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Le véhicule électrique accélère !

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2009 aura vu gouvernements et constructeurs dévoiler leur stratégie en matière de véhicule électrique de façon accélérée. La voiture électrique qui n’était encore au début de 2008 qu’une hypothèse lointaine et peu crédible, suscitant l’ironie des sceptiques, est désormais entrée dans un processus réaliste qui va déboucher dans les prochains trimestres sous une forme industrielle puis commerciale. S’il faut en effet trois ans pour lancer un nouveau modèle conventionnel, la rupture majeure que représente la propulsion électrique pose une série de problèmes complexes qui bousculent les calendriers habituels.


Les premières annonces ont pu ainsi paraître hâtives et prématurées pour donner une perspective au marché mais elles prennent désormais  une forme plus accomplie.  Alors que les constructeurs automobiles se trouvaient fin 2008 dans un trou d’air aussi brutal qu’imprévu face à un marché devenu exsangue, la situation des marchés s’est améliorée grâce à la vigoureuse action des pouvoirs publics. Les constructeurs, après une première vague de rationalisations,  semblent avoir repris leur destin en mains.

Un ralliement spectaculaire

Ce sentiment d’optimisme ne doit pas faire illusion. Les fondamentaux du marché n’ont pas changé. Les politiques de restriction d’usage de l’automobile en milieu urbain, l’évolution des pratiques des consommateurs ne peuvent à terme que confirmer, voire amplifier, la saturation des marchés des pays développés, Si la demande reste vive auprès des populations des pays émergents soucieuses d’accéder à la forme d’indépendance que confère la motorisation individuelle, les barrières au développement du marché demeurent nombreuses. Ainsi l’insuffisance du revenu disponible, la faiblesse des infrastructures, l’encombrement et la pollution urbaine et le spectre incontournable de la raréfaction du pétrole à bon marché retardent l’essor de ces marchés qui demeurent pour l’industrie automobile mondiale les seuls prometteurs en volume.

Les constructeurs ont compris que leur salut passait en grande partie par la rupture technique majeure que représente l’abandon progressif du  moteur à combustion interne comme solution exclusive. L’autre volet de leur politique est une réduction massive des coûts de production et des prix de vente pour abaisser le coût total de possession d’un véhicule. Ceci passe par la simplification et la réduction de taille des véhicules. Ces deux axes de transformation impliquent une accélération de  l’innovation. L’industrie automobile souvent critiquée par sa passivité apparente reste largement leader en matière de brevets. Un brevet sur cinq déposé en France concerne l’automobile, et 35% d’entre eux  la réduction des émissions de CO2.

Le véhicule électrique représente un scénario  qui n’était pas donné gagnant il y a encore deux ans face à l’hybride ou à terme l’hydrogène, ou surtout face une nouvelle vague d’optimisation des véhicules et des moteurs conventionnels, plus réaliste et moins coûteuse. Si le scénario électrique se confirme progressivement, c’est que chaque pièce du puzzle de ce nouvel écosystème se met en place et gagne en cohérence et en crédibilité. Mais un travail important reste à accomplir pour rendre cette solution séduisante pour le client.

Tous les constructeurs, même les plus rétifs, ont depuis quelques mois accéléré le rythme de leurs annonces et mieux défini leur stratégie, leurs produits et leur plannings. Les deux  salons de l’automne 2009,  Francfort comme Tokyo – dont le thème est « Fun Driving for Us, Eco Driving for Earth »-  devraient ainsi marquer une rupture dans l’histoire de l’automobile. Mais ce choix n’aurait pas été possible si les Etats n’avaient pas clairement choisi le véhicule électrique, comme l’a fait sans ambages le président Obama. Les gouvernements ont ainsi pris des positions qui se sont clarifiées tout au long de l’année sur les infrastructures, les aides publiques, la fiscalité. Même si tous les points en suspens sont loin d’être réglés, l’industrie et les pouvoirs publics ont pu en peu de temps dresser un cadre crédible pour ce qui doit représenter la première alternative sérieuse à la voiture à essence.

Mais ce qui intéresse le client éventuel reste encore opaque : quels modèles seront disponibles sur le marché, quand et à quel prix ? en vente ou en location ? Quelle va être la valeur résiduelle sur le marché de l’occasion ? Quelle est l’autonomie réelle de ces véhicules ? Où et quand pourra-t-on recharger les batteries ? Il est indispensable que ces questions trouvent des réponses acceptables pour que les premiers véhicules disponibles rencontrent un marché réel.

