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La voiture sans conducteur, réaliste ?

Ce texte sera publié également sous une forme semblable sur le site  Atlantico le 27 octobre

2014 a vu soudain apparaître une nouvelle tendance technologique : la voiture sans conducteur. Il n’est pas de constructeurs qui n’aient annoncé, dans une surprenante surenchère, qu’ils allaient mettre « prochainement » sur le marché une voiture qui pourrait rouler sans que son conducteur ne se préoccupe de cette tâche désormais futile, conduire. Volvo, Daimler, Nissan, Ford, General Motors, Audi, BMW, Tesla ont tous annoncé des dates probables de commercialisation, d’ici 5 à 10 ans, de ces véhicules autonomes ou semi-autonomes sans toutefois préciser l’ampleur du service rendu. Si le projet n’est pas nouveau, la ruée vers ce concept est apparue comme une réponse des constructeurs automobiles établis aux ambitions de Google qui  prétendait pouvoir mettre sur le marché non seulement une voiture sans conducteur, mais aussi sans poste de conduite. Il est d’ailleurs bien curieux que, soudain, ceux qui exaltent et embellissent ce fameux plaisir de conduire, qui à lui seul déclencherait le désir d’achat du véhicule, nous promettent d’en être prochainement débarrassé en confiant à un automate le soin de s’acquitter de cette tâche.

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Il faut toutefois questionner sérieusement l’intérêt de cette technologie en dépassant la fascination qu’elle inspire. Car après la valse des annonces, la réalité s’impose.

Les voitures modernes sont désormais très bien équipées en automatismes multiples qui assistent le conducteur dans sa tâche qui, dans les conditions réelles de circulation, est à la fois complexe et fastidieuse, mais aussi fatigante et dangereuse. Il n’y a que dans les publicités que l’on voit une voiture filer sur une route dégagée et sèche dans un paysage somptueux et sans aucun trafic. La réalité quotidienne de la route est bien éloignée de ces images du « plaisir de conduire » qui sont à la base du marketing de tous les  constructeurs. 

Les constructeurs ont tiré depuis longtemps profit des avancées de l’électronique pour équiper leurs véhicules d’outils d’aide à la conduite. De multiples capteurs et actionneurs ont été intégrés depuis l’apparition de l’antiblocage des roues au freinage, l’ABS, en 1978, pour aider à la conduite ou se substituer au conducteur en cas d’urgence. De fait, d’ores et déjà, une voiture moderne va prendre des décisions pour maintenir sa trajectoire avec l’ESP (Electronic Stability Program), assurer une vitesse constante avec le régulateur, améliorer l’adhérence en cas de pluie ou de neige, amplifier le freinage en cas d’urgence, avertir d’un franchissement de ligne ou de dépassement d’une vitesse autorisée, tout en pourvoyant le conducteur de multiples informations sur son itinéraire. La dernière Mercedes Classe S comprend une centaine de micro-processeurs pour s’acquitter de ces multiples tâches.  Ces assistances ne se substituent pas au conducteur, même si elles corrigent, à la marge, ses décisions inappropriées.

En fait le débat sur la voiture sans conducteur est parti de la volonté de Google de démontrer la suprématie de son système de cartographie, tellement précis qu’en suivant ses indications, n’importe quel ordinateur pouvait sans difficulté faire parcourir à une voiture des centaines de kilomètres sans incident. Les constructeurs ont réagi en montrant qu’en équipant une voiture de capteurs, radars, scanners laser, outils de géolocalisation et servomoteurs, on pouvait potentiellement se passer du conducteur. Et on a vu ainsi quelques dirigeants se montrer au volant de ces véhicules expérimentaux mais sans toucher le volant resté bien classique, position assez curieuse et très peu naturelle qui montre bien que le concept est plaqué sur des véhicules conventionnels…

Ces annonces soulèvent deux questions : est-ce utile ? Est-ce faisable ?

