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Tesla inspire les constructeurs allemands

Ce texte est une adaptation du texte publié le 21 septembre par le site d'information Atlantico.

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Tesla ne cesse d'intriguer. Cette société américaine née en 2013 est en train de s'imposer comme la référence des berlines positives de luxe dans le monde. Or c'est une voiture électrique pure, à l'autonomie de 500 km, qui redéfinit le luxe avec un intérieur raffinée, une ligne exceptionnelle et un silence de fonctionnement unique.  Surtout c'est une voiture qui a mis le logiciel au coeur de son fonctionnement comme le manifeste l'étonnante planche de bord où trône un immense écran d'ordinateur. Au moment où Tesla Motors s'apprête à lancer un second model, un SUV, lance une usine de batteries au coeur du Nouveau Mexique, l'industrie automobile s'interroge sur les performances de ce trublion qui prétend changer les règles du jeu et inspire d'autres acteurs redoutables que sont Apple et Google. Où va l'automobile au XXIe siècle, entre le grand luxe de la Tesla S et la sobriété inventive du nouveau véhicule d'entrée de gamme de Renault, conçu en Inde, Kwid, qui sera vendu autour de 5000 €, quand on sait que pour le prix d'une Tesla on pourrait acquérir une flotte de 15 Kwid ?

1/ Pourquoi les véhicules électriques Tesla se vendent mieux aux Etats-Unis qu'en Europe (11700 véhicules vendus aux Etats-Unis contre 7100 en Europe durant la première moitié de l'année)?

Les véhicules électriques suivent l’évolution globale du marché. Le marché nord-américain a retrouvé une puissante dynamique, en grande partie nourrie par l’excès de crédit, qui fait que les volumes y sont plus élevés qu’en Europe. Le marché américain est le premier marché au monde pour les voitures électriques avec 345000 voitures vendues entre 2008 et juin 2015, dont 46% pour la seule Californie. Nissan est leader avec 82000 Leaf vendues, suivi de GM avec 79000 Chevrolet Volt et Tesla avec près de 50000 Model S. Le gouvernement fédéral et 37 états subventionnent l’acquisition d’un véhicule électrique..

Au premier juillet 2015, Tesla avait vendu 21550 voitures dans le monde, dont 11900 aux Etats-Unis, son objectif étant de 55000 pour l’année. Tesla a une politique de distribution originale et n’a pas de concessionnaire. Les boutiques Tesla sont présentes dans 22 états, mais la vente ne se fait que sur le web

 2/ Comment analysez-vous les freins que rencontre la marque dans ses ventes en Europe, notamment en Allemagne et en France ?

La Tesla S est un véhicule de très haut de gamme qui coûte plus de 80000 € ! Malgré son prix et son niveau de prestations, Tesla Model S se vend presque aussi bien en Europe au premier semestre que Renault Zoe (7382 Tesla contre 8479 Zoe) ! La performance du Model S est remarquable car elle se compare aux véhicules très haut de gamme essentiellement allemands. En France, les ventes de ce type de voiture sont très marginales. En Allemagne, elles sont plus courantes mais la préférence nationale pour haut de gamme allemand est une solide tradition. Il faut rappeler que Tesla ne vend la Model S en Europe que depuis août 2013. La renommée de cette marque originale, qui n’est pas issue du monde de l’automobile, n’en est que plus remarquable. Il s’est ainsi vendu en France au second trimestre 326 Tesla au prix de base de 76000 € contre 146 BMW i3 à 28000 €, après aide de 7000 €, alors que le réseau et la renommée de la marque n’ont rien de comparables.

Le marché global du véhicule électrique en Europe a atteint en 2014 65200 véhicules, en croissance de 61% par rapport à 2013. La progression en 2015 continue avec le réveil notable du marché britannique qui prend la seconde place devant la France et l’Allemagne. Il est dominé par l’Alliance Renault Nissan avec ses deux véhicules, Zoe et Leaf. C’est encore un marché très conditionné par le niveau des aides fiscales.

 3/ Pourquoi Tesla rencontre-t-elle un tel succès en Norvège ?