Ces questions en sont pas encore parfaitement résolues sur une base commerciale mais le paysage se précise et chaque jour apporte des annonces qui renforcent la crédibilité d’ensemble du dossier. Il est toutefois évident qu’il s’agit d’une transformation de long terme et que la décennie 2010 sera une phase d’expérimentation et de lente maturation des solutions.

L’offre se dessine

Les constructeurs ne se sont pas contentés de présenter à Francfort des concept cars mais ont commencé à apporter des éléments de réponse en termes de produits stabilisés. Renault, qui a pris une longueur d’avance sur ses concurrents notamment grâce à son partenariat en Israël avec Better Place et les synergies avec Nissan et leur partenaire NEC au sein de l’Alliance, a annoncé quatre modèles : Zoé,  Fluence électrique, Kangoo Be-Bop Ze et Twizy. La Fluence a été commandée par Better Place à 100000 exemplaires pour Israël et le Danemark.

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Renault Fluence ZE Concept

Ls constructeurs allemands, pénalisés par rapport aux normes européennes d’émission de CO2 -130 g/km en 2015 - n’ont pas été très actifs jusqu’alors sur les solutions électriques, préférant miser sur l’optimisation de leurs moteurs diesels comme essence reconnus pour leurs performances.  Toutefois ils ont engagé le développement d’une stratégie de petits véhicules électriques basés sur des modèles existants. Le  groupe Daimler a rendu publique sa version électrique de la Smart qui sera fabriquée en France en petite série (1000 exemplaires ) dès novembre 2009, puis en grande série en 2012. BMW fait rouler en Californie, puis en Europe en 2010,une flotte de 600 démonstrateurs Mini-E, à la fois sportive ( 150 kW) et haut de gamme. Volkswagen, longtemps réticent, s’engage avec sa E-Up !, un concept car préfigurant un modèle citadin 100% électrique de type Lupo.

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Vokswagen E-Up Concept
Nissan a annoncé en août au Japon le lancement à partir de 2011 de son véhicule électrique, la Leaf, qui sera fabriquée aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et  au Japon. Dotée également de batteries ion-lithium elle aura une autonomie de 160 km. Selon toute vraisemblance, c’est la Mitsusbishi  i-Miev, une berline quatre place à vocation urbaine,  qui sera le premier véhicule de série à être commercialisé dans le grand public au Japon en 2010. C’est  ce modèle que le groupe PSA a choisi pour l’introduire sous sa marque, la Peugeot Ion prévue dès fin 2010.I_MiEV_03

Aux Etats-Unis, GM confirme le lancement de la  Volt, une voiture entièrement électrique mais dotée d’un générateur thermique d’appoint qui allonge son autonomie jusqu’à 500 km. Chrysler-Fiat ont décidé de lancer une gamme  de véhicules électriques.  Ford fait pour le moment confiance à la solution hybride en misant sur sa berline moyenne Fusion, vendue 32000 $, qui  parcouru 2325 km avec un plein, ce qui constitue un record mondial. Mais Ford prévoit également de lancer des versions électriques du petit utilitaire Transit Connect l’an prochain et de la Focus en 2011.

Les constructeurs chinois ont naturellement identifié le marché considérable que représente le véhicule électrique pour leur pays et commencé à annoncer un grand nombre de produits. La Chine mise largement sur le véhicule électrique pour conquérir le leadership mondial sur l’automobile et dispose d’une capacité technique lui permettant de contrôler toute la chaîne de valeur. Le constructeur BYD ( « build your own dream »), fabricant de batteries et constructeur automobile depuis 2005 a annoncé le lancement de son modèle E6, qui, selon son directeur marketing dépasse les normes techniques courantes grâce à ses batteries au phosphate de fer avec une autonomie de 400 kilomètres et une vitesse maximale de 180 kilomètres à l'heure. Un système rapide devrait permettre de la recharger à 50% en dix minutes. Le financier américain Warren Buffet vient d'acheter 10% de BYD, pour 230 millions de dollars. Volkswagen a signé un contrat de collaboration électrique avec le constructeur chinois. L’objectif de BYD est de devenir le premier constructeur automobile chinois en 2015 et mondial en 2025…

 

BYD e6

Au Japon, Toyota exploite ses dix ans d’avance sur le véhicule hybride en développent une gamme complète d’hybrides, dont la Prius 3 est le leader avec plus d’un million de véhicules vendus et surtout des cadences de production élevées de 50000 véhicules par mois. Néanmoins, Toyota ne néglige pas les véhicules électriques purs avec le FT-EV 2 Concept. Honda est aussi très engagé dans la recherche de solutions diversifiées. Son véhicule à hydrogène, la Clarity,  fonctionne et roule confidentiellement en Californie, mais c’est surtout l’Insight et la Civic hybrides qui représentent le savoir-faire du constructeur sur les routes. Honda présente à Tokyo un concept car de mini véhicule urbain tout électrique, la EV-N, aux lignes rétro.Nissan-electric-car

Le coréen Hyundai annonce deux véhicules électriques, i10 electric, qui doit être commercialisée en Corée au second semestre 2010,  et la  Sonata électrique.

