cette transformation. Si longtemps l'Alliance Nissan-Renault a pu apparaître comme visionnaire sur le véhicule électrique et conserve le leadership des volumes, les autres constructeurs sont tous venus apporter leur proposition de voiture électrique et connectée. La compétition vers l'autonomie est aussi intense, complexe et aléatoire comme en témoignent les quelques difficultés qu'ont pu rencontrer les premiers véhicules autonomes dans la circulation. Mais ils apprennent, inlassablement, jour après jour, et cette innovation majeure trouvera une place légitime.

Ce qui frappe chez Tesla c'est cette aptitude issue de la culture de la Silicon Valley à poursuivre imperturbablement son projet même en accumulant les pertes opérationnelles, ce que tout constructeur "normal" est incapable de faire. Tesla apporte à une vénérable industrie centenaire les méthodes et les outils de la disruption numérique. C'est cette impertinence qui frappe et même si les critiques ne manquent pas face à ce trublion, attendu au tournant de l'industrialisation de la Tesla 3, force est de reconnaître que le marché financier y croit...


Un entretien sur l'évolution du système d'information qui exprime le besoin d'unité de la vision du SI d'entreprise. Le SI ne peut pas fonctionner en opposant le monde traditionnel du "legacy" qui a ouvert la voie et produit les infrastructures et celui du "digital" qui doit s'appuyer de façon indissoluble sur une informatique performante. https://www.alliancy.fr/a-laffiche/entreprises/2016/06/09/jean-pierre-corniou-systematic-il-faut-inciter-les-entreprises-a-investir-dans-la-convergence-des-systemes


Drôle de campagne, vrais enjeux...

Beaucoup de scrutins, peu de débats de fond

Cette drôle de campagne électorale pour les vrais scrutins d’avril, mai et juin entretient un malaise qui dure depuis le démarrage  de cette  longue campagne pré-présidentielle qui nous a valu déjà quatre scrutins. Tout se passe comme si l’opinion, oubliant les enjeux réels, usée par ces débats, et ces scrutins dont on peut aujourd’hui douter de l’utilité, se laissait aller, apathique, assommée face aux scandales qui offrent une dramaturgie renouvelée à chaque instant. Par ailleurs, tétanisée par l’improbable show quotidien qu’offre Trump, qui démontre que tout est possible et tout est à craindre d’une machine politique devenue folle, l’opinion se met sérieusement à s’inquiéter sur l’issue opérationnelle du scrutin. Car même si ce théâtre peut passionner par ses rebondissements, nul n’ignore que pendant les travaux les ventes doivent continuer. Avec les primaires et la mise en place de la nouvelle équipe de l’exécutif, c’est plus d’une année d’incertitude que le pays s’offre.

Malgré cet état d’apesanteur et ces manœuvres dilatoires qui retardent le moment où le débat va devoir finalement se dérouler pour dessiner le futur des cinq prochaines années, il va bien falloir travailler, réfléchir et in fine décider. Or le temps presse car même si le pouvoir du Président de la République est beaucoup moins large que ne laissent entendre les candidats, il occupe une place essentielle dans le jeu politique de la Ve République.

Pour prendre le temps de la réflexion, ce qui est toujours difficile quand on vit les événements en temps réel, il faut se rappeler que nous sommes dans un régime mixte, présidentiel et parlementaire. Les décisions qui sont prises impliquent une forme de consensus entre des deux pouvoirs également issus du suffrage universel. La plupart des décisions de gestion sont du ressort du gouvernement, responsable devant l’Assemblée, comme l’ont démontré les cohabitations toujours possible même si l’alignement des calendriers des élections présidentielle et législative a pour but de les éviter. Parfois la cohabitation se déroule au sein du même camp. Si l’affrontement  présidentiel surmédiatisé agite les esprits depuis des mois par sa dramaturgie, il n’est qu’une pièce d’un système plus large qui va également nous occuper en juin 2017 et bien au-delà….

Ces précisions nous incitent à mieux comprendre que si les enjeux électoraux sont décisifs, ils ne sont pas exclusifs car la vie économique et sociale d’un pays ne dépend que pour partie des choix politiques. Les déterminants socio-techniques jouent un rôle beaucoup plus important car ils fixent des limites et ouvrent des opportunités aux intentions des gouvernants en dépassant le cadre territorial et temporel de l’action publique. Toutefois les dirigeants surestiment de façon récurrente leur capacité à comprendre ces mécanismes systémiques complexes et à intervenir pour infléchir le jeu des facteurs. Ils ont tous le sentiment que le volontarisme, martelé avec plus ou moins de vigueur, pourra faire revenir les fleuves à leur source. Ceci serait facilité par un « retour » aux frontières nationales, la souveraineté nationale étant proposée à l’opinion comme le cadre magique de la résolution de la plupart de nos problèmes. 

