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Voitures "vertes", le duel franco-français

Après 120 ans d’adhésion sans réserve au moteur thermique à pétrole, l’industrie automobile explore fébrilement, face aux menaces pressantes sur l’énergie et l’environnement, deux voies pour le moment concurrentes : électrifier le véhicule à moteur thermique par une hybridation de degré variable, ou abandonner définitivement le moteur thermique pour le remplacer par un moteur électrique. Sur fond de crise globale de la production d’automobiles en France, la concurrence qui oppose depuis des lustres Renault, Citroën et Peugeot se déroule maintenant sur le champ technique, celui qui oppose les tenants du tout-électrique contre ceux qui préconisent l’hybride. Mais cette concurrence qui se limitait au champ clos de l'hexagone pendant des décennies, se situe désormais dans un marché ouvert où les clients depuis longtemps ont renoncé à leurs préférences nationales pour céder aux charmes de ce qu'on appelait naguère avec condescendance et ironie  "les voitures étrangères". Or elles représentent aujourd'hui 46,3 % du marché français des véhciules neufs au premier semestre 2012. On  a l'impression que dans la culture politique cette place nouvelle des "autres" constructeurs est acquise par effraction... Or il faut rappeler avec force que sur le marché automobile, c'est le produit, seul, qui fait la différence. Il suffit de se promener sur les forums automobiles sur le web pour constater à quel point la passion anime les débats... 

Toyota-yaris-hybride

Dans la vaste transformation qui s'annonce dans la rechecrhe de nouvelles solutions énergétiques, les solutions ne pourront être que mondiales. Comme l’éclairage, comme le chemin de fer, l’automobile se prépare à abandonner le pétrole pour devenir elle aussi électrique, mais cette mutation sera longue et empruntera longtemps des voies diverses. Les différentes solutions vont s’affronter dans un combat incertain où le marché arbitrera en fonction de la séduction des offres et de la pertinence de leur rapport coût/valeur. Techniquement, il n’y a pas encore de solution absolue. Mais dans tous les cas, il faut de l’énergie pour se déplacer !

Ce chemin, en France, est aussi marqué par les effets d’annonce et les gestes politiques y créent une atmosphère peu propice à éclairer des clients encore rétifs.

Des conséquences différentes sur le métier de constructeur

Pour les constructeurs, le tout-électrique constitue un changement dramatique de métier. De motoriste, métier noble et complexe, ils pourraient devenir simplement assembleurs de composants fabriqués par d’autres -moteurs, batteries- pour lesquels ils n’ont ni histoire, ni technicité propre par rapport aux spécialistes. Pour lutter contre cette déspéciallisation, Patrick Pelata, alors N°2 de Renault, avait annoncé en février 2011 que l’usine mécanique de Renault, à Cléon, allait fabriquer ses propres moteurs électriques, comme Flins des batteries… L'idée est de concurrencer les fournisseurs de ces composants, actuellement Continental pour les moteurs électriques, en mettant au point de nouvelles solutions techniques.

Le véhicule hybride, en revanche, met en jeu un grand nombre de composants techniques. Dans une chaîne hybride, on ajoute à un circuit thermique dépendant d’une énergie fossile, avec les contraintes de température, de pression, d’évacuation de gaz et de particules brûlés inhérentes au moteur à explosion, un circuit électrique qui impose un alourdissement dû au stockage électrique et à la motorisation complémentaire. La régulation de cet ensemble électromécanique complexe nécessite des calculateurs sophistiqués. Toutefois, la valeur ajoutée du constructeur d’hybride est beaucoup plus forte que celle du constructeur de véhicule électrique. C’est une des causes de l’intérêt pour l’hybride des grands motoristes que sont Honda, Audi ou BMW.