Il est clair que le maillon faible de la conduite automobile, c’est l’homme : 90% des accidents automobiles sont dus à des facteurs humains. L’inattention, l’utilisation d’un téléphone au volant, la surestimation de ses capacités poussant à des vitesses excessives, la fatigue, comme la drogue et l’alcool qui dégradent les réflexes sont les multiples causes humaines, souvent additives, à l’origine des accidents. Plus d’1,3 millions de personnes dans le monde, selon l’OMS, perdent la vie dans un accident de la route chaque année. Dès lors mettre au volant un ordinateur doté de capacités sensorielles puissantes et dépourvu des limites biologiques de l’homme est tentant. La motivation est noble : tendre vers le zéro accident et le zéro mort. On attend aussi de l’automatisation de la conduite des économies d’énergie, une réduction des embouteillages, un gain de temps considérable. On peut aussi imaginer que la voiture relaie et soulage le conducteur dans des situations fatigantes et sans intérêt, comme la conduite dans un embouteillage,  les longs parcours sur route dégagée ou encore les manœuvres urbaines comme le stationnement. Mais pour atteindre ces résultats il faudrait que la machine elle-même soit exempte de défauts.

Conduire un véhicule sur un parcours varié est une tâche complexe. Une voiture à conduite automatique qui se subsisterait aux véhicules actuels devrait remplir les missions polyvalentes d’un conducteur. Les obstacles sont multiples : emprunter un itinéraire varié, sur des routes hétérogènes, en milieu urbain dense ou en rase campagne, faire face aux aléas du trafic, aux comportements imprévisibles des piétons et autres usagers et aux conditions météorologiques, aux changements de la configuration  de la route, en cas de travaux par exemple... Cette compétence du conducteur, ce serait aux ordinateurs du véhicule de l’assurer en s’appuyant sur les informations stockées et sur celles acquises en temps réel.

C’est là où le pari devient plus compliqué. S’il est relativement facile de faire rouler sans solliciter le conducteur une voiture sur autoroute dégagée, il faut que le véhicule soit en mesure d’atteindre une telle route par ses propres moyens et s’en dégager. Il faut donc définir à quel moment l’automatisme rend la main au conducteur s’il ne peut assurer  en pleine sécurité une conduite en milieux variés. Il faut donc que le conducteur soit en permanence en situation de vigilance et que l’interface automatisme/humain soit parfaitement fiable. Même avec des pilotes expérimentés, et dans un espace dégagé, les pilotes automatiques des avions sont  parfois sources de confusion aux conséquences fatales.

Par ailleurs pour atteindre une telle fiabilité il faut multiplier les capteurs, les processeurs de traitement faisant appel à des algorithmes complexes et à l’intelligence artificielle, les automatismes pour se prémunir de la défaillance d’un composant ou d’un programme. Un tel équipement complexe ne peut qu’être très coûteux. Ainsi un laser 3D, ou lisar, coûte 50 000 € pièce. Les voitures sont soumises à des conditions de fonctionnement bien plus difficiles que les avions, dont les conditions d’usage sont  simples à modéliser et à programmer. Comment en revanche prévoir toutes les situations auxquelles un conducteur pourrait être confronté ? C’est pourquoi les démonstrations qui ont été faites ne sont pas probantes car elles se déroulent dans un contexte simplifié qui n’a rien à voir avec la réalité routière.

Il faut donc revenir à une réalité opérationnelle qui ne fera pas rêver mais qui a plus de chances de se concrétiser. Toyota a d’ailleurs pris ses distances au CES 2013 en prônant une approche pragmatique et graduelle qui parle de voiture autonome, par couches successives d’avancées techniques, mais non sans conducteur. L’humain, pour Toyota, doit en effet rester en permanence en situation de contrôle. Cette piste est la plus vraisemblable. Les constructeurs vont « simplement », même si le travail est déjà considérable, étendre progressivement le champ des automatismes déjà installés, en commençant par le très haut de gamme pour financer le coût de ces installations. Beaucoup de véhicules proposent déjà une assistance au stationnement en créneau, dont les résultats sont encore très imparfaits. On peut aussi disposer d’un régulateur de vitesse qui se cale sur le véhicule qui précède pour maintenir une distance de sécurité et de multiples aides à la vision, à la tenue de cap, au freinage, à l’évitement de collision. Pour tester sans attendre le charme de ces technologies il est possible pour 140 000 € ( !) de s’offrir la dernière Mercedes 500 S Plug-in Hybrid qui est un démonstrateur de tout ce qu’on peut mettre aujourd’hui dans une automobile. Elle peut notamment être équipée, en option, d’une assistance à la conduite dans les embouteillages.

