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Le nouveau contenu du travail, une logique déstabilisante et riche de potentiels

Car article est publié sous une forme proche dans l'excellente revue Transversus, 4e édition, qui ajoute une très belle mise en page à une série de textes  originaux et denses sur le management transverse. Le support papier reste indispensable dès lors qu'il créee une valeur ajoutée tangible.

http://transversus.fr/ pour commander la revue

Line avec le site Xerfi où ces thèmes ont fait l'objet de développement

http://www.youtube.com/watch?v=SswoEbhUeZA


Shanghai 226

Imaginer le travail au XXIe siècle, c’est reconnaître et orchestrer une révolution ! Le travail, dans toutes ses acceptions, connait une profonde remise en cause. Dans tous les pays matures on observe simultanément une réduction du nombre d’emplois disponibles et une mutation dans le contenu du travail et dans les comportements face au travail. Une croissance durablement molle dans nos pays conduit à une augmentation du taux de chômage et un alourdissement des coûts de la solidarité. Cette situation est critique et appelle des réponses toniques.On ne peut pas exclure en permanence des talents. 

Dans les pays émergents, la mutation va être rapide et d'ailleurs poser de multiples problèmes d'adaptation d'une population encore peu qualifiée.

Or comme à chaque grande étape de l’histoire, c’est l’innovation technique et sa diffusion dans la société qui vont induire un renouveau. Cette innovation s’appelle, en ce début de XXIe siècle, le numérique. Comprendre comment le numérique va bousculer notre vision classique du travail et transformer la production de richesses est aujourd’hui un impératif. En effet, vouloir relancer la créativité et la confiance dans le futur avec les solutions du passé serait illusoire. Intégrer dans la réflexion et l’action la profonde transformation que nous sommes en train de vivre dans la production et la diffusion de connaissances est devenu urgent. Mais c’est un défi complexe tant notre conception du travail est enracinée dans un inconscient profond qui se traduit par des règles de fonctionnement de la société difficiles à faire évoluer. La compétition mondiale bouleverse le cadre du travail Le monde est devenu global, plat, l’information nous connecte en permanence à toutes les idées, tous les produits mais aussi tous les drames de la planète. En douze ans, 5,2 milliards de terriens ont accédé au téléphone mobile et 2,2 milliards aux services du web. Cette globalisation nous percute dans toutes les dimensions de notre activité, privée comme professionnelle. Nous savons tout et tout de suite, mais en même temps le champ des opportunités individuelles semble se contracter. Car l’image du travail et sa portée sociale n’ont pas fondamentalement changé dans nos codes sociaux, alors même que pour la très grande majorité des acteurs sociaux, la pénétration profonde des outils et de la pensée « numérique » ont transformé la vie quotidienne. Il y a là un paradoxe qui nourrit l’incertitude contemporaine. Or ce sont la nature et le contenu du travail qui intègrent ces contradictions. Les signaux négatifs qui ont été envoyés aux salariés au cours des dix dernières années n’incitent pas à exalter les valeurs du travail salarié et stimuler la confiance. Les messages sur l’intensification des efforts pour développer la compétitivité ont certes pu séduire, dans une première phase, car les salariés font preuve d’une grande lucidité et sont conscients qu’une entreprise moribonde aura peu de chance de leur proposer un travail stimulant… et durable. La compétitivité est stimulante mais doit être accompagnée d’un sentiment d’équité dans le partage de l’effort et sa rémunération. Or l’accroissement considérable de l’écart des rémunérations autant que la suppression d’effectifs devenue une constante fatale des stratégies d’ajustement font peser sur les salariés un profond sentiment d’inéquité et d’inquiétude. Travailler plus et mieux ne protège pas. L’exposition permanente au changement est plus vécue comme un échec que comme une opportunité car dans notre pays la mobilité professionnelle n’a pas été assez encouragée et préparée. La culture d’enracinement local ne favorise pas la mobilité d’ajustement et l’Europe n’est pas pour la majorité des travailleurs une option crédible de mobilité géographique. L’absence de solutions visibles dans le cadre actuel à la contraction du travail ne favorise évidemment pas la motivation. Moins de travail d’une part, un travail profondément changé de nature par les technologies numériques, d’autre part constituent le champ habituel de la perception actuelle du travail. Le déploiement massif des technologies de l’information a été perçu plus comme une source de déstructuration des compétences et de complexification du travail que de simplification et d’enrichissement. Les études, comme celles conduites à l’Université de Paris Dauphine par Michel Kalika et Henri Isaac, montrent que les techniques désormais classiques – bureautique, messagerie, ERP – encadrent de façon formelle le travail individuel par un rituel qui attache à son ordinateur plutôt qu’il ne libère l’initiative individuelle. Le temps contraint déborde facilement sur la sphère de la vie privée, alors que la mobilité permise par la technique ne donne pas la liberté promise faute d’un accompagnement managérial adapté.