La Norvège a décidé d’adopter une démarche très volontariste de développement du véhicule électrique. Cette politique est unique au monde et crée les conditions optimales pour les constructeurs de véhicules électriques au détriment de leurs concurrents thermiques. Les aides fiscales en faveur des véhicules électriques y sont très élevées alors que les taxes à l’importation se situent à un haut niveau. 50000 voitures électriques ont été vendues en 2013 et 2014, alors que cet objectif gouvernemental avait été fixé pour 2018. Les voitures électriques représentent 12,5% du marché en 2014, contre en France. Tesla est leader, suivi de la Volkswagen e_golf et de la Nissan Leaf. Fin décembre 2014, il y avait en Norvège 16000 Leaf immatriculées et 6000 Tesla. Les Norvégiens qui veulent accéder au haut de gamme préfèrent acheter des véhicules technologiques en rupture plutôt que des berlines traditionnelles. Aussi une BMW Serie 7 va coûter 3 fois plus cher qu’une Tesla S. Un tiers des véhicules immatriculés au premier semestre 2015 sont des véhicules électriques, situation unique au monde. Les avantages accordés au véhicule électrique sont multiples : droit d’utilisation des voies d’autobus, gratuité des parkings, péages et ferries. Cette politique d’aide massive, coûteuse, a été reconduite jusqu’en 2017.

 3/ Quelle politique doit adopter la marque pour augmenter ses ventes en Europe ?

Elle doit se faire connaître et a commencé à le faire tant par l’implantation d’un réseau des bornes de recharge (supercharger) qui permettent aux Tesla se sillonner l’Europe que par des actions promotionnelles visant un public très large. Il y avait récemment une présentation de la Tesla S à la Gare de Lyon. Il y a 150 stations de recharge Tesla en Europe, qui permettent une charge permettant 270 km en 30 minutes. Mais c’est surtout en sortant de la niche du très haut de gamme que la marque peut espérer les volumes dont elle a besoin pour rentabiliser l’investissement de son usine de batteries. Une petite Tesla est prévue pour 2018 autour de 35000 $, après la sortie cet automne d’un luxueux SUV.

 4/ Quel est l'état de la concurrence ? Dans quelle mesure Tesla peut-elle s'en inspirer ?

La grande force de la marque est d‘être unique. Il n’y a pas de concurrence pour ce véhicule, ni pour ses performances en autonomie, ni pour le niveau de prestations, ni pour l’effort particulier qui a été consenti pour en faire un objet technologique d’exception. D’ailleurs les constructeurs allemands commencent à en prendre ombrage et après avoir longtemps traité par l’ignorance cette « start-up » insolente qui refuse de suivre les canons de l’automobile ont tous annoncé au salon de Francfort préparer des véhicules concurrents. Le concept car Porsche Mission E avec 500 km d’autonomie montre que les constructeurs historiques du segment sport ne veulent pas se laisser dépasser. Mais il ne s’agit que d’un concept alors que Tesla roulent ! BMW, Audi et Daimler ont tous annoncé des véhicules avec une autonomie de 500 km, qui est indiscutablement le point fort de Tesla.

 5/ Tesla parviendra-t-elle selon vous à débloquer cette situation ? Si oui, comment ?

Tesla n’emprunte pas les chemins habituels. Elon Musk et ses équipes ont défini, à partir de zéro,  un genre à part de voiture haut de gamme électrique aux prestations exceptionnelles. Ils vont descendre en gamme en gardant un caractère exclusif à la marque ! L’avance de Tesla sur les batteries reste considérable et la nouvelle usine, qui va produire dès 2017 un nombre de cellules supérieur à toute la production mondiale de 2013, va donner à la marque, en partenariat avec Panasonic, les moyens industriels d’en baisser le coût de l’ordre de 30%. On compare souvent Tesla à Apple dans sa démarche technique et marketing. Tesla ne veut pas être un constructeur automobile comme les autres. Il reste à savoir si la concurrence acharnée que les constructeurs allemands, mais aussi Toyota avec la Miura à piles à combustible à hydrogène, va menacer Tesla dont le développement spectaculaire n’a toujours pas permis de rendre la société rentable alors que sa capitalisation en bourse est estimée à 34 milliards $. 