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Par petites touches, ces outils permettront de rendre la conduite plus sûre en dotant le conducteur d’un copilote vigilant et efficace.  Par ailleurs, des expériences de véhicule sans pilote seront réalisées sur des itinéraires précis et balisés, ce qui peut rendre de multiples services dans des espaces appropriés. Il faudra certainement attendre plusieurs décennies avant de voir de véritables voitures sans pilote se mêler à la circulation courante !


French touch, French Tech

Le « paradoxe français »  prendrait-il un autre visage ? On sait que les Français ont un goût immodéré pour la possession et l’usage des objets techniques  mais que les entreprises en raffolent beaucoup moins. De fait si nous sommes dans le peloton de tête en matière d’objets connectés, nous sommes plutôt à la traîne par rapport à nos concurrents pour l’usage en entreprise, grandes et petites, des technologies de l’information. Plusieurs rapports publiés à l’automne 2014 convergent pour souligner la faible appétence des entreprises françaises pour le numérique, au moment où, paradoxalement, l’Etat apparait aux yeux de l’ONU comme le meilleur élève européen en matière d’administration numérique !

Or la France est en train de montrer au monde qu’elle dispose d’une ressource majeure de créativité et de compétitivité, les start-up ! Nous avons réussi à prouver depuis quelques années déjà que quelques entrepreneurs audacieux étaient capables de dépasser la Silicon Valley aux Etats-Unis même et de réussir mondialement avec des objets qui remportent chaque année au CES de Las Vegas la palme de la créativité. Car ils savent  aussi transformer ces intuitions en succès commerciaux. Parrot, Withings, Netatmo sont aujourd’hui de jeunes vétérans, imités désormais par des centaines de start-up qui partout en France innovent, créent, se battent. Elles sont particulièrement visibles en région où elles trouvent un terreau favorable auprès des collectivités territoriales, des grandes écoles et des universités qui en soutiennent la création.

 Les Trophées des industries numériques*, organisés par L’usine nouvelle en octobre 2014 et dont Sia Partners est sponsor, ne concernent pas que des start-up. Ils ont rassemblé  des entreprises de taille et de secteurs différents mais toutes désireuses d’exploiter les technologies de l’information comme vecteur majeur de leur transformation. Airbus, Orange, L’Oréal ou Renault ont concouru notamment avec Daitaku, née en 2013 pour mettre au point un logiciel d’analyse de données, Upgraduate, qui acclimate les MOOC au monde de l’entreprise. Le slip français s’est imposé dans le textile grâce aux réseaux sociaux, Lippi a bouleversé l’organisation du travail en formant la totalité de son personnel aux techniques numériques.  Cette diversité démontre que le numérique s’applique à tous les secteurs, à toutes les tailles d’entreprise, à toutes les situations. C’est tout le cycle de vie des produits et les rythmes de l’entreprise qui sont concernés par la transformation numérique. Les start-up qui sont nées dans cet univers numérique disposent d’une capacité innée à en tirer toutes les potentialités. Elles offrent un modèle dont s’inspirent les grandes entreprises les plus mobiles.

Les start-up françaises représentent d’abord un enjeu économique  majeur car elles permettent de créer de nouvelles activités pour relayer la vieille économie défaillante. Mais elles jouent aussi un rôle politique en incarnant le dynamisme et l’espoir alors que la plupart des indicateurs classiques incitent au pessimisme.

Le gouvernement entend utiliser ce mouvement comme vecteur d’attraction de capitaux internationaux mais aussi pour changer l’image d’un pays trop souvent perçu comme vieilli, bureaucratique, râleur  et déconnecté de la réalité du monde de l’entreprise du XXIe siècle.