La journée de travail, un cadre conformiste

Le lien électronique avec l’entreprise accroît l’amplitude de la journée de travail plus qu’il ne libère la capacité d’initiatives. Comme les formes traditionnelles de management – réunion de service, communication hiérarchisée – persistent, les salariés ont le sentiment que les technologies de l’information ajoutent une couche de complexité et de travail, isolent et contraignent plutôt qu’elles ne libèrent. Ce millefeuille organisationnel déroute et dans de nombreux cas conduit à l’accroissement du stress et du sentiment de ne jamais parvenir à atteindre ses objectifs. Repenser le travail à l’heure de la globalisation numérique Il est facile de professer que dans un marché ouvert et mouvant, les compétences doivent être multiples et adaptables. Le numérique oblige certes à repenser le fonctionnement de l’entreprise comme un réseau ouvert sur l’extérieur et non plus comme une pyramide fermée. Ce ne sont plus les mêmes profils de compétence et de comportement. Mais l’ouverture, la flexibilité, la prise d’initiatives, la collaboration spontanée, ne constituent pas des propriétés naturellement développées et encouragées dans tous les milieux professionnels. Elles sont pourtant au cœur de l’efficacité numérique. Or enfermés dans une logique verticale de compétences, cloisonnés dans des organisations pyramidales rigides, les salariés ont trop fait confiance à l’entreprise pour qu’elle prenne en charge leur employabilité au risque d’en devenir totalement dépendants et de ne plus être acteurs de leur destinée. Réinventer les parcours de travail au cours de la vie à l’ère du numérique implique de multiples changements dans notre compréhension du travail contemporain, dans les organisations et la culture managériale mais aussi dans l’affirmation de sa responsabilité individuelle dans le développement de son parcours professionnel. L’inéluctable réduction du volume de travail nécessaire

Le travail est plus que jamais un phénomène complexe

Chaque situation individuelle doit se comprendre à la fois dans sa dimension catégorielle et tout au long de la vie. Les étapes et les choix sont multiples : étudiants prolongés, salariés et non-salariés, travailleurs au forfait ou entrepreneurs, travailleurs à temps plein ou à temps partiel, par choix, ou contraint, chômeur actif ou résigné, retraité précoce, tardif, inactif ou hyperactif. C’est une question de statut professionnel -un travailleur indépendant n’aura pas le même profil de vie qu’un fonctionnaire -, de choix de vie et de sur-détermination sociale. On ne choisit pas par hasard une filière professionnelle et un statut social. Mais à chaque situation ce sera la relation au travail qui établira le statut perçu et le lien par rapport au tissu social.

Le travail reste la référence classique de l’analyse sociale et politique. Or paradoxalement grâce à l’allongement de la vie et aux gains de productivité, nous sommes collectivement « condamnés » à travailler de moins en moins. Depuis le début du XXe siècle, la durée moyenne, toutes catégories confondues, du travail effectif est passée de 200000 heures à 67000 heures. Nous vivons désormais grâce à l’allongement de la vie, et à l’amélioration de l’efficacité productive, deux vies complètes, une vie de travailleur et une vie de rentier. Comme on a gagné plusieurs centaines de milliers d’heures de vie en un siècle pour vivre 700000 heures, le travail ne représente plus que 12% de notre existence, contre 40% à la fin du XIXe siècle, mais nous passons 15% de notre vie devant un téléviseur et 30% à dormir*… Par rapport à nos grand-parents, nous sommes tous de grands fainéants, et en plus nous nous plaignons. Bien sûr les moyennes ne sont que des outils bien sommaires pour rendre compte de la réalité, de notre réalité individuelle qui seule compte. Mais quelle réalité ? Est-ce qu’un footballeur qui ne travaille que quelques heures par semaine sur l’année, ou un pilote d’Airbus A380, ou un président de la République, à la tâche 7 jours sur 7, doivent être jugés sur la durée de leur travail apparent ? La leçon quotidienne sur les jugements péremptoires que nous portons sur le travail… des autres incite à beaucoup de prudence et de modestie. Le constat incontestable est que nous vivons beaucoup plus longtemps, et en bonne santé, et que nous avons besoin de beaucoup moins travailler pour vivre longtemps et en bonne santé. Il faut s’habituer à cette réalité troublante qui ne correspond pas nécessairement au vécu individuel. Le travail ne devient plus qu’un cas très particulier de notre passage sur terre. Il va même plonger au dessous de 10% du temps de vie dans un futur immédiat. Bonne nouvelle, bien sûr ! Mais aussi défi majeur pour une société qui avait construit tous ses mécanismes de transfert sociaux sur… le travail !

