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Un blog de neuf ans d'âge !

 

Vivre avec son blog

17 décembre 2006

Lorsque j'ai commencé cet exercice solitaire , bien peu de mes amis DSI s'étaient engagés dans cet exercice. Deux fidèles, Louis Naugés et Yves Caseau, avaient également commencé à écrire sur ce support, et d'ailleurs tous les trois nous continuons activement. Neuf ans plus tard, 254 notes ont été écrites, 182 558 pages ont été lues. Ceci représente plusieurs livres. Un d'ailleurs a été tiré de ce blog à l'initiative du regretté Nicolas Manson, et publié en 2008 chez Hermès Lavoisier, "La société numérique". Ce qui est la force du web, c'est la mémoire. Ce blog constitue ainsi une archive vivante d'un regard sur le monde des technologies de l'information qui est le mien depuis 25 ans. Travail continu, forcément inégal, mais qui livre un regard continu sur l'évolution du monde... Commencé avant l'iPhone, il  a célébré les innovations techniques mais surtout les transformations sociales, trop lentes dans notre société française frileuse encore empêtrée dans son" paradoxe" : usage actif  des tcehnologies de l'information par les particuliers, atermoiements et inquiétudes chez les entreprises ! Au fond, en parcourant ces pages, on peut constater que les évolutions sont beaucoup moins rapides que nous n'aurions pu l'imaginer... Il est plus facile de changer la taille d'un écran de smartphone que de changer la société !  L'aventure du blog continue, la révolution numérique va peut être trouver en France, terre révolutionnaire et curieuse, un terreau fertile quand nous aurons dépassé les 2000 milliards de déficits publics.. Il ne sera peut être pas trop tard ?

Rencontré lors de la remise du prix du DSI de l’année, le 14 décembre, mon ami Louis Naugès, qui jette sur le monde des technologies de l’information un regard aussi passionné que féroce, me faisait gentiment remarquer que mon blog ne bougeait pas assez vite, en soulignant qu’un blog lent était un blog mort ! Cette apostrophe m’a fait réagir, et j’ai esquissé ma défense en mettant en avant le manque de temps, le conflit entre priorités, justifiés par ma récente prise de fonction dans un nouveau métier et un nouvel environnement de travail. Bref, beaucoup d’arguments justes, certainement, mais qui sur le fond ne démentaient pas la pertinence de sa remarque.

Après cet échange, piqué au vif, j’ai cherché à rassembler mes idées sur le blog après un peu plus d’une année de pratique de cet exercice. Il est vrai que je ne suis pas tendre non plus envers ceux qui prétextent du manque de temps pour expliquer leurs relations douloureuses avec l’apprentissage et l’utilisation des technologies de l’information. Il paraît tellement évident que nous sommes tous conduits à utiliser de façon permanente ces outils que la technologie nous a fabriqués. Ceux qui restent l’écart de cet irrésistible mouvement paraissent d’obstinés conservateurs, hors du temps, condamnés à rester en marge de la société moderne comme ceux qui n’ont jamais réussi à obtenir leur permis de conduire.

Quand nous voyons les jeunes adultes et encore plus les adolescents jongler entre le chat, Skype, l’iPod, leur téléphone portable , surfer sur internet pour faire du copier/coller dans leur traitement de texte ( Open Office plutôt que Word, trop daté et trop monopolistique), tout en téléchargeant le dernier James Bond en DivX, on est fasciné par leur aptitude à jongler avec ces outils. Cependant on reste dubitatif sur leur capacité à faire un tri un peu organisé entre tous ces media et tous ces messages, et ce doute fugace nous donne un coup de vieux, nous qui avons été en tête de tous les combats pour le numérique !

Rappelons que notre monde est désormais classé en trois tribus, les « analogistes » décidemment irréductibles et qui en sont restés sans aucun doute au transistor et à la première chaîne en 819 lignes, « les immigrants numériques » qui sont les nombreuses générations née avant 1990 ( il fallait au moins avoir cinq ans pour entrer nativement dans l’internet), mais qui ont fait l’effort de comprendre la souris, les menus déroulants et la magie du numérique, et enfin les seigneurs de demain, ces mutants inquiétants que sont les « numériques natifs » qui ne peuvent communiquer à deux mètres sans s’envoyer un SMS pour se demander « t ou » avant de se ruer sur le premier micro ouvert pour chater.

Alors, ne pas mettre à jour mon blog à chaque nouvelle impulsion de l’actualité me conduirait à quitter le statut précaire d’immigrant numérique pour rejoindre en fait une nouvelle sous-couche, les « innovateurs numériques prématurément lassés », les INPL, presque taxé de néo- analogiste !

