Le marché automobile américain : sortie de convalescence ?
31 janvier 2013
Le Salon de Detroit, qui s’est tenu du 14 au 27 janvier, ouvre l’année 2013 sur la note la plus optimiste depuis des années. La fréquentation avec 800 000 visiteurs est la plus importante depuis 2004. Ce renouveau de l’intérêt pour l’automobile traduit bien la vitalité du marché qui a retrouvé en 2012 une croissance forte et s’attend pour 2013 à dépasser 15,5 millions de véhicules vendus, chiffre proche de la dernière belle année pour l’automobile aux Etats-Unis, 2007, avec 16,1 millions de véhicules vendus.
Mais cet enthousiasme retrouvé marque-t-il la fin de la très sévère crise de 2008-2010 ?
La crise de l’automobile américaine ne date pas de 2008, mais remonte au début des années 2000 qui marque le début d’une longue suite de mauvaises nouvelles. La crise du marché, dominé par les constructeurs japonais et coréens, le vieillissement des gammes des Big Three, bloqués sur les très gros véhicules gourmands en essence, SUV et pick-up, la crise de la profitabilité des grandes firmes américaines, conduisant au bord de la faillite le géant General Motors après avoir perdu 86 milliards $, ainsi que Chrysler, l’intervention massive d’un Etat fédéral pourtant honni sous forme de nationalisation temporaire de GM, qualifiée de "Government Motors" ont constitué pour les constructeurs américains une décennie douloureuse dont 2013 pourrait tourner la page.
Les chiffres de l’année 2012 apportent les éléments de satisfaction tant attendus. 14,5 millions de voitures ont été vendues, soit le meilleur chiffre en 5 ans, en augmentation de 13% par rapport à 2011.
La crise a permis de rationaliser, brutalement, l’appareil de production et l’approche commerciale des constructeurs. Plus de 100000 emplois ont été supprimés. GM a fermé 12 de ses 20 usines américaines. Des milliers de concessionnaires ont disparu, dont 2400 pour GM seulement. Plusieurs marques ont ainsi été sacrifiées pour une meilleure rentabilité et une simplification de l’offre : Pontiac, Hummer, Saturn, en 2010 après Oldsmobile en 2004. GM se concentre désormais sur sa marque historique Chevrolet... et sur le marché chinois où il réussit très bien. Chrysler est désormais ancré dans le monde Fiat après le rachat en janvier 2009 de 35% du capital, portée à 51% en 2011. Ford qui a su sans aide publique traverser la crise en assumant de sévères pertes est également sorti renforcé de cette nouvelle remise en cause violente de l’automobile américaine.
L’industrie automobile continue sa migration vers le Sud Est où les rémunérations et avantages sociaux sont beaucoup plus bas. On y embauche à 14$ de l’heure contre 28 $ dans le nord.
Néanmoins, des signes de faiblesse durable pourraient tempérer l’enthousiasme des constructeurs américains et voiler les perspectives futures.
En premier lieu, les constructeurs étrangers sont très présents sur le territoire américain et entendent bien confirmer leur robustesse. Après les difficultés liées aux suites de Fukushima, Toyota a conclu 2012 sur une note positive et vendu 2 millions de véhicules aux USA, en croissance de 26% par rapport à 2011 et a retrouvé son rang de premier constructeur mondial. Honda a connu une croissance de 24% et Nissan de 9,5%, moins que Volkswagen avec + 30% alors que GM n’a progressé que de 3,7% et Ford 4,7%. Les constructeurs européens demeurent très actifs portés par leur image premium. D’ailleurs les constructeurs américains ne parviennent plus à conserver leurs positions sur le haut de gamme. Cadillac, pour GM, et Lincoln, pour Ford, perdent régulièrement du terrain face aux européens, allemands mais aussi britanniques avec le renouveau de Jaguar Land Rover qui progresse de 11% en 2011.
Graphique repris de The Economist
En second lieu, les constructeurs américains bénéficient d’une accalmie sur le prix du pétrole. Le marché est très sensible au prix de l’essence et un retournement pourrait avoir à nouveau des conséquences négatives sur la demande. Les constructeurs américains restent en effet fidèles aux gros véhicules et l’emblématique série des Ford F, dont le F 150, qui dreste en tête des ventes avec 580000 véhicules vendus. Ford a présenté le concept car préfigurant la prochaine génération de la Serie F, l’Atlas, qui est aussi un engin imposant. Mais les ventes de ses petites voitures Focus et Fiesta ont cru de façon spectaculaire. Les efforts de réduction des consommations portent timidement leurs fruits bien que els constructeurs soient obligés d’ici 2025 de doubler leurs efforts de réduction de consommation, pour atteindre 55 miles par gallon, soit deux fois moins que la consommation moyenne actuelle. Les véhicules hybrides progressent mais l’électrique ne trouve pas son public malgré une aide gouvernementale de 7500$ par voiture.
L’offre de véhicules hybrides sur le marché est désormais abondante : face à la dominante Prius, déclinée en quatre versions, on trouve la Toyota Camry Hybrid, plusieurs Lexus, le Chevrolet Volt qui réussit bien son entrée en scène sur le marché, la Hyundai Sonata Hybrid, la Kia Optima Hybrid, les Honda Civic et Insight et la Ford Fusion Hybrid. Les constructeurs américains n’ont que deux modèles à proposer parmi les dix meilleures ventes.
En matière de véhicule électrique, la mauvaise nouvelle est l’insuccès persistant de la Nissan Leaf, dont la deuxième version a été annoncée au Salon de Detroit. La Leaf qui ne dépasse pas 10000 ventes en 2012, alors que 20000 étaient attendues, contre 9700 ventes en 2011. La Chevrolet Volt est passée de 7600 ventes en 2011 à 23000 en 2012. Il faut aussi noter les déboires de Fisker, dont une grande partie du stock a été détruit lors de l’ouragan qui a balayé New York. Seul Tesla apparait aujourd’hui en mesure de s’imposer dans la durée, avec un parc installé de véhicules et des projets de berline et de cross-over. Le véhicule électrique pourrait répondre aux besoins de « commuters » américains, vivant en maison individuelle et donc facilement raccordables à une borne de recharge domestique. Mais les obstacles psychologiques sont tenaces.
Si le marché américain retrouve des couleurs, si l'industrie américaine a exploite ses années de crise pour rationaliser son appareil industriel, la compétiiton étrangère rester très vive sur le sol américain et les Big Three, qui ne sont plus que deux, n'ont pas encore gagné la partie... Il faut pour cela que le prix du pétrole et les taxes ne pénalisent pas les gros modèles qui continuent à amener les gros profits...