L'intelligence iconomique

Nous sommes un poignée d'économistes, de dirigeants d'entreprise, de chercheurs, de spécialistes en sciences des organisations en en sciences humaines, d'informaticiens, à nous être retrouvés autour d'une envie, celle de comprendre et expliquer cette société nouvelle dans laquelle la généralisation de l'usage de l'informatique nous fait entrer avec force.

Regroupés sous l'initiative de Xerfi et de son dirigeant, Laurent Faibis, nous avons crée une structure, un think tank indépendant, échappant à la culture partisane, L'institut de l'iconomie, présidé par Michel Volle. Nous écoutons , travaillons, produisons pour décrypter les signaux faibles de cette nouvelle société. Nous cherchons à dialoguer avec tous ceux qui se passionnent pour cette construction en marche.

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Au début du mois  de septembre, nous avons publié un livre collectif, dont la réalisation  a été dirigée par Claude Rochet et Michel Volle,  L'intelligence iconomique, publié chez de  boeck. le sous-titre en explique bien le projet : les modèles d'affaires de la troisième révolution industrielle. Autour de Michel Volle et Claude Rochet, Francis Jacq, Jacques Printz, Laurent Bloch et Pierre-Jean Benghozi ont illustré un thème de réflexion qui donne une vision  approfondie de ce qu'est l'iconomie.

Pour ma part, j'ai rédigé le chapitre sur "La France dans l'iconomie, une étoile qui s'éteint ?" aux conclusions moins pessimistes que le titre. "

L'institut de l'iconomie est présent sur les réseaux sociaux et invite toutes les personnes intéressées par cette réflexion collective à faire connaitre leurs contributions. 

http://www.iconomie.org


Francfort triomphal, la Chine en panne

Alors que le Salon de Francfort ouvre ses portes en mettant en scène le triomphe mondial de l'industrie automobile allemande, puissante et technologique, c'est de Chine que quelques mauvaises nouvelles suscitent des inquiétudes pour la profitabilité à long terme de l'industrie automobile allemande très dépendante de la bonne santé du marché chinois. Il faut donc essayer de remettre dans une perspective historique ce toussotement du marché chinois en 2015 Est-ce durable ? Comment peut réagir l'industrie allemande et de façon générales les constructeurs des pays au marché automobile mature ravis de trouver en Chine un formidable espace de conquête ?

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Le marché chinois est devenu depuis 2009 le premier marché automobile de la planète, dépassant les Etats-Unis. Un mois d’immatriculations y représente plus d'une année du marché français ! Désormais le premier marché mondial, avec 18,4 millions de véhicule's individuels et 5,1 millions de véhicules utilitaires vendus en 2014, la Chine est aussi le premier centre de production mondial. Tous les plans d’investissement des constructeurs chinois, avec ou sans leurs alliés nippons et occidentaux, tendent à construire un gigantesque complexe industriel qui pourrait dépasser en 2020 une capacité de production de plus de 40 millions de véhicules. Compte tenu du taux de motorisation actuel de la Chine, cette situation de premier pays constructeur mondial est définitivement acquise, ce qui n’exclut nullement des risques de surcapacité si la demande intérieure se ralentit. C’est donc en Chine que les constructeurs mondiaux s’affrontent et jouent leur avenir. Or tous les constructeurs veulent y augmenter leur capacité de production. On prévoit que le nombre d’usines d’assemblage va passer de 218 à 235 en 2020. PSA y dispose de quatre usines pouvant monter jusqu’à un million de voitures par an. Volkswagen prévoit d’atteindre 4 millions de voitures en 2018 avec 21 usines en 2020. Renault, dernier arrivé en Chine, y construit avec Dong Feng une usine d’une capacité de 300000 véhicules qui va ouvrir en 2016. 

La Chine bouleverse donc le marché mondial de l'automobile en imposant par son volume un changement durable de dimension. Mais ce recentrage asiatique du marché mondial de l'automobile a des conséquences majeures sur les perspectives de l'industrie européenne.

Un coup de tonnerre dans un ciel radieux  ?