Je reprends mes classiques en rappelant que communiquer est un verbe transitif. On communique quelque chose à quelqu’un ! Un blog, comme un site web, mais en plus facile, est un moyen pour communiquer à un interlocuteur un message, qui peut-être informatif, pratique, culturel, affectif, académique, ou simplement exhibitionniste. Il faut avoir envie de faire partager à ces anonymes qui vous épient sans l’obscurité du web un message qui vous paraît important car il peut les intéresser, les aider à comprendre, leur donner une information utile. C’est un moyen d’influencer l’opinion du petit cercle de vos lecteurs, accessible facilement et de façon peu coûteuse, en cassant ainsi le monopole de ces grands supports d’influence que sont la télévision, la presse écrite et la radio. Autour de vos convictions, vous pouvez séduire, rassembler, et faire naître un courant d’intérêt, un dialogue qui rebondit et permet d’affiner la pensée, d’échanger et de créer un peu plus de sens. Cela peut être aussi tout simplement une moderne bouteille à la mer, moyen sans danger de partager ses sentiments et ses passions de façon d’autant plus impudique que les blogs anonymes permettent de nouer des relations entre anonymes. Ces assidus du blog sont nombreux puisque selon des sources diverses, et contradictoires, il y aurait en France entre 3 et 5 millions de blogueurs, un tiers des blogueurs européens.

Dans tous les cas, quelque soit la motivation initiale, un blog est un travail, il représente un effort d’écriture, de collecte d’informations, de mise en forme rapidement chronophage. Entretenir un blog même si le contenu peut paraître futile est un exercice régulier de concentration et d’écriture qui d’une manière ou d’une autre expose et rend responsable. Quand on cherche à faire un exercice rigoureux sur des sujets de fond, engageant dans le temps – la mémoire du blog est terrible ! – on est obligé de mettre beaucoup de soin dans la cohérence de la pensée et la qualité des informations.

Pour moi, le blog, c’est à la fois un article, un livre, une dissertation, une conversation. Aussi la vitalité d’un blog ne s’exprime pas seulement par le flux de nouveauté, mais également par la robustesse et la pérennité de son propos. Il ne s’agit pas de réagir à l’événement comme le font les agences relayées par les multiples support de presse. Il faut laisser justement le champ de l’instant à la presse. Le blog peut s’autoriser une prise de distance par rapport à l’événement, et donc avancer plus lentement pour faire émerger des réflexions plus matures.

L’immense mérite de cette technique par rapport à celles qui l’ont précédé – notamment la correspondance littéraire destinée à être publiée – est la rapidité et le champ potentiellement infini de diffusion au sein du milliard d’internautes. Mais le support ne doit pas céder le pas au contenu au risque de lasser et de générer ses propres toxines. Ce qui est superbe, au fond, c’est que chacun peut faire comme il le souhaite. Et cette nouvelle liberté est le principal cadeau que nous fait la technologie !


Ombres sur les télécommunications ?

Le téléphone des années soixante, objet rare et cher, immortalisé par Fernand Raynaud dans son sketch sur le « 22 à Asnières » s’est définitivement estompé dans nos souvenirs. Téléphoner pour se parler n’est plus qu’un cas particulier dans le volume considérable des échanges.  Cette mutation s’est faite rapidement. La diffusion du téléphone fixe a été facilitée par le passage au numérique à partir des années soixante-dix et c’est la large adoption mondiale du standard d’origine européenne de téléphonie cellulaire numérique, GSM, adoptée en 1991, qui a favorisé le déploiement de la téléphonie mobile.

Mais c’est depuis le début des années 2000 que s’est produite une véritable explosion de la diffusion des télécommunications. Avec plus de 6,9 milliards d’abonnements au téléphone mobile recensés par l’Organisation internationale des télécommunications à la fin de 2013, contre 2,2 milliards en 2005, c’est un réseau couvrant la totalité de la planète en moins d’une décennie que l’industrie a réussi à édifier. Plus encore, 2,3 milliards de personnes utilisent déjà un service à haut débit, inexistant en... 2009. Chaque terrien a la possibilité d’exploiter aujourd’hui un téléphone mobile et 3 terriens sur 7 peuvent déjà accéder au web à travers cet outil mobile !

Données télécoms 2013

Simultanément sur la même période, le nombre des abonnements au téléphone fixe a baissé de 1,24 à 1,14 milliard. Cette industrie a généré en 2012  1540 milliards $ de chiffre d’affaire  mondial, dont 66% résultent de l’activité des pays  développés. Le marché des services de télécommunications est le plus important des marchés technologiques, dont il représente 43% du chiffre d’affaires, loin devant le matériel (19%).