La complexité et les coûts de l’architecture hybride, comme son retard par rapport à Toyota et Honda, grands rivaux japonais, a conduit Renault et Nissan, isolé parmi les constructeurs généralistes, à privilégier en 2008, avec beaucoup d’ambition, la propulsion électrique. Le système est beaucoup plus simple et élégant : un ou des moteurs électriques, objet banal et parfaitement maîtrisé depuis des décennies, et un jeu de batteries ion-lithium, issues de l’électronique grand public, dont les performances ont considérablement progressé par rapport aux batteries au plomb des origines, mais qui restent coûteuses. Sur le papier, le véhicule électrique pur a tous les avantages : léger, simple, performant, silencieux. De plus, cette solution offre beaucoup de liberté dans la conception du véhicule… En pratique, ce bel édifice se heurte à un argument majeur même s’il est irrationnel dans la majorité des cas d’usage, l’autonomie. En effet, on ne sait pas encore doter, économiquement, une voiture électrique d’une autonomie supérieure à 200 km… Bien évidemment, c’est une autonomie raisonnable et largement suffisante dans la plupart des cas d’usage, notamment les trajets domicile/travail. Néanmoins, la peur de la panne comme l’impossibilité pratique, aujourd’hui, d’aller en vacances avec son véhicule électrique soulève beaucoup de questions. Le conducteur classique hésite à acheter un véhicule dont il a peur qu’il ne couvre qu’une partie de ses besoins. De plus, la production d’électricité n’est pas sans poser problème ce qui ajoute un degré supplémentaire de complexité dans le choix entre une énergie fossile limitée et à l’extraction de plus en plus coûteuse, le pétrole, et les sources de production d’énergie électrique dont aucune n’est exempte de limites. Le débat est donc encore largement ouvert. Les constructeurs ne le tranchent pas encore, puisqu’ils préparent aussi bien des véhicules hybrides et des véhicules électriques que des véhicules thermiques conventionnels au moteur optimisé, doté de systèmes électriques d’assistance. Les gammes se complexifient entre les hybrides série ou parallèle, les micro-hybrides, les véhicules électriques à prolongateur d’autonomie, les thermiques essence à injection directe ou diesel, plus ou moins turbo-compressés… Le consommateur, comme le gestionnaires de flotte, est confronté à des choix devenus complexes tant en prix d’achat qu’en coût de fonctionnement. Cette diversité ouvre également à des choix multiples en termes de niveau de service et de mode d’usage, location, co-voiturage, autopartage. Ambiance électrique chez Renault Pour faire de l’introduction des voitures « vertes » un succès commercial, le gouvernement français avait institué en 2009 une aide de visant à encourager l’achat de véhicules électriques (5000 euros) comme hybrides. Le plan Montebourg ne fait qu’accroître cette prime à 7000 € et 4000€, en la limitant  à 10% du prix du véhicule.

EN 2009, Jean-Louis Borloo, alors ministre du Développement durable avait consacré 125 millions € au développement de batteries plus efficaces et plus durables dans un partenariat avec Renault. L’Etat avait décidé dans ce plan d’accorder un prêt de 150 millions d’euros à Renault pour sa future usine de voitures électriques à Flins et de mettre une enveloppe de 100 millions d’euros à disposition pour appuyer d’autres constructeurs comme Peugeot à Mulhouse ou Smart à Hambach. De fait, l'alliance Renault-Nissan avait signé en novembre 2009 une lettre d'intention avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) de l'État en vue de créer une joint-venture qui développerait et produirait des batteries pour véhicules électriques. La capacité de l'usine de Flins devait atteindre 250.000 batteries en 2015. L'investissement de la première phase du projet était estimé à 600 millions d'euros jusqu'en 2013. Le FSI devait entrer au capital de la nouvelle entité à hauteur de 125 millions d'euros en numéraire, le CEA pour 5 millions. Renault apporterait 125 millions.

