Tesla inspire les constructeurs allemands
21 septembre 2015
Ce texte est une adaptation du texte publié le 21 septembre par le site d'information Atlantico.
Tesla ne cesse d'intriguer. Cette société américaine née en 2013 est en train de s'imposer comme la référence des berlines positives de luxe dans le monde. Or c'est une voiture électrique pure, à l'autonomie de 500 km, qui redéfinit le luxe avec un intérieur raffinée, une ligne exceptionnelle et un silence de fonctionnement unique. Surtout c'est une voiture qui a mis le logiciel au coeur de son fonctionnement comme le manifeste l'étonnante planche de bord où trône un immense écran d'ordinateur. Au moment où Tesla Motors s'apprête à lancer un second model, un SUV, lance une usine de batteries au coeur du Nouveau Mexique, l'industrie automobile s'interroge sur les performances de ce trublion qui prétend changer les règles du jeu et inspire d'autres acteurs redoutables que sont Apple et Google. Où va l'automobile au XXIe siècle, entre le grand luxe de la Tesla S et la sobriété inventive du nouveau véhicule d'entrée de gamme de Renault, conçu en Inde, Kwid, qui sera vendu autour de 5000 €, quand on sait que pour le prix d'une Tesla on pourrait acquérir une flotte de 15 Kwid ?
1/ Pourquoi les véhicules électriques Tesla se vendent mieux aux Etats-Unis qu'en Europe (11700 véhicules vendus aux Etats-Unis contre 7100 en Europe durant la première moitié de l'année)?
Les véhicules électriques suivent l’évolution globale du marché. Le marché nord-américain a retrouvé une puissante dynamique, en grande partie nourrie par l’excès de crédit, qui fait que les volumes y sont plus élevés qu’en Europe. Le marché américain est le premier marché au monde pour les voitures électriques avec 345000 voitures vendues entre 2008 et juin 2015, dont 46% pour la seule Californie. Nissan est leader avec 82000 Leaf vendues, suivi de GM avec 79000 Chevrolet Volt et Tesla avec près de 50000 Model S. Le gouvernement fédéral et 37 états subventionnent l’acquisition d’un véhicule électrique..
Au premier juillet 2015, Tesla avait vendu 21550 voitures dans le monde, dont 11900 aux Etats-Unis, son objectif étant de 55000 pour l’année. Tesla a une politique de distribution originale et n’a pas de concessionnaire. Les boutiques Tesla sont présentes dans 22 états, mais la vente ne se fait que sur le web
2/ Comment analysez-vous les freins que rencontre la marque dans ses ventes en Europe, notamment en Allemagne et en France ?
La Tesla S est un véhicule de très haut de gamme qui coûte plus de 80000 € ! Malgré son prix et son niveau de prestations, Tesla Model S se vend presque aussi bien en Europe au premier semestre que Renault Zoe (7382 Tesla contre 8479 Zoe) ! La performance du Model S est remarquable car elle se compare aux véhicules très haut de gamme essentiellement allemands. En France, les ventes de ce type de voiture sont très marginales. En Allemagne, elles sont plus courantes mais la préférence nationale pour haut de gamme allemand est une solide tradition. Il faut rappeler que Tesla ne vend la Model S en Europe que depuis août 2013. La renommée de cette marque originale, qui n’est pas issue du monde de l’automobile, n’en est que plus remarquable. Il s’est ainsi vendu en France au second trimestre 326 Tesla au prix de base de 76000 € contre 146 BMW i3 à 28000 €, après aide de 7000 €, alors que le réseau et la renommée de la marque n’ont rien de comparables.
Le marché global du véhicule électrique en Europe a atteint en 2014 65200 véhicules, en croissance de 61% par rapport à 2013. La progression en 2015 continue avec le réveil notable du marché britannique qui prend la seconde place devant la France et l’Allemagne. Il est dominé par l’Alliance Renault Nissan avec ses deux véhicules, Zoe et Leaf. C’est encore un marché très conditionné par le niveau des aides fiscales.
3/ Pourquoi Tesla rencontre-t-elle un tel succès en Norvège ?