Dans ce marché euphorique, la crise que traverse la Chine a fait reculer, en juillet, de 7% les ventes d'automobiles.  L’année 2015 devrait en effet connaitre une croissance beaucoup plus faible de la demande que les années précédentes et la prévision de 25 millions de véhicules risque de ne pas être atteinte. Les constructeurs, très confiants, ont entretenu l’image d’un marché chinois inaltérable pour justifier leur stratégie massive d’investissements dans ce pays et dissiper les inquiétudes des marchés financiers. En réalité, l’expérience des constructeurs dans les nouveaux pays consommateurs d’automobiles (Inde, Russie, Brésil…) les a préparés à de brutaux revirements de marché. Les signaux d’un ralentissement du marché étaient d’ailleurs nombreux. La plupart des grandes villes ont pris des mesures de restriction de la circulation. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, les autorités ont multiplié les gestes pour lutter contre la corruption et les dépenses ostentatoires, ce qui a ralenti l’engouement pour les berlines de luxe et voitures de sport d’exception. Mais l’avenir du marché automobile réside dans sa démocratisation et donc une évolution vers les modèles d’entrée de gamme, transformation qui profitera aux constructeurs chinois et à ceux qui pourront répondre à cette nouvelle attente des classes moyennes. Le succès de la Peugeot 2008 est un signal encourageant pour les constructeurs français.

 Cette crise est-elle inquiétante pour les constructeurs occidentaux ?

Il est clair que le Japon, les Etats-Unis et surtout l’Allemagne sont très exposés aux variations du marché chinois. L’Allemagne joue un rôle majeur dans le marché automobile chinois, tant par ses exportations directes (28 % du total de ses exportations en Chine, 613000 véhicules) que par sa production locale. Toutefois, avec 821000 véhicules vendus en Grande-Bretagne en 2014, le marché britannique est plus important que la Chine pour les constructeurs allemands. Après une croissance de leurs exportations en Chine de 11% en 2014, les constructeurs allemands subissent une contraction de leurs ventes avec une croissance de seulement 1,4% sur le premier semestre 2015. La Chine a représenté en 2014 40% des ventes totales de Volkswagen, soit 3,5 millions de véhicules. Pour BMW, qui a connu une hausse de 45% de ses ventes, chaque année entre 2005 et 2012, la Chine représente un marché considérable. En 2015, en six mois, 231000 BMW y ont été vendues. Audi y réalise un tiers de ses ventes mondiales. Et Mercedes, moins présent,  voit sa progression augmenter. Pour les constructeurs premium allemands, la Chine a été très profitable jusqu’en 2014. Or le marché, qui descend en gamme, va générer moins de profits.

L’industrie automobile britannique exporte beaucoup en Chine : 137000 véhicules en 2104, en croissance de 14,5% et 11% de ses exportations totales. La France est très présente par le groupe PSA qui a enregistré 743000 ventes en 2014.

Les constructeurs japonais, en dépit des tensions politiques entre les deux pays, sont très présents en Chine. Nissan y a vendu 1,2 million de voitures en 2014, Toyota 907000 voitures. General Motors est également très implanté et a vendu plus de trois millions de véhicules, Ford, un million. Les Coréens sont aussi actifs, Hyndai et Kia ayant vendu 1,6 million de voitures en 2014.

Il y a donc une imbrication étroite du marché chinois avec toute l’industrie mondiale ! Et donc une dépendance accrue...

Un investissement dans l’industrie automobile ne se fait pas dans l’urgence et ne se remet pas en cause facilement. Ayant patiemment construit leurs implantations en Chine, et croyant à l’avenir à long terme du marché chinois, les constructeurs ne prendront pas le risque de froisser les autorités chinoises en manifestant ouvertement leur fébrilité. Les déclarations des constructeurs sont plutôt rassurantes, tant pour les investisseurs que pour leurs partenaires chinois. L’Allemagne a continue à investir, toutes activités confondues,  2,10 milliards $ en Chine en 2014 et a encore accru de 21% le rythme d’investissement au premier trimestre 2015... Les constructeurs, et équipementiers, doivent jouer le long terme, car ils n’ont pas le choix compte tenu de la saturation des marchés classiques – Europe, Etats-Unis, Japon – et de la grande instabilité des autres pays émergents. Ceci n’exclut pas quelques réallocations de moyens.

