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Le marché automobile américain : sortie de convalescence ?

Le Salon de Detroit, qui s’est  tenu du 14 au 27 janvier, ouvre l’année 2013 sur la note la plus optimiste depuis des années. La fréquentation avec 800 000 visiteurs est la plus importante depuis 2004. Ce renouveau de l’intérêt pour l’automobile traduit bien la vitalité du marché qui a retrouvé en 2012 une croissance forte et s’attend pour 2013 à dépasser 15,5 millions de véhicules vendus, chiffre proche de la dernière belle année pour l’automobile aux Etats-Unis, 2007, avec 16,1 millions de véhicules vendus.

Mais cet enthousiasme retrouvé marque-t-il la fin de la très sévère crise de 2008-2010 ?

La crise de l’automobile américaine ne date pas de 2008, mais remonte au début des années 2000 qui marque le début d’une longue suite de mauvaises nouvelles. La crise du marché, dominé par les constructeurs japonais et coréens, le vieillissement des gammes des Big Three, bloqués sur les très gros véhicules gourmands en essence, SUV et pick-up, la crise de la profitabilité des grandes firmes américaines, conduisant au bord de la faillite le géant General Motors après avoir perdu 86 milliards $, ainsi que Chrysler, l’intervention massive d’un Etat fédéral pourtant honni sous forme de nationalisation temporaire  de GM, qualifiée de "Government Motors" ont constitué pour les constructeurs américains une décennie douloureuse dont 2013 pourrait tourner la page.

Les chiffres de l’année 2012 apportent les éléments de satisfaction tant attendus. 14,5 millions de voitures ont été vendues, soit le meilleur chiffre en 5 ans, en augmentation de 13% par rapport à 2011.

La crise a permis de rationaliser, brutalement, l’appareil de production et l’approche commerciale des constructeurs. Plus de 100000 emplois ont été supprimés. GM a fermé 12 de ses 20 usines américaines. Des milliers de concessionnaires ont disparu, dont 2400 pour GM seulement. Plusieurs marques ont ainsi été sacrifiées pour une meilleure rentabilité et une simplification de l’offre : Pontiac, Hummer, Saturn, en 2010 après Oldsmobile en 2004. GM se concentre désormais sur  sa marque historique Chevrolet... et sur le marché chinois où il réussit très bien. Chrysler est désormais ancré dans le monde Fiat après le rachat en janvier 2009 de 35% du capital, portée à 51% en 2011. Ford qui a su sans aide publique traverser la crise en assumant de sévères pertes est également sorti renforcé de cette nouvelle remise en cause violente de l’automobile américaine.

L’industrie automobile continue sa migration vers le Sud Est où les rémunérations et avantages sociaux sont beaucoup plus bas. On y embauche à 14$ de l’heure contre 28 $  dans le nord.

Néanmoins, des signes de faiblesse durable pourraient tempérer l’enthousiasme des constructeurs américains et voiler les perspectives futures.

En premier lieu, les constructeurs étrangers sont très présents sur le territoire américain  et entendent bien confirmer  leur robustesse. Après les difficultés liées  aux suites de Fukushima, Toyota a conclu 2012 sur une note positive  et vendu 2 millions de véhicules aux USA, en croissance de 26% par rapport à 2011 et a  retrouvé son rang de premier constructeur mondial. Honda a connu une croissance de 24% et Nissan de 9,5%, moins que Volkswagen avec + 30% alors que GM n’a progressé que de 3,7% et Ford 4,7%. Les constructeurs européens demeurent très actifs portés par leur image premium. D’ailleurs les constructeurs américains ne parviennent plus à conserver leurs positions sur le haut de gamme. Cadillac, pour GM, et Lincoln, pour Ford, perdent régulièrement du terrain face aux européens, allemands mais aussi britanniques avec le renouveau de Jaguar Land Rover qui progresse de 11% en 2011.

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Graphique repris de The Economist

En second lieu, les constructeurs américains bénéficient d’une accalmie sur le prix du pétrole. Le marché est très sensible au prix de l’essence et un retournement pourrait avoir à nouveau des conséquences négatives sur la demande. Les constructeurs américains restent  en effet fidèles aux gros véhicules et l’emblématique  série des Ford F, dont le F 150, qui dreste  en tête des ventes avec 580000 véhicules vendus. Ford a présenté le concept car préfigurant la prochaine génération de la Serie F, l’Atlas, qui est aussi un engin imposant. Mais les ventes de ses petites voitures Focus et Fiesta  ont cru de façon spectaculaire. Les efforts de réduction des consommations  portent timidement leurs fruits bien que els constructeurs soient obligés d’ici 2025 de doubler leurs efforts de réduction de consommation, pour atteindre 55 miles par gallon, soit deux fois moins que la consommation moyenne actuelle. Les véhicules hybrides progressent mais l’électrique ne trouve pas son public malgré une aide gouvernementale de 7500$ par voiture.