French Tech est un programme gouvernemental qui vise à labelliser des territoires qui font du numérique leur axe majeur de développement.   Plus de vingt métropoles ont constitué un dossier pour recevoir le label French Tech, se faire connaître à l’étranger et catalyser initiatives privées et actions publiques. Avec un Etat peu riche en moyens, ce ne sont pas des subventions qui déclencheront l’ambition numérique mais la coopération entre acteurs. Il faut souligner que sans participer à cette reconnaissance publique, de nombreuses collectivités engagent la convergence numérique de leur territoire en partenariat avec les Chambres de commerce, les agences de développement économique et les entreprises. Il faut ainsi citer l’exemple de Roanne dont la première édition des « Instants numériques » a été un remarquable succès, rapprochant des entreprises anciennes comme Nexter et des start-up.

Le mouvement des start-up françaises, dynamique et foisonnant, s’appuie sur plusieurs vecteurs de performance qui ont été développés au cours des dernières années et ont progressivement constitué un environnement favorable à la  création.

D’abord le crédit impôt-recherche qui est un outil très apprécié fait de la France « un paradis fiscal » pour l’innovation. Les grandes entreprises exploitent largement cette manne  de six milliards € par an, qui permet d’obtenir un crédit d’impôt égal à 30 % des dépenses de R&D éligibles. C’est également un élément d’attraction pour les entreprises étrangères. Les PME qui n’en ont pas été les premières bénéficiaires, avec 88% des déclarants mais seulement 35% des crédits, ont vu en 2013 élargies les conditions d’attribution.

Ensuite le travail des pôles de compétitivité, lancés en 2004, qui ont fait émerger des zones d’excellence, les clusters, où entreprises, laboratoires de recherche et universités travaillent étroitement ensemble pour faire émerger des idées neuves et développer les entreprises qui les incarnent et les propulsent sur le marché.

Les incubateurs de start-up se multiplient. Paris dispose de 10000 m2 de bureaux qui leur sont destinés, et grâce à l’initiative conjointe de la Caisse des dépôts, de la Ville de Paris et de Xavier Neil va se doter en 2016 avec la Halle Freyssinet d’un nouvel espace qui serait aujourd’hui unique au monde. Les grandes entreprises et les banques suivent également ce mouvement. Le Crédit Agricole a ouvert à Paris en octobre 2014 son « village by CA », espace d’open innovation et pépinière destiné à accueillir les start-up. Les espaces de co-working, comme Numa, accueillent en séminaire les équipes des grandes entreprises, telles Airbus, pour décloisonner et ouvrir les cadres à la culture de l’innovation transversale.

 

La France apparaît déjà dans les classements internationaux comme un pays fertile en initiatives  numériques. Elle se prépare, notamment avec la French Tech, à la nouvelle révolution industrielle. Après les NTIC – Nouvelles technologies de l’information – ce sera en effet les NBIC – nanotechnologies, biotechnologies, intelligence artificielle et sciences cognitives – qui vont alimenter la transformation de notre tissu économique. Le pessimisme ambiant ne doit pas nous faire négliger que les entreprises se sont mises en mouvement et qu’une génération de nouveaux entrepreneurs leur montrent la voie. La France numérique n’est plus une volonté désincarnée, c’est une réalité en marche.

*Evènement dont Sia Partners, qui  publie à cette occasion l’édition pilote 2014 de son Observatoire des stratégies digitales :  les entreprises à l’ère du digital : les prémices d’une métamorphose. Voir le blog : http://tinyurl.com/SiaPartnersTD

Isabelle Denervaud et  Jean-Pierre Corniou, associés, Sia Partners

http://www.usine-digitale.fr/article/trophees-des-industries-numeriques-les-lecons-d-innovation-des-neuf-laureats.N291642


Mondial 2014 : l'industrie répond-elle aux défis du marché européen ?

Le retour du Mondial à Paris en octobre 2014, en alternance avec Francfort,  constitue un évènement particulier six ans après la crise de 2008 qui allait durablement ébranler l’industrie automobile mondiale et, spécifiquement, assommer le  marché européen et ses constructeurs historiques.

En 2007, l’Europe avait produit 23 millions de voitures et son marché intérieur s’élevait à 16 millions de voitures. En 2013, ces chiffres étaient respectivement de 14,6 millions et 11,9 millions, soit 16% du marché mondial. La production automobile en France plafonne aujourd’hui  à 1,74 million de véhicules, soit la moitié de 2005.