Ces chiffres sont sans équivoque : les télécommunications, aujourd’hui mobiles, multimédia et mondiales, représentent un enjeu stratégique et économique considérable.  Après être passée de la voix aux données, du fixe au mobile, l’industrie  des télécommunications va à nouveau  connaître une nouvelle accélération à travers la généralisation de l’accès mobile au web et la connexion des objets aux réseaux internet. Poursuivre et financer l’innovation pour alimenter un monde avide de télécommunications, couche invisible mais vitale des services qui conditionnent désormais la vie quotidienne des milliards d’êtres humains, est le défi de l’industrie en ce début de millénaire.

Volume data

 

Cette révolution sans équivalent dans l’histoire de l’humanité par son amplitude sur une période si courte est d’abord le résultat d’une percée technique continue. Devenu numérique dans les années soixante-dix,  le téléphone a bénéficié des progrès des composants électroniques et des batteries  pour se miniaturiser, devenir mobile et se démocratiser. Naguère dominé par le finlandais Nokia qui avait le premier su exploiter la norme GSM à très grande échelle pour fournir des téléphones fiables et bon marché au monde entier, le marché a connu avec la sortie par Apple de l’iPhone en 2007 une rupture majeure : le « téléphone » ne sert plus qu’occasionnellement à téléphoner, au milieu de dizaines d’usages nouveaux inimaginables à sa sortie. Le « smartphone » s’est imposé en 2014 comme le support universel de la communication mobile et le monde entier s’arrache ces nouveaux terminaux, offrant une gamme très large de produits et de prix. Il devrait se vendre dans le monde 1,2 milliard de smartphones en 2014. L'arrivée massive des frabricants de smartphones chinois, comme Zopo, King Sing, Cubot, Meizu avec des appareils sous Android accessibles largement au-dessous de 100 $ révolutionne le marché mondial et favorise la pénétration d'outils sophistiqués d'accès au web.

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Smartphone chinois  ZopoThree-iphone-sizes-no-glare11
Nouvelle famille iPhone Apple

Toutefois ce succès n’est pas sans créer de nouveaux problèmes. Cette industrie a perdu son rythme de croissance spectaculaire en raison d’une baisse généralisée des prix. Les Etats-Unis et l’Europe connaissent une réduction de leur chiffre d’affaires global alors que la croissance mondiale est encore tirée par les pays émergents mais tend à se tasser. La progression des ventes de smartphones ralentit à 19 % en 2014 contre 39 % en 2013 et les perspectives des prochaines années marquent un tassement en volume comme en prix avec la diffusion de smartphone low cost.  Aussi rapidement qu’il s’est imposé, le smartphone va se banaliser.

 Il faut prendre conscience que la technique qui était le moteur du renouvellement rapide du marché a perdu son caractère déterminant. Le passage du GSM au GPRS puis à la 3G ont marqué un net changement perceptible par les utilisateurs dans la vitesse de transmission et donc le confort d’utilisation. La 4G pourtant prometteuse par ses performances  annoncées n’a pas eu cet effet sur le marché pour inciter les utilisateurs à migrer vers les derniers produits. Seuls 3,7 millions de personnes ont accès à la 4G en France en 2014. Les utilisateurs sont prudents dans leurs choix et cherchent à optimiser l’usage en fonction du coût réel. Conscients de l'augmentation de la part des marchés numériques dans leurs budgets, contraints, les uitlisateurs tendent à mieux maîtriser leurs acahts et leurs consommations. Les opérateurs, obligés d'investir pour enrichir leur offre de service, voient leurs revenus stagner et leur profitabilité décroître.

L’éducation rapide du marché est une caractéristique majeure de l’époque. C’est l’agrément d’usage et l’utilité perçue qui vont déclencher des changements comportementaux, et non pas simplement la promesse technique, phénomène observé dans la plupart des marchés grand public.

Il faut d’ailleurs souligner que la créativité des usages est sans limite. L’Afrique, avec plus de 650 millions de mobiles, est probablement le continent qui a démontré le plus d’inventivité dans l’usage du téléphone mobile. C’est en fait cet outil qui a induit le développement dans de nombreuses zones reculées, offrant à tous la  possibilité de se connecter pour suivre l’évolution de la météo, des cours des produits agricoles ou pour faciliter la surveillance sanitaire et les soins. C’est le téléphone mobile qui a compensé l’inexistence des circuits bancaires comme le démontre le succès du service M-Pesa au Kenya. 17 des 19 millions de Kényans disposent d’un compte dématérialisé qui assurent aujourd’hui 66% des transferts d’argent du pays contre 2% pour les banques. C’est la recharge du téléphone et l’alimentation des antennes qui ont conduit au développement de l’électricité photovoltaïque.  Loin d’être un objet secondaire, le téléphone est ainsi devenu un vecteur de progrès au service de la communauté. La substitution du smartphone au téléphone de base va amplifier ce mouvement pour générer de nouveaux usages.

