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Haut débit mobile

Encore une fois, la technologie va plus vite que les décideurs publics, en France en tout cas. Le plan haut débit devait s'appuyer avant tout sur l'internet mobile plutôt que sur la fibre optique qui implique des installations physiques coûteuses et un temps de déploiement élevé. Ceci même sans querelle institutionnelle qui paralyse des décisions locales de raccordement. Etant moi-même un des rares abonnés parisiens à la fibre optique Orange, que j'apprécie hautement, j'ai pu mesurer l'opiniâtreté dont il a fallu faire preuve pour être enfin raccordé. Le 22 à Asnières est quand même génétique dans ce pays, qui malgré cela affiche de belles performances en nombre de raccordements ADSL.

Pourquoi le web mobile est-il révolutionnaire ?

L'information est la matière première de la décision. Apporter toutes les informations nécessaires au moment et au lieu de la décision donne un avantage opérationnel inestimable dans tous les instants de la vie quotidienne. Coupler les données de contenu avec celles de localisation facilite la vie de tous les acteurs, qu'ils soient utilisateurs de train ou de métro, urgentistes, chauffeur livreur, réparateur de tous objets, artisan du bâtiment, enseignant... Il faut que les décideurs cessent définitivement d'associer l'innovation technologique à l'informatique du XXe siècle, celle qui sert à faire les comptes ou la paye pour quelques employés de sièges sociaux. Elle est utile, mais acquise, faisons-la tourner (sur le nuage, bien sûr) et oublions-la car franchement elle n'apporte aucun avantage concurrentiel.

Car tout le reste, longtemps négligé par l'informatique professionnelle, est devenu essentiel : communiquer en échangeant des courriels, partager de l'information dans un groupe, co-construire la production quotidienne, chercher une référence, connaître la disponibilité d'un article et ses caractéristiques à partir d'une simple photographie, gérer les incidents et accidents, payer son parking ou son péage...Il n'y a aucune limite à l'imagination créatrice. Tout ceci doit pouvoir se faire de façon immédiate, contextuelle, peu coûteuse, sans formation, ni autorisation préalable, ni limite de volume de données. Jamais dans l'histoire de l'humanité une technique n'a eu autant de succès, aussi rapidement, que l'internet mobile popularisé par l'iPhone d'Apple. C'est ce modèle qui va s'imposer dans les prochaines années apportant à l'internet et au web des centaines de millions d'utilisateurs nouveaux qui vont ainsi sauter à pieds joints dans le XXIe siècle.

Un monde normal où chacun peut exploiter l'intelligence accumulée dans les systèmes pour  améliorer sa vie au quotidien avec un effort cognitif et financier minimal, voire asymptotiquement nul... Ceci s'appelle le web mobile.

Vous avez dit révolutionnaire ?


Volvo, entreprise chinoise, un choc pour l'industrie automobile mondiale

Peu de secteurs industriels échappent aux ambitions de la Chine qui veut atteindre, méthodiquement, la taille critique sur chaque segment de l’offre mondiale pour développer son leadership global. L’automobile est clairement un des objectifs prioritaires du gouvernement chinois, tant pour faire face aux considérables besoins du marché intérieur que pour prendre une place significative sur le marché mondial. Les ventes de véhicules sur le marché intérieur chinois ont largement dépassé celle des Etats-Unis dès le début 2009. En septembre, elles ont atteint 1,33 million de véhicules, contre 1 million en septembre 2008, soit 600000 de plus que les ventes du même mois sur le marché américain! Le marché chinois devrait ainsi dépasser 12 millions de véhicules en 2009 alors que le marché américain devrait se stabiliser autour de 11 millions de véhicules. Pékin compte quatre millions de voitures. 

Ce passage de relais marque symboliquement la fin d’une époque, celle du leadership incontesté des pays pionniers de l’industrie automobile, que ce soient les Etats-Unis ou l’Europe rejoints dans les années soixante-dix par  le Japon.  Un autre symbole qui marquera 2009 est le succès du salon de l’automobile de Shanghai, en avril 2009, et le demi-échec de celui de Tokyo. Néanmoins ce nouveau paysage automobile mondial offre encore aux grands constructeurs historiques des possibilités concurrentielles significatives. L’ironie de l’histoire fait d’ailleurs de la Chine le second marché de GM.