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Ford Atlas, janvier 2013

L’offre de véhicules hybrides sur le marché est désormais abondante : face à la dominante Prius, déclinée en quatre versions,  on trouve la Toyota Camry Hybrid, plusieurs Lexus, le Chevrolet Volt  qui réussit bien son entrée en scène sur le marché, la Hyundai Sonata Hybrid, la Kia Optima Hybrid, les Honda Civic et Insight et la Ford Fusion Hybrid. Les constructeurs américains n’ont que deux modèles à proposer parmi les dix meilleures ventes.

En matière de véhicule électrique, la mauvaise nouvelle est l’insuccès persistant de la Nissan Leaf, dont la deuxième version a été annoncée au Salon de Detroit. La Leaf  qui ne dépasse pas 10000 ventes en 2012, alors que 20000 étaient attendues, contre 9700 ventes en 2011. La Chevrolet Volt est passée de 7600 ventes en 2011 à 23000 en 2012. Il faut aussi noter les déboires de Fisker, dont une grande partie du stock a été détruit lors de l’ouragan qui a balayé New York. Seul Tesla apparait aujourd’hui en mesure de s’imposer dans la durée, avec un parc installé de   véhicules et des projets de berline et de cross-over. Le véhicule électrique pourrait répondre aux besoins de « commuters » américains, vivant en maison individuelle et donc facilement raccordables à une borne de recharge domestique. Mais les obstacles psychologiques sont tenaces.

Si le marché américain retrouve des couleurs, si l'industrie américaine a exploite ses années de crise pour rationaliser son appareil industriel, la compétiiton étrangère rester très vive sur le sol américain et les Big Three, qui ne sont plus que deux, n'ont pas encore gagné la partie... Il faut pour cela que le prix du pétrole et les taxes ne pénalisent pas les gros modèles qui continuent à amener les gros profits... 

Consumer Electronic Show 2013

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Le Consumer Electronic Show de Las Vegas est devenu l'événement incontournable qui ouvre, début janvier, la nouvelle année par un festival de nouveautés électroniques que toute la profession partage pendant une semaine dans la capitale du jeu. 140000 personnes s'y retrouvent pour courir les stands de toutes les grandes marques mondiales qui choisissent Las Vegas pour présenter leurs nouveautés et leur stratégie devant 5000 journalistes et assister aux conférences thématiques. Mais ce sont les "key notes" qui assurent le spectacle. Les dirigeants des grandes entreprises qui marquent le numérique, producteurs comme grands utilisateurs, sont les vedettes d'un véritable show, sur une scène géante, devant des milliers d'auditeurs avec des moyens vidéo considérables. L'enjeu pour les dirigeants est en effet majeur. Ils doivent démontrer la pertinence de leur stratégie, rassurer leurs actionnaires et prouver leur implication dans les transformations en cours d'un marché mondial de 1000 milliards $.

ICT 2011

Car le monde a profondément changé en une décennie. En 2011, nous aurons franchi les six milliards d'utilisateurs de teléphone mobile et les 2,5 milliards d'internautes dans le monde. Cette massification de l'usage des technologies numériques est une formidable opportunité pour toutes les industries qui trouvent dans les technologies de l'information un puissant moteur de remise en cause et de transformation à la fois abordable et accessible. Le CES offre une unité de temps et de lieu pour prendre la messure de cette révolution.

En 2013, Steve Ballmer n'est plus là pour ouvrir le show car Microsoft déserte pour la première fois le CES. La place est occupée par Paul Jacobs, président de Qualcomm, Kazuhiro Tsuga, président de Panasonic, Lowell McAdam président de Verizon, Stephen Woo, président de la division "devices" de Samsung. Fabricants de processeurs, opérateurs télécom et grands intégrateurs jouent bien évidemment un rôle central dans la société numérique. C'est la convergence de leurs ressources qui garantissent à l'utilisateur final la fluidité et l'ergonomie qui font le succès de l'électronique grand public. Aux côtés des fournisseurs, le CES met en scène depuis des années les dirigeants des sociétés utilisatrices, automobile, banque, énergie, santé, produits de grande consommation. En 2013, Unilever, American Express et Coca Cola vont développer leur politique au cours de  key-notes attendues.

Car la révolution numérique, au-delà des objets connectés, ce sont de nouveaux usages qui depuis une courte dizaine d'années restructurent le paysage économique mondial. Les conférences apportent une dimension thématique variée qui illustre parfaitement les enjeux de la société numérique. En effet, salon professionnel de producteurs depuis son origine, le CES est de plus en plus un carrefour où se retrouvent les professionnels qui mettent en forme les propositions techniques dans les usages quotidiens. Une des thématiques fortes qui a émergé depuis quelques années est l'usage pertinent des écrans. L'industrie sait désormais produire tous les formats d'écran, fixes et mobiles, plats et haute-défintion, pour tous les usages en 2D comme en 3D. Si la 3D n'est pas encore le succès escompté, l'industrie qui continue à attendre beaucoup de cette innovation peut compter sur une offre de produits de plus en plus riche. Plus de 40 films majeurs en 3D sont attendus en 2013; de plus les usages de la 3D intéressent de plus en plus le secteur de la santé et l'industrie. C'est donc un champ nouveau où les perspectives d'usage seront alimentées par des produits techniques de plus en plus performants at acceptés par les utilisateurs.