Par rapport à 2007, sur 6 ans, c’est donc près de 20 millions de voitures qui n’ont pas été vendues, ce qui représente une perte consiérable pour toute l’industrie, ses sous-traitants et sa distribution. Ces véhicules ne se retrouvent pas dans le parc européen, qui a donc vieilli, au détriment de la performance énergétique globale.

Des signes de retour à l’optimisme se sont multipliés depuis deux ans avec une remontée des ventes, timide mais régulière, alimentée largement par un effet mécanique de renouvellement d’un parc vieillissant. Mais il est illusoire de retrouver les chiffres de vente de 2007 avant de longues années, si tant est que cet objectif soit légitime dans une économie européenne vieillissante au marché saturé.

Le plaisir de conduire, toujours actuel ?

Car l’industrie est désormais confrontée à une question fondamentale : les Européens sont-ils de nouveau prêts à consacrer une part significative de leur budget à l'automobile,  en investissement comme en fonctionnement? Au-delà des contraintes économiques dans des budgets des ménages de plus en plus serrés, existe-t-il encore un désir d’automobile qui justifie des achats et des engagements de dépenses récurrentes conséquents. Les constructeurs y croient car ils pensent que le désir d’automobile est un élément indissociable de la culture européenne qui a vu naître l’automobile et en reste un leader mondial. L’automobile est associée à un mode de vie, une forme de liberté et de plaisir qu’aucun autre moyen de transport ne satisfait pleinement. Il est d’ailleurs significatif de constater que les publicités des voitures sont tournées souvent aux Etats-Unis dans de grands espaces où les marques françaises n’auront jamais l’opportunité de circuler !

En revanche, les tenants d’une vision utilitariste de l’automobile considèrent que l’automobile individuelle est incompatible avec la qualité de vie en ville.  Elle se révèle inefficiente quand il s’agit de transporter quotidiennement des millions de personnes de façon sûre, fiable, en exploitant rationnellement l’espace et l’énergie. Ce camp des automobilo-sceptiques comprend notamment les gouvernements européens dont les décisions constantes réduisent la part de l’automobile dans les villes et la contraignent par des règles de circulation et des normes d’émission de plus en plus sévères.

Des réponses timides

Est-ce que l’industrie automobile européenne a appris, au cours de ces années de disette, à apporter des réponses appropriées au plus  grand défi de l’automobile qui est la perception par le consommateur d’une dégradation de son rapport coût/valeur ? Aux coûts croissants correspond en effet une appréciation de la valeur fournie de plus en plus négative. Pour beaucoup d’automobilistes, la voiture est un choix contraint par le manque de solutions alternatives satisfaisantes, notamment en zones rurales et péri-urbaines. Là où l’offre de transport collectif est la plus dense, l’usage de la voiture décroit comme le taux de renouvellement de l’achat de véhicules individuels. La part modale des déplacements en automobile ne cesse de baisser  ainsi dans les grandes métropoles françaises.

Mais pour les constructeurs, dont l’objectif est de revenir à une meilleure profitabilité en utilisant au mieux leur outil de production, qui reste durablement surdimensionné sur le continent européen, la question cruciale est bien de ramener les consommateurs dans les concessions pour les séduire avec des véhicules nouveaux, attractifs et flatteurs. La part d’irrationalité qui pousse le consommateur à acheter un véhicule dont il sait qu’il va rester la plupart du temps au parking et dont chaque mouvement coûte cher en temps, en carburant, en stationnement et en… amendes est justement cette zone de fragilité que vise à exploiter les constructeurs.

En même temps, le marché étant très concurrentiel, c’est à chacun de peaufiner son argumentaire pour se différencier sur les valeurs qui lui paraissent être ses points forts. Le Mondial constitue donc sur deux semaines un théâtre d’opérations où chacun développer ses avantages relatifs pour extraire le marché de sa morosité à son profit. Ce sont plus de 80 véhicules nouveaux qui s’affrontent dans l’arène. Bien peu seront couronnés par un succès commercial significatif.

Si les consommateurs boudent le marché automobile, quand ils payent eux-mêmes la facture, c’est bien parce que le coût d’usage apparaît trop élevé par rapport au service rendu. Est-ce que les offres du Mondial répondent à cette attente ?