Apprendre l’industrie automobile de la Chine

L’histoire de l’industrie automobile chinoise est récente. Elle débute en 1962 avec la création du Centre Technologie de Changchun, intégré en 1985 par FAW. Si l’offre actuelle des constructeurs chinois reste clairement en deçà des standards occidentaux, cette situation ne devrait pas durer et rapidement faire taire l’ironie qui accompagne encore les commentaires sur les produits chinois – copiés maladroitement, peu innovants, mal finis, peu sûrs, polluants -. Il va falloir désormais compter sur les marques chinoises encore inconnues du grand public comme Geely, BYD, Brilliance et apprendre à connaître, parmi les grands noms des dirigeants de l’automobile, ceux de M. Li Shushu, chairman de Geely, qui a commencé en 1986 à fabriquer des réfrigérateurs puis des motos avant se s’attaquer à l’automobile en 1996, ou encore celui de BYD, Wang Chuanfu, reconnu en octobre 2009 comme l’homme le plus riche de Chine avec une fortune de plus de 5,1 milliards $. Cette ascension de la construction automobile chinoise au premier plan de la construction mondiale sera un des faits marquants de la prochaine décennie. Elle suit ses chemins propres en exploitant, aux limites du droit parfois, la technologie occidentale à travers les joint-ventures existantes, mais également grâce à des acquisitions, tout en explorant des voies originales comme dans les véhicules électriques. Si elle demeure encore en retrait sur les motorisations, la qualité des assemblages, la sécurité par rapport aux meilleures européens, elle jouera sans aucun doute la carte de l’innovation en prenant de l’avance sur les nouveaux marchés comme celui du véhicule électrique.

Chery
Présentation d'un modèle Chery au salon de Shanghai 

La Chine exploite les déboires de Detroit

La crise des constructeurs occidentaux permet aux entreprises chinoises d’acquérir à bas prix des actifs techniques et industriels, voire des marques, accélérant ainsi leur processus d’apprentissage de cette industrie et leur capacité à se doter d’une stature mondiale.

Une obscure entreprise d’équipements mécaniques chinoise, Sichuan Tengzhong Heavy Industrial Machinery, s’est porté acquéreur de la marque et de l’usine de Hummer, vendue par General Motors , mais il semble que cette vente  attendue aux Etats-Unis pour sauver les 3000 emplois de l’usine de Mishawaka dans l’Indiana, critiquée en Chine, ait des difficultés à se concrétiser. Le marché pour ce type de véhicule s’est totalement effondré en 2009.

Beijing Automotive Industry Holding Co (BAIC), cinquième constructeur automobile chinois avec 1,24 million de véhicules, vient d’acquérir pour 200 millions $ quelques actifs de GM dans le cadre de la liquidation de Saab, incluant notamment la propriété intellectuelle des plateformes des berlines  9-5 and 9-3 et des outillages. BAIC annonce un ambitieux plan de développement de 3,4 milliards d’euros pour produire dès 2011 sur cette base Saab 100000 véhicules.

Mais c’est la vente de Volvo par Ford qui va  marquer les esprits car le capital de sympathie envers la réputée marque suédoise est intact. Le CEO de Ford, Alan Mulally, avait laissé entendre au marché que la vente de Volvo à Geely était très avancée. Un communiqué vient de confirmer que cette vente avait été  conclue le 23 décembre. Sans que le prix de la transaction ne soit encore connu, les rumeurs faisant état d’un prix de l’ordre de 2 milliards de dollars, il sera de toute évidence insuffisant pour Ford qui a payé en 1999 6.45 milliards $. Pour Geely, qui a commencé la fabrication d’automobiles en 1997 et dont la taille comme l'image restent modestes, le rachat d’une marque occidentale premium est une opportunité très intéressante. Volvo a produit en 2008 375000 véhicules, partagés à part égale entre l’usine de Gand  en Belgique et celle de Göteborg en Suède. En 2007, la marque avait vendu 458000 voitures dont plus de 100000 véhicules aux Etats-Unis et 12000 en Chine et son potentiel d'image reste fort à travers une gamme renouvelée.

L’internationalisation de ces compagnies ne se fera pas sans mal. Le diable étant dans le détail, on pourra ainsi constater que sur le site web de Geely en anglais, l’Algérie est située dans la zone Asie-Pacifique et les Emirats Arabes Unis en Europe de l’Est. Ces bugs initiaux seront vite corrigés. Il est clair que le professionnalisme et l’expérience des équipes de Volvo accéléreront ces progrès et devraient permettre à Geely de consolider sa position au moment où les grandes manœuvres de concentration  de l'industrie automobile chinoise se dessinent.

Autre exemple d'acheteur d'actifs en déshérence, Nanjing Automobile Corporation (NAC),   fondé en 1947, plus ancien constructeur  du pays dans les poids lourds, longtemps partenaire de Fiat et d'Iveco, a racheté en juillet 2005 les actifs du constructeur britannique MG pour 53 millions de livres. Avec une capacité de production de 200000 véhicules/an, NAC a été absorbé en décembre 2007 par SAIC et la co-entreprise avec Fiat a été arrêtée.