Le numérique redéfinit le champ du travail

Dans ce contexte nouveau, l’irruption du numérique brouille totalement les références. L’économie est indissociable du système socio-technique qui la soutient. Or depuis la révolution industrielle le travail n’est pas le seul facteur de nos progrès. Il n’y a pas de relation évidente entre le volume de travail (« plus » de travail), le niveau de production et la rémunération. L’informatique et la robotisation, appliqués aux processus stables et aux données structurées, comme le numérique appliqué aux données non structurées, ont depuis quarante maintenant changé profondément la nature du travail. Mais ce processus s’accélère avec des conséquences nouvelles dès lors que la création de valeur résulte de la connexion de « cerveaux d’œuvre » échappant aux cadres classiques de l’organisation du travail ! Le travail a d’abord été utilisé pour apporter une réponse urgente aux besoins des couches basses de la pyramide de Maslow… survivre ! Se nourrir, se protéger des intempéries, du chaud et du froid, assurer la pérennité de l’espèce ont fourni pendant des millénaires le cadre naturel et obligé des échanges économiques. Il a fallu que la découverte des machines nous dotant d’une prothèse musculaire efficace ainsi que les progrès dans la compréhension de notre environnement naturel nous permettent de faire des gains significatifs dans la productivité du travail pour nous arracher à cette zone de survie précaire. Ce n’est pas la seule intensification du travail qui a permis à l’humanité de progresser, mais la science et la technique. En même temps, le déploiement de nouvelles techniques apportait à chaque étape son lot de destructions créatrices. L’exemple du métier à tisser de Jacquard est le premier d’une longue série. Quand on observe le travail d’un paysan qui récolte les foins en quelques heures, seul au volant de son tracteur climatisé, on se souvient d’un passé proche où cette tâche impliquait des dizaines de personnes, enfants et vieillards inclus… La mécanisation, puis l’automatisation et enfin l’informatisation ont cassé le lien linéaire entre le volume de travail et le volume de production. La croissance économique s’est construite par la réduction du volume de travail qui est le produit du nombre de travailleurs par la durée du travail pour une technique donnée. Et ce processus va continuer à opérer en touchant les métiers tertiaires encore peu transformés par le développement de la numérisation totale de toutes les activités. La transformation de la distribution avec les scanneurs de caisse et le paiement sans contact peut affecter des centaines de milliers d’emplois. Or ce processus est largement engagé. Le remplacement des caissiers de banque par des distributeurs automatiques en a été le précurseur. L’industrie a du son essor par la maîtrise de ce processus de transformation. L’automobile illustre clairement ce phénomène. Au début du XXe siècle les premières voitures automobiles étaient construites à l’unité à la main. C’étaient des produits artisanaux, extrêmement coûteux, réservés à une élite. Il a fallu Henry Ford dès 1908 pour comprendre que ce produit rencontrerait une demande forte si on en abaissait considérablement le prix de production, et pour cela il fallait casser le modèle de production unitaire pour passer à la grande série. Standardisation et mise en place de chaînes d’assemblage servies par des ouvriers exécutant des tâches simples et répétitives ont permis le décollage de cette industrie. C’est donc la rupture dans la conception qui a permis la croissance, non pas l’intensification du travail. Ce processus a progressé avec la robotisation qui a conduit à un accroissement de la qualité et à la réduction tant de la pénibilité du travail que du nombre de travailleurs. Le volume de travail direct engagé pour construire une voiture moderne est très faible. L’usine Renault de Flins est passée de 21000 salariés dans les années 70 à moins de 3000 aujourd’hui pour une production certes réduite de 50 %.

Travail, emploi, statut, rémunération, le grand bazar

Tout se mélange ! Si un grand nombre d’emplois restent associés à un cycle de tâches élémentaires directement liés au temps qui leur est consacré – coupe de cheveux, par exemple, nombre de client reçus à un guichet par heure… -, la plupart des emplois modernes dissocient temps de travail et production. C’est le cas de tous les emplois conceptuels - les manipulateurs de symboles - dont la production intellectuelle n’est pas fonction du temps qui lui est consacré. L’exemple parfait est celui du chercheur. Les professions de création ne permettent pas d’établir un lien prédictible entre le volume de travail, le résultat atteint et la rémunération qui en découle. Partout dans la société les travailleurs utilisent un outil informatique pour concevoir, produire, décider, diffuser de l’information et de la connaissance. Mais cet usage, utilitaire et fragmenté, n’a pas encore faire émerger un modèle alternatif de production ni changé l’image du travail.

Le développement de l’immatériel est une opportunité.   L’arrivée de l’informatique, puis du web sont en train de bouleverser les mécaniques du travail. L’usage des outils pour produire des données comme pour les comprendre et en tirer parti pour la décision est le lot de la plupart des travailleurs dans les économies modernes. Or plus de travail ne permettra pas de faire plus de courriels pertinents, plus de tableaux Excel utiles, plus de présentations PowerPoint probantes. Les heures de bureau, entrecoupées des pauses cigarette et café, et d’interminables réunions, sont une série de sprints courts pour produire de l’information et l’envoyer telle une bouteille à la mer sur le réseau. Le lieu de travail lui-même n’est plus le cœur indispensable de l’activité, puisqu’on garde le lien avec les problématiques du travail bien au-delà de l’horaire légal. Le télétravail donne un sentiment de confort additionnel, puisqu’il évite les déplacements, mais crée l’isolement et se révèle délicat à organiser. Une idée peut naître n’importe où, n’importe quand, se propager instantanément et apporter des résultats clivants ou simplement rejoindre le cimetière des fausses bonnes idées… La dématérialisation du travail a de nouveau dissocié le lien entre temps de travail, lieu de travail, production, efficience et rémunération. Il reste que le travail contribue à beaucoup plus de fonctions que produire… Le travail procure un statut social, des horaires, un lieu de travail, des collègues, un environnement de socialisation et… une rémunération. Il y a dissociation entre le travail, mesuré en heures, le produit final et la rémunération. La place dans l’organisation, la reconnaissance par les pairs, l’image et le leadership deviennent plus important que le seul travail fourni. L’autorité et le lien de subordination sont moins efficaces quand il s’agit d’agir sur la capacité de conception que lorsqu’il ne s’agit que de maîtriser une contribution « musculaire ».

On rémunére quoi : la présence ou la résolution de problèmes ?

