Même si l'actualité nous donne le sentiment d'un bouleversement permanent des technologies, il faut de temps en temps regarder avec humilité le chemin parcouru en constatant que finalement la pénétration de ces transformations techniques n'est pas aussi rapide que nous ne le pensons... J'écrivais au début des années quatre vingt-dix une rubrique mensuelle dans Challenges sur les technologies de l'information, dont l'objectif était de faire sortir l'informatique de son ghetto technique pour la populariser auprès des cadres, et j'ai retrouvé en fouillant mon disque dur ce texte qui date de février 1990, plus de vingt ans donc...
LA SAGA DES PORTABLES
Le traditionnel emblème des hommes d'affaires, l'attaché case, fait face à une rude concurrence. L'usurpateur en a l'apparence, la couleur, le poids, mais ce n'est plus un "porte papiers" banal, c'est un ordinateur, un vrai. L'énorme machine déjà sortie des salles climatisées à la fin des années soixante-dix pour trôner, réduite à des dimensions plus raisonnables, sur nos bureaux s'installe maintenant dans notre vie quotidienne, au domicile, dans l'avion, à l'hôtel... Cette nouvelle étape de l'invasion de l'informatique marque l'aboutissement (provisoire !) de la révolution technologique qui a permis de s'affranchir des contraintes de poids, de la vulnérabilité aux aggressions climatiques, des problèmes d'alimentation électrique.
Qu'il soit portable, portatif ou de poche, le micro-ordinateur mobile est un vrai ordinateur. Aussi puissant que les machines de bureau équivalentes, il est doté d'un clavier de taille acceptable, d'un écran dont les problèmes initiaux de lisibilité sont maintenant résolus et d'une mémoire aux capacités de stockage confortables. De plus en plus complet, il peut se substituer dans nombre de cas à son frére statique.
Ce fruit de la technologie est parfois perçu comme un gadget pour cadre branché. Mais le portable gagne ses galons de vrai pro. Il répond à une des grandes exigences de l'entreprise : traiter l'information le plus près possible de l'événement. Son atout majeur est la disponibilité permanente pour collecter l'information à la source : le représentant qui prend une commande chez le client, l'employé suivant ses stocks à l'aide de son portable muni d'un lecteur de codes à barres, le gendarme consultant au bord de la route le fichier des immatriculations. Pour ces professions, le portable est un formidable outil de productivité collective qui fait circuler l'information efficacement, en supprimant les risques d'erreur dus aux saisies éloignées de l'événement.
Pour l'homme d'affaires, l'ordinateur portable présente d'autres vertus. Il offre une gamme complète d'outils de travail : agenda, répertoire téléphonique, traitement de textes, tableurs, gestionnaires de fichiers. Il gomme les pertes de temps dues aux déplacements. Il permet de procéder devant le client à la simulation nécessaire pour conclure un contrat ou de rédiger dans l'avion le rapport de visite toujours sacrifié...quand on n'a pas la discipline japonaise. Outil de productivité individuelle, le portable aide efficacement à lutter contre la volatilité des informations en les stockant ou en les partageant le plus vite possible avec ses interlocuteurs grâce à un module de connexion téléphonique .
Le portable ne se contente pas de se faire de plus en plus léger (quelques kilos), il veut devenir aussi petit qu'un dossier A4 : c'est l'ordinateur dit de cartable. Leurs performances sont de plus en plus impressionnantes même en matière de stockage de données grâce à l'utilisation de mémoires amovibles miniaturisées. Ces machines sont plutôt orientées vers les travaux simples et l'expérience montre que c'est suffisant. Leur intérêt déterminant réside dans leur véritable portabilité. On l'apprécie à son juste poids quand on glisse entre deux dossiers un appareil d'un kilo au lieu de porter en bandoulière une machine de cinq ou six kilos pour faire plaisir à son kiné.
Encore plus léger et compact, sont apparus sur le marché français des ordinateurs de poche qui empruntent aux calculatrices leur format et leur poids avec les capacités d'un vrai micro. Certes il faut renoncer au confort d'un écran de 24 lignes 80 colonnes au profit de quelques lignes moins lisibles et d'un clavier aux touches réduites... Ce type de machine, peu coûteuse et tout à fait mobile, dont l'Atari Portfolio ou le Psion Organiser sont des représentants célèbres, ouvre des perspectives d'emploi nouvelles surtout en dehors du bureau.
Machine séduisante, le micro-ordinateur mobile s'implante avec succès chez les particuliers comme dans les grands comptes. Son marché a cru en 1989 de près de 80 %. Il progresse à pas de géant vers la légéreté, l'autonomie, la performance et même la couleur. Il oblige à reconsidérer les critères d'achat de l'ordinateur des années 1990.