Un irrésistible essor dans un paysage complexe

Avec 13,2% de la production mondiale en 2008 (9,34 millions sur 70,52 millions), la Chine se situe après le Japon mais avant les Etats-Unis pour la production tous véhicules. Pour des raisons politiques d’aménagement du territoire, et de rivalité entre provinces, l’industrie automobile chinoise est fractionnée et très dispersée sur le territoire. On compte des dizaines de constructeurs, fabriquant des gammes plus ou moins complètes de voitures individuelles, d’utilitaires légers et lourds et d’autobus. Seule une poignée peut prétendre aborder le marché international. Aussi il est clair que seule la concentration permettra à l’industrie chinoise de se hisser au niveau mondial en créant des groupes de taille significative. Elle ne sera pas facilitée par les autorités locales très puissantes et jalouses de leurs prérogatives industrielles et soucieuses de l'emploi mais les institutions centrales y travaillent. Ainsi, China South Industries Group, conglomérat d'Etat, 428e entreprise mondiale,  est la maison mère de Chang'an Automobile Group de Chongqing et a pris le contrôle des actifs automobiles du conglomérat industriel Aviation Industry Corporation of China (AVIC), de Harbin Hafei Automobile Industry Group et de Dongfeng Motors. Cette opération illustre la complexité des liens qui unissent les différents composants de l'industrie chinoise, d'autant plus que ces acteurs internes sont engagés dans de nombreux partenariats avec des constructeurs étrangers. .

Aussi la courte histoire de cette industrie est déjà riche en péripéties. Ces entreprises sont récentes, lancées par des communautés locales, des industries d'Etat ou des entrepreneurs audacieux. BYD - Build Your own Dream - est un puissant fabricant de batteries et de composants pour l’industrie informatique, leader mondial,  qui décide d’entrer dans l’industrie automobile en 2003 en achetant la Tsinchuan Automobile Company Ltd, ambitionne de devenir en 2015 le premier constructeur chinois et en 2025 le premier mondial grâce à sa capacité d’innovation, notamment sur le marché naissant du véhicule élctrique.  

.ConstructeursChinois

Source : OICA, mise en forme Sia conseil, production 2008

De plus, les partenariats multiples avec les grands constructeurs mondiaux complexifient le paysage.

Partenariats industriels

Europe

Japon

Corée

USA

 

 

 

 

 

FAW

VW

Toyota,Mazda

 

 

CHANA AUTOMOBILE

 

Mazda, Suzuki

 

Ford

DONGFENG

PSA

Honda, Nissan

Kia

 

BRILLIANCE

BMW

 

 

 

BAIG

Daimler

 

Hyundai

 

SAIC

VW

 

 

GM

GUANGZHOU AUTO

 

Honda, Toyota

 

 

HARBIN HAFEI

 

Suzuki

 

 

 

Il est clair que la saga de l’industrie automobile chinoise ne fait que commencer. En vingt ans, ce marché est sorti du moyen âge automobile. Il attire désormais tous les constructeurs mondiaux, et les constructeurs locaux vont vite apprendre à se placer au meilleur niveau mondial.


Le XXI siècle boucle sa première décennie. Peut mieux faire.

Déjà la fin de l'année 2009. Une année qui sera pour beaucoup à oublier !  Si l'actualité au fil des jours n'apporte guère de motifs de satisfaction - croissance en berne, chômage en hausse, endettements records - les facteurs plus structurants de notre devenir collectif ne sont pas non plus très euphorisants. L'échec de Copenhague nous renvoie à une dure réalité que l'on avait pensé devoir oublier, non sans naïveté, avec l'élection de Barack Obama. Il n'y a pas de gouvernance mondiale, et notre singulier vaisseau spatial, avec ses 6,7 milliards de passagers, n'a ni plan de vol, ni équipage, ni commandant de bord. Plus exactement ceux qui aspirent à en devenir les pilotes se battent comme des chiffonniers dans le cockpit. Curieuse découverte que de constater sur un des sujets les plus globaux, les plus engageants quant à l'avenir de notre population de terriens, qu'il est impensable pour un dirigeant de transcender les oppositions immédiates - celles de son opinion publique, celle de son Congrès -  pour se centrer sur l'essentiel, le long terme. Ce qui est vrai des dirigeants politiques est également vrai pour les dirigeants d'entreprise. La décennie 2000-2009, qui s'achève dans le naufrage de Copenhague est également celle où l'on a sacrifié des milliers de milliards de dollars au culte du court terme, au nom de spéculations vaseuses mais d'enrichissement bien tangible pour une petite minorité.