Le marché chinois commence à s'intéresser...  aux voitures chinoises

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Haval H7, grand SUV de la marque chinoise Great Wall Motors, au salon de Shanghai  2015

 En août 2015, la part des constructeurs nationaux dans les voitures individuelles a continué à croître de 2,3% par rapport à 2014 pour atteindre 40% du marché. L’offre évolue : les SUV d’origine chinoise représentent 51% du marché du segment. Les monospaces (MPV) chinois ont plus de 80% de part de marché du segment. Les Chinois ont manifesté beaucoup de pragmatisme dans le développement de leur industrie nationale. Ils ont misé massivement sur la carte des joint-ventures pour acquérir l’expertise et accélérer leur développement. Néanmoins, les autorités politiques, centrales et provinciales, considèrent que l’industrie automobile est une industrie stratégique. Elles prendront les mesures nécessaires pour en assurer le développement tant pour le marché interne que pour les exportations, qui sont aujourd’hui dérisoires (2,3% de la production) pour un grand pays producteur.  Et il serait logique que les constructeurs chinois, qui captent le savoir-faire de leurs alliés, s’estiment un jour suffisamment compétents pour être autonomes et notamment se développent sur les grands marchés. Ils ont déjà envoyé un signal en exigeant que les produits des joint-ventures portent un nom chinois. Mais une des difficultés des constructeurs pour s’imposer sur leur marché, et progresser à l’exportation, est leur trop grand nombre qui disperse les efforts techniques et empêche d’atteindre la masse critique. La consolidation du nombre de constructeurs est indispensable, mais se heurte à beaucoup de freins internes, notamment le poids des provinces qui défendent chacune leur industrie. Toutefois les dix premiers constructeurs représentent 90% des ventes en 2015.

Crise environnementale et impact sur le marché

Les Chinois sont d’autant plus attentifs à l’impact de la pollution atmosphérique qu’ils sont confrontés dans leurs  grandes métropoles à de graves problèmes. Il est certain qu’un développement non contrôlé de la  voiture individuelle à moteur thermique serait totalement catastrophique pour la population et donc pour les autorités politiques. Shanghai, Pékin, Guangzhou et Hangzhou ont sérieusement limité la circulation des voitures individuelles.  La voiture électrique n’est qu’une réponse partielle parce que le mix énergétique chinois, très dépendant du charbon, n’est pas favorable à une production d’énergie électrique décarbonée. L’augmentation du nombre de véhicules électriques, qui est un objectif clair du gouvernement chinois, doit aller de pair avec une évolution du parc de centrales électriques, avec plus de nucléaire et d’énergies renouvelables. Sur le plan technologique, les industriels chinois maîtrisent la technologie des batteries et n’ont pas besoin d’un support des constructeurs occidentaux. Malgré un soutien gouvernemental, le marché du véhicule électrique progresse peu avec 47000 ventes en 2014. Mais la ville de Pékin  a imposé qu’en 2016 40% des nouveaux véhicules immatriculés soient électriques, ce qui pousser rapidement le marché dans les grandes villes.

La structuration du marché intérieur est en marche

La Chine dispose aujourd’hui d’un parc de millions de véhicules, dont une grande partie est encore composée de véhicules anciens. Avec 61 véhicules pour 1000 personnes, contre 770 aux Etats-Unis et 582 en Europe, le taux d’équipement du pays aux standards occidentaux est très faible. La demande est donc avant tout une demande de primo-équipement. Toutefois, compte tenu de la rapide croissance du parc, un marché de l’occasion de véhicules récents va se développer, favorisant l’accès à l’automobile. Il faut rappeler qu’en France le marché de l’occasion représente deux fois le marché des véhicules neufs. La situation du marché chinois est déterminée par la capacité de la classe moyenne à acquérir un véhicule dans des conditions de circulation acceptable. Avant la crise boursière, il y avait consensus pour considérer que le taux de motorisation allait tripler d’ici 2020, pour atteindre  184 véhicules /1000 habitants. La part de la Chine dans le parc mondial devant passer de 10% en 2012 à 20% en 2020. Malgré la crise, il est peu vraisemblable que la croissance du marché chinois soit totalement remise en cause. En revanche cette démocratisation va se traduire par une hausse de la part de marché des véhicules chinois.

