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Le jour où... la France s'éveillera...

Je rentre de Chine... Profitant d'une accueillante présence familiale à Shanghai, et de l'exposition universelle, facteur déclencheur, je me suis laissé convaincre de quitter mon cher et vieux pays, ses pompes et ses oeuvres pour aller voir de plus près Shanghai, et pour faire bonne mesure à la modernité de la métropole, un peu de Chine rurale dans le Yunnan... En bon français, je croyais avoir tout lu,tout vu tout su et je suis parti avec une moue sceptique. "Ils ne vont pas me faire à moi le coup de la Chine...". Après tout, je connaissais bien aussi  Tokyo, Taipei, Séoul, mais aussi Manhattan, Chicago, Los Angeles, Mexico, Mumbai, Moscou et j'ai vu de loin Sao Paulo... Donc, bardé de références, je ne pouvais pas être étonné.

Expo 2010 009


 

Et bien je dois avouer avec humilité que j'avais tout faux... Je n'avais pas compris qu'il se passait quelque chose en Chine d'une essence différente à tout ce que j'avais pu voir par ailleurs. Ce n'est pas simplement le progrès, le téléphone portable omniprésent,  les scooters et vélomoteurs électriques partout (messieurs les maires des grandes villes françaises, allez-voir que le deux-roues motorisé peut ne pas polluer et être silencieux dès maintenant), les chauffe-eau solaires partout, des infrastructures splendides ( l'aéroport de Shangri la...) pour éviter de parler des deux joyaux que sont les aéroports de Shanghai, les autoroutes de montagne... Ce n'est pas seulement, après les Jeux Olympiques de Pékin, l'organisation impeccable de l'Expo 2010 sous le thème "Better city, better life". Car ce qu'il y a à l'intérieur de l'enceinte de l'Expo est séduisant et attractif, mais au fond sans surprise dans l'air du temps.

Ce qui frappe, ce sont les gens, partout où nous sommes allés. Le regard franc, le sourire facile, l'envie d'aider, de résoudre avec diligence  les problèmes, les mimiques complices des enfants, cette paysanne du Yunan qui fait visiter avec fierté sa maison, neuve, ces gestes de la main amicaux. Partout est intense l'envie de communiquer, l'absence d'irrittaion ou d'agressivité. Egalement l'effort d'apprentissage et de pratique de l'anglais est remarquable. Certes le chantier est immense il y a déjà des très riches et l'opulence du parc automobile est frappante, même en dehors de la métropole. Il y a encore des très pauvres, beaucoup, de ruelles où on fait la vaisselle dans le caniveau, de toilettes approximatives, comme jusque dans les années quatre-vingt en France. Mais aux dires de ceux qui sont en Chine depuis plusieurs années, la situation évolue extrêmement vite notamment en matière d'hygiène et de sécurité. L'intelligentsia française peut faire la moue... "Oui, mais vous oubliez, cher ami, qu'il s'agit d'une dictature communiste... La peine de mort est pratiquée (comme eux USA), on y fusille les corrompus, on y enferme les détracteurs et on assassine le peuple tibétain !". Sûrement. Maisi pu voir que dans la province autonome du Tibet la liberté de culte était totale, et la ferveur réelle, mais j'ai aussi constaté que je ne pouvais pas accèder à ma messagerie professionnelle en https sous Google. 

Shanghai 569Je me suis mêlé à la foule du dimanche sur le Bund, où, là, le jardin est aussi permanent que splendide, j'ai vu danser les couples dans le parc  Fuxing  aménagé en 1909 au coeur de la concession française, j'ai vu des gens actifs sans agitation, ouverts et compétents. Et la force de la Chine c'est bien de créer une dynamique durable et structurée où chacun prend place. Que cela soit simple,  équitable, rapide pour tous, bien évidemment que non. Mais la transition pour un pays qui vivait il y a quarante ans la révolution culturelle est autrement mieux gérée qu'en Russie. Car la route est tracée, impressionnante, puissante. Il faudra vraiment apprendre un peu mieux l'histoire de la Chine pour comprendre son futur.

Prétendre comprendre  plus de 3000 ans d’histoire en quelques jours de présence seulement est aussi illusoire que pour un asiatique saisir la complexité de la culture européenne au cours des ces circuits marathon en dix jours qu’ils affectionnent.  Aussi, il ne peut être encore question que d’impressions, d’instantanés qui mériteraient un long approfondissement. 