Pour la première fois dans un tel scrutin, la question du protectionnisme est en effet au cœur du débat. Une majorité de candidats en fait un axe central de leurs propositions. Cette audace dans un pays qui depuis la fin de la seconde guerre mondiale a fait de son ancrage dans une Europe économique, puis politique, l’invariant de sa stratégie internationale, surprend car l’opinion semble s’accoutumer d’une idée qui tourne résolument le dos a une culture qui a marqué plusieurs générations.

L'ancrage international de la France

Les attendus du Traité de Paris de 1951 créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1951, ont en effet ouvert la voie à un effort continu et ambitieux  de coopération en Europe. L’Europe a été conçue à la fin de la seconde guerre comme l’outil indispensable de la paix et de la prospérité. La France a ainsi  toujours été motrice dans le processus d’élargissement de l’Union Européenne,  mais également sur le plan mondial avec une adhésion sans réserve à l’Organisation Mondiale du Commerce.

« CONSIDÉRANT que la paix mondiale ne peut être sauvegardée que par des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent;

CONVAINCUS que la contribution qu'une Europe organisée et vívante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques;

CONSCIENTS que l'Europe ne se construira que par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait, et par l'établissement de bases communes de développement économique;

SOUCIEUX de concourir par l'expansion de leurs productions fondamentales au relèvement du niveau de vie et au progrès des oeuvres de paix;

RÉSOLUS à substituer aux rivalités séculaires une fusion de leurs intérêts essentiels, à fonder par l'instauration d'une communauté économique les premières assises d'une commumaulé plus large et plus profonde entre des peuples longtemps opposés par des divisions sanglantes, et à jeter les bases d'institutions capables d'orienter un destin désormais partagé »

Si ces principes forts ne font plus aujourd’hui l’unanimité, ils n'ont toutefois pas perdu leur sens et leur actualité. L’Europe comme construction volontariste a été mal comprise et mal aimée des peuples.  Les bénéfices de cette coopération apparaissent insuffisants au regard des contraintes que des gouvernants peu courageux ont fait porter sur une Europe qualifiée de désincarnée, et donc jugée bureaucratique. Or ce n’est pas la Commission qui gouverne l’Europe, mais le Conseil de l’Union européenne, composé des chefs de gouvernement des Etats que rassemble l’Europe. La complexité des institutions européennes, le manque de soutien populaire à cette construction difficile à appréhender et mal expliquée ont rendu l’idée européenne peu porteuse au cours des dernières années, même si le Parlement européen, élu au suffrage universel, apporte une indéniable dimension de transparence et de démocratie. Mais à 28 membres, la cohérence et la lisibilité de l’action sont difficiles à valoriser. Est-ce que face à la Chine, aux Etats-Unis, à la Russie, la France seule peut aborder la complexité systémique d'un monde multiple mais confronté aux mêmes problèmes : menaces climatiques, raréfaction des ressources naturelles, fragilisation des océans, dégradation de la biodiversité, migrations non désirées ? Les Etats sont trop grands pour les petits problèmes, mais certainement trop petits pour las grands problèmes. Le moment est-il bien bien choisi pour détricoter l'oeuvre de la construction européenne, certes incomplète et imparfaite, mais qui constitue un cadre de résolution de problèmes existant, démocratique et améliorable. 

Le sentiment de déclassement nourrit la colère 

Mais c’est surtout la crise de 2009 et la transformation rapide des équilibres économiques du monde avec l’émergence de la Chine et de l’Asie qui ont conduit plusieurs courants politiques à développer dans les pays matures l’idée que la mondialisation était la cause des problèmes rencontrés dans ces nations qui, ayant été à l’origine du développement économique mondial, souffraient de voir leur leadership contesté et leur économie ralentie. Cette montée d’un désir de protection contre la concurrence mondiale, jugée déloyale, s’est incarnée dans le vote de sortie du Royaume Uni de l’Union européenne et dans l’élection de Donal Trump aux Etats-Unis.  Les peuples frappés par la remise en cause de leur environnement professionnel et social se sentent abandonnés, trahis par leurs dirigeants qui eux s'en sortent bien. 