L’électrique est à la portée des constructeurs de niche

Il ne faut pas négliger dans cet inventaire le rôle des pionniers, constructeurs qui ne sont pas issus du monde automobile traditionnel mais ont ouvert la voie de façon innovante à la popularisation de ce concept. Plus encore certains constructeurs ont été crées pour exploiter la rupture technologique que représente le véhicule électrique, le seuil technique pour mettre au point une voiture de ce type étant beaucoup plus bas que pour les voitures thermiques et la chaîne de valeur se déplaçant vers les fournisseurs de batteries. Une offre nouvelle, exploitant le web et les nouvelles technologies télématiques, est en train d’émerger.

Il faut bien sûr citer Bolloré qui a mis au point autour de son système de batteries LMP (lithium métal polymère) une berline avenante, la Blue Car, dont la pré-commercialisation a été engagée au Salon de Genève en mars 2009 et qui devrait rouler en 2010 si son partenaire industriel Pininfarina est en mesure de faire face à ses engagements. Heuliez se bat pour industrialiser son modèle Friendly avec le soutien des pouvoirs publics et du constructeur chinois Cherry. La Friendly, équipée de batteries lithium  phosphate de fer,  est en pré-réservation  pour prix public annoncé de 12000 € HT sur le site d’Heuliez. La livraison est prévue pour 2012 pour les particuliers et à partir d’avril 2010 pour les collectivités et entreprises. Le constructeur norvégien Think  a annoncé son intention de s’implanter aux Etats-Unis et de se développer dans les pays de l’Union européenne. La firme indienne Reva Electric Car de Bengalore, a présenté à Francfort son modèle NXR, mis en pré-vente sur le web pour 15000 € et son concept NXG (next generation), qui sera vendu 23000 €.

Think 

REVANXG
Reva NXG

Sportives  électriques

Quant à Tesla, le pionnier californien, dont Daimler possède 15% du capital,  il vient de sortir une berline, la Model S,  qui complète son offre emblématique de roadster sportif vendu 101000 $. Tesla Roadster
Au (nouveau) chapitre des supercars électriques, il faut également ranger le concept présenté par Audi sur une base proche de la R8, un véhicule ultra-sportif doté de quatre moteurs électriques de 313 cv capables de monter à 100 km/h en 4,8 secondes, le e-tron. Il semblerait que ce véhicule d’exception soit appelé à connaître une suite commerciale.

Les caractéristiques de ces véhicules convergent

Deux familles de véhicules seront disponibles : des citadines de petite taille, 3,5 m, et des berlines moyennes quatre portes. Le marché visé est majoritairement celui de la seconde voiture urbaine. Leur motorisation - 60 kW - autorise  des performances largement suffisantes, comme une vitesse de pointe de l’ordre de 130 km/h mais surtout une capacité d’accélération et du couple immédiatement disponibles qui en font des véhicules vifs. Les constructeurs annoncent une autonomie réelle plus proche de 160 km  que des 250 km parfois revendiqués avec des batteries ion-lithium. Ces batteries se rechargent totalement en 7 heures sur une prise 220 v classique, mais peuvent bénéficier d’une charge rapide à 80 % en 30 minutes sur une prise spéciale tri-phasée. L’Alliance Renault Nissan est la seule à avoir mis au point un système de batteries interchangeables automatiquement qui ramènent la recharge au temps d’un plein d’essence ( 3 mn) et c’est la solution qui sera déployée en Israël par Better Place.

Quickdrop

Il faut également souligner que le marché des petits véhicules utilitaires est très approprié aux véhicules électriques, notamment pour les livraisons  et interventions en milieu urbain. La diversification des véhicules va contribuer à créer un continuum qui partira du vélo à assistance électrique jusqu’aux petits utilitaires.