L’omni connectivité des objets aux réseaux IP va également induire d’importants volumes de trafic concourant à l’alimentation des « données massives » ou Big data. L’Idate estime qu’en 2020 plus de 80 milliards d’objets connectés pourraient être en service sur la planète, mais si cette évaluation est imprécise car d’autres sources tablent sur 9 milliards en 2018, chacun s’entend sur la croissance considérable de ce marché. Les compteurs électriques, les capteurs de confort, les objets relatifs à la santé, les voitures connectées viendront rejoindre PC, tablettes, écrans divers et autres smartphones. Dans la rue, ce seront les infrastructures connectées, les lampadaires, les capteurs de trafic, et même les poubelles qui viendront alimenter le flux des  données publiques.

Mais le grand problème restera pour les opérateurs télécom celui de la monétarisation de ces informations. Beaucoup de modèles d’affaires liés à cette omniconnectivité sont encore inexistants ou bien fragiles. Qui voudra payer in fine ? Panne d’innovation, manque de séduction ? Les promesses lointaines de la 5G, encore plus rapide avec 1 Gbit/s, prévue pour 2020, ne permettent pas de penser que le marché suivra la technique si les usages pratiques ne sont pas identifiés. Plus de vitesse, plus d’applications ne suffisent pas à déclencher de nouvelles intentions d’achat. Car on peut déjà maintenant effectuer beaucoup de tâches avec un smartphone et l’inventivité réside plus dans les applications que dans les objets et les services de télécommunication. Les marchés de la santé, de l’éducation, du transport qui peuvent se développer autour de la mobilité et du haut débit sont certes attractifs en termes de promesses mais butent sur le modèle économique : qui doit payer pour ces nouveaux services ? La connexion de tous les objets de notre environnement familier est aussi un enjeu économique. Il faut inventer des usages pertinents pour que cette omni-connectivité stimule une demande solvable.

L’industrie est donc confrontée à un dilemme sérieux : continuer à innover et à investir pour des revenus commerciaux aléatoires ou exploiter les investissements actuels et renforcer le niveau de service pour retrouver une profitabilité dégradée ? L’innovation bute sur le principe de réalité. Le client a besoin d’absorber l’innovation avant d’être prêt à payer pour de nouveaux services. Il est évident que la loi de Moore déplacera les frontières du possible. Il reste à imaginer des services désirables pour rendre pratiques et concrètes ces promesses.


S'emparer des outils numériques pour revitaliser l'économie

Où en est la France dans la relance de son économie ? Perdue dans le rêve d'un retour à la croissance d'antan, transpercée par les déficits, la France se vit comme la grande victime de la mondialisation. Comme tous les autres pays, elle dispose toutefois d'un levier de transformation majeur, la généralisation des outils numériques pour simplifier, rationaliser le passé et ouvrir le champ immense du futur. Or tout se passe comme s'il fallait encore convaincre les dirigeants qu'ils avaient entre les mains un moyen puissant de reconfigurer leurs processus et d'inventer de nouvelles activités. Cette cécité paradoxale dans un pays qui aime l'innovation technologique pour ses usages individuels conduit, par exemple, à être très en retrad en matière de robots industriels. Or le web et internet fournissent des solutions accessibles, faciles à mettre en oeuvre et peu coûteuses. Il n'est que temps d'agir sans délai pour changer et aller de l'avant !

Vingt ans après la démocratisation de l’accès à internet par la mise au point d’outils de navigation simples et efficaces, le réseau internet et l’ensemble des services accessibles par le web sont partout dans le monde devenus une réalité économique, culturelle et sociologique dont l’ampleur, dans l’histoire de l’innovation, est unique. La France n'y échappe pas. Pourtant elle en retarde la prise de conscience en dépit du nombre élévé de rapports pertinents qui visent à en réveiller la conscience numérique.

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Or cette mutation a été servie par la démocratisation de l’accès aux services de l’internet et du web, qui n’exige aucun apprentissage, par la baisse des coûts des terminaux et des services et par la généralisation des usages dans chacune des sphères de la vie professionnelle et sociale. Chacun de ces vecteurs de transformation va continuer à agir dans les prochaines années pour amplifier le nombre des innovations et leur impact sur la vie sociale. C'est un phénomène inéluctable, sauf cygne noir qui viendrait bouleverser toutes les perspectives mondiales.