Au milieu d’une pléthore d’offres premium, marché privilégié des constructeurs car ils y trouvent des marges confortables, les petites voitures et l’entrée de gamme ne font pas rutiler leurs chromes. Or c’est pourtant cette offre qui séduit les clients français car elle représente 53 % du marché contre 41% pour les autres pays européens.

Seul le groupe Renault avec sa marque d’entrée de gamme Dacia a ouvertement fait du prix son argument commercial majeur. Il a parfaitement réussi en proposant une gamme mondiale, réduite à huit véhicules modernes et fiables, là où les généralistes en proposent en général une vingtaine. Avec un million de véhicules vendus, Dacia atteint sa cible sans dégrader les prestations, son SUV Duster étant au contraire un grand succès mondial pour son design et ses qualités techniques pour un prix d’au moins 50% inférieur à ses concurrents immédiats. Dacia contribue largement aux profits de Renault par une organisation industrielle optimisée et des prix de revient soigneusement pilotés.

On peut donc dire que lorsque le rapport coût/valeur est favorable, le marché répond positivement. C’est pourquoi d’autres constructeurs, après avoir été très sceptiques, cherchent à proposer une offre équivalente, avec beaucoup d’année de retard. C’est le cas de PSA avec , de Nissan qui tente dedévelopper sa marque d’entrée de gamme Datsun. Citroën a introduit à Genève sa C4 Cactus qui constitue une offre innovante tant par le design que par la sobriété des équipements pour un prix qui commence quand même à 14000 €.

Pour beaucoup de constructeurs, la solution réside plutôt à proposer des packages associés à des conditions commerciales attractives, la vente avec rabais étant devenue un standard de l’industrie.

La consommation n'est pas un argument déterminant

Peu d’offres s’attaquent frontalement au problème majeur de l’automobile, la consommation. Pour y parvenir à baisser les consommations de carburant, les solutions sont connues. Il faut d’abord alléger le poids du véhicule, après des générations de véhicules de plus en plus lourds, réduire la puissance des moteurs et travailler dans le moindre détail l’aérodynamisme. C’est un travail minutieux qui impose une révision parfois drastique des choix qui ont été faits depuis des années et ont conduit à l’obésité des véhicules, toujours plus longs et larges, toujours mieux équipés, toujours plus puissants. Or il faut choisir des matériaux moins lourds -aciers spéciaux, composites, aluminium, fibres de carbone voire magnésium -, coûteux et délicats à mettre en œuvre en grande série, renoncer à la multiplicité des accessoires à l’utilité contestable, et repenser des éléments classiques comme les sièges. Le downsizing ne plait ni aux ingénieurs épris de performance brute, ni au marketing qui ne sait toujours pas vendre les voitures pour leur frugalité. Par ailleurs le ralentissement de la croissance mondiale a écarté provisoirement la menace d’une hausse du prix du pétrole brut, qui tend à se situer au-dessous du seuil des 100 $ le baril. Il a fallu beaucoup d’énergie à Arnaud Montebourg pour fixer à l’industrie le défi de descendre au-dessous de 2 litres de carburant au 100 km et Renault et PSA, démontrant qu’ils conservent leur capacité d’innovation,  y ont répondu avec célérité et réalisme. L’un propose un véhicule essence/hybride, la Renault Eolab, et PSA met en oeuvre son concept Hybrid Air 3 cylindres essence/pompe  hydraulique  sur une 208. Eolab peut être considéré comme  la révélation du Mondial car ce véhicule cumule les avancées techniques pour gagner 400 kg et passer, avec 955 kg,  au-dessous de la barre de la tonne. Eolab met en œuvre un groupe moto-propulseur hybride essence rechargeable qui est une solution inédite pour Renault. Ce savoir-faire du constructeur dans la création d’un véhicule innovant apporte des solutions rapidement exploitables.

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L’autre contrainte qui pèse sur les constructeurs pour limiter la consommation, et donc les émissions, est de nature réglementaire. D’une part, la norme Euro 6 repousse les limites d’émission de NOX et de particules, et d’autre part le passage, en 2021, d’une émission moyenne de CO2 par km, pour chaque gamme, de 130 g à 95 g impose un effort considérable aux constructeurs pour modifier leurs pratiques.