Ce projet ambitieux, très médiatisé, n’a toutefois pas été concrétisé. Pour des raisons qui n’ont jamais été clarifiées, Renault a décidé en juin 2011 de le reporter en 2014 ou 2015. De plus, en juillet 2012, Renault annonçait son intention de coopérer avec le coréen LG pour la production de batteries, et non plus avec Nissan, qui travaille avec le japonais NEC, ce qui paraît curieux au sein de l'Alliance. Enfin, dernier épisode de ce feuilleton, Renault renonce à implanter cet atelier de batteries à Flins, pour, peut-être, le construire ailleurs en France …Nissan a également décidé de renoncer à son projet d’usine au Portugal.

Ces hésitations sont naturelles dans le contexte de forte innovation et de prudence quand à la montée effective  en puissance du marché du véhicule électrique.

Il faut toutefois regretter que les constructeurs se lancent dans des effets d’annonce, parfois à contenu politique, sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas encore totalement, risquant de semer le doute auprès des clients potentiels au moment où on annonce que le lancement, prévu à l’automne 2012, du premier véhicule électrique appelé à grande diffusion, la Renault Zoe, pourrait être différé. De fait Renault qui proclamait en 2008 être le premier constructeur mondial à produire à grande échelle des voitures «zéro émission » est en train de voir son avance se réduire. Aujourd'hui dans sa gamme ZE,  ni la banale et confidentielle Fluence ni l’amusante, mais marginale Twizy ne peuvent occuper à elles-seules le marché. Seul Kangoo pourrait légitimer ce pari, mais avec l’appui massif de la collectivité.

Hybride diesel, un choix isolé

PSA est depuis les années soixante un spécialiste du diesel. Il était tentant pour le groupe d’imaginer un système de motorisation hybride à partir d’un moteur diesel qui a puissance égale consomme moins qu’un moteur essence. Mais demeure le problème intrinsèque au diesel, le traitement des particules qui coûte cher. De plus le diesel offre un couple élevé à base régime, ce que fait aussi très bien le moteur électrique ; il y a redondance. Chez Toyota, le choix d’un moteur essence à cycle Atkinson, moins puissant qu’un moteur essence classique équivalent, mais peu consommateur d’essence, est lié à l’optimisation de la complémentarité entre le moteur thermique et le moteur électrique. PSA a donc inventé un système intéressant mais complexe associant moteur diesel à l’avant et moteur électrique à l’arrière, architecture qui permet de doter ses véhicules d’un système natif 4x4 mais qui est onéreux et donc limité aux voitures de haut de gamme, DS5 et 508, vendues autour de 40000 €. Pour ses voitures électriques, PSA se contente d’importer des Mitsubishi Miev rebadgées C zéro et Peugeot ion, vendues très cher pour un modèle d'entrée de gamme (30000 € après la prime étatique) et faiblement diffusées.

Un grand gagnant français, Toyota

Le seul constructeur à maitriser totalement l’hybridation sur tous les modèles de sa gamme est Toyota qui depuis 1997 a vendu quatre millions de véhicules hybrides. Dans son usine de Valenciennes, il produit un de ses modèles d’entrée de gamme, la Yaris, sur lequel il a adapté en la miniaturisant sa chaîne de traction hybride essence. Avec 79 g de CO2 par kilomètre, la Yaris apporte une réponse à la fois disponible et efficace au problème des émissions. Le piquant du plan Montebourg est que le seul constructeur capable, aujourd’hui, de fournir une voiture accessible correspondant à ses critères est… une petite japonaise fabriquée en France.

Les nouvelles régles d'incitation aux "véhicules propres" entre le 1er août et le 31 décembre 2012

- Les hybrides émettant moins de 110 g co2/km recevront un bonus de 4000 euros  limité a 10% du prix d’acquisition

- Barême de bonus

Barme bonus 2012

 

Un malus s'applique également. il est croissant à partir de 141 g/CO2 par km (200 €) jusqu'au-delà  de 231 g/CO2 par km à 2300 €.