Le numérique fabrique de nouvelles logiques d’interaction entre acteurs. Au siècle des réseaux et du cerveau d’œuvre, alors que la dématérialisation multiplie à l’infini, idées, sons et images, il faut admettre que produire du sens devient aussi important que produire des biens. Or la production intellectuelle échappe aux contraintes habituelles du travail : le contrat, le lieu, le statut, les horaires et la rémunération. Le web en rendant possible chacun de ces transgressions est un puissant outil de déstructuration des formes anciennes et de réinvention de nouveaux rapports de création.

La société en réseaux s'appuie sur le constat lucide que seul on ne peut rien. La production d'intelligence collective en réseau est le moteur d’une nouvelle économie et d’une nouvelle société. Affranchis des contraintes conventionnelles issues de la fragmentation de la société, la mise en synergie des talents peut trouver des réponses radicalement nouvelles aux problèmes de notre société et combler les lacunes des mécanismes classiques. Mais cette transformation pose de redoutables problèmes. Est-ce que le marché, qui demeure le moins mauvais des systèmes d'arbitrage, peut inventer les modèles de régulations jugés souhaitables ? Le développement de la gratuité comme forme courante des échanges sur le web permet-il la mise en place de mécanismes de rémunération du travail et des idées acceptables ? Utopie ? Certainement moins que l'idée d'atteindre couramment cent ans pouvait apparaître folle au XIXe siècle au temps de Karl Marx... Il faudrait d’abord reconnaître que toutes ces questions ne constituent pas un problème mais une formidable opportunité puisque, pour la première fois dans l’histoire, nous avons désormais le choix d’inventer et non pas de subir ! Alors peut-on imaginer reconstruire le « travail 2.0 » autour des nouvelles pratiques sociales et collaboratives pour faire oublier le désenchantement actuel ? La génération Y va-t-elle imposer des modes nouveaux de comportement et ouvrir des voies nouvelles de production de la performance ? Car plus que jamais la notion de performance économique, indispensable à la communauté, ne peut être dissociée de la dynamique de la compétence et de l’engagement. Il paraît clair que cette net-génération traite le travail avec le plus grand sérieux mais ne souhaite pas pour autant renoncer à son mode de fonctionnement à la fois individualiste et tribal. Les valeurs et l’éthique, la quête du sens, l’autonomie, le plaisir ne sont pas perçus comme contraires à l’intérêt de l’entreprise. Cette génération pratique entre le travail et le reste de la vie une continuité multitâche comme ils jonglent entre leurs objets numériques. La net-génération n’est pas celle du « ou » mais du « et » et souhaite piloter librement dans la vie professionnelle ce zapping permanent qu’elle a exploré avec délice dans les années d’adolescence. Elle ne fait pas plus confiance à l’entreprise qu’à la société et à la politique pour régler ses problèmes. Mais elle est prête à s’impliquer dès lors qu’elle en retire de la satisfaction individuelle plus que de la reconnaissance formelle. L’entreprise doit donc réinventer des modes de fonctionnement novateurs pour réconcilier performance collective et accomplissement individuel, dans un contexte général où le travail classique n’est plus l’unité de mesure stable et reconnue par tous.

De nouveaux schémas d'organisation et de production de sens : les six sentiers

Ce qui compte dans le monde des affaires mais aussi des collectivités publiques n'est pas tellement où on est mais où on va. Si l'entreprise veut avancer, elle doit se mettre en mouvement, c'est tautologique ! Or très souvent on entend les adeptes du progrès immobile expliquer qu'il faut marcher, mais pas prendre de risque. Tout bébé d'un an sait que c'est en prenant des risques qu'on apprend à marcher. Pour mobiliser les compétences au service d’un projet de performance globale, six axes doivent être explorés de façon simultanée afin de définir le champ d’une stratégie numérique d’entreprise. Ce sont ces six sentiers qu'il faut défricher sans crainte en construisant la confiance entre tous les acteurs du système :

- Porter le client au cœur de nouvelles interactions numériques, en misant sur la capacité d’initiative du client « expert » et en sollicitant ses réactions et contributions

- Faire de l’entreprise étendue un écosystème efficient, fondé sur la richesse des interactions entre partenaires

- Intégrer la mobilité spatiale des collaborateurs comme vecteur de performances

- Recomposer de façon permanente les combinatoires de compétences au sein du cœur stabilisé de l’organisation, mais aussi du réseau élargi en misant sur la « sagesse des masses »

- Faire émerger les nouvelles valeurs du manager numérique, leader plus que patron, coach plutôt que chef

- S’insérer dans la mondialisation numérique en pratiquant ces nouvelles règles dans le cadre territorial le plus large

Peu d’entreprises ont engagé cette transformation en dehors des grands leaders de l’industrie numérique, comme Google ou Cisco. IBM envisage de recourir à grande échelle au » sourcing de masse » (crowdsourcing). Les industriels associent les internautes à la conception du produit et rémunèrent les meilleures contributions comme Fiat l’a fait pour sa 500 et continue à le faire pour ses produits futurs. Mais ils font école. Les PME innovantes sont de plus en plus nombreuses et pas seulement dans le monde des start-up du web. Citons l’exemple de l’entreprise Lippi, fabricant de clôtures métalliques en Charente, qui a l’occasion d’un changement de génération de dirigeants propriétaires, a repensé totalement ses processus à travers l’exploitation de toutes les techniques du web. Un wiki consigne les meilleures pratiques, magasinier et secrétaire commerciale échangent par Tweeter, les vidéos des sites sont conçues par le personnel. Et tout le monde, sans exception, a été formé pour être à l’aise avec la culture et les outils numériques. Les résultats économiques suivent l’enthousiasme du personnel. Leur adhésion au projet d’entreprise collectif ne les prive pas de conduire leur propre projet entrepreneurial, ce qui renforce autonomie et capacité d’initiative. Il s’agit en effet de penser une modernisation radicale du projet d’entreprise à partir des outils mais surtout d’une mutation des comportements. Il est vrai qu’aujourd’hui les réseaux sociaux semblent incarner ce mode de fonctionnement.