Aussi je n'ai qu'une envie au terme de ce bref séjour, c'est d'y retourner pour justement approfondir et étudier comment participer à ce formidable élan de développement qui concerne le cinquième de l'humanité. Il n'est que temps.


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Merci à tous les lecteurs de ce blog qui a accumulé en un peu plus de quatre années plus de 100000 pages vues...

Un regret : pas assez de commentaires, un peu moins de deux par note... 

Une satisfaction : une évolution douce à travers trois emplois différents qui me permettent d'embrasser de façon plus large l'impact des technologies sur notre époque...


Un management pour temps de renouveau ?

Est-il prématuré de parler de "renouveau" quand tout donne l'impression que nous n'avons pas encore touché le fond de la dépression qui s'est abattue sur l'économie mondiale en 2008  et singulèrement sur l'Europe ?  Au contraire, il me parait indispensable de jetter maintenant un regard lucide sur les déréglements profonds qui ont touché nos entreprises et que nous pouvons corriger pour reconstruire la confiance et par là, s'engager dans une spirale vertueuse de créativité, d'innovation et de reconstruction du tissu économique. Ma conviction est que l'Europe, au sens large, avec ses 850 millions d'habitants, peut trouver une place dynamique dans la redéfinition mondiale des rapports de force de la planète numérique. Pour cela un doit réinventer un management de proximité fondé sur les compétences, la liberté d'initiative, l'écoute et donc l'intelligence collective. Or ceci ne se décrète pas par le haut, mais suppose un travail de terrain fondé sur la confiance.

L_euro-devise
 La situation économique crée une perturbation profonde dans l’opinion et auprès des salariés. Chacun a désormais  conscience que les menaces qui pèsent  sur les entreprises ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences, immédiates ou différées, sur l’emploi et les revenus. Au-delà même de l’horizon  incertain de la vie active, ce sont les conditions des revenus futurs et le financement de la santé tout au long de la vie qui préoccupent. Les salariés du secteur public n’échappent désormais pas plus que les autres à  ces inquiétudes. Quelque soit le secteur d’activité, le niveau de qualification ou la tranche d’âge, nul ne peut se sentir véritablement serein dans un monde où la croissance semble avoir durablement déserté les pays européens au profit de l’Asie.

Les différentes enquêtes d’opinion démontrent que la confiance des salariés envers leurs entreprises est à un point historiquement bas. Ce sentiment d’incertitude ne conduirait pas nécessairement à une angoisse généralisée si les relais classiques d’accompagnement de la transformation fonctionnaient convenablement. Or le doute sur l’aptitude de la classe politique dans son ensemble, mais également des organisations syndicales, à comprendre l’ampleur de la crise et à conduire les transformations nécessaires pour accompagner  l’économie européenne dans la mondialisation est également très intense. La fragilité des Etats européens confrontés à une dette considérable – nous sommes bien loin des règles « intangibles » du pacte de stabilité, 3% de déficit et des 60 % de taux d’endettement publics par rapport au PIB - et à la perspective durable de faibles taux de croissance ne laisse planer aucun doute sur la nécessité d’accroître la pression fiscale et de mettre en place une gestion rigoureuse de la dépense publique.

Aussi, les questions sans réponse s’accumulent rendant le citoyen aussi perplexe que  le salarié.

Changer, oui, mais pourquoi faire ? Réformer, oui, mais dans quelle perspective d’amélioration ? Faut-il plus de liberté économique ou plus de dirigisme ? Les modèles sont cassés, les slogans sonnent creux… Néanmoins l’instinct vital des peuples commande de ne pas en rester à ce constat. Certes les plus beaux chants sont les plus désespérés, mais l’économie est bien réelle et nous devons nous battre pour sauvegarder un des systèmes les plus efficients de la planète pour concilier efficacité et équité.

