French touch, French Tech
24 octobre 2014
Le « paradoxe français » prendrait-il un autre visage ? On sait que les Français ont un goût immodéré pour la possession et l’usage des objets techniques mais que les entreprises en raffolent beaucoup moins. De fait si nous sommes dans le peloton de tête en matière d’objets connectés, nous sommes plutôt à la traîne par rapport à nos concurrents pour l’usage en entreprise, grandes et petites, des technologies de l’information. Plusieurs rapports publiés à l’automne 2014 convergent pour souligner la faible appétence des entreprises françaises pour le numérique, au moment où, paradoxalement, l’Etat apparait aux yeux de l’ONU comme le meilleur élève européen en matière d’administration numérique !
Or la France est en train de montrer au monde qu’elle dispose d’une ressource majeure de créativité et de compétitivité, les start-up ! Nous avons réussi à prouver depuis quelques années déjà que quelques entrepreneurs audacieux étaient capables de dépasser la Silicon Valley aux Etats-Unis même et de réussir mondialement avec des objets qui remportent chaque année au CES de Las Vegas la palme de la créativité. Car ils savent aussi transformer ces intuitions en succès commerciaux. Parrot, Withings, Netatmo sont aujourd’hui de jeunes vétérans, imités désormais par des centaines de start-up qui partout en France innovent, créent, se battent. Elles sont particulièrement visibles en région où elles trouvent un terreau favorable auprès des collectivités territoriales, des grandes écoles et des universités qui en soutiennent la création.
Les Trophées des industries numériques*, organisés par L’usine nouvelle en octobre 2014 et dont Sia Partners est sponsor, ne concernent pas que des start-up. Ils ont rassemblé des entreprises de taille et de secteurs différents mais toutes désireuses d’exploiter les technologies de l’information comme vecteur majeur de leur transformation. Airbus, Orange, L’Oréal ou Renault ont concouru notamment avec Daitaku, née en 2013 pour mettre au point un logiciel d’analyse de données, Upgraduate, qui acclimate les MOOC au monde de l’entreprise. Le slip français s’est imposé dans le textile grâce aux réseaux sociaux, Lippi a bouleversé l’organisation du travail en formant la totalité de son personnel aux techniques numériques. Cette diversité démontre que le numérique s’applique à tous les secteurs, à toutes les tailles d’entreprise, à toutes les situations. C’est tout le cycle de vie des produits et les rythmes de l’entreprise qui sont concernés par la transformation numérique. Les start-up qui sont nées dans cet univers numérique disposent d’une capacité innée à en tirer toutes les potentialités. Elles offrent un modèle dont s’inspirent les grandes entreprises les plus mobiles.
Les start-up françaises représentent d’abord un enjeu économique majeur car elles permettent de créer de nouvelles activités pour relayer la vieille économie défaillante. Mais elles jouent aussi un rôle politique en incarnant le dynamisme et l’espoir alors que la plupart des indicateurs classiques incitent au pessimisme.
Le gouvernement entend utiliser ce mouvement comme vecteur d’attraction de capitaux internationaux mais aussi pour changer l’image d’un pays trop souvent perçu comme vieilli, bureaucratique, râleur et déconnecté de la réalité du monde de l’entreprise du XXIe siècle.
French Tech est un programme gouvernemental qui vise à labelliser des territoires qui font du numérique leur axe majeur de développement. Plus de vingt métropoles ont constitué un dossier pour recevoir le label French Tech, se faire connaître à l’étranger et catalyser initiatives privées et actions publiques. Avec un Etat peu riche en moyens, ce ne sont pas des subventions qui déclencheront l’ambition numérique mais la coopération entre acteurs. Il faut souligner que sans participer à cette reconnaissance publique, de nombreuses collectivités engagent la convergence numérique de leur territoire en partenariat avec les Chambres de commerce, les agences de développement économique et les entreprises. Il faut ainsi citer l’exemple de Roanne dont la première édition des « Instants numériques » a été un remarquable succès, rapprochant des entreprises anciennes comme Nexter et des start-up.