Avec plus de 90% de la population mondiale pouvant accéder aux services de la téléphonie mobile, avec plus du tiers de la population mondiale disposant d’un accès au web, avec plus d’un milliard de terminaux intelligents mobiles vendus en 2014, le web ne représente plus une nouvelle frontière élitiste et confidentielle, mais un phénomène de masse totalement immergé dans la réalité économique et sociale de notre époque. La France qui a pu se considérer comme en retard par rapport à ses principaux concurrents n’est plus techniquement pénalisée grâce à la concurrence qui offre des accès économiques aux ressources fixes et mobiles du web. Le nombre de start-ups, l’action publique  pour la numérisation des services publics, le développement des services numériques dans les grands secteurs économiques mettent la France au diapason des grands pays.  La France peut même s'enorgueillir d'être classée en 2014 par l'ONU parmi les premiers pays mondiaux et même au premier rang en Europe pour la e-administration.  Mais toute situation acquise est fragile dans un champ hautement concurrentiel et mondial. Car très prochainement, c’est bien l’ensemble de la population mondiale qui pourra accéder aux potentiel du web, ce sont les objets connectés qui  vont être au cœur de la future vague de transformation. Cette double expansion dans le nombre d’utilisateurs  et dans le champ des usages possibles du numérique offre naturellement de nouvelles opportunités mais aussi dilue rapidement tout avantage comparatif temporaire. 

Nous avons construit pour la simple année 2010, selon les calculs du MIT,  cent fois le volume d’informations créées depuis l’origine de la civilisation.  Nous ne sommes qu’au début d’une aventure humaine exceptionnelle où la mise en connexion par le web de milliards d’êtres humains constitue une expérience cognitive sans aucun équivalent dans notre histoire. Nous sommes sortis d’une vision linéaire, prédictive du progrès de connaissances pour entrer dans un modèle à la fois systémique et exponentiel, où chaque discipline se nourrit et alimente les progrès des autres disciplines. De cette croissance sans limite  vont émerger des produits et services aujourd’hui simplement inimaginables. 50% des produits et services que nous utiliserons couramment en 2025 n’existent pas aujourd’hui.

La  capture de données, la recherche d’informations et l’élaboration de connaissances constituent les fondements d’un nouveau cycle économique impliquant nouveaux acteurs, nouvelles disciplines, nouveaux modes de gestion et de management.

C'est là où se joue vraiment l'avenir des entreprises : concevoir et mettre sur le marché des produits innovants, attractifs, en ligne avec les besoins des clients  est la vraie -et seule- finalité des entreprises. Le faire en disposant d'un moyen ultra efficace pour rapprocher des informations structurées issues du système d'information interne, et les informations non structurées internes comme externes, donne une efficacité accrue au système de conception, qui bénéficie d'une nouvelle qualité d'exploitation du stock d'informations et de connaissances, souvent dormant. Il s’agit non seulement de gérer des données structurées, mais surtout non structurées, dont des images 3D. Veille technologique, analyses concurrentielles, suivi en temps réel du cycle de vie des produits, analyses fines de la réaction des clients sont les nouveaux outils de la performance. Ce qui naguère fut un exercice souvent négligé, la gestion et l’archivage des données numériques devient désormais un outil incontournable d'efficacité dans tous les métiers.

La France, par la qualité de son enseignement, par la persistance d’une industrie numérique qui a su résister dans les applications professionnelles, même si elle a quasi disparu dans les applications grand public, par l’existence d’une génération d’entrepreneurs numériques audacieux, par une infrastructure numérique de qualité  peut retrouver une dynamique de croissance économique alimentée par un usage pertinent du potentiel numérique dans l’entreprise.

Produire dans l’ère numérique c’est bien évidemment s’adapter en temps réel à la  demande par une analyse continue de l’évolution de la demande finale, des stocks et des encours de production. Le cycle de conception, production, distribution est désormais ramassé dans le temps ce qui offre de nouvelles perspectives de réindustrialisation des territoires. Cet exercice est sous-tendu par la capacité de gérer les approvisionnements en flux tendu grâce à une logistique précise. Passer de la conception numérique à la maquette numérique puis au  process numérique devient naturel grâce aux outils de PLM (« product life management ») qui permettent de rassembler dans un référentiel unique l’ensemble des informations nécessaires à la conception, à l’évolution et à la production. La conception entièrement numérique  permet des gains considérables dans les phases d'industrialisation et de production : élimination des retouches et problèmes de fabrication, qualité maximale atteinte dès le démarrage de la production industrielle,  temps d'assemblage divisé par deux, outillage de production réduit de plus de 50%. Ainsi, l’avantage lié au coût de la main-d’œuvre disparaît si les gains obtenus par la vitesse de conception et de déploiement des produits, la réduction des stocks et la limitation des coûts logistiques.