La Norvège a décidé d’adopter une démarche très volontariste de développement du véhicule électrique. Cette politique est unique au monde et crée les conditions optimales pour les constructeurs de véhicules électriques au détriment de leurs concurrents thermiques. Les aides fiscales en faveur des véhicules électriques y sont très élevées alors que les taxes à l’importation se situent à un haut niveau. 50000 voitures électriques ont été vendues en 2013 et 2014, alors que cet objectif gouvernemental avait été fixé pour 2018. Les voitures électriques représentent 12,5% du marché en 2014, contre en France. Tesla est leader, suivi de la Volkswagen e_golf et de la Nissan Leaf. Fin décembre 2014, il y avait en Norvège 16000 Leaf immatriculées et 6000 Tesla. Les Norvégiens qui veulent accéder au haut de gamme préfèrent acheter des véhicules technologiques en rupture plutôt que des berlines traditionnelles. Aussi une BMW Serie 7 va coûter 3 fois plus cher qu’une Tesla S. Un tiers des véhicules immatriculés au premier semestre 2015 sont des véhicules électriques, situation unique au monde. Les avantages accordés au véhicule électrique sont multiples : droit d’utilisation des voies d’autobus, gratuité des parkings, péages et ferries. Cette politique d’aide massive, coûteuse, a été reconduite jusqu’en 2017.
3/ Quelle politique doit adopter la marque pour augmenter ses ventes en Europe ?
Elle doit se faire connaître et a commencé à le faire tant par l’implantation d’un réseau des bornes de recharge (supercharger) qui permettent aux Tesla se sillonner l’Europe que par des actions promotionnelles visant un public très large. Il y avait récemment une présentation de la Tesla S à la Gare de Lyon. Il y a 150 stations de recharge Tesla en Europe, qui permettent une charge permettant 270 km en 30 minutes. Mais c’est surtout en sortant de la niche du très haut de gamme que la marque peut espérer les volumes dont elle a besoin pour rentabiliser l’investissement de son usine de batteries. Une petite Tesla est prévue pour 2018 autour de 35000 $, après la sortie cet automne d’un luxueux SUV.
4/ Quel est l'état de la concurrence ? Dans quelle mesure Tesla peut-elle s'en inspirer ?
La grande force de la marque est d‘être unique. Il n’y a pas de concurrence pour ce véhicule, ni pour ses performances en autonomie, ni pour le niveau de prestations, ni pour l’effort particulier qui a été consenti pour en faire un objet technologique d’exception. D’ailleurs les constructeurs allemands commencent à en prendre ombrage et après avoir longtemps traité par l’ignorance cette « start-up » insolente qui refuse de suivre les canons de l’automobile ont tous annoncé au salon de Francfort préparer des véhicules concurrents. Le concept car Porsche Mission E avec 500 km d’autonomie montre que les constructeurs historiques du segment sport ne veulent pas se laisser dépasser. Mais il ne s’agit que d’un concept alors que Tesla roulent ! BMW, Audi et Daimler ont tous annoncé des véhicules avec une autonomie de 500 km, qui est indiscutablement le point fort de Tesla.
5/ Tesla parviendra-t-elle selon vous à débloquer cette situation ? Si oui, comment ?
Tesla n’emprunte pas les chemins habituels. Elon Musk et ses équipes ont défini, à partir de zéro, un genre à part de voiture haut de gamme électrique aux prestations exceptionnelles. Ils vont descendre en gamme en gardant un caractère exclusif à la marque ! L’avance de Tesla sur les batteries reste considérable et la nouvelle usine, qui va produire dès 2017 un nombre de cellules supérieur à toute la production mondiale de 2013, va donner à la marque, en partenariat avec Panasonic, les moyens industriels d’en baisser le coût de l’ordre de 30%. On compare souvent Tesla à Apple dans sa démarche technique et marketing. Tesla ne veut pas être un constructeur automobile comme les autres. Il reste à savoir si la concurrence acharnée que les constructeurs allemands, mais aussi Toyota avec la Miura à piles à combustible à hydrogène, va menacer Tesla dont le développement spectaculaire n’a toujours pas permis de rendre la société rentable alors que sa capitalisation en bourse est estimée à 34 milliards $.