L’automobile chinoise en pleine effervescence
25 avril 2010
Il faudra désormais s’habituer à ce que le Salon automobile de Pékin figure parmi les événements incontournables de la vie de l’automobile mondiale. La Chine, ce ne sont plus seulement les six cent millions de deux roues des images traditionnelles, c’est le marché mondial de l’automobile en plus forte progression. Avec ses mille voitures exposées, dont 95 véhicules « verts », et 89 premières mondiales ce salon chercher à s’imposer par sa dimension mondiale comme par l’actualité de son thème fédérateur « Pour des lendemains plus verts ».
Le Salon qui s’est ouvert le 23 avril à Pékin s’inscrit dans une perspective de croissance exceptionnelle du marché automobile chinois. Dès le milieu de l’année 2009, le marché chinois bat des records qui en font le premier marché mondial de l’automobile, avec 8,2 millions de voitures particulières sur un marché de 13,6 millions de véhicules, détrônant largement les Etats-Unis (5,7 millions de VP) et se rapprochant de l’Europe (13,6 millions). La Chine représente ainsi en 2009 les marchés cumulés de l’Allemagne (3,8 millions), de la France (2,2 millions) et de l’Italie (2,1 millions), les trois pays ayant bénéficié d’une aide massive de l’Etat. 2010 devrait confirmer cette croissance avec un taux de croissance de l’ordre de 20%. Il s’est déjà vendu au premier trimestre 4,6 millions de voitures. Alors que seul un chinois sur six sait conduire, le parc actuel est estimé à quarante millions de véhicules et devrait avec un tel rythme de croissance atteindre plus de 140 millions de véhicules à la fin de la décennie, ce qui évidemment pose de considérables problèmes d’insertion dans les villes et de production d’émissions polluantes et de gaz à effet de serre.
Evidemment cette croissance bénéficie à la jeune industrie automobile chinoise qui se présente dans ce Salon avec une profusion de nouveaux modèles (75…) et de concepts cars. On sait que cette industrie ne souffre pas de complexe par rapport à ses aînées occidentales, avec lesquelles elle a su tisser des liens efficaces à travers les joint-ventures qui depuis vingt ans accompagnent la croissance du marché. Mais désormais les firmes chinoises veulent agir seules avec l’ambition de jouer les premiers rôles sur le marché chinois d’abord, en Asie et en Afrique ensuite, avant de s’attaquer aux marchés matures et de s’y confronter avec leurs anciens mentors. Certes les quelques 24 marques locales sont encore très dispersées, régionales, voire locales, n’ont pas évidemment l’expérience et la technicité des marques occidentales et japonaises, mais bénéficient de moyens ambitieux et de la volonté gouvernementale d’en faire un secteur d’excellence. D’ailleurs émergent de cet ensemble encore brouillon au moins trois leaders ambitieux, Geely, BYD et SAIC. La part du marché chinois occupé par les marques locales croît régulièrement pour se situer en 2009 à 29%.
Le symbolique rachat de Volvo à Ford par Geely ouvre en effet une ère nouvelle. Comme naguère l’apparition des toutes premières Honda, la N360 apparue en 1965, qui deviendra la Civic, avait suscité des ricanements de la profession, la suite de l’histoire a montré que les constructeurs japonais, comme les coréens plus tard, avaient su rapidement apprendre pour devenir leaders.
Il est tout à fait raisonnable de penser que les constructeurs chinois en feront de même d’autant plus que la concentration de cette industrie autour de quelques leaders leur permettra d’acquérir une compétitivité et une attractivité convaincantes, alors que la dispersion actuelle des marques ne permet ni une fabrication rigoureuse, ni des moyens commerciaux adaptés à la compétition intense sur le marché intérieur.
Intérieur du modèle haut de gamme de Geely, GE
Mais la vitalité du marché chinois est une excellente aubaine pour les constructeurs étrangers, américains, européens, chinois, coréens qui couvrent dont 70% du marché. Même si tendanciellement leur part de marché va décroître, les volumes visés sont considérables. Déjà GM vend plus en Chine qu’au Etats-Unis. VW ambitionne de vendre en Chine autant que dans toute l’Europe. Les constructeurs allemands, très présents depuis de nombreuses années, présentent au salon de Pékin leurs véhicules haut de gamme surpuissants essence, suréquipés et allongés délaissés par les clientèles américaines et européennes. BMW, associé à Brilliance, Volkswagen et Audi, avec FAW, produisent localement ou importent leurs modèles phares qui visent le très haut de gamme dans une société en quête de symboles de réussite sociale. L’Audi 6 allongée est le véhicule standard des dirigeants chinois.
Volkswagen veut ainsi ressusciter en Chine sa Phaeton. Le groupe PSA
qui est présent en Chine et y produit déjà 150000 voitures par an, et en vend
au total 270000, avec le constructeur Dong-Feng entend profiter de ses deux
usines – Wuhan et Xiang Fan - et de la présence de sa marque Citroën depuis
1992 pour développer ses ventes. Il vise un million de véhicules par an en
2020. C’est à Shanghai que Citroën a présenté son concept de berline haut de
gamme, Metropolis, conçu en Chine, dont l’avenir n’est toutefois pas garanti
Dans le culte de l’exception, Ferrari présente pour la première fois sa 599 GTO, de 6 l de cylindrée et 670 ch, série limitée à 599 clients… mais Rolls-Royce, Bentley, Porsche, Aston Martin et Maybach entendent également profiter du marché des jeunes millionnaires chinois en plein expansion.
Les constructeurs japonais ne veulent pas laisser ce terrain voisin à leurs compétiteurs. Toyota, Honda, Suzuki et Nissan, qui porte seul le flambeau de l’Alliance Renault Nissan sur le marché chinois se défendent activement.
Toute entreprise doit prendre conscience qu’avec la mondialisation numérique il y a quelqu’un quelque part ( à l’Est…) qui la connait et veut sa mort. Les constructeurs leaders du XXe siècle sont prévenus et doivent vraiment s’adapter à cette nouvelle donne. Ils le feront sur les marchés asiatiques pour mieux sauvegarder, aussi longtemps que possible, leurs positions dans leurs marchés historiques.