Il en est de même pour le haut débit mobile. L'offre technique, avec la 4G, va stimuler l'offre de nouveaux services : l'interaction entre les usagers mobiles, mais aussi entre les personnes et les objets connectés mobiles, est un champ immense d'opportunités qui n'en est qu'à ses débuts et qui intéresse la plupart des industries, dont l'automobile et le transport comme le secteur de la santé. Enfin l'avenir de la mobilité tient également à la performance des applications et à l'usage performant des données : l'essor de l'informatique en nuage, ou cloud computing, est au coeur de ces nouvelles transformations. 

Le CES démontre la cohérence de l'approche des grands acteurs dont la coopération est en fait plus importante que le concurrence à laquelle ils se livrent. C'est l'interopérabilité des solutions qui assure le succès grand public de leurs propositions. Données et applications mobiles, transportées par des réseaux haut débit fixes et mobiles, accessibles sur toutes formes de produits et d'écrans dessinent un monde connecté où l'information largement distribuée permettra de prende des décisions plus pertinentes au niveau le mieux adapté. Cette révolution est en marche depuis plusieurs années, touches par touches. La convergence des solutions dans une continuité souple et efficiente sera sans nul doute au coeur des débats et des engagements de toute la profession au cours de ce CES 2013 qui s'annonce brillant. Nous en rendrons compte.


Voeux 2013, la sacralisation de l'optatif

Mon allergie à cette coutume ne fait que s'aggraver d'année en année. Je ne veux pas, certes, commencer l'année en schtroumpf râleur à casser l'ambiance, mais enfin on peut s'interroger sur la sacralisation républicaine de cette coutume. Il semble que le Président de la République s'interroge lui-même et tente de balayer "une sorte" de doute :

"A mon tour, je m’adresse à vous, ainsi qu’à votre gouvernement, pour vous présenter mes vœux les plus chaleureux pour l’année qui commence.Nous respectons là un usage. Une sorte de civilité républicaine. Nous partageons aussi un moment de cordialité. J’y attache du prix."*

Certes c'est un moyen agréable, cordial donc, de renouer avec des amis et connaissances éloignés, mais aujourd'hui les réseaux sociaux en donnent heureusement l'opportunité régulière sans cèder au rituel forcé de l'annualité... Ce qui m'agaçe c'est le caractère officiel, solennel, compassé, que prennent les cérémonies de voeux dans les collectivités, les entreprises et au plus haut sommet de l'Etat... Pendant tout le mois de janvier on va voir notre monarque républicain fêter chaque communauté en lui apportant son lot de flatteries et de souhaits sucrés... Cet exercice me paraît au XXIe siècle  aussi vain qu'inutile... Les voeux, cela devrait durer trois jours, en un milliard de SMS et MMS, et puis on passerait aux choses sérieuses, aborder les problèmes de front et tenter de les résoudre. 

La politique française a réinventé un mode grammatical que notre langue n'a pas retenu du grec, l'optatif. Ce n'est pas récent, mais d'année en année avec la dureté des temps la lumière diffusée en janvier est de plus en plus intense, sûrement pour dissiper les démons. On devrait rééssayer la bave de crapaud mélangée au clair de lune avec une bonne 1664...

L'optatif c'est le mode du souhait et du désir. Pas celui de l'action. On s'en remet donc à des forces externes pour tenter de conjurer le mauvais sort. Plût aux dieux que la croissance revienne, que le chomâge régresse "coûte que coûte", que la pauvreté recule, que le déficit s'efface, que la solidarité vienne, que les impôts soient librement acceptés. Le plus curieux, voire baroque, des voeux du Président de la République est "la préparation de l'avenir"... Que peut-on souhaiter en le matière, sinon l'essence même de l'action des pouvoirs publics ?? 

Et ceci se termine par cette belle démonstration : "Une année dense nous attend. J’ai la conviction que la politique de votre gouvernement portera ses fruits. Il y faudra de la patience. Mais j’ai confiance."*

Allez ! J'arrête de maugréer, je vous souhaite de bosser fort, de bien dormir, d'éviter les méidements inutiles, de ne pas croire à tout ce qu'on vous raconte, d'échapper aux maladies et aux calamités naturelles, d'éviter le chômage et le surendettement, de cesser de fumer (ça peut aider...), de regarder en traversant la rue, de ne pas dépasser les limitations de vitesse. Essayez de devenir "anti-fragiles" ** car de toute façon le futur n'existant pas, il n'est que probabilité... L'année aura 365 jours, ça c'est à peu près acquis. J'ai confiance. Soyez patients pour attendre mon billet d'humeur de janvier 2014...

* http://www.elysee.fr/declarations/article/v-ux-du-president-de-la-republique-au-gouvernement/

** Sur l'antifragilité, je parlerai ici abondamment du dernier livre de Nassim Nicholas Taleb, "Antifragile"