Peu de secteurs industriels échappent aux ambitions de la Chine qui veut atteindre, méthodiquement, la taille critique sur chaque segment de l’offre mondiale pour développer son leadership global. L’automobile est clairement un des objectifs prioritaires du gouvernement chinois, tant pour faire face aux considérables besoins du marché intérieur que pour prendre une place significative sur le marché mondial. Les ventes de véhicules sur le marché intérieur chinois ont largement dépassé celle des Etats-Unis dès le début 2009. En septembre, elles ont atteint 1,33 million de véhicules, contre 1 million en septembre 2008, soit 600000 de plus que les ventes du même mois sur le marché américain! Le marché chinois devrait ainsi dépasser 12 millions de véhicules en 2009 alors que le marché américain devrait se stabiliser autour de 11 millions de véhicules. Pékin compte quatre millions de voitures.
Ce passage de relais marque symboliquement la fin d’une époque, celle du leadership incontesté des pays pionniers de l’industrie automobile, que ce soient les Etats-Unis ou l’Europe rejoints dans les années soixante-dix par le Japon. Un autre symbole qui marquera 2009 est le succès du salon de l’automobile de Shanghai, en avril 2009, et le demi-échec de celui de Tokyo. Néanmoins ce nouveau paysage automobile mondial offre encore aux grands constructeurs historiques des possibilités concurrentielles significatives. L’ironie de l’histoire fait d’ailleurs de la Chine le second marché de GM.
Apprendre l’industrie automobile de la Chine
L’histoire de l’industrie automobile chinoise est récente. Elle débute en 1962 avec la création du Centre Technologie de Changchun, intégré en 1985 par FAW. Si l’offre actuelle des constructeurs chinois reste clairement en deçà des standards occidentaux, cette situation ne devrait pas durer et rapidement faire taire l’ironie qui accompagne encore les commentaires sur les produits chinois – copiés maladroitement, peu innovants, mal finis, peu sûrs, polluants -. Il va falloir désormais compter sur les marques chinoises encore inconnues du grand public comme Geely, BYD, Brilliance et apprendre à connaître, parmi les grands noms des dirigeants de l’automobile, ceux de M. Li Shushu, chairman de Geely, qui a commencé en 1986 à fabriquer des réfrigérateurs puis des motos avant se s’attaquer à l’automobile en 1996, ou encore celui de BYD, Wang Chuanfu, reconnu en octobre 2009 comme l’homme le plus riche de Chine avec une fortune de plus de 5,1 milliards $. Cette ascension de la construction automobile chinoise au premier plan de la construction mondiale sera un des faits marquants de la prochaine décennie. Elle suit ses chemins propres en exploitant, aux limites du droit parfois, la technologie occidentale à travers les joint-ventures existantes, mais également grâce à des acquisitions, tout en explorant des voies originales comme dans les véhicules électriques. Si elle demeure encore en retrait sur les motorisations, la qualité des assemblages, la sécurité par rapport aux meilleures européens, elle jouera sans aucun doute la carte de l’innovation en prenant de l’avance sur les nouveaux marchés comme celui du véhicule électrique.
Présentation d'un modèle Chery au salon de Shanghai
La Chine exploite les déboires de Detroit
La crise des constructeurs occidentaux permet aux entreprises chinoises d’acquérir à bas prix des actifs techniques et industriels, voire des marques, accélérant ainsi leur processus d’apprentissage de cette industrie et leur capacité à se doter d’une stature mondiale.
Une obscure entreprise d’équipements mécaniques chinoise, Sichuan Tengzhong Heavy Industrial Machinery, s’est porté acquéreur de la marque et de l’usine de Hummer, vendue par General Motors , mais il semble que cette vente attendue aux Etats-Unis pour sauver les 3000 emplois de l’usine de Mishawaka dans l’Indiana, critiquée en Chine, ait des difficultés à se concrétiser. Le marché pour ce type de véhicule s’est totalement effondré en 2009.
Beijing Automotive Industry Holding Co (BAIC), cinquième constructeur automobile chinois avec 1,24 million de véhicules, vient d’acquérir pour 200 millions $ quelques actifs de GM dans le cadre de la liquidation de Saab, incluant notamment la propriété intellectuelle des plateformes des berlines 9-5 and 9-3 et des outillages. BAIC annonce un ambitieux plan de développement de 3,4 milliards d’euros pour produire dès 2011 sur cette base Saab 100000 véhicules.