Friches
Le discours d’investiture de Donald Trump présente une théorisation de ce mouvement. Une analyse intéressante du Guardian de ce discours met bien en évidence qu’il s’agit d’une déclaration de guerre contre les compromis conduits depuis des décennies par la classe dirigeante américaine dans le concert mondial. C’est une promesse de redressement national fondé sur le retour au protectionnisme et une vision sans nuance et sans précaution du "America first" au profit des classes moyennes et populaires qui auraient été victimes de la mondialisation... Analyse sommaire, discours sans nuance, tout ceci est nouveau dans l'histoire contemporaine car, malgré ce volontarisme cinglant, les Etats-Unis restent une démocratie avec des contre-pouvoirs, comme les premiers mois du mandat de Trump le démontrent,  et doivent respecter les engagements internationaux. Il reste que cette vision repose sur une analyse aussi limpide que celle des populistes européens : le peuple a été trahi par la classe dirigeante qui s'est enrichie par la mondialisation, alors qu'elle transformait un pays prospère en champ de ruines industrielles et de dégénération morale. Le diagnostic est sans précaution, les réponses sont simples : droits de douane élevés, arrêt total de l'immigration, préférence nationale en matière d'emplois et d'investissements. Cette vision prend le contrepied exact de cinquante années de croissance et de relations internationales.

Aujourd'hui nul ne peut dire si cette rupture majeure voulue en 2016 aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, qui ont avec Ronald Reagan et Margaret Thatcher initié la vague de libéralisation économique des années quatre-vingt, va ouvrir une nouvelle page de l’histoire économique mondiale. Il est certain que ces positions ouvrent le débat sur les limites de la libéralisation de l’économie mondiale et sur les conditions de la transformation technique et sociale des économies matures. Mais on ne tue pas une idée, car c'est trop coûteux, on l'améliore ! 

Et pendant ce temps-là, rien n'arrête la révolution numérique 

Car indépendamment de l’émergence cette culture protectionniste, d’année en année se dessine, de façon systémique, un monde où le numérique revisite chaque secteur, chaque métier, chaque processus. Le numérique se joue des frontières. Sur toute la planète, ce sont des milliards d'humains de tous âges qui utilisent le téléphone mobile, désormais "intelligent", et accèdent aux savoirs et services du web.Il ne s’agit pas de louer candidement une « digitalisation » à tout crin de la société pilotée par quelques entreprises si habiles, qu’elles pourraient en devenir cyniques, mais d'en comprendre les ressorts, les enjeux, les risques. L'iconomie, ce n’est pas chanter les louanges d’une disruption ravageuse, mais chercher à construire une société plus efficiente dans la gestion des ressources naturelles et plus ambitieuse dans le respect des hommes et la stimulation de leurs infinies compétences cognitives. 

Robots

Pour y parvenir nous allons, comme les générations précédentes, exploiter la science et la technique, mais plus vite et à plus grande échelle puisqu’il s’agit de notre planète Terre et plus seulement de l'Occident ou de la Chine. Tout ce que nous voyons chaque année au CES de Las Vegas, de l’hygiène bucco-dentaire à la voiture autonome, des exo-squelettes pour handicapés aux imprimantes 3D pour fabriquer des voitures,  aux jeux pour apprendre à construire et programmer des robots dès le plus jeune âge fait sens par rapport à une perspective historique globale : l’amélioration de nos compétences et de notre discernement. Lucidement, en mesurant les conséquences et en trouvant des parades aux problèmes potentiels, nous pouvons construire un monde meilleur où le progrès retrouvera tout son sens : vivre mieux, plus longtemps et en bonne santé, rendre le travail stimulant et non épuisant grâce à la coopération avec les robots, se déplacer en toute sécurité avec des véhicules autonomes, anticiper  les tensions sur les ressources et le climat grâce au big data, apprendre toujours et encore pour donner à chaque habitant de la terre ses chances dans le respect le plus total et sans discrimination avec le concours de l’intelligence artificielle.

Transférer à des machines et à des logiciels des tâches pénibles et peu valorisantes est plutôt une bonne nouvelle. Mais ce sont des humains qui vont, au moins temporairement,  perdre ces emplois et ces revenus, et on ne peut contempler ce phénomène ne se croisant les bras. Ce tarissement progressif d'une source d'emploi faiblement qualifiés impose une réflexion lucide et des mesures d'accompagnement de long terme.

C'est un chantier complexe qui ne peut que se développer dans un esprit de co-construction pragmatique visant l’intérêt général, c’est à dire la prospérité et la sécurité.  Peut-on le faire isolément ? Peut-on le faire à partir d'une lecture partisane, idéologique, du monde et du progrès ? La France seule a-t-elle la taille critique pour concevoir et mettre en œuvre la politique nécessaire pour embrasser ces problèmes ?

De toute évidence, non… L'exercice de la souveraineté n'exclut pas la recherche de solutions mutualisées au niveau régional face aux grands ensembles qui sont constitués sur la planète. Il faut rechercher inlassablement le bon niveau d'exercice de cette orchestration dont nous avons besoin pour éviter que le destin des nations et des peuples soit décidé par les nouveaux maîtres de la technologie.