Mais il serait vain d’y voir une forme nouvelle et spontanée de management pour séduire les collaborateurs. Les ficelles du « management cool » sont trop grosses pour convaincre et peuvent au contraire faire fuir. Le tutoiement imposé ne supprime pas les distances de statut, de culture, de rémunération. Cela ne peut pas faire de mal, encore que...Faire le pari de l’authenticité et de la rigueur pour construire les bases de l’économie de la connaissance paraît un choix plus durable. Le management collaboratif de la connaissance est une opportunité majeure qu’il ne faut pas gadgétiser. Dire les choses, sans complaisance ni condescendance, faire confiance à la lucidité et organiser, sans arrière-pensée, les conditions du débat pour construire une efficacité renouvelée constituent un chemin exigeant mais plus robuste. On voit bien que la technologie ne peut être qu’un adjuvant pour replacer le travail dans une dynamique positive. C’est une opportunité considérable, mais insuffisante. Elle ne se substituera pas à la recherche de sens qui pousse les êtres humains à avancer ensemble. 


Un super Autolib en Chine ! Que fait la France ?

INVESTOR-banner

20000 voitures électriques ont été commandées, le 11 juillet 2012, par la ville de Hangzhou, avec sa structure dédiée Hangzhou Electric Vehicle Service, pour lancer une expérience globale de déploiement à grande échelle de véhicules électriques en location. Les voitures sont des véhicules de petit gabarit produites par la société chinoise Kandi. Le modèle est co-piloté par la ville et l'électricien local qui est propriétaire des batteries et installe stations d'échanges rapides de batteries (36) et bornes de recharge (3500). De plus les batteries seront connectées au réseau électrique dans ce qui constitue à ce jour la plus grande expérience de "réseau intelligent" intégrant les voitures électriques ("vehicule-to-grid").

Au moment où on réfléchit à l'avenir de l'industrie automobile, cet exemple démontre qu'il faut résolument faire évoluer le modèle de conception, de distribution et d'usage de la voiture, bien entendu en commençant par les grandes villes. La France qui maîtrise l'ensemble de cette chaîne de valeur doit être capable de proposer au plan mondial une offre compétitive d'ingénierie de la mobilité électrique.

La coopération entre Bolloré, Renault et PSA, mais aussi Mia, ainsi que les équipementiers, électriciens, électroniciens et opérateurs de télécommunications doit être encouragé par le gouvernement pour éviter les habituelles querelles fratricides et la dispersion des efforts. Une inititiative mondiale "Urban electricity mobility solutions by France" aurait belle allure et donnerait un sens à l'avenir de notre industrie.


Automobile : le scénario hydrogène

Dans le spectre des scénarios alternatifs au moteur thermique à essence, l’hydrogène a longtemps fait partie des solutions à la fois les plus excitantes en terme de potentiel, mais aussi les plus lointaines et difficiles à concrétiser sur le plan industriel. En effet, quelle que soit la solution, il faut de l'énergie pour déplacer un objet et ses occupants. Et pour le moment il n'y a pas de solution miracle qui n'implique pas la consommation de ressources naturelles et l'émission de rejets nocifs...

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L'hydrogène au moins réduit la question de l'émission sur le lieu d'usage, puisque les rejets sont inoffensifs, de l'eau... Le reste du process est hélas plus compliqué ! Le principe en est connu depuis le début du XIXe siècle. Issac de Rivaz inventa en 1805 un moteur à piston unique qui fonctionnait à l’hydrogène. Ce statut encore plus utopique que l’électricité et l’hybride a fait de l’usage massif de l’hydrogène dans l’automobile un sujet récurrent de réflexion, de controverse, de recherche mais aussi d’annonces spectaculaires mais peu tangibles. Quelques véhicules ont été mis en circulation par Honda avec sa  Clarity ou BMW, en 2006,  avec une Serie 7 hydrogène thermique. Depuis l’accélération de la crise en 2008, et l’apparition concrète de véhicules électriques sur le marché, la solution hydrogène a retrouvé, après de multiples faux départs,  une réelle actualité. Des dates sont même désormais annoncées pour évoquer des premiers lancements significatifs dès 2015. Mais ce n’est pas la première fois. Toutefois, les initiatives se multiplient et les financements se font moins confidentiels.

L’hydrogène, H2, n’est pas une source d’énergie, car il n’existe pas à l’état naturel et il faut de l’énergie pour le produire. Mais c’est un excellent vecteur d’énergie trois fois plus efficace que l’essence. Mais ce gaz performant n’est pas facile à produire, à distribuer et à utiliser. La production d’hydrogène se fait soit à partir de gaz naturel, mais ceci génère du CO2, soit par électrolyse de l’eau pour libérer l’hydrogène (H2) de la molécule d’eau (H20). Ce procédé, efficace, nécessite beaucoup d’électricité. Pour stocker l’hydrogène, il faut le comprimer à 350 bars pour le conserver à l’état gazeux sous haute pression, soit le stocker à l’état liquide, mais à -253° C. Comprimé, il occupe encore deux fois plus de place que l’essence à capacité énergétique identique. Une voie d’avenir à l’état de recherche est de stocker l’hydrogène sous forme solide dans un support métallique pour le libérer à la demande.