Quand les structures globales sont défaillantes, quand  les menaces sont réelles – l’économie française a détruit un million d’emplois en dix-huit mois, dont plus de trois cents mille dans l'industrie -, quand les perspectives sont indécises, on tend à se rapprocher de son cadre de proximité.  Pour passer de l’incertitude généralisée  aux prémices du retour à la confiance, il faut réunir des conditions de température et de pression favorables : faire comprendre sans manipulation les paramètres de  l’environnement, définir des objectifs clairs, réalistes et « légitimes », mettre en œuvre des modalités équitables de reconnaissance. Or chacun de ces composants a fait l’objet de sérieuses mises en cause minant leur crédibilité. Si l’allergie au changement  présumée de la population française est probablement largement surestimée, les conditions d’acceptation du changement impliquent un niveau de transparence et d’équité qui n’a pas été atteint au cours des dernières années. Plus encore, l’accompagnement des changements d’emploi, de compétences, de cadre social doit être exemplaire pour créer les conditions acceptables à l'indispensable mise en mouvement des entreprises et de leurs collaborateurs.

C’est là que l’entreprise mieux que l’Etat peut se révéler un cadre approprié au retour de la confiance dans le futur.

On peut penser que cette situation est une opportunité pour le management de retrouver une crédibilité que la première décennie  du XXIe siècle a singulièrement écornée.

Le management démonétisé

Une des causes majeures de ce désenchantement provient de l’écart perçu entre le niveau de pression exercé par les dirigeants et leur comportement personnel, situation qui rapproche curieusement le capitalisme ultra-libéral des pires régimes de dictature du prolétariat. Les années 2000 ont vu des projets d’entreprise uniquement fondés sur la création de valeur pour l’actionnaire, fixée arbitrairement à des taux élevés et sans explication pédagogique. Tout dans la vie de l’entreprise était conditionné par l’atteinte de ces objectifs, indépendamment des conditions concrètes de réalisation, rappellant par cette force du dogme le culte de la révolution. Toute objection était immédiatement interprétée comme une preuve de manque de détermination, conduisant à un repli tactique des collaborateurs désireux d’éviter une confrontation dont ils auraient payé cher le prix. Bien loin du management participatif, ces méthodes se sont cristallisées autour du manager providentiel, héros capable d’endiguer seul la médiocrité et le manque d’ambition de la totalité de ses collaborateurs. Henry Mintzberg décrit cette nouvelle génération de dirigeants « assis dans leur bureau et annonçant les objectifs à atteindre, plutôt que travaillant sur le terrain pour aider à améliorer la performance ». Plus la pression était mise haut, plus la rémunération des managers-actionnaires s’élevait vers les sommets autorisés par l’attribution généreuse de stock-options et autres avantages dérogatoires. Or si l’entrepreneur est rémunéré pour prendre des risques, effacer à l’avance ces risques par des contrats avantageux indépendants du résultat est inacceptable pour les salariés comme pour l’opinion. L’hyper-rémunération des uns pour faire peser sur les autres les risques du changement est une forme indécente de cynisme.

Un modèle sans stratégie

L’incapacité de l’Europe à déployer une stratégie compétitive mondiale est affligeante alors que l’Union européenne avait fait de la concurrence libre et non faussée son credo absolu. L’échec de l’agenda de Lisbonne, dix ans plus tard, démontre l’inefficacité de ce modèle sans accompagnement approprié. L’incapacité de faire de l’Europe une zone de développement homogène autour de l’économie de la connaissance mine la crédibilité de l’euro. 

La crise a fait éclater les faiblesses structurelles de ce modèle, mais aussi en a démontré le caractère manipulatoire. Les objectifs « tendus » des entreprises n’ont pas été atteints, car les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. La « création de valeur pour l’actionnaire » – c'est-à-dire le seul et unique cours de bourse - s’est révélée un indicateur bien falot de tout ce qui compose la valeur durable : la qualité des produits et services, la compétence des collaborateurs, la créativité et de l’innovation, le respect des contraintes de long terme. Puisque le cours de bourse, encensé comme unique juge de paix, s’est effondré, c’est la totalité du discours qui été emporté par la tourmente. Les emplois industriels délocalisés ne sont pas remplacés par des « emplois verts » mythiques ou des emplois de conception. Le modèle d’un  partage du monde entre une usine chinoise et un laboratoire euro-américain se révèle totalement erroné, tant la Chine et l’Inde démontrent leurs aptitudes à innover avec une classe d’ingénieurs et de techniciens compétents. Qui croire, alors, quand les efforts incessants de baisse des coûts et d’amélioration de la productivité n’ont en rien protégé contre la perte d’emploi ? Le  système a menti sur les véritables motivations, et donc cassé le modèle fondé sur la mise en tension systématique des personnes, entre elles, contre elles. Il est d’ailleurs vraisemblable que même sans la complicité active d’une Europe complaisante qui a elle-même miné ses champions industriels, nos concurrents asiatiques auraient pris le même chemin de la croissance, peut-être un peu plus lentement.

