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Automobile mondiale, sortie de crise ?

Le paysage automobile que présente le marché mondial en ce début d’année 2015, entre les salons de Detroit, qui ouvre l’année automobile début janvier aux Etats-Unis, et celui de Genève, qui marque le début de la campagne commerciale européenne, est complexe car il reflète des réalités bien différentes selon les pays. L’économie mondiale pots-crise est loin d’être homogène et l’automobile est un marqueur précis de ses clivages.

L’automobile connectée, un nouveau front

Il faut souligner qu’entre ces deux salons classiques du monde automobile, le CES de Las Vegas, début janvier, peut désormais apparaître comme le salon de l’automobile connectée, tant les constructeurs ont investi cet évènement dans les stands comme dans les conférences. Le fait qu’après Google c’est Apple qui envisage de produire des automobiles électriques montre que si la voiture, progressivement, s’est informatisée, elle risque à terme, comme le téléphone, de devenir ordinateur et donc d’être absorbée par l’ambition sans limite des tycoons de la côte ouest des Etats-Unis. Il faut dire que le cash dont dispose Apple, 178 milliards $, permettrait d’alimenter les dépenses en capital de GM pour 20 ans ! Toutefois l’argent ne suffit pas dans ce métier complexe qu’est l’automobile !  Tesla, qui a brûlé 1,3 milliards de cash depuis 2008, et ne pense pas être bénéficiaire avant 2020, peut considérer qu’avoir vendu en 2014 31000 voitures est un exploit quand il a fallu 3 ans à un industriel établi, Nissan, pour vendre 100000 exemplaires de sa Leaf.

Les ventes continuent...

Il faut dire que la voiture ne laisse personne indifférent,  aussi séduisante dans les show-rooms qu’agaçante dans les embouteillages, oscillant sans cesse entre les charmes du produit plaisir et les contraintes de l’outil de transport. Toutefois, l’automobile reste fondamentalement conservatrice, contrairement aux marchés de l’électronique grand public, et ne change guère ni d’architecture ni de fonctionnalité même si elle devient de plus en plus équipée d’outils hérités de la révolution numérique. C’est pourquoi bien que chacun ait une opinion bien tranchée sur l’automobile, la voiture continue inexorablement sa progression. Le marché mondial de ce produit, cher et encombrant, est une synthèse mouvante des passions et aversions que suscite l’automobile. Sans connaître le destin fulgurant du « téléphone intelligent », la voiture, de plus en plus intelligente elle-aussi, continue de croître sur la planète pour atteindre bientôt 100 millions de véhicules produits, vraisemblablement en 2017.

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Pollution automobile, Pékin

Le marché mondial est plus que jamais contrasté

Les résultats de la production mondiale de l’année 2014 marquent la poursuite tempérée de l’atonie des marchés européens et japonais, le ralentissement relatif du marché chinois, avec une croissance de 7% en 2014 contre 14% en 2013,  et le retour à la prospérité du marché américain. Pour les autres grands marchés mondiaux, Inde, Iran, Brésil, Russie, 2014 aura été une année décevante pour les constructeurs qui ont beaucoup misé sur ces marchés prometteurs mais très instables.

Le grand gagnant de la production industrielle est clairement la Chine qui en quelques années a su grimper à la première place du podium et reléguer les Etats-Unis au second plan. Les ventes de voitures ne représentaient en 2002 que 1,75 millions de véhicules en Chine ! En produisant en 2014 22,5 millions de voitures et utilitaires, le Chine fait deux fois plus que les Etats-Unis avec 11,4 millions de véhicules, doublement acquis entre 2008 et 2014 seulement. Tous les constructeurs mondiaux se sont implantés en Chine qui est devenue pour certains comme Volkswagen ou GM leur première base de production industrielle. C’est à la Chine que Volkswagen doit le fait en dépassant dix millions de véhicules produits de tenir la corde pour dépasser Toyota comme premier constructeur mondial. Les ventes sur le marché chinois représentent 50 % des revenus des constructeurs allemands. C’ets encore à la Chine que PSA doit la réussite de son année 2014 avec une croissance de ses ventes de 32% pour atteindre 734 000 véhicules.  Il faut noter que les constructeurs chinois, nombreux, régionaux, endettés et mal structurés, profitent moins de cet engouement que les constructeurs étrangers. L’émergence de champions chinois à vocation internationale tarde à se concrétiser, les ambitions planétaires des SAIC, Chery, BYD restant très limitées à quelques pays émergents. Les exportations de véhicules particuliers ne représentent que 3% de la production..

L’évolution géographique du marché est sans surprise

Le marché de l’automobile est la résultante de l’évolution de paramètres multiples. En premier lieu la santé économique et les perspectives de revenus des ménages, comme des entreprises, représentent la première motivation des acheteurs pour un produit qui reste le seconde poste de dépense des ménages après l’immobilier. Le prix du véhicule, liés aux conditions commerciales et au coût du crédit, permet le passage de l’intention à l’acte d’achat. Les perspectives d’usage – coût de l’essence et des assurances, prix du stationnement, taxes et péages – orientent le choix du véhicule notamment en matière de motorisation comme dans l’alternative véhicule neuf ou véhicule d’occasion. Cette équation est très sensible à l’ambiance générale envers l’automobile,  la perception des utilisateurs sur la facilité d’usage au regard des réglementations sur la vitesse et l’environnement pesant sur la demande générale et le choix du type de véhicule. Et tous ces facteurs agissent différemment s’il s’agit de marchés matures ou de marchés en phase d’équipement.