L’hydrogène peut être utilisé pour mouvoir une automobile de deux façons. Sous forme gazeuse, il peut remplacer l’essence dans un moteur thermique à explosion, solution expérimentée par BMW dans sa série 7, dont le moteur V12 ne délivre que 260 cv et dispose d’une autonomie de 200 km avec 8 kg d’hydrogène. Mazda y travaille également avec son moteur rotatif.

Mais c’est surtout pour alimenter une pile à combustible que l’hydrogène apparaît prometteur.  Fabriquer de l’électricité dans une pile à combustible à partir d’hydrogène est un processus maîtrisé depuis les débuts de l’ère spatiale. Il s’agit d’un procédé inverse de l’électrolyse : en mélangeant hydrogène et oxygène de l’air à travers le cœur de la pile, on obtient de l’eau et de l’électricité. Les premières recherches datent de 1839 et ont été réalisées par un gallois, William Groove.

Enfin, on peut également produire directement de l’hydrogène à bord du véhicule à partir de n’importe quel carburant. On utilise un réformeur, mini-usine compacte, qui reproduit les conditions de fabrication industrielle de l’hydrogène par vapo-cracking et purification. Ce système complexe et coûteux a comme mérite d’utiliser l’infrastructure existante de distribution de carburant.

Le choix de la pile à combustible alimentée par hydrogène constitue la clé de voûte de la recherche. En effet, il existe différentes technologies de pile à combustible, certaines alimentées par du dihydrogène, d’autres du méthanol et bien d’autres possibilités. Un kilogramme d’hydrogène a le même pouvoir énergétique qu’un gallon américain d’essence (3,78 litres).

En 2012 on assiste à une accélération des travaux autour de l’utilisation de l’hydrogène dans le transport. L’ambition n’est pas nouvelle, mais se heurte à la complexité de la mise en œuvre d’une nouvelle chaine de valeur qui englobe la production d’hydrogène, sa distribution, la mise au point de piles à combustible économiques, le traitement de la sécurité.

Avec le groupement UKH2Mobility, trois ministères du gouvernement britannique et 13 groupes industriels majeurs ont décidé de fonder un groupe de recherche pour rendre crédibles et accessibles  les véhicules à hydrogène (VEHx) outre-manche.

Cette action en faveur de l’hydrogène s’insère dans un plan plus global de soutien du gouvernement britannique aux véhicules à faibles et très faibles émissions. Le programme gouvernemental « Plug-in Car Grant » offre un bonus à l’achat pour toute acquisition de véhicules propres, que ce soit ceux fonctionnant avec pile à combustible alimentée par hydrogène, ceux purement électriques ou les hybrides.

L’Union Européenne a mis en place récemment un Partenariat Public-Privé pour le développement de la filière de l’hydrogène doté  d’un budget de 77,5 millions d’euros pour 2012., Parmi les signataires figurent Air Liquide Hydrogen Energy SA, Daimler AG ou encore Toyota . Après avoir expertisé l’état des infrastructures existantes et évalué les investissements nécessaires, le groupe livrera ses conclusions d’ici fin 2012.

Plusieurs organisations militent en France pour la reconnaissance de la viabilité de la filière hydrogène.  ALPHEA Hydrogène et le programme Autoessor l’AFHYPAC sont les principaux acteurs de la filière française qui déplorent  l’immobilisme de la France concernant la filière hydrogène et son application à l’énergie et à la mobilité.

 Hydrogène : un vecteur énergétique pour l’electromobilité

 L’intégration d’une pile à combustible est simple à faire dans tout véhicule électrique ou hybride série, là où le groupe moto-propulseur est déjà électrifié. Il est même possible de rééquiper des véhicules.

 Si le point de convergence entre les véhicules électriques et les véhicules à hydrogène a été fixé à 2030, il pourrait être sérieusement revu à la baisse, grâce à la hausse du prix du pétrole et la baisse du prix de l’hydrogène, il va par exemple passer de 9€ le kg à 5€ d’ici 2020.

Selon les spécialistes l’hydrogène pourrait être la solution permettant d’augmenter l’autonomie des véhicules électriques avec une pile à combustible. L’hydrogène peut également être utilisé pour stocker les énergies renouvelables, palliant au développement lent du Smart Grid, ou réseau intelligent, qui risque de n’être opérant réellement que d’ici vingt ans. Sur le plan économique, une station de recharge en hydrogène représente l’équivalent de 360 bornes de recharge pour véhicules électriques, et avec un temps de recharge de 5 minutes.