Mais pourquoi attendre des dirigeants un autre comportement que le notre ? Comme écrivait  Corneille dans le Cid " Pour grands que sont les rois, ils sont ce que nous sommes; ils peuvent se tromper comme les autres hommes".  Se tromper est admissible. Le faire avec un acharnement égoïste l'est un peu moins. Mais une à une les barrières de l'élégance de la pensée, du respect, de la décence, de la pudeur, voire même du droit, se sont affaissées.  

L'opinion souhaite, semble souhaiter si l'on croit les spin doctors, des gens normaux, près du peuple, qui se trémoussent dans des publicités vidéos, qui jouent au peuple, sans cravate, sans cette distance hiératique qui marquait les puissants de naguère. Et bien nous les avons. Pipoles affectant de parler mal, de vivre comme tout le monde, de penser argent, coteries, copains. Gens qui se déchirent pour faire la une des médias, usant jusqu'à l'écoeurement du "je" sans jamais valoriser le nous, ne négligeant ni la provocation, ni la vulgarité pour le plaisir d'un bon mot. Nous pensions avoir des femmes et hommes politiques, nous avons des show men et women, le talent en moins. Pourquoi les amuseurs publics ont-ils tant de succès ? Ils dépassent leurs modèles, sans devoir trop forcer le trait, et puis cela a moins de conséquences funestes sur nos vies. A force de faire sembler de penser mal, on pense mal. Le verlan n'est pas là où on le blâme. Nous sommes dans la surface des choses, dans le culte de l'événementiel. Et vogue la galère. 

Bon. Soit ! Et alors ? Encore un peu de culture classique, même si cela va bientôt être proscrit. "Gémir, pleure, prier est également lâche, fais énergiquement ta longue et lourde tâche ". Il y a sûrement une autre voie. Transformer son indignation en action. Créer chaque jour un peu de sens autour de soi. revaloriser l'engagement, le respect de la parole donnée, éclairer, expliquer, écouter, se frayer un chemin digne entre les tentations de l'abandon, redonner à la vertu républicaine tout son sens : un peu d'abnégation, la capacité de fabriquer du long terme au-delà des passions et des intérêts du moment, penser "intérêt général"... mais je m'égare ! Nous sommes là pour parler de technologie, non ? 

J'ai beaucoup d'admiration pour les savants et inventeurs qui ont passé des années de leur vie à surmonter les sarcasmes de leur entourage, mû par une idée, souvent obsessionnelle. Rares sont ceux qui ont fait fortune avec leur vision, leur talent. Souvent même ils ont englouti leurs ressources dans leur rêve. J'ai une affection particulière pour l'un d'entre eux, un des pères lointains de l'informatique moderne, Charles Babbage. Il consacra sa vie entière à mettre au point sa "machine à différences", capable de calculer et surtout d'imprimer les résultats, le plupart des erreurs de calcul se produisant à la transcription. Il ne parvint jamais à faire fonctionner cette machine. L'ironie de l'histoire est que les ingénieurs du Science Museum de Londres ont réussi en 2002 a construire cette machine avec les plans de l'époque. Elle fonctionne ! Le problème se trouvait non pas dans la conception, mais dans la capacité des matériaux et des tolérances d'ajustement de l'époque. Cherchons un peu du côté des savants, inventeurs et entrepreneurs d'aujourd'hui ceux qui bravant le culte du court terme et de la gloire éphémère des magazines préparent les réponses de demain. Et souhaitons leur de réussir maintenant à percer pour faire avancer la science et la raison autrement que dans les chroniques de Stéphane Guillon.

PS : Pour ceux qui n'ont vraiment pas le moral, je ne conseille pas de lire la dernière livraison de Courrier International qui publie un dossier spécial, comme si l'actualité ne suffisait pas, sur "Prophéties, apocalypses & fins du monde". Pour ceux qui, ayant échappé à la grippe H1N1 (non ce n'est pas R2D2) et à la grève du RER A, qui sont sortis vivants de l'Eurostar, mais qui croient sincérement que la fin du calendrier maya en 2012 signifie la fin du monde, je vous invite à profiter pleinement du réveillon, des dernières huîtres (elles disparaîtront en 2010), du dernier champagne (avec le réchauffement climatique, il faudra le produire en Norvége, mais je doute du bien fondé de l'appelation), du dernier foie gras (car il faut en finir avec les traitements inhumains des animaux), des derniers voeux du Président (il fait en finir avec cette tradition idiote, l'année prochaine ce sera un petit film amateur avec une webcam publiée en catimini sur Facebook par un jeune populaire introduit subrepticement dans les cuisines de l'Elysée pour faire du buzz)... Courage !