Les voies d’un renouveau

Les défis de l’époque sont considérables pour les vieux pays européens, et sans doute aussi pour les Etats-Unis considérablement fragilisés. Le vieillissement de la population, les aléas climatiques, l’obsolescence des infrastructures conçues au cours des trente glorieuses, désormais lointaines, la crise des modèles d’intervention publique, sont autant de douloureux rappels des efforts à consentir pour tenter de conserver pour tous le système social européen et le niveau de vie  qui y est associé.

Pour avoir oublié que le seul but de l’économie est de servir l’homme, on a négligé le rapport subtil que la logique du développement oblige de construire entre les quatre composants indissociables de l’économie moderne : l’efficacité de la sphère  productive, la dynamique de la consommation, la démocratie citoyenne et l’équilibre structurel des finances publiques.

Indiscutablement, la reconstruction de la confiance est un élément clef de la redynamisation des entreprises et du corps social. Recréer un sentiment d’appartenance semble  aujourd’hui un objectif bien difficile, mais indispensable. Ce qui compte est le contact direct, le respect des individus en phase avec le discours stratégique, le courage de la vérité, sans complaisance ni condescendance. C’est parce que certaines entreprises dépassent l’individualisme pour recréer le sens de la communauté qu’elles fécondent la communauté du sens. L’esprit d’initiative collective, le souci des collègues, l’entraide, comme l’accueil des jeunes en apprentissage sont autant de vecteurs de performance qui stimulent la qualité du travail fourni par l’équipe mais aussi l’engagement dans la communauté plus large de la région, du pays. Les exemples sont multiples. Ce sont les salariés de Lippi, une PME spécialisée dans les clotûres métalliques, qui ont redéfini avec leurs dirigeants un nouveau cadre de fonctionnement de l'entreprise qui fait massivement appel à tous les outils de l'économie numérique. Ce sont les salariés d'Avis qui ont trouvé le moyen de réduire à 3 minutes la durée d'attente d'un véhicule. 

C’est cette économie de la coopération en entreprise qu’analyse Norbert Alter, qui démontre que les relations d’entraide inter-individuelles profitent à l’entreprise sans nécessairement qu’elle les comprenne ni les organise. On appartient à une communauté dont l’essor contribue à la réussite de cercles concentriques de plus en plus larges. Mintzberg cite dans son article des sociétés aussi différentes que Pixar ou Mondragon, fédération basque de coopératives, qui possède notamment la marque Fagor, regroupant 92000 personnes.

Entre l’obésité organisationnelle, qui dilue les responsabilités comme les talents, et le culte de l’anonymat dans des entreprises où les personnes se dissolvent dans le réseau numérique, il faut retrouver le sens du contact immédiat. Beaucoup de dirigeants n’ont pas compris que le passage de la société de main-d’œuvre à la société de cerveau-d’œuvre instituait un changement total dans le modèle historique de commandement. Les salariés d’aujourd’hui ne peuvent pas s’approprier les solutions si ils ne sont appropriés les problèmes. L’adhésion ne s’obtient ni par la contrainte ni par la peur ni par le culte du dirigeant, à grand renfort de communication, mais par la métabolisation  de tous les paramètres contextuels par les collaborateurs eux-mêmes. C’est en tissant les réseaux de confiance que l’on peut atteindre des résultats exceptionnels.  Bien sûr ceci ne fera pas disparaître les risques inhérents à la transformation économique majeure en cours. Mais en les expliquant pour préparer constamment les collaborateurs au changement, en développant et reconnaissant l’esprit critique, seul terreau de l’initiative, on peut reconstruire, par la base, un tissu à la fois résistant et flexible.

Lorsque les incertitudes s’accumulent, reconstruire  la confiance n’est pas mince affaire. Ceci implique de retrouver un discours raisonnable, des pratiques éthiques et une humilité  qui avait déserté beaucoup de comités de direction.

Références :

http://www.lippi.fr/

« Rebuilding Companies as Communities », Henry Mintzberg, Harvard Business Review, July-August 2009

“Donner et prendre. La coopération en entreprise”, Norbert Alter, Editions La Découverte, 2009