Cette logique s’applique également aux produits dont toute la chaîne de conception est numérique, qu’ils adoptent une forme matérielle (le journal papier) ou immatérielle (l’image du même journal sur internet). Cette continuité protéiforme qui conduit d’ailleurs à remettre en cause l’opposition duale matériel/immatériel s’applique à de nombreux produits comme par exemple un prêt bancaire ou un voyage où la chaîne de conception et de décision purement numérique s’incarne dans une réalité physique. Ces outils permettent un gain de temps et d’efficacité considérables par rapport aux circuits fragmentés de décision. Leur mise en œuvre est de plus en plus simple et accessible, même aux petites entreprises.

Que peut faire l'Etat dans ce contexte nouveau pour lui d'une révolution dont il n'a pas les clefs ? De ce fait, les modes d’actions que peut impulser l’initiative publique ont changé de nature. Il ne s’agit plus de faire connaître et comprendre  le web en tant qu’objet technologique à travers des laboratoires d’expériences, il faut désormais construire avec les outils courants du marché, largement disponibles, les organisations et les processus d’affaires qui vont servir la compétitivité de la France à travers de nouveaux modèles d’affaires, à travers de nouvelles structures, de nouveaux modes d’apprentissages et de nouveaux comportements. Il est aussi indispensable, dans cette réalité mouvante qu’est l’économie numérique, d’en comprendre les ressorts pour anticiper les évolutions futures et préparer leur intégration dans la quotidienneté. Le choix de soutenir des projets techniques doit être sélectif pour éviter une dilution préjudiciable des moyens.

Certes en dépit de cette généralisation rapide, la révolution numérique est encore inégalement répartie entre les territoires, les groupes sociaux, les usages. Comme face à chaque nouvelle mutation, certains acteurs peuvent estimer être gagnants et d’autres perdants, voire victimes. L’action publique doit favoriser un accès équitable aux ressources numériques en laissant l’initiative individuelle opérer de façon libre. Un des thèmes majeurs de cette dynamique est l’accès aux ressources de l’internet haut débit dans les zones où la rentabilité des investissements ne peut être garanti par la seule dynamique du marché. Or la qualité de l’accès à internet, de façon fixe ou mobile, est une des conditions de base d’un usage pertinent du web.

Le monde du web, et de façon générale l’économie numérique, présente la caractéristique d’être oligopolistique dans ses fournisseurs techniques et totalement dilutif dans la capacité de chacun à tirer profit des objets et services fournis par les moteurs du cœur technique. La compétition ne porte plus sur seulement sur l’invention de nouveaux outils mais sur la combinaison rapide des outils et des services pour proposer  de nouvelles opportunités aux utilisateurs. C’est en portant ces nouvelles opportunités dans les activités et métiers que l’impulsion numérique fait naitre de nouveaux potentiels qui trouveront leurs marchés et leurs publics. Ce processus de métabolisation peut être favorisé et accéléré par les acteurs publics dès lors que les composantes de cette dynamique sont bien identifiées et comprises. Il ne s’agit plus de donner des moyens financiers, il faut favoriser la construction d’écosystèmes qui deviendront rapidement autoporteurs. C’est la philosophie du Fonds national pour la société numérique gérée par la Caisse des dépôts.

C’est bien la capacité à construire des modèles coopératifs entre acteurs qui va permettre de concevoir et porter de nouvelles propositions de valeur dont l'utilisateur sera, in fine, seul juge de la pertinence. S'il y a bien une caractéristique de l'économie numérique qui perturbe les pouvoirs publics et les décideurs, c'est bien cette absence de prévision sur la maîtrise des éléments. Or si l'on ne peut prévoir, c'est alors qu'il faut préparer !

Références

 - Pour ceux que l'industrie numérique passionne, il faut lire l'excellent document publié par le Gimelec  sous le thème de l'industrie 4.0  http://www.gimelec.fr/Publications-Outils/Industrie-4.0-l-usine-connectee-Publication

- Le rapport des Nations Unies, élogieux pour la France, sur le e-government est accessible sur le site

 http://unpan3.un.org/egovkb/en-us/Reports/UN-E-Government-Survey-2014

- Philippe Lemoine a été chargé par Fleur Pellerin en janvier 2014 d'une mission sur la transformation numérique de l'économie française dont les conclusions seront présentées en septembre 2014

 


Le design automobile, ultime argument de vente ?

Dans quelques jours, les lumières du Mondial de l'automobile, qui se tient à Paris du 4 au 19 octobre, vont attirer la presse et le public sur le destin de l'industrie automobile française qui connait une rude période d'adaptation à la nouvelle donne que la crise de 2008 a accentué sur le marché mondial. Dans ce contexte où chaque vente est durement arrachée, la diférenciation des marques est essentielle. Or la qualité des produits étant pour toutes les marques en progrès, ce qui peut déterminer le client est plus le style de la voiture que tout autre facteur technique. Il y a donc un enjeu majeur pour les constructeurs à définir un style attractif, qu'il soit novateur ou plus classique, pour séduire le client sur l'image que le véhicule va propager. C'est un exercice délicat pour lequle les talents des designers sont sollicités, créant un marché mondial du designer automobile qui a génére son propre "mercato".