Aussi il n’est pas surprenant de constater que la principale bonne nouvelle pour les constructeurs provienne du marché américain. Après les années noires, Detroit a brillamment retrouvé ses couleurs, avec un marché 2014 de 16,5 millions de véhicules, contre 10 millions en 2009,  qui a rattrapé celui de 2007. Toutes les marques ont brillamment progressé en 2014 et le salon de Detroit a pu exhiber sans complexe ses néons et ses chromes pour afficher le retour au culte américain des voitures musclées. L’humilité écologique a fait long feu, place aux trucks ! Certes Ford annonce que son camion mythique, le F150, voiture la plus vendue sur le marché américain, fait une cure d’amaigrissement de150 kg grâce à l’emploi de l’aluminium, mais ses moteurs sont toujours des V6 et V8 qui ont certes progressé mais restent gloutons.

Les véhicules hybrides et électriques ont toutefois su trouver leur place  à la faveur de la crise sur un marché climato-sceptique. Avec des ventes cumulées en 2014 de 290000 véhicules les Etats-Unis sont  le pays où circulent le plus de véhicules à motorisations alternatives. La Chine vient plus loin avec 113 000 voitures  devant le Japon, 104 000.  C’est la Californie  où règne Tesla et les hybrides, menées par Toyota, Ford et GM qui a stimulé avec sa réglementation restrictive cet essor du marché.  Il faut souligner que Nissan Leaf est la voiture électrique la plus vendue dans le monde et aux USA. Mais le prix actuel de l’essence est une incitation à la puissance et à la consommation dans un pays de gros rouleurs qui n’a jamais vraiment été sensible à l’environnement.

L’évolution du marché chinois sera sur ce point intéressante à suivre attentivement. Car si tous les constructeurs considèrent que l’avenir de l’automobile mondiale, et le leur particulièrement,  se joue en Chine, les contraintes environnementales et sociétales risquent de tempérer cet enthousiasme.

90% des villes chinoises dépassent largement les critères de l’OMS en matière de pollution. L’encombrement ne fait que croître et plusieurs mégalopoles ont dû prendre des mesures restrictives. Le gouvernement a engagé en 2014 le retrait du marché de plus de 5 millions de voitures anciennes et polluantes, sur un parc de 230 millions de véhicules. Car la pollution atmosphérique, dont l’automobile n’est pas la seule cause, devient en Chine un problème politique sérieux.

Le Japon est le seul pays au monde où une réglementation spéciale a fait émerger un marché de petits véhicules légers, les Kei (moins de 660 cm3, moins de 3,4 m) dont la croissance en 2014 a été spectaculaire (+ 7%). Ces véhicules représentent désormais 40% du marché automobile ! Les hybrides sont la seconde spécialité du Japon, qui les a inventés. Ils représentent 40% du marché des voitures individuelles. 

Le diesel, dont les modèles les plus récents ont des performances très élevées en matière de rejet de particules amorce son repli sur le marché européen qui représente 70 % des ventes mondiales mais commence à percer, marginalement, sur les marchés dont il était traditionnellement exclu, Corée, Japon, Etats-Unis.

Notons que le paradis de la voiture électrique est en 2014 la Norvège où 65200 voitures électriques sont été immatriculées. 2014 aura vu également le lancement de la voiture à hydrogène de Toyota, la Mirai.

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Toyota Mirai
C’est déjà un véhicule accompli, performant, avec 500 km d’autonomie, qui s’appuie sur la longue expérience acquise avec les 7 millions de véhicules hybrides produits sous les marques Lexus et Toyota. Mais le réseau de distribution d’hydrogène reste encore plus confidentiel que les bornes de recharge électrique.

Et la France ?

Quant aux constructeurs français, ils ont réalisé une année en progression en chiffre d’affaires de 0,3 % pour Renault et Dacia, mais de 3,2 % en volume avec 2,7 millions de véhicules,  et de 4,3% en volume pour le groupe PSA, avec 2,93 millions de véhicules vendus. PSA, avec une nouvelle direction et un nouvel actionnariat, ouvre une nouvelle étape de son histoire après de sérieuses turbulences et mise sur le marché chinois pour retrouver une rentabilité durable.

Les constructeurs allemands enregistrent une nouvelle excellente année avec un haut niveau de volume et de profits qui consolide leur domination mondiale dans le marché premium. Obligés de réagir face aux règlements européens, qui les pénalisent, les constructeurs allemands font preuve d’ingéniosité pour baisser la moyenne des émissions de CO2 de leurs gammes en multipliant les petits modèles et en engageant des efforts significatifs vers l’hybridation ou l’électrique. BMW communique largement sur ses i3 et i8, qui sont des électriques à prolongateur d’autonomie et Audi fait de sa gamme e-tron un démonstrateur de son savoir-faire technique.

Marché de volume, le marché automobile devrait atteindre 88 millions de véhicules en 2015... Après le décrochage de 2009, l'automobile retrouve grâce à son territoire mythique historique, les Etats-Unis, suivis de la Chine, une croissance soutenue... Jusqu'à la prochaine crise, économique, pétrolière, environnementale...

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