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Dans le nuage...

Je fréquente l'excellent blog de Louis Nauges ( http://nauges.typepad.com/) au nom prédestiné (je viens seulement de m'en rendre compte : Nuages...) qui porte des coups répétés et violents contre l'informatique "canal historique" avec  ses champions bien connus. Je ne partage pas toujours son point de vue dans le détail ayant pu constater - à l'insu de mon plein gré-  à quel point l'inertie des systèmes d'information, du marché et des compétences condamnait les DSI à être souvent plus conservateurs que ce qu'ils pouvaient souhaiter. Néanmoins, nous partageons la même confiance dans le fait que les mues successives de l'informatique nous conduisent vers un monde où l'abondance d'informations conduira tous les acteurs à devoir changer leur logique de prise de décision en s'appuyant sur des outils simples, efficaces, omniprésents et omni- connectés. 

La question n'est plus maintenant "nuage ou pas nuage", mais quand, comment, pour quelles applications, à quel prix ? C'est bien l'organisation de cette nouvelle offre, qui recèle ses propres et nouveaux pièges, qui est le coeur du débat actuel. Comme cela change beaucoup de choses - citons pêle-mêle le clivage maîtrise d'ouvrage/maîtrise d'oeuvre, le paiement des licences, le cycle en V des projets, l'existence même de services exploitation au sein des entreprises...- , il y  a beaucoup de travail pour toute la communauté informatique pour revisiter son modèle d'organisation, préparer les changements de processus et de compétences indispensables à la maîtrise de ce nouvel environnement qui coexistera encore longtemps avec le passé.. 

Je vous revoie à la lecture assidue du blog de Louis, mais je publie ici un commentaire "coup de gueule"  que j'y ai mis en ligne hier.


Je tombe avec retard sur ces échanges... Je suis toujours fasciné par l'utilisation de l'argument sécuritaire comme ultime rempart aux changements en cours, dont je partage avec Louis la vision et la lourde charge d'évangélisation depuis des années.
Il suffit que d'aller dans n'importe quel bac d'imprimante de n'importe quelle entreprise pour se procurer des informations intéressantes... Et de soudoyer quelques employés mécontents pour accèder à toute l'information de l'entreprise ! Pourquoi diable monter des manipulations complexes pour aller extraire quelques ko signifiants dans les base de données de Google ou autres ? Ensuite il faut vraiment s'interroger sur ce qui mérite d'être mis sous coffre fort dans les cimetières de données que sont les SI des entreprises...Au moment où l'open innovation apparaît comme le véhicule le plus efficace des découvertes réelles, partager pour en tirer profit paraît mille fois plus efficace que de construire des lignes Maginot fictives.
Non, le vrai problème est bien ailleurs : je lisais avec effarement sur un blog que l'iPad était un produit râté car fermé, au sens propre car on ne pouvait pas l'ouvrir avace un tournevis pour se l'approprier... J'étais halluciné par l'incompréhension totale de l'auteur de ce commentaire qui nous renvoyait à la protohistoire de l'informatique. Bien entendu nous n'avons pas besoin d'un tournevis pour échanger, construire, comprendre s'enthousiasmer devant la capacité des outils modernes de nous mettre en contact et de développer notre intelligence collective. Il est rageant de voir la survivance de ces comportements égoïstes alors que nous avons tellement besoin de développer les échanges pour trouver des réponses aux grands défis de notre époque.
Oui l'informatique de demain sera un composite d'outils hyper-standards gérés dans le nuage et d'outils ultra-sophistiqués pour concevoir des produits et services et surtout s'ossuper vraiment du client... Oui, il y aura besoin de nouveaux talents d'informaticiens, capables d'agréger des composants en temps réel, sans bug, pour innover sans cesse dans notre manière de formaliser, de comprendre et de résoudre nos problèmes. Alors travaillons ensemble à ce futur sans nostalgie pour un passé qui fut en son temps excitant et porteur, mais qui est derrière nous. Franchement vous ne me ferez pas préférer la diligence à ma Prius 3 !


Air frais sur le monde du progiciel

Les mastodontes du logiciel nous ont déshabitué à nous enthousiasmer pour leurs produits et leur stratégie. En cinq ans, le paysage des éditeurs de progiciel a été tellement rationalisé par une bataille féroce d'acquisitions que  les quelques oligopoles qui subsistent ne séduisent guère par leur créativité et leur capacité à faire bouger le fonctionnement des entreprises. Si "It doesn't matter" c'est sûrement parce que fondamentalement on ne travaille pas différemment dans la vie quotidienne des entreprises avec les outils qui ont été conçus au XXe siècle et qui pour l'essentiel ignorent tout du monde du web. Absorbés par leur souci de neutraliser leurs concurrents et de construire un semblant de cohérence dans un catalogue hétérogène, les grands éditeurs - la bande des Quatre : Microsoft, IBM, SAP, Oracle - n'ont guère innové, malgré leurs vertueuses dénégations, et on attend toujours avec impatience les outils capables d'enthousiasmer et de donner envie de réinvestir dans les fondements dus système d'information. La tentation pour les DSI est bien de toucher le moins possible à ce socle historique en le laissant doucement vieillir et en prenant le risque, mesuré, de ne pas suivre le ryhtme des changements de version, coûteuses et peu créatrices de valeur.