Avec la croissance du marché, s’installe un écosystème automobile où les concessionnaires jouent un rôle majeur. Mais s’ouvrent aussi les magasins plus petits, couvrant les zones moins peuplées, appelés pop-up stores. Dans ce pays très connecté qu’est la Chine, internet et les réseaux sociaux se sont imposés comme premier vecteur de diffusion de l’information automobile. Le puissant Alibaba s’intéresse de près à l’automobile et s’est associé au constructeur SAIC pour créer une entreprise dédiées aux véhicules connectés. Enfin la modernisation du marché concerne également le financement. Jusqu’ici, avec leur épargne abondante, les acheteurs payaient en cash. Or le crédit automobile démarre seulement maintenant et près de 20% des achats intègrent un plan de financement.

Les constructeurs chinois vont-ils conquérir le monde comme les japonais dans les années soixante ?

Le contexte est radicalement différent. Les constructeurs japonais se sont imposés aux Etats-Unis dans les années soixante-dix avec des véhicules nouveaux, petits et fiables. Ils apportaient une offre alternative aux constructeurs américains qui s’étaient totalement endormis techniquement. Aujourd’hui la présence des véhicules chinois sur les marchés matures est inexistante. L’image de marque est déplorable, la sécurité encore insuffisante, la capacité d’innovation très faible, et le design sans originalité malgré les efforts de quelques compagnies, comme Geely, d’assurer une présence dans les salons automobiles comme Genève. Mais cette situation pourrait rapidement évoluer si les constructeurs chinois doivent se réorienter vers l’exportation. 

(Sur la base d'un texte publié par le site Atlantico)


Où va le Canada ?

Les élections canadiennes ont été fixées au 19 octobre. Le Premier ministre conservateur, Stephen Harper, remet pour la troisième fois son mandat en jeu et, cette fois, le contexte lui paraît moins favorable. L’entrée du Canada en récession au premier semestre, du notamment à la baisse des cours du pétrole, s’ajoute à un climat tendu dans les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces. Stephen Harper multiplie les frictions avec les provinces.  C’est avec l’Alberta, qui vient d’élire un gouvernement NPD (nouveau parti démocratique), parti de Thomas Mulcair, chef de l’opposition et sérieux candidat au poste de Premier ministre, et avec l’Ontario dont la Première ministre libérale, Kathleen Wynne, est un actif soutien du candidat libéral à Ottawa, Justin Trudeau, qu’Harper est en querelle. Alors que traditionnellement les niveaux de gouvernement fédéral et provincial n’interfèrent pas lors des élections, le caractère clivant d’Harper justifie ce climat exceptionnel dans un pays qui ne pratique généralement pas l’art des joutes politiques épiques. Harper a même réussi à se mettre en opposition avec les autochtones en ne participant pas à la rencontre annuelle des chefs autochtones et des premiers ministres provinciaux de 2015.

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Ces élections sont importantes pour le Canada qui, sous le leadership strictement conservateur de Stephen Harper, s’est effacé graduellement de la scène politique mondiale. Un changement politique à Ottawa pourrait changer la donne, notamment à quelques semaines de la COP 21. En effet, le Canada est un des pays majeurs de la planète. 10e pays le plus riche du monde pour le PIB par tête, 15e puissance économique par son PIB, membre du G8, le Canada est un immense pays de 10 millions de kilomètres carrés, ce qui en fait le 2e pays au monde pour sa superficie,  faiblement peuplé  avec  seulement 35,7 millions d’habitants et terre d’attraction pour de nombreux immigrants.  Riche en ressources naturelles, en eau douce et en hydroélectricité, le Canada est aussi un pays manufacturier où la construction automobile et aéronautique a toujours joué un rôle majeur.  Néanmoins, dépendant à 75%, des Etats-Unis pour ses exportations, l’économie industrielle a beaucoup souffert de la crise de 2008, passant de 18% du PIB en 2000 à 10% en 2013 et l’emploi industriel a baissé de 500000 personnes. Si  le Canada demeure un pays prospère,  où le consensus social et les politiques économiques ont longtemps été plus proches des démocraties du nord de l’Europe que de la culture américaine, il doit affronter une transformation économique majeure qui ébranle ses deux piliers, l’industrie et les matières premières, et crée une dissymétrie entre l’économie pétrolière de l’Alberta et l’économie diversifiée du coeur historique de l’Ontario et du Québec.