Où en est-on en France du renouvellement du parc automobile ?

La France dispose d’un parc de voitures particulières de 31,7 millions au 1er janvier 2014 sur 38,2 millions de véhicules. La  crise de 2008 a ralenti le renouvellement du parc et allongé la durée de vie des véhicules. Il s’est en effet vendu en 2013 près de 1,8 millions de voitures soit 5,7 % de voitures en moins qu’en 2012. L’âge moyen des voitures du parc français, est de 8,5 ans contre 6 ans en 1990.

En quoi peut-on dire qu'un soin particulier a été apporté au design des voitures qui sont apparues sur les routes ces dernières années ?

L’automobile est le produit industriel par excellence. Fabriqué à 80 millions d’exemplaires par an, il est destiné à être mis entre des mains inexpertes, utilisé dans des environnements climatiques très contrastés et pour une gamme d’usages très large, et tout ceci pour un coût de production le plus faible possible. C’est ainsi le seul produit de grande diffusion à subir tant de contraintes. Aussi une voiture de série  est toujours le fruit d’un compromis entre les contraintes techniques et économiques et la créativité du design, dictée par les considérations de l’époque. Seuls les concepts cars ou les voitures de très haut de gamme peuvent se permettre de négliger cette dure loi.

La crise de l’automobile, accentuée depuis 2008 dans les pays matures déjà largement équipés de véhicules automobiles, a mis en évidence que la demande pour ce produit sophistiqué était de plus en plus exigeante. Car si l’industrie a fait des progrès considérables en matière de fiabilité, si les performances sont largement suffisantes pour les conditions réelles d’usage, si même les consommations ont été pratiquement divisées par deux en dix ans, entrainant une baisse des émissions de polluants et gaz à effet de serre, ces performances remarquables ne suffisent plus à convaincre le consommateur. Blasé, exigeant, demandeur d’un ratio prix/performance de plus en plus élevé, le consommateur ne veut pas seulement que son véhicule le conduise sans problème d’un point à un autre, il veut être séduit. C’est ce supplément de séduction, capable de déclencher une intention d’achat, que les constructeurs cherchent à introduire dans leurs gammes. Ils recourent pour cela aux armes classiques du marketing et du commerce, mais cherchent aussi à transformer le produit  à travers la course en avant technologique, imitant en cela l’industrie des biens électroniques grand public.  Mais c’est aussi dans la recherche d’une esthétique alliant l’efficacité par la mise en œuvre de formes améliorant les performances énergétiques  et le plaisir par le jeu des formes, des matières et des couleurs, destiné à créer charme et sensualité que les constructeurs rivalisent. Or le design n’est pas une science exacte, et c’est un champ complexe qui peut créer le succès ou l’échec d’un modèle même si ses  caractéristiques techniques sont accomplies.

Les constructeurs français ont-ils mis du temps à le comprendre ? Comment expliquer ce qui peut apparaître comme un retard à l'allumage sur ce point ? Quand le développement des modèles qui circulent actuellement a-t-il débuté ? 

Il serait injuste de dire que les constructeurs français ont négligé le design. Il y a une longue tradiiton française de style automobile.  Le succès de la R16, de Clio, Twingo, 205, Scenic ou Espace, pour ne citer que ces modèles tient à la créativité de leur design. Les causes des difficultés de l’industrie automobile françaises sont multiples et ne peuvent être imputées à un retard en matière de design. Les échecs de design audacieux sont aussi nombreux, comme peuvent en témoigner récemment les Renault Avantime et Vel Satis. L’identité de marque, à laquelle contribue le design, est une alchimie complexe où se mêlent facteurs objectifs et subjectifs, tenant aux caractéristiques techniques du produit, à la qualité perçue et à l’image. 

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La première fut un échec, la seconde est un succès...

Quelle part du budget les constructeurs automobiles consacrent-ils aujourd'hui au design ?

C’est un chiffre difficile à identifier dans les données publiées par les constructeurs car il est intégré dans la phase amont de conception des véhicules où se mêlent les études produit, les études d’ingénierie, le marketing et le design proprement dit. Mais les équipe consacrées au seul design sont en général réduites, très qualifiées, même si la sous-traitance existe également dans ce domaine

Comment les attentes des automobilistes ont-elles évolué quant au design ? Quel rôle le design joue-t-il dans la décision d'achat, relativement aux performances techniques ?