Il y a une grande logique, technique et économique, dans cette situation de stabilisation forcée. Changer les habitudes des utilisateurs sans évolution majeure des fonctionnalités ne crée aucune valeur pour les entreprises, et apparaît aux directions générales soucieuses de réduire le budget informatique comme un impôt déraisonnable. Bien sûr les éditeurs s'en désolent, car la vente de nouvelles licences reste un moteur de motivation pour leur force de vente, et pour les actionnaires, plus stimulant que le lucratif marché de la maintenance. Néanmoins ils se consolent assez facilement en imposant dans des conditions controversées une augmentation des tarifs de maintenance et une obsolescence planifiée de leurs contrats de support pour générer un flux significatif de revenus récurrents. Certes, cela ne va pas sans réaction des clients, comme les utilisateurs de SAP ont pu le démontrer en déstabilisant même la direction générale de l'éditeur. Mais globalement, le marché de l'édition de logiciel a pu se maintenir en 2009 avec un taux de croissance faible mais positif.

Néanmoins, le marché est face à de nouvelles logiques. Les éditeurs doivent désormais se positionner face à la maturité de la demande qui les condamne à gérer un parc désormais stabilisé pour lequel le renouvellement est verrouillé par la complexité et les coûts de projets aléatoires. Le solutions nouvelles de type SaaS et cloud computing séduisent le marché des PME mais n'apparaissent pas encore comme une solution au renouvellement des grandes infrastructures logicielles. Il y a donc clairement une impasse où la demande et l'offre ne se rencontrent plus, ce qui conduit à un attentisme réaliste mais insatisfaisant pour les entreprises qui ont besoin de trouver de nouvelles poches d'efficience et d'innovation.

C'est dans ce contexte que  l'annonce du rachat d'Exalead par Dassault Systems apparaît comme une vraie bonne nouvelle, la première depuis longtemps dans le marché des progiciels. 

Au-delà de la vraie satisfaction que représente le rachat d'un éditeur français innovant et reconnu, même si sa taille ( moins de 20 millions € de chiffre d'affaires) reste modeste, par un autre éditeur français dont le succès dans les outils de conception et de gestion du cycle de vie du produit est désormais mondial. Ce rapprochement certes asymétrique est la preuve que l'industrie française du logiciel a un avenir propre, dans se dissoudre au sein d'éditeurs leaders non français comme Ilog dans IBM, BO dans SAP.

Mais la bonne nouvelle pour les DSI est ailleurs. Ce rapprochement va donner à Exalead des moyens de recherche développement et de commercialisation sans aucune commune mesure avec ses ressources actuelles. Le rapprochement d'Exalead avec un grand nom mondial va faciliter la pénétration dans les grands comptes de ses solutions dont l'efficacité a été  largement démontrée. Mais  la taille de l'entreprise, le caractère radical de ses solutions, inquiétaient les directions achats comme les DSI souvent plus soucieuses de pérennité que d'innovation.

Plus encore, s'esquisse entre le leader du PLM, et le promoteur de la 3D dans toutes les applications et du co-design, et le leader de solutions  de "search based applications" un rapprochement d'architectures permettant une nouvelle vision du système d'information. En effet, si les systèmes d'information régaliens ne générent pas d'avantage concurrentiel majeur, tendant à uniformiser le niveau de prestations, il n'en est rien pour les progiciels qui touchent au coeur du métier.

C'est là où se joue vraiment l'avenir des entreprises : concevoir et mettre sur le marché des produits innovants, attractifs, en ligne avec les besoins des clients  est la vraie -et seule- finalité des entreprises. Le faire en disposant d'un moyen ultra efficace pour rapprocher des informations structurées issues du système d'information interne, et les informations non structurées internes comme externes, donne une efficacité accrue au système de conception, qui bénéficie d'une nouvelle qualité d'exploitation du stock d'informations et de connaissances, souvent dormant. Gérer des images 3D n'est pas une distraction, mais un outil incontournable d'efficacité dans tous les métiers. Dassault Systems comme Exalead, acteur du projet Quaero, ont compris parfaitement le rôle de l'image dans les systèmes d'information de demain. 

Veille technologique, analyses concurrentielles, suivi en temps réel du cycle de vie des produits, analyses fines de la réaction des clients sont les nouveaux outils de la performance qu'Exalead sait gérer efficacement. Puisant dans l'énergie du web, les solutions "web to business" sont absolument indispensables pour faire face à la croissance exponentielle du volume des connaissances et au souci des gestionnaires  comme des concepteurs de piloter les entreprises dans une économie numérique temps réel exigeante mais riche d'opportunités.

Le rapprochement  de Dassault Systems et d'Exalead ouvre indiscutablement la voie à de nouvelles perspectives. Il reste à transformer la promesse en produits et expliquer au marché que cette transformation de la conception des systèmes d'information est une vraie rupture porteuse de performances nouvelles. Les équipes agueries de Dassault Systems devront savoir intelligemment faire la place aux créateurs d'Exalead pour ne pas assommer l'imagination créatrice apte à explorer les chemins de traverse. L'alliance entre neurones est toujours un exercice délicat. Souhaitons que les dirigeants sauront mieux que d'autres faire naître des synergies créatrices dont le marché et l'économie numérique ont absolument besoin, et très vite...