Les positions « révisionnistes » du gouvernement Harper sur le réchauffement climatique l’ont isolé des autres nations, y compris de son voisin du Sud. Le Canada, qui apparait à l’opinion française comme un pays « vert », est en fait un de ceux qui font le moins d’effort en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, Harper ayant refusé en 2011 de respecter l’accord de Kyoto qui, selon lui, comporte des « cibles stupides ». Ce n’est que cet été, face aux violents incendies de forêts qu’a connu la Colombie britannique, qu’Harper a reconnu que le réchauffement climatique pouvait en être responsable… La dépendance économique envers les sables bitumineux d’Alberta , qui représentent 60% des revenus pétroliers, et le lobby pétrolier ont poussé le gouvernement à encourager le développement sans nuance des énergies fossiles en mettant un terme brutal aux efforts d’économies d’énergie et de recherche d’énergies alternatives. Les crédits aux agences fédérales en charge de l’environnement ont été régulièrement réduits depuis 2007, ce qui a suscité de vives réactions de la communauté scientifique  internationale.  Le Canada est jugé comme le 27e , et dernier, pays de l’OCDE pour sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ! Les choix fédéraux n’ont toutefois pas empêché les provinces de s’engager dans une politique plus ouvertement favorable à l’environnement.

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Sur le plan sociétal, parmi ses positions conservatrices sur la famille, l’emploi, la sécurité, la libéralisation des ventes d’armes aux particuliers, par l’abolition et la destruction du registre des armes de chasse en 2012,  a créé une vive opposition dans un pays pacifiste où le taux d’homicide par armes à feu est infiniment moins élevé qu’aux Etats-Unis (130 contre 30000 par an).  

Canada ou Québec ?

Le Canada jouit d’une image très positive dans l’opinion française. C’est même, après les Etats-Unis,  le second pays de destination privilégiée pour les actifs qui désirent quitter la France en dehors de l’Europe. Chaque année, le Canada accueille comme résidents permanents plus de 6000 Français dont 3000 à 4000 par an s’établissent durablement au Québec. Il y aurait entre 130000 et 150000  Français à Montréal.

Si l’attractivité du Canada est très forte aux yeux des Français, c’est souvent le résultat d’un malentendu très largement lié à la confusion des images entre le Canada, état fédéral,  puissance très proche des Etats-Unis économiquement et politiquement, et membre important du Commonwealth, et le Québec, qui n’en est qu’une province avec 15% de la superficie, et 22% de la population. Le Général de Gaulle par son discours de Montréal de 1967 et son fameux « Vive le Québec libre » est largement responsable  de cette ambiguïté qui a conféré au Québec, aux regards des Français, un statut d’état qu’il n’a pas juridiquement. De fait le Canada, puissance majeure majoritairement anglophone apparaît au second plan de la relation avec la France au nom de la francophonie et de cet attachement affectif au Québec. Mais même sur  ce plan, l’effet de halo québécois nuit à la francophonie dans les autres provinces qui comprennent de nombreuses minorités francophones actives, notamment les provinces de l’Est (Nouveau Brunswick) et l’Ontario. 30% des Canadiens déclarent pouvoir soutenir une conversation en français, et 21 % le parlent couramment à la maison en 2011, contre 24,6% en 1981. 82,5% des Québécois parlent le français à la maison.

Une histoire troublée

Les relations  entre le Canada et la France  sont marquées depuis 50 ans par cette ambigüité au parfum de revanche sur l’histoire.

Garde-parlement

Peu de gens savent que le Canada est encore un Etat sous le régime constitutionnel britannique. La reine d’Angleterre en est encore le souverain et elle représentée à Ottawa par un gouverneur général. Les Français qui émigrent au Canada et reçoivent la nationalité canadienne doivent prêter serment à… la Reine d’Angleterre. Le Canada est un membre influent du Commonwealth.