Le design automobile n’est pas le résultat d’une pondération subtile des enquêtes d’opinion auprès des automobilistes. Cette approche « scientifique » est généralement un échec dont le cas de la Ford Edsel, en 1957, reste enseigné dans les écoles de management. La conception d’une automobile est une discipline pluridisciplinaire où vont coopérer plusieurs corps de métiers pour faire converger les facteurs techniques, les choix fonctionnels, l’intégration des analyses de marché, les décisions économiques vers un produit dont le design in fine, est choisi au plus haut niveau de l’entreprise par le dirigeant lui-même tant les conséquences économiques sont importantes. Les courants qui marquent l’industrie automobile traduisent aussi une évolution des facteurs socio-économiques et démographiques. Le succès des monospaces, puis leur déclin face aux SUV, puis la montée des cross-over montre bien la volatilité des facteurs de décision. Enfin, les clients par construction, n’achètent que ce qui existe et c’est donc l’interprétation de leurs attentes par les industriels qui structure le marché. Or l’industrie automobile est une industrie lourde, aux cycles lents, conservatrice par nécessité. Il faut 3 à 4 ans pour lancer un nouveau modèle même si le cycle de réalisation a pu se réduire au cours des dernières années en intégrant toute la souplesse du numérique dans le cycle de conception mais aussi en recourant aux plateformes standardisées et aux banques de composants. Ce n’est pas le cas de l’électronique grand public où l’intuition des créateurs comme Steve Jobs a pu créer ex nihilo des marchés nouveaux aux cycles de renouvellement rapides inférieurs à l’année.

Laurens van den Acker a quitté Mazda pour prendre la direction du design automobile de Renault. Y a-t-il une bataille entre les marques afin de s'arracher le plus talentueux des designers ? Qui sont les designers stars ?

L’industrie n’a pas découvert récemment le rôle du design. Et les designers automobiles ont toujours été des créateurs qui ont réussi à se démarquer de la masse des ingénieurs qui coopèrent pour produire un modèle. Depuis les années trente, les véhicules automobiles ont quitté le simple champ de la technique pour apporter  à leurs propriétaires une satisfaction visuelle. Le design automobile allait alors connaître une évolution continue marquée par les grands noms du design dont le talent ne se limitait pas en général à la conception de véhicules. La coopération de Raymond Loewy avec Studebaker commencée en 1936 a donné naissance à des modèles célèbres. Les voitures Panhard ont eu dès les années trente un inspirateur visionnaire, Louis Bionier, qui a produit la Panoramique en 1936 puis la Dyna en 1954 suivie de la 24 de 1963. Il faut également citer Gabriel Voisin qui a tenté avec succès une symbiose entre l’aéronautique et l’automobile. On peut dire également que la marque Citroën, dès la traction avant 11 cv, a marqué l’histoire du design automobile dont le symbole  fut en 1955 la fameuse DS, fruit de la coopération entre le designer italien Bertoni et André Lefebvre, venu de chez Voisin. Mais le design n’a pas suffi à assurer l’avenir de ces marques qui ont souvent disparu pour de banales questions de gestion et de compréhension du marché.

Dyna Panhard DS

Dyna Panhard vs DS Citroën

Le design automobile se développe dans des firmes indépendantes comme Giugiaro, avec Italdesign, ou Pininfarina mais surtout au sein des équipes spécialisées des constructeurs.  Aujourd’hui, des marques ont su se différencier par un design pérenne entre générations de modèles. L’exemple en est Porsche qui retravaille depuis l’origine un modèle aux caractères forts, la 911 dont le premier modèle est sorti en 1963. Porsche Design est devenu une marque de design en soi. Audi et BMW ont également fait le choix de cette pérennité d’image qui a pour mérite une forte reconnaissance des valeurs de la marque et plus prosaïquement une meilleure stabilité du marché de l’occasion, le design des voitures vieillissant moins vite. Walter de Silva qui dirige le design du groupe Volkswagen est indiscutablement un des leaders actuels de la profession. Le groupe comprend des designers de talent que la concurrence n’hésite pas à arracher, comme Kia qui a embauché Peter Schreyer chez Audi.

Les constructeurs reconnaissent désormais le rôle décisif du design dans le succès d’un véhicule. Une grande part de la performance actuelle de Renault tient au design reconnu comme réussi par l’équipe de Laurens van den Acker, designer en chef de Renault depuis 2010 de la Clio IV et de Captur. Il avait auparavant travaillé pour Audi, Ford et Mazda. Son prédécesseur, Patrick le Quément, venait lui-même de Ford puis Volkswagen avant de rejoindre Renault en 1987. Jean-Pierre Ploué, designer de PSA, vient de Renault où il avait conçu Twingo avant de renouveler la gamme Citroën avec C2 et C3.

Cet article a été publié sous une forme proche sur le site Atlantico en août 2014