Previous month:
mars 2010
Next month:
mai 2010

L’automobile chinoise en pleine effervescence

Il faudra désormais s’habituer à ce que le Salon automobile de Pékin figure parmi les événements incontournables de la vie de l’automobile mondiale. La Chine, ce ne sont plus seulement les six cent millions de deux roues des images traditionnelles, c’est le marché mondial de l’automobile en plus forte progression. Avec ses mille voitures exposées, dont 95 véhicules « verts », et 89 premières mondiales ce salon chercher à s’imposer par sa dimension mondiale comme par l’actualité de son thème fédérateur  «  Pour des lendemains plus verts ».

Le Salon qui s’est ouvert le 23 avril à Pékin s’inscrit dans une perspective de croissance exceptionnelle du marché automobile chinois. Dès le milieu  de l’année 2009, le marché chinois bat des records  qui en font le premier marché mondial de l’automobile, avec 8,2 millions de voitures particulières sur un marché de 13,6 millions de véhicules, détrônant largement les Etats-Unis (5,7 millions de VP) et se rapprochant de l’Europe (13,6 millions). La Chine représente ainsi en 2009 les marchés cumulés de l’Allemagne (3,8 millions), de la France (2,2 millions) et de l’Italie (2,1 millions), les trois pays ayant bénéficié d’une aide massive de l’Etat. 2010 devrait confirmer cette croissance avec  un taux de croissance de  l’ordre de 20%. Il s’est déjà vendu au premier trimestre 4,6 millions de voitures. Alors que seul un chinois sur six sait conduire, le parc actuel est estimé à quarante millions de véhicules et devrait avec un tel rythme de croissance atteindre plus de 140 millions de véhicules à la fin de la décennie, ce qui évidemment pose de considérables problèmes d’insertion dans les villes et de production d’émissions polluantes et de gaz à effet de serre.

Evidemment cette croissance bénéficie à la jeune industrie automobile chinoise qui se présente dans ce Salon avec une profusion de nouveaux modèles (75…) et de concepts cars. On sait que cette industrie ne souffre pas de complexe par rapport à ses aînées occidentales, avec lesquelles elle a su tisser des liens efficaces à travers les joint-ventures qui depuis vingt ans accompagnent la croissance du marché. Mais désormais les firmes chinoises veulent agir seules avec l’ambition de jouer les premiers rôles sur le marché chinois d’abord, en Asie et en Afrique ensuite, avant de s’attaquer aux marchés matures  et de s’y confronter avec leurs anciens mentors. Certes les quelques 24 marques locales sont encore très dispersées, régionales, voire locales, n’ont pas évidemment l’expérience et la technicité des marques occidentales et japonaises, mais bénéficient de moyens ambitieux et de la volonté gouvernementale d’en faire un secteur d’excellence. D’ailleurs émergent de cet ensemble encore brouillon au moins trois leaders ambitieux, Geely, BYD et SAIC. La part du marché chinois occupé par les marques locales croît régulièrement pour se situer en 2009 à 29%.

Le symbolique rachat de Volvo à Ford par Geely ouvre en effet une ère nouvelle. Comme naguère l’apparition des toutes premières Honda, la N360 apparue en 1965, qui deviendra la Civic, avait suscité des ricanements de la profession, la suite de l’histoire a montré que les  constructeurs japonais, comme les coréens plus tard, avaient su rapidement apprendre pour devenir leaders.

Geely
 

 Il est tout à fait raisonnable de penser que les constructeurs chinois en feront de même d’autant plus que la concentration de cette industrie autour de quelques leaders leur permettra d’acquérir une compétitivité et une attractivité convaincantes, alors que la dispersion actuelle des marques ne permet ni une fabrication rigoureuse, ni des moyens commerciaux adaptés à la compétition intense sur le marché intérieur.

Geely2
 Intérieur du modèle haut de gamme de Geely, GE

Mais la vitalité du marché chinois est une excellente aubaine pour les constructeurs étrangers, américains, européens, chinois, coréens qui couvrent dont 70% du marché. Même si tendanciellement leur part de marché va décroître, les volumes visés sont considérables. Déjà GM vend plus en Chine qu’au Etats-Unis. VW ambitionne de vendre en Chine autant que dans toute l’Europe. Les constructeurs allemands, très présents depuis de nombreuses années, présentent au salon de Pékin leurs véhicules haut de gamme surpuissants essence, suréquipés et allongés délaissés par les clientèles américaines et européennes. BMW, associé à Brilliance, Volkswagen et Audi, avec FAW, produisent localement ou importent leurs modèles phares qui visent le très haut de gamme dans une société en quête de symboles de réussite sociale. L’Audi 6 allongée est le véhicule standard des dirigeants chinois. 

A6l-01
 Volkswagen veut ainsi ressusciter en Chine sa Phaeton. Le groupe PSA qui est présent en Chine et y produit déjà 150000 voitures par an, et en vend au total 270000, avec le constructeur Dong-Feng entend profiter de ses deux usines – Wuhan et Xiang Fan - et de la présence de sa marque Citroën depuis 1992 pour développer ses ventes. Il vise un million de véhicules par an en 2020. C’est à Shanghai que Citroën a présenté son concept de berline haut de gamme, Metropolis, conçu en Chine, dont l’avenir n’est toutefois pas garanti

Dans le culte de l’exception, Ferrari présente pour la première fois sa 599 GTO, de 6 l de cylindrée et 670 ch, série limitée à 599 clients… mais Rolls-Royce, Bentley, Porsche, Aston Martin et Maybach entendent également profiter du marché des jeunes millionnaires chinois en plein expansion.