En fait l’histoire des relations entre la France et la Canada est complexe. La France a été évincée de ce vaste espace à la suite de sa défaite devant Québec en 1759 par le Traité de Paris de 1763. Ce qui fut la Nouvelle France, contrôlant un vaste territoire allant du Mississipi aux Rocheuses est devenu un espace centré le long du Saint-Laurent, confiné dans ses frontières par les Etats-Unis au sud, le Haut-Canada anglophone à l’ouest, et sauvé de  l’assimilation anglophone par la résistance de ses paroisses catholiques dans un monde protestant. Lâchés pendant des décennies par la France, les « canadiens français » n’ont commencé à retrouver une visibilité que par leur présence en France lors de deux guerres mondiales. Les batailles de la Somme (1916) et de Vimy (avril 1917) sont à l’origine de l’identité et de la souveraineté canadienne. Le débarquement de Dieppe le 19 août 1942, qui a coûté la vie à près de 1000 hommes en une journée, a également fortement marqué le rôle du Canada lors de cette opération sans espoir de victoire mais qui a permis de préparer le débarquement de juin 1944. Il a fallu la révolution tranquille des années soixante et le formidable mouvement de libération culturelle et politique engendré par René Levesque et le parti québécois, entre 1976 et 1985, après le discours du général de Gaulle à l’Hôtel de ville de Montréal, pour que la France découvre que la seconde ville francophone du monde était Montréal.

Or si la France et le Canada ont des relations diplomatiques naturelles entre états souverains, la France a construit avec le Québec des relations diplomatiques particulières. Dans ce cadre, les deux premiers Ministres se rencontrent régulièrement  pour définir des ententes bilatérales  qui sont gérées par la Commission permanente de coopération franco-québécoise (CPCFQ) et le groupe franco-québecois de coopération économique (GFQCE), instruments d’échanges entre la province du Québec et la France. De fait le Consulat général de France à Québec a pris un rôle privilégié dans la relation avec la province du Québec, qui entretient à Paris, depuis 1961, une puissante délégation générale.

« L’effet Québec » se traduit par un attrait particulier pour la culture québécoise, célèbre depuis les années soixante-dix pour ses chanteurs et son cinéma. 80% des étudiants français au Canada fréquentent les universités québécoises où, jusqu’en 2015, ils bénéficiaient de droits d’inscription privilégiés. Le Québec accueille 60 % des entreprises françaises au Canada, mais les entreprises commencent à s'intéresser aux autres provinces. Et le tourisme français se limite souvent aux villes de Montréal, Québec et le Saguenay Lac Saint-Jean... L’image d’Epinal des « cousins d’Amérique » et leur accent agace profondément les québécois et dissimule une ignorance durable de la réalité socio-économique du Québec, de son ancrage durable dans la fédération canadienne, et de son caractère nord-américain.

Or derrière le Québec, le Canada est un pays que les Français devraient faire l’effort de connaître et de comprendre. Si l’Alberta grâce au boom pétrolier a attiré une main-d’oeuvre française, les autres provinces sont peu populaires. Il ne faut pas oublier que, selon le classement de The Economist en 2015, Vancouver et Toronto, et même Calgary, sont régulièrement classées parmi les villes les meilleures au monde pour la qualité de vie. Montréal est 14e.

Il est certain que pour les entreprises françaises la présence au Canada permet de se développer en Amérique du Nord dans un environnement social et économique, souvent bilingue, à mi-chemin entre  l’Europe et les Etats-Unis. Il ne faut toutefois pas se faire d’illusions. Même quand ils parlent français, les Canadiens sont des nord-américains pragmatiques et solides en affaires. Le sous-estimer serait faire une grave erreur et  pourrait justifier notre image de « maudits français ».

 

Note post-électorale

L'élection de Justin Trudeau et la nomination d'un gouvernement paritaire de 30 membres ouvre la voie d'un renouveau de l'action fédérale au Canada. "Canada is back" a déclaré Justin Trudeau après son élection. La première conséquence est une participation active du Canada à la COP 21, l'équipe gouvernementale ayant affirmé être très impliquée dans la lutte contre le réchauffement climatique.