Le mouvement des start-up françaises, dynamique et foisonnant, s’appuie sur plusieurs vecteurs de performance qui ont été développés au cours des dernières années et ont progressivement constitué un environnement favorable à la création.
D’abord le crédit impôt-recherche qui est un outil très apprécié fait de la France « un paradis fiscal » pour l’innovation. Les grandes entreprises exploitent largement cette manne de six milliards € par an, qui permet d’obtenir un crédit d’impôt égal à 30 % des dépenses de R&D éligibles. C’est également un élément d’attraction pour les entreprises étrangères. Les PME qui n’en ont pas été les premières bénéficiaires, avec 88% des déclarants mais seulement 35% des crédits, ont vu en 2013 élargies les conditions d’attribution.
Ensuite le travail des pôles de compétitivité, lancés en 2004, qui ont fait émerger des zones d’excellence, les clusters, où entreprises, laboratoires de recherche et universités travaillent étroitement ensemble pour faire émerger des idées neuves et développer les entreprises qui les incarnent et les propulsent sur le marché.
Les incubateurs de start-up se multiplient. Paris dispose de 10000 m2 de bureaux qui leur sont destinés, et grâce à l’initiative conjointe de la Caisse des dépôts, de la Ville de Paris et de Xavier Neil va se doter en 2016 avec la Halle Freyssinet d’un nouvel espace qui serait aujourd’hui unique au monde. Les grandes entreprises et les banques suivent également ce mouvement. Le Crédit Agricole a ouvert à Paris en octobre 2014 son « village by CA », espace d’open innovation et pépinière destiné à accueillir les start-up. Les espaces de co-working, comme Numa, accueillent en séminaire les équipes des grandes entreprises, telles Airbus, pour décloisonner et ouvrir les cadres à la culture de l’innovation transversale.
La France apparaît déjà dans les classements internationaux comme un pays fertile en initiatives numériques. Elle se prépare, notamment avec la French Tech, à la nouvelle révolution industrielle. Après les NTIC – Nouvelles technologies de l’information – ce sera en effet les NBIC – nanotechnologies, biotechnologies, intelligence artificielle et sciences cognitives – qui vont alimenter la transformation de notre tissu économique. Le pessimisme ambiant ne doit pas nous faire négliger que les entreprises se sont mises en mouvement et qu’une génération de nouveaux entrepreneurs leur montrent la voie. La France numérique n’est plus une volonté désincarnée, c’est une réalité en marche.
*Evènement dont Sia Partners, qui publie à cette occasion l’édition pilote 2014 de son Observatoire des stratégies digitales : les entreprises à l’ère du digital : les prémices d’une métamorphose. Voir le blog : http://tinyurl.com/SiaPartnersTD
Isabelle Denervaud et Jean-Pierre Corniou, associés, Sia Partners
http://www.usine-digitale.fr/article/trophees-des-industries-numeriques-les-lecons-d-innovation-des-neuf-laureats.N291642
Attention on ne pourra bientot plus parler de Nexter comme d'un fleuron de la technologie francais à cause de toute les considérations geopolitique qui faconnent son destin.
L'affaire de la vente du mistral est remis à jour des differences de conception qui ont toujours existé entre la diplomatie anglo-saxone
et la diplomatie Française. La ou ils ont voulu faire un exemple sur la russie, la tradition héritée de De gaulle a toujours été de ménager la Russie éternelle, comme étant une nation avec qui il faudra finir par s'entendre un jour.
De ce point de vue une fusion entre Krauss Maffei et Nexter serait une terrible erreur.Il est important que dans le camp europeen il y ait toujours un interlocuteur pret à leur parler, à echanger , à commercer avec eux. Il est nécessaire qe l'industrie
navale francaise, puisse rester lié à une stratégie nationale indépendante.
Rédigé par : valerie | 14 janvier 2015 à 11:58
Merci Valerie pour ce commentaire documenté et avisé... Il est certain que l'affaire des Mistral ne peut pas être sans conséquences...Nous sommes un des rares pays à avoir une capacité industrielle qui touche tout l'équipement militaire.
Rédigé par : jpcorniou | 26 janvier 2015 à 15:21