Changement de société, changement de modèle de management
Travail et entreprise en 2030

Innovation... pourquoi toujours invoquer Schumpeter ?

Dans notre société avide de slogans, le terme « révolution schumpétérienne » est facilement jeté en pâture comme explication ultime des problèmes liés au changement technologique sans chercher à approfondir l’analyse.

Or la pensée de Joseph Schumpeter, dont le premier ouvrage date de 1908 et le dernier, posthume, de 1954, s’inscrit dans le cadre très intense et riche en controverses de la réflexion macro-économique de la première moitié du XXe siècle. Schumpeter est né comme Keynes, en 1883, année de la mort de Karl Marx. Ces trois auteurs convergent sur leur volonté de comprendre le monde économique et la structure du capitalisme. La pensée économique classique fondée sur la théorie générale de l’équilibre développée par Walras ne permettait pas de rendre compte des violentes perturbations de l’économie mondiale. Les spécialistes de la macro-économie quantitative ne donnaient pas de meilleurs résultats. Les économistes cherchaient donc à réconcilier plusieurs approches pour comprendre ces  mouvements.

L’ouvrage de l’économiste universitaire britannique Chris Freeman, « As time goes by...», analyse avec méthode les joutes intellectuelles de cette époque dans lesquelles les plus grands noms de l’économie comme Keynes et Kondratieff se sont illustrés. L’ambition de ces économistes, dans la lignée de Marx, était immense : décrire un système général d’analyse de l’économie expliquant aussi bien la nature de l’équilibre économique que celle du déséquilibre ainsi que la compréhension  des forces qui transforment en permanence le système économique.

Schumpeter dans « History of Economic Analysis”, publié en 1954, définit la société comme étant un système « organique » et non pas mécanique. Ce sont les poussées induites par l’innovation technique qui vont forcer les organisations établies, institutions comme entreprises, à se transformer. Cette « destruction créative », terme, hérité de Marx, qu’il emploie en 1942 dans « Capitalisme, socialisme et démocratie »,  libère la capacité de croissance de l’économie en remettant en cause les situations acquises et les rentes qui bloquent les transformations. Toutefois l’innovation est exogène et dépend de décisions individuelles non modélisables et aléatoires. Les besoins de la société ne sont pas pré-déterminés, ce sont les processus de l’économie réelle qui vont faire émerger de nouveaux besoins et créer de nouvelles offres. C’est la fonction de l’entrepreneur d’imaginer la combinaison de plusieurs facteurs qui vont constituer une innovation. Il considère que l’économie est mouvement car «  serait une bien misérable figure celle de l’agent économique recherchant en permanence avec anxiété l’équilibre. Il n’aurait ni ambition ni esprit entrepreneurial ; en bref il serait sans force et sans vie ».

Cit-schumpeter

Sur les bases de travaux de Schumpeter, les réflexions se sont poursuivies dans la communauté scientifique sur les conditions  de déploiement de l’innovation technique et sa diffusion par la transformation des organisations et des méthodes. Les néo-schumpétériens, animés notamment par Carlota Perez, professeur à Tallinn, poursuivent cette réflexion sur la dynamique du cycle de l'innovation. Il y a consensus pour considérer que les changements structurels ne peuvent survenir qu’à travers une crise d’ajustement qui implique l’émergence d’un nouveau cadre institutionnel et social.

La cinquième vague d’innovations introduite par les techniques de traitement de l’information - après la mécanisation hydraulique, la vapeur, l’électrification, la motorisation - est bien le déclencheur d’une troisième révolution industrielle dont on ne vit aujourd'hui que les prémices. Car c'est une révolution qui se développe dans un secteur bien déterminé , celui des techniques de l'information et de la communication, et se propage transversalement dans tous les autres en s'accélérant. Les effets de ces turbulences sont difficilement prédictibles. Mais tout confirme que la reconfiguration du monde est bien en marche.

A consulter : http://carlotaperez.org

http://claude-rochet.fr/innov/schumpeter/

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