Ces contraintes sont intégrées par les constructeurs sans enthousiasme car elles sont coûteuses avec peu d’espoir d’en répercuter le coût sur le client.

Toutefois, en dehors de ces véhicules concept prometteurs mais à la commercialisation encore lointaine, les constructeurs restent fidèles à leur approche du marché en multipliant les modèles et leurs variantes sur-motorisées.  Ces catalogues pléthoriques et tapageurs  ne débouchent pas nécessairement sur des ventes mais restent nécessaires, dans l’esprit des directions marketing, à l’affirmation de l’identité de marque. La réalité du marché, d’ailleurs entretenue par les concessionnaires eux-mêmes,  sanctionne d’ailleurs cette profusion de modèles en ne sélectionnant que quelques véhicules à succès. Quelques modèles, Clio IV et Captur pour Renault,  208, 308 et C3 pour PSA, concentrent les volumes de ventes au sein de gammes pléthoriques.  Elles devraient être rejointes dans le succès par la sympathique Twingo qui est bien le type de véhicule accessible et compatible avec l’usage urbain que les clients plébiscitent.

Parmi les voitures au profil décalé par rapport à ces tendances lourdes du marché, ce qui ne les condamne par nécessairement sur le plan commercial, on peut citer le futur Espace, véhicule statutaire de 4m85 qui porte les  espoirs de Renault de retrouver une place en haut de gamme. Un constructeur se doit d’avoir aussi dans son catalogue des voitures sportives. C’est pour cela que Peugeot propose des versions GT de ses populaires 208 et 308 avec des moteurs dépassant 200 ch, propriété bien peu exploitable dans le trafic courant.

L’offre du Mondial multiplie ainsi dans toutes les marques  les véhicules statutaires, sportifs et haut-de-gamme qui se vendent très peu en France.

En revanche, le front écologique des véhicules électriques et hybrides est peu actif. Les constructeurs semblent résignés à un impact marginal sur leurs ventes. Le véhicule électrique personnel stagne à 5400 ventes sur 8 mois, dont 46% sont des Renault Zoe et 17% des Nissan Leaf, belle performance de l'Alliance. Mais sur les huit prmeiers mois de 2013, les véhicules électriques s'étaient mieux vendus, à 5674 unités. Les hybrides, contrairement à leur progression régulière, ont baissé au premier semestre 2014 de 6,7% par rapport à 2013 et ne représentent que des volumes limités avec 2,2% du marché. Il faut souligner dans ce segment largement dominé par Toyota, dont la Yaris produite en France est la meilleure vente avec 6300 véhicules en 6 mois, et pour les constructeurs français, par PSA (Peugeot 3008 et 508 Hybrid 4) ,  l’engagement de Volkswagen qui propose une Golf hybride attractive. Cette faible attractivité des voitures vertes tient à leur coût, à la baisse relative des aides publiuqes et globalement à un scepticisme durable du marché français.

Les constructeurs ont de la peine à faire évoluer leur offre pour coller aux exigences d'un marché désormais urbain, vieilissant et de moins en moins solvable. Mais le public qui plébicite les petites voitures montre aussi son conservatisme en matière de motorisation. L'automobile plaisir, puissante, statutaire, sportive reste le mythe auquel se raccroche l'imagerie automobile alors que la réalité quotidienne est beaucoup plus pragmatique. Les constructeurs prétendent qu'il leur faut maintenir cette image glamour et ne se résignent à produire des véhicules plus simples, pratiques et moins consommateurs d'énergie.

Ce qu'on appelle crise de l'automobile, avec un attentisme pesristant d'un marché sourd aux sirènes des constructeurs, ne serait-elle pas l'annonce d'une transformation profonde et durable du marché ?


Innovation : de Sumer au numérique !

Téléchargement Innovation_JPCorniou

 

Cette présentation a pour objet l'expliquer l'évolution de la représentation des connaissances et ses conséquences sur le système socio-technique.

NB : le chanrgement peut être long car il y a beaucoup d'images.. Un peu de patience, merci...


Jusqu'où iront les imprimantes 3D ?

Les technologies de l’information et de la communication ont marqué l’entrée dans une nouvelle ère. Cette « troisième révolution industrielle » va rebattre à nouveau les cartes de la géographie de la production mondiale, bouleverser les processu et les flux et transformer les compoétences.