Les constructeurs japonais ne veulent pas laisser ce terrain voisin à leurs compétiteurs. Toyota, Honda, Suzuki et Nissan, qui porte seul le flambeau de l’Alliance Renault Nissan sur le marché chinois se défendent activement.

Toute entreprise doit prendre conscience qu’avec la mondialisation numérique il y a quelqu’un quelque part ( à l’Est…) qui la connait et veut sa mort. Les constructeurs leaders du XXe siècle sont prévenus et doivent vraiment s’adapter à cette nouvelle donne. Ils le feront sur les marchés asiatiques pour mieux sauvegarder, aussi longtemps que possible, leurs positions dans leurs marchés historiques.


Journalistes automobiles, encore un effort pour être révolutionnaires !

Je lis beaucoup la presse automobile et je l'apprécie pour son professionnalisme. Je ne manquerai jamais l'opportunité d'un voyage en train pour me plonger dans ces magazines ni ne renoncerai au plaisir d'errer sur les sites auto du web... Bien sûr, j'adore traîner devant les super-cars des salons automobiles que je fréquente autant par plaisir que par devoir professionnel. Néanmoins, je pense que la presse automobile, si elle doit faire rêver devant une Bugatti Veyron ou un spider Audi R8, doit aussi se mettre dans la peau d'un francilien qui cherche désespérément à rallier son lieu de travail un jour de grève de RER ou d'une jeune professeur des écoles qui parcoure les routes du département pour faire un remplacement . D'un côté une élite internationale fortunée, forte de quelques milliers de consommateurs exigeants, de l'autre des millions d'utilisateurs du quotidien pour qui le plaisir de conduire s'efface derrière des considérations bien prosaïques de coût, de consommation, d'assurance, de fiabilité et d'exercice de la garantie, de valeur de revente, de prix des pièces détachées...

Les critères d'analyse d'une voiture doivent être mieux précisés par rapport aux usages réels. Le charme d'une voiture, en 2010, c'est quoi ? Le bruit, la consommation d'énergie fossile, les émissions de particules ? Il est grand temps de considérer que "le plaisir de conduire" dans les embouteillages, pour aller de son domicile à son travail, sur des routes limitées à 50 ou 90 km/h, ce n'est certes plus la performance pure, désormais inexploitable. Il est grand temps de ne plus communiquer sur la vitesse de pointe, totalement illicite et inutile, sauf sur circuit... Qui roule avec sa Twingo 1,2 l sur circuit ? Mais le confort acoustique et thermique, l'absence de stress et de fatigue que procure l'automatisme, décrié dans la presse française, la qualité du son de la radio ou de sa propre musique, la possibilité de téléphoner en toute sécurité pour exploiter ces minutes "perdues" sont désormais des critères majeurs pour la majorité des consommateurs de ce service que procure l'auto-mobile... Or de ces critères là, ceux de la vraie vie, les journalistes automobiles n'en parlent que furtivement car ils sont encore conditionnés par l'auto mythique, puissante et rageuse, à la James Dean. Que diront-ils demain des voitures électriques ? 

Mon métier m'a permis d'essayer toutes sortes de véhicules et d'apprendre, tel un oenologue, à les "goûter"... Or on sait bien que les conditions d'usage varient. Pour faire Lille-Marseille en voiture (ce qui est idiot),rien ne vaut une Audi A8 ou une Classe S, ou une BMW Serie 7. Pour vivre en montagne un Dacia Duster ou une Panda 4x4 feront merveille. Pour frimer à Neuilly avec une voiture payée par papa je conseille le Cayenne S, ne lésinons pas sur la "bêtise", c'est à ça qu'on les reconnaît disait Desproges. Pour trimbaler sa famille recomposée, un Scenic, comme le propose la publicité un brin racoleuse, fera très bien l'affaire.

S'il est difficile de choisir un véhicule multi-usages, il faut apprendre à faire des compromis quand on fait (soi même) un chèque de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d'euros... Cette éducation, les consommateurs la font souvent par défaut et c'est le budget qui fera les arbitrages au-delà de toute autre considération, ce qui explique l'extraordinaire percée de cette idée révolutionnaire de Louis Schweitzer de lancer une bonne voiture pas chère, la Logan, aujourd'hui déclinée avec talent et succès dans la gamme Dacia, désormais quatrième marque française. Qui aurait pu parier sur ces voitures simples, mais efficaces, totalement contraires aux canons de la mode et de la presse ?

Dans un autre créneau de marché, pour un budget moins contraint, les journalistes automobiles descendent dans leurs critiques la Toyota Prius. Or précisément une Prius 3 est une superbe réussite de confort et d'ergonomie avec une consommation exceptionnelle pour conduire en ville ou réaliser des trajets périurbains, ce qui correspond à 80% des usages...

Alors changeons nos critères d'analyse et adoptons une attitude responsable et réaliste dans un monde d'hyper mobilité multi-choix.