Mais c’est la vente de Volvo par Ford qui va marquer les esprits car le capital de sympathie envers la réputée marque suédoise est intact. Le CEO de Ford, Alan Mulally, avait laissé entendre au marché que la vente de Volvo à Geely était très avancée. Un communiqué vient de confirmer que cette vente avait été conclue le 23 décembre. Sans que le prix de la transaction ne soit encore connu, les rumeurs faisant état d’un prix de l’ordre de 2 milliards de dollars, il sera de toute évidence insuffisant pour Ford qui a payé en 1999 6.45 milliards $. Pour Geely, qui a commencé la fabrication d’automobiles en 1997 et dont la taille comme l'image restent modestes, le rachat d’une marque occidentale premium est une opportunité très intéressante. Volvo a produit en 2008 375000 véhicules, partagés à part égale entre l’usine de Gand en Belgique et celle de Göteborg en Suède. En 2007, la marque avait vendu 458000 voitures dont plus de 100000 véhicules aux Etats-Unis et 12000 en Chine et son potentiel d'image reste fort à travers une gamme renouvelée.
L’internationalisation de ces compagnies ne se fera pas sans mal. Le diable étant dans le détail, on pourra ainsi constater que sur le site web de Geely en anglais, l’Algérie est située dans la zone Asie-Pacifique et les Emirats Arabes Unis en Europe de l’Est. Ces bugs initiaux seront vite corrigés. Il est clair que le professionnalisme et l’expérience des équipes de Volvo accéléreront ces progrès et devraient permettre à Geely de consolider sa position au moment où les grandes manœuvres de concentration de l'industrie automobile chinoise se dessinent.
Autre exemple d'acheteur d'actifs en déshérence, Nanjing Automobile Corporation (NAC), fondé en 1947, plus ancien constructeur du pays dans les poids lourds, longtemps partenaire de Fiat et d'Iveco, a racheté en juillet 2005 les actifs du constructeur britannique MG pour 53 millions de livres. Avec une capacité de production de 200000 véhicules/an, NAC a été absorbé en décembre 2007 par SAIC et la co-entreprise avec Fiat a été arrêtée.
Un irrésistible essor dans un paysage complexe
Avec 13,2% de la production mondiale en 2008 (9,34 millions sur 70,52 millions), la Chine se situe après le Japon mais avant les Etats-Unis pour la production tous véhicules. Pour des raisons politiques d’aménagement du territoire, et de rivalité entre provinces, l’industrie automobile chinoise est fractionnée et très dispersée sur le territoire. On compte des dizaines de constructeurs, fabriquant des gammes plus ou moins complètes de voitures individuelles, d’utilitaires légers et lourds et d’autobus. Seule une poignée peut prétendre aborder le marché international. Aussi il est clair que seule la concentration permettra à l’industrie chinoise de se hisser au niveau mondial en créant des groupes de taille significative. Elle ne sera pas facilitée par les autorités locales très puissantes et jalouses de leurs prérogatives industrielles et soucieuses de l'emploi mais les institutions centrales y travaillent. Ainsi, China South Industries Group, conglomérat d'Etat, 428e entreprise mondiale, est la maison mère de Chang'an Automobile Group de Chongqing et a pris le contrôle des actifs automobiles du conglomérat industriel Aviation Industry Corporation of China (AVIC), de Harbin Hafei Automobile Industry Group et de Dongfeng Motors. Cette opération illustre la complexité des liens qui unissent les différents composants de l'industrie chinoise, d'autant plus que ces acteurs internes sont engagés dans de nombreux partenariats avec des constructeurs étrangers. .
Aussi la courte histoire de cette industrie est déjà riche en péripéties. Ces entreprises sont récentes, lancées par des communautés locales, des industries d'Etat ou des entrepreneurs audacieux. BYD - Build Your own Dream - est un puissant fabricant de batteries et de composants pour l’industrie informatique, leader mondial, qui décide d’entrer dans l’industrie automobile en 2003 en achetant la Tsinchuan Automobile Company Ltd, ambitionne de devenir en 2015 le premier constructeur chinois et en 2025 le premier mondial grâce à sa capacité d’innovation, notamment sur le marché naissant du véhicule élctrique.
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Source : OICA, mise en forme Sia conseil, production 2008
De plus, les partenariats multiples avec les grands constructeurs mondiaux complexifient le paysage.
Partenariats industriels |
Europe |
Japon |
Corée |
USA |
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FAW |
VW |
Toyota,Mazda |
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CHANA AUTOMOBILE |
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Mazda, Suzuki |
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Ford |
DONGFENG |
PSA |
Honda, Nissan |
Kia |
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BRILLIANCE |
BMW |
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BAIG |
Daimler |
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Hyundai |
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SAIC |
VW |
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GM |
GUANGZHOU AUTO |
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Honda, Toyota |
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HARBIN HAFEI |
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Suzuki |
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Il est clair que la saga de l’industrie automobile chinoise ne fait que commencer. En vingt ans, ce marché est sorti du moyen âge automobile. Il attire désormais tous les constructeurs mondiaux, et les constructeurs locaux vont vite apprendre à se placer au meilleur niveau mondial.