L’innovation est le moteur de l’économie. Naguère apanage des pays pionniers de la révolution industrielle, l’industrialisation a gagné de nombreux pays qui, depuis cinquante ans, se sont développés et concurrencent désormais avec brio les pays matures. L’accélération de cette transformation va au-delà de ces bouleversements visibles. Nous vivons une révolution scientifique et technique qui porte les capacités numériques au cœur de toutes les activités humaines. Les pays matures doivent réinventer la production et le recyclage des objets et produits qui accompagnent notre quotidien. Dans ce schéma, l’apparition de l’impression 3D a longtemps été considérée comme une curiosité marginale. Or, cette technique apparaît aujourd’hui comme une méthode de production à part entière. La place qui lui a été faite au CES  en 2014 [Consumer Electronics Show de Las Vegas] comme dans toute manifestation consacrée au numérique en témoigne. S’il y a cinq ans, l’américain MakerBot était le seul fabricant d’imprimantes 3D, il était entouré, cette année, au salon de Las Vegas, d’une vingtaine de concurrents…

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Produire localement
Ces nouveaux acteurs proposent des services d’impression 3D de plans numériques pour les particuliers et les professionnels. Par exemple, le français Sculpteo offre à ses clients de personnaliser le design des produits qu’ils achètent, comme les coques de smartphones. Des imprimantes personnelles à des prix abordables (moins de 500 dollars) permettent d’imprimer chez soi ses propres créations. Les matériaux coûtent encore assez chers et restent limités. Mais la gamme disponible progresse. La recherche explore l’impression de produits alimentaires (Barilla), de nanomatériaux, de cellules vivantes ou encore de circuits électroniques. On image même produire des maisons entières avec ces outils. Grâce à ce procédé, le coût de production chutant considérablement, il devient attractif de produire localement en petites séries, plutôt que de gérer une production délocalisée. Le différentiel de coût de main-d’œuvre devient marginal. De même, rapprocher la production des acheteurs finaux est synonyme d’économies de frais de stock et de transport. Car au-delà des premières applications artisanales et ludiques c'est bien la production industrielle qui est visée par ces procédés "additifs" qui réduisent le temps de finition, simplifient le nombre de passages en machines et évitent les pertes de matière que les techniques "soustractives" générent.

L’impression 3D ouvre aussi la voie à une nouvelle ère de collaboration. Dans son ouvrage, Chris Anderson étudie les Makers, « individus fabricants », communautés de passionnés créant eux-mêmes leurs objets de consommation. Alliée à l’électronique et la robotique, elle permet de rendre le design et la production à la portée de chacun. Comme l’impression 2D a permis de devenir « éditeur » de ses textes et documents, l’impression 3D permet de devenir producteur d’objets. Se développent ainsi de nouveaux lieux collaboratifs, appelés « Fab Labs », où chacun peut réaliser ses propres projets. Alors que la seconde révolution industrielle raisonnait massification, séries longues et extraction d’une énergie carbonée, l’analogie avec le modèle du Web viendra inspirer des productions locales en réseaux qui permettront des gains de coûts de transport et d’émission de CO2.

 

La Poste qui confrontée à la chute de son marché historique, le courrier papier, cherche de nouvelles applications pour valoriser la puissance de son réseau de proximité s'est enagée à titre expérimental dnas l"impression 3D. Depuis le 27 novembre 2013, trois bureaux de poste franciliens expérimentent un nouveau service de conseil et d’impression 3D. Le but est  de concevoir, réaliser et envoyer à son destinataire un objet unique et personnalisé directement depuis son bureau de poste. Les architectes se sont montrrés reès intéressés par cette initiative car cela leur permet de produire et expédier économiquement à leurs clients des maquettes 3D.

Le choc numérique n’épargne nullement l’industrie. Mais, en repensant le cycle de vie du produit à travers son existence numérique, il sera possible de concevoir et produire de façon plus efficiente et de retrouver la créativité nécessaire pour apporter des solutions « servicielles » personnalisées associant produit et service. Cette révolution est engagée. Elle va s’accélérer dans les trente prochaines années et remettre en cause beaucoup d'idées reçues obsolètes sur l'industrie..