La gouvernance des systèmes d'information, levier de l'innovation
21 mai 2011
L’évolution du rôle du système d'information implique la maîtrise d’une vision à 360° des évolutions de l’organisation et de son environnement. Dans les entreprises et organisations marquées par une forte transformation de leur métier, de leur environnement réglementaire, des exigences des clients, la traduction en systèmes opérationnels de ces pressions constantes nécessite une capacité d'exécution sans faille dans des contextes budgétaires tendus. Les DSI ont réussi depuis dix ans à hisser l'efficacité opérationnelle au meilleur niveau et à monitorer de façon transparente leurs performances. Mais il faut aussi être capable d’anticipation et de veille pour ne pas se laisser surprendre par les évolutions du contexte. La gestion des risques est un élément clef de la planification stratégique de la DSI. Elle doit permettre de consolider l’itinéraire de déploiement de nouvelles solutions, de la vision amont à la mise en œuvre opératoire par chaque collaborateur.
Bien évidemment, c'est un exercice difficile qui demande une vigilance constante puisque la qualité opértionnelle d'aujourd'hui ne garantit en rien la performance future. Or les DSI au cours de ces années de crise ont été confrontées à des exigences souvent violentes de réduction de coût, accompagnées d'une marche souvent forcée vers les restructurations, l'externalisation et l'offshoring, perçus non pas comme des outils à exploiter rationnellement, mais comme des leviers imposés pour forcer les transformations.
Alors que les poussées technologiques ne se ralentissent pas, avec l'irruption des smartphones et tablettes, les "apps" et l'informatique en nuage, les réseaux sociaux, plébisicités par les utilisateurs et les directions métiers, la DSI ne peut se contenter de gérer un repli vers des fonctions purement opérationnelles. Elle doit reprendre l'initiative au coeur de l'entreprise en exercant avec compétence sa mission historique de garantie de l'alignement du SI avec les métiers. Ce n'est que par une gestion dynamique de l'innovation qu'elle peut y parvenir. La DSI numérique de ce début de XXIe siècle doit être en mesure d'assurer le leadership de l'innovation en rendant le rêve technologique accessible, fiable et en toute sécurité.
La gouvernance des systèmes d’information rassemble aujourd’hui les méthodes et outils pour y parvenir. La maturité de Cobit et ValIT permet à la DSI d’étayer sa démarche sur des référentiels solides et construits sans réinventer les processus critiques. L’auditabilité interne et externe des référentiels renforce la crédibilité des démarches de la DSI. Les outils existent. Les meilleures pratiques sont codifiées. L’observation de ces règles et pratiques est une garantie de la pertinence des choix et de l’alignement des ressources informationnelles en fonction des attentes des organisations.
Dans des enveloppes budgétaires limitées, et avec des échéances qui imposent une grande réactivité, choisir est plus que jamais renoncer. Investir dans les systèmes d’information doit répondre à des objectifs prédictibles et mesurables en réduisant la part d’incertitude.
Le déploiement d’une stratégie de gouvernance des systèmes d’information n’est pas un exercice conceptuel : c’est un outil de décision qui doit permettre de résoudre des problèmes visibles. Des performances opérationnelles jugées médiocres, des coûts opaques, des projets qui n’en finissent pas, des prestataires inefficaces, des montées de version qui se passent mal, sont autant de symptômes. La gouvernance répond à une demande de clarification des relations entre acteurs et de transparence des décisions.
Le processus de gouvernance doit constamment veiller à ce que «les méthodes et procédures, disciplinées et pro-actives, sont mises en œuvre pour garantir que les niveaux de service appropriés sont fournis à tous les utilisateurs des technologies de l’information en phase avec les priorités métiers et à un coût acceptable » (Foundations of Service Level Management, CobiT).
Loin d'une vision théorique du système d'information, le processus de gouvernance doit permettre de construire et diffuser largement les réponses aux questions clefs de la performance du système d'nformation.
Les questions suivantes doivent être portées à l'ordre du jour des structures en charge de la gouvernance et les réponses apportées par l'organisation doivent faire l'objet d'une élaboration collective, publique, datée, chiffrée et auditable.
- Déclinaison d’une vision globale d’alignement stratégique à travers les référentiels d’entreprise et l’urbanisation, validée par les directions métiers. Le SI doit répondre aux questions clefs de la stratégie, le modèle de Porter étant un bon outil pour resserer les questions sur des thèmes vitaux pour l'entreprise.
- Choix explicite des niveaux d’intervention des acteurs du marché (make or buy piloté). Il faut identifier les sujets où l’externalisation n’est pas convaincante, n’a pas livré les gains escomptés ou l’amélioration visée de la qualité de service et mettre en œuvre de plans de redressement.
- Processus de maîtrise de la demande de systèmes tant en travaux neufs qu’en maintenance : comment gérer de façon proactive les demandes de changement de système qui n’ont pas d’impact rapide ? ou qui impactent des systèmes dont l’espérance de vie est limitée ?
- Implication du management opérationnel de l’entreprise dans les décisions de lancement et de déploiement de nouveaux systèmes : mettre en évidence les domaines SI pour lesquels l’entreprise subit des décalages par rapport à la concurrence, benchmarker les meilleures pratiques
- Financement solidaire entre fonctions de la réduction de la complexité applicative et technique : lutter efficacement contre l’obésité informationnelle pour baisser les coûts de stockage, de réseau, de logiciels périphériques, de licences en surnombre
- Choix des outils pertinents de pilotage intégrés dans le système de contrôle de gestion : travailler avec le contrôle de gestion pour intégrer les paramètres SI dans le reporting
- Association étroite des utilisateurs et directions métiers à la construction d'une vision innovante qui doit intégrer "sans couture" l'innovation technique dans les pratiques sociales
- Prise de position sans équivoque sur les sujets liés à l'économie du web : réseaux sociaux, accès au web, "webification" des applications, e-commerce, e-reputation...
Les thèmes de réflexion et d'action ne manquent pas. On peut regretter que trop souvent poussée par la seule dimension audit, la gouvernance ait pu apparaître comme une surcouche de contrôle coûteuse, rigide, bureaucratique. Beaucoup de DSI hésitent devant la portée de l'investissement, difficile à justifier en période de disette budgétaire. Il n'en est rien si on en fait une application pertinente pour répondre aux questions posées par les directions générales et les utilisateurs sur la pertinence des invetsissements Si et sur leur qualité perçue au quotidien. Une application raisonnée et professionnelle des référentiels de gouvernance apporte transparence et dynamique au pilotage des systèmes d'information. Ne pas y recourir est s'infliger un handicap.
Excellent article.
Une récente etude IBM (http://www-935.ibm.com/services/us/gbs/bus/html/gbs-business-analytics-optimization.html) a par ailleurs démontré que les performances des entreprises sont étroitement liées à leur niveau de gouvernance de l’information. A l'heure où l'information se gère en flux et non plus en stock, un tel système devient non seulement prioritaire, mais bien stratégique pour le business des entreprises.
Rédigé par : Renaud Raffaelli | 26 mai 2011 à 19:12