L’hydrogène, qui est testé sous des formes diverses depuis une dizaine d'années, n’est jamais absent des salons automobiles, avec plus ou moins de visibilité. Honda présente dans tous les salons automobiles sa Clarity qui circule en Californie. Audi a présenté au salon de Genève 2012 une étude de moteur à hydrogène, ainsi que Toyota qui estime que cette technologie pourrait être disponible dès 2015. Son concept hydrogène FCV-R présente les nouvelles lignes de la marque, très aérodynamiques. C'est un modèle à pile à combustible, avec deux réservoirs d'hydrogène sous pression de 700 bars, destiné aux moyennes et longues distances, avec une autonomie affichée de 700 km, performance que l'électrique à batteries est incapable d’égaler. Le groupe VW présente sur le stand Audi un groupe motopropulseur à hydrogène. Il fait circuler en Californie un Touran équipé de sa technologie HYMotion. GM s'intéresse également de façon continue à l'hydrogène, et plusieurs Opel circulent en Europe.

Alors que la France dispose d’un important parc de centrales nucléaires, la promotion de l’hydrogène y est embryonnaire. Tout d’abord, malgré un récent AMI (appel à manifestation d’intérêt) de l’ADEME « Véhicules routiers à hydrogène », il n’y a pour l’heure pas de véritable volonté politique. Les énergéticiens français n’y trouvent pas leur intérêt. Si certains envisagent d’entrer massivement sur le marché, tous profitent pour l’instant d’une situation d’impasse législative, ralentissant le développement de la production d’hydrogène, domestique ou industrielle. Les constructeurs français n’ont pas pris non plus cette option au sérieux et ont privilégié le 100% électrique pour Renault et l’hybride diesel pour PSA. La coopération entre les différents acteurs de la filière est trop faible pour accélérer l’industrialisation des technologies de l’hydrogène. Pourtant, 300 000 tonnes d’hydrogène issues de l’industrie pétrolière sont brulées chaque année faute de débouchés, de quoi alimenter 2 millions de véhicules ! Face à ce constat, les réseaux ALPHEA et l’AFHYPAC œuvrent pour le développement de la filière. D’autres réseaux comme ERH2-Bretagne ou HyER travaillent également dans ce sens

L’ADEME a lancé plusieurs appels à manifestation d’intérêt: Hydrogène et piles à combustible, Chaîne de traction électrique, « Véhicules routiers à hydrogène » dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir.

Les technologies liées à l’hydrogène sont bien connues et connaissent actuellement un sérieux essor. Beaucoup d’initiatives sont lancées pour asseoir les bienfaits de cette technologie et préparer la transition vers une économie décarbonée. Comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne mène également la bataille de l’hydrogène en développant des initiatives d’investissements, et soutient les expérimentations de BMW engagées depuis 2006. La France, ne semblait pas s’engager dans cette voie. Même si des initiatives se développent comme le ERH2 en Bretagne, on ne voit pour l’instant aucune station-service à hydrogène, et il n’y a pas de modèle utilisant de l’hydrogène proposé par les constructeurs nationaux. 

 

L’hydrogène apparaît toutefois comme une des réponses les plus prometteuses pour résoudre l’équation énergétique. Il permet d’engager une transition entre pétrole et énergie propre en exploitant les infrastructures actuelles et en permettant une électrification du parc de véhicules. Mais il peut également être exploité dans des piles à combustible fixes pour le secteur domiciliaire. Cet « Home Energy Station » produit de l’électricité et de l’eau chaude à parti de gaz naturel. C’est la voie explorée par Honda. Plusieurs industriels, comme Panasonic, travaillent sur cette solution de production décentralisée de l’énergie électrique.  La pile à combustible à hydrogène est aussi utilisée sous forme miniature pour fabriquer, à partir de cartouche de méthanol, de l’électricité pour téléphones et ordinateurs.

L’hydrogène est d’autant plus intéressant qu’il constitue une des meilleures solutions pour le stockage des énergies renouvelables. En effet, il permet de stocker efficacement l’électricité produite par les sources intermittentes (solaire, éolien, hydrolien) en dehors des heures de consommation sans utilisation de matériaux rares ou difficiles à recycler comme pour la plupart des batteries. C’est une solution de décentralisation de la production d’énergie électrique.

 En dehors du secteur du transport, l’hydrogène apparaît donc comme une voie intéressante pour l’ensemble des usages de l’énergie car les recherches qui y sont consacrées sont exploitables dans de nombreuses applications, tant en mode statique qu’en usage mobile.

 

 


Aider l'industrie automobile, piège ou opportunité courageuse ?

Le marché automobile européen se porte mal depuis le début 2012 avec une baisse cumulée de 7,7% sur cinq mois pour un volume de 5,5 millions de voitures neuves vendues, pire résultat depuis 1993, et l’industrie s’inquiète face à une atonie persistante de la demande dans une Europe sans croissance. Une fois encore les stocks s’accumulent aux portes des usines en surcapacité chronique, les rumeurs de fermeture de site s’amplifient, en Allemagne chez Opel, en France à Aulnay-sous-Bois… Par ailleurs la sortie du rapport de l’OMS, sur la toxicité des émisisons diesel, dont les conclusions étaient déjà connues, peut jeter un trouble chez les consommateurs du premier pays diéselisé du monde, avec 72,4% en 2011. Quelle solution de rechange au diesel ?

Le véhicule électrique lancé avec courage par Renault n’atteint pas encore, il s'en faut, les effets de volume qui pourraient oxygéner les constructeurs. Et chaque voiture électrique vendue consomme 5000€ de subvention étatique. Dans ce contexte morose, certains constructeurs reparlent d’une nouvelle injection de potion magique étatique. Avant de parler du choix de la thérapie, qui embarrasse le gouvernement aux marges de manœuvre inexistantes, il faut comprendre les causes et isoler, en Europe, la situation propre de l’industrie française. L’industrie automobile n’est pas sortie par ses propres moyens de la crise de 2008. Elle y est toujours. Il a fallu le plan de soutien de décembre 2008 et une injection de crédits publics de 5 milliards aux constructeurs, qui ont été remboursés avec intérêt, mais plus encore un plan de soutien du marché par la prime à la casse. Or ce plan a massivement subventionné la production automobile slovène ou slovaque. De plus les voitures acquises dans ce cadre n’ont fait qu’anticiper des besoins de renouvellement qui ne peuvent pas se retrouver ultérieurement. Ainsi en France par rapport à une moyenne annuelle lissée, deux millions de véhicules neufs par an, se sont vendues entre 2009 et 2011 près de 700000 voitures de plus, petites cylindrées pour la plupart, également subventionnées par les constructeurs au détriment de leur marge. En accréditant l’idée que pour vendre une voiture standard il faut pratiquer un discount massif, on incite le consommateur à bénéficier de tous les effets d’aubaine. Les voitures modernes répondent pour des années aux besoins de consommateurs qui considèrent que la voiture n’est plus un poste prioritaire… et roulent de moins en moins quand ils peuvent l’éviter. La voiture ne fait plus rêver quand les revenus n’augmentent plus et que les charges de possession d’un véhicule s’accroissent : essence, assurance, parking, amendes, pièces détachées. Plus encore les conditions d’usage de la voiture individuelle sont de plus en plus contraintes et les collectivités améliorent sans cesse l’offre urbaine de transports de substitution. A valeur d’usage constante, le renouvellement est tout naturellement différé.

Aider l’automobile ne peut plus se résumer à injecter sans fin des moyens publics pour gonfler artificiellement la demande. La solution est certainement du côté de l’offre même si là encore beaucoup d’argent public a été investi dans la modernisation des véhicules et dans leurs systèmes de propulsion. Les constructeurs ont compris que leur salut passait en grande partie par la rupture technique majeure que représente la réduction progressive des consommations du moteur à combustion interne. Electrification, hybridation, réduction de taille et de poids des voitures et des moteurs sont les solutions exploitées par tous les constructeurs. L’autre volet de leur politique est la recherche continue d’une réduction massive des coûts de production pour maintenir une marge acceptable dans un marché très concurrentiel. Ceci passe à la fois par la simplification et la réduction de taille des véhicules mais aussi par la production hors de France. Tout se passe comme si dans un marché mondial où les espoirs de volumes sont hors de France, notre industrie aurait accepté cette transhumance vers des pâturages plus tentants : Europe de l’Est, Russie, Brésil, Chine, Afrique du Nord. On ne peut totalement l’en blâmer.

Toutefois pour maintenir en Europe et singlièrement en France une industrie automobile, il faut faire preuve de volontarisme et d'imagination pour ne pas suelement colmater les brèches de l'industrie du XXe siècle mais inventer celle du XXIe. La transformation de la conception du véhicule et du changement d’énergie sont des mesures plus complexes mais préparent l’avenir. Elles impliquent une accélération de l’innovation. L’industrie automobile souvent critiquée par sa passivité apparente reste largement leader en matière de brevets. Un brevet sur cinq déposé en France concerne l’automobile, et 35% d’entre eux la réduction des émissions de CO2. S’il apparait illusoire de vouloir rejoindre l’Allemagne dans le marché mondial lucratif des véhicules premium, la seule option qui reste aux constructeurs nationaux est de devenir les champions mondiaux de la petite voiture innovante du XXIe siècle : voitures légères, nouveaux matériaux, consommation inférieure à 3l/100, habitabilité et confort, mais compacité et usage massif de l’électronique de sécurité, de conduite et de confort. Qu’elles soient électriques, hybrides ou dotées de moteurs de moins d’un litre, et demain à l’hydrogène, ces voitures modernes et attrayantes doivent constituer le cœur de cible des marchés mondiaux des pays matures comme des marchés émergents. Améliorer le service rendu avec un rapport coût/valeur perçu positivement par les consommateurs et réduire drastiquement les émissions de polluants, particules et CO2 sont les voies à privilégier. Inciter à l’autopartage et au covoiturage en zone rurale est aussi une voie majeure pour inventer des « services publics privés » dans les zones d’autodépendance et renouveler les parcs avec des véhicules adaptés. La France sait imaginer et construire ces voitures innovantes. Si l’Etat veut aider l’industrie, la voie plus efficace serait de disséquer et repenser, dans un plan pluriannuel, avec tous les acteurs de la filière, l’ensemble des éléments de la chaîne de valeur pour que ces véhicules puissent être conçus en France et, en partie, y être construits de façon rentable. Ceci ne compensera pas toutefois les dizaines de milliers d’emploi qui ont disparu de la filière.

Zoe  121
Nous ne retrouverons jamais les volumes ni les effectifs de l’année record 1972 : trois millions de voitures produites en France Si cette page-là est définitivement tournée, nos constructeurs ne pourront toutefois rester une référence mondiale que s’ils innovent radicalement. Ils en ont la capacité. L’Etat, de son côté, doit avoir le courage de ne pas privilégier le court terme pour garantir la pérennité de l’industrie automobile en France. N’automatisons pas le passé et imaginons le futur de l’automobile dans un écosytème global : mobilité, communication, énergie, environnement !