Les politiques publiques s’affirment

La stratégie des gouvernements est à peu près identique dans les différents pays industrialisés. Il s’agit en effet de créer rapidement un marché actif avec une offre attractive et une demande dynamique pour permettre aux acteurs d’engager le développement du véhicule électrique avec leurs moyens propres. Pour dissiper les doutes de l’opinion sur le coût d’acquisition et la pérennité d’une offre électrique pertinente, il faut massivement subventionner les batteries, qui représentent aujourd’hui un coût moyen de 10000 € par véhicule, et stimuler la recherche-développement pour identifier de nouvelles pistes économiques et écologiques de stockage de l’énergie. Il faut également rassurer les automobilistes sur l’autonomie des véhicules et donc sur la capacité à recharger rapidement les batteries. Enfin, il faut compenser le surcoût actuel des batteries par des modes de financement attractifs, location et prime à l’achat. Tous les dispositifs gouvernementaux annoncés à ce jour tentent de résoudre ces différents points.

Le gouvernement français a ainsi pris une série d’initiatives fortes pour marquer sa volonté de crédibiliser rapidement le véhicule électrique. Jean-Louis Borloo a dévoilé le 2 octobre un plan ambitieux en faveur du véhicule électrique. Un des problèmes majeurs, le financement des bornes de recharge reçoit une première solution. Le gouvernement prévoit pour l’installation de ces  bornes 900 millions d’euros. Une nouvelle filiale à 100% d'ERDF sera créée pour accompagner les communes et répondre aux appels d'offres éventuels, en cas de délégation de l'installation de ces équipements. 4,4 millions de prises devraient être disponibles en 2020 pour un investissement totale de 4 milliards €. Le déploiement des infrastructures publiques devrait mobiliser au total 1,5 Milliard d'euros.

Pour faire de l’introduction des voitures électriques un succès commercial, le gouvernement prévoit une aide de 5000 euros vise à encourager les gens à acheter les véhicules verts, électriques comme hybrides. Le ministre du Développement durable consacre enfin 125 millions € au développement de batteries plus efficaces et plus durables avec le partenariat de Renault. L’Etat accordera en outre un prêt de 150 millions d’euros à Renault pour sa future usine de voitures électriques à Flins et mettra une enveloppe de 100 millions d’euros à disposition pour appuyer d’autres constructeurs comme Peugeot à Mulhouse ou Smart à Hambach.

Le gouvernement vise à accélérer le développement naturel de ce marché pour lui donner rapidement une taille critique, déclarant vouloir atteindre un parc automobile de 2 millions de voitures électriques et hybrides d’ici 2020. Dans cet esprit, un appel d’offres pour 50000 voitures électriques va être lancé cet automne s'agit notamment d'organismes qui possèdent des flottes de véhicules utilitaires comme La Poste, EDF, la SNCF, Veolia, Vinci mais aussi les services de l'Etat et les collectivités territoriales

Le gouvernement américain a mis en place en mars 2009 un fonds de 2,4 milliards $ pour le développement du véhicule électrique et offre 7500 $ pour l’achat d’un véhicule électrique.

L’Allemagne vient de lancer en août 2009 une politique en faveur du développement du véhicule électrique. La Grande-Bretagne a prévu une remise de 2.500 à 6.000 euros à partir de 2011 pour l’achat d’une voiture électrique.  La Chine donne déjà 6.600 euros et le Japon, 11.000 euros. Le gouvernement coréen  annoncé également une série de mesures destinées à dynamiser l’offre des constructeurs nationaux et préparer ce pays, très féru de nouvelles technologies, à un développement massif du véhicule électrique.

Sous les coups de boutoir de la crise de la demande et de la révolution technique que représente la rupture avec le tout-essence, sous ses différentes formes,  la géopolitique de l’automobile va profondément changer. D’américain, lourd et à essence, le modèle emblématique » des années 2020 sera vraisemblablement chinois, petit et électrique.

Références :

http://www.renault-ze.com/fr/#/fr/gamme-voitures-electriques.html

http://www.mitsubishi-motors.com/special/ev/whatis/index.html

http://www.byd.com/showroom.php?car=e6


Service... (mieux) compris ?

Qui n’est pas revenu  d’un voyage aux  Etats-Unis plein  de louanges pour la qualité du service  que l’on y trouve à chaque instant ? Même si le sourire affiché et le « how are you today ? » rituels peuvent à la longue faire douter de leur sincérité, il est vrai qu’il n’est  nul  besoin de tempêter pour obtenir un verre d’eau ou son addition dans un restaurant, que l’on trouve toujours quelqu’un pour vous renseigner aimablement, pour vous  accueillir et vous livrer à toute heure, et que de façon générale l’accueil du client est soigné. L’Asie s’illustre également pour la qualité du service, et prendre le métro ou aller au restaurant à Tokyo sont des expériences plutôt agréables.

Nous avons été nombreux, pendant des années, à penser que  les habitudes françaises, le statut public d’un grand nombre d’entreprises, et de leurs agents inamovibles, le manque de valorisation pour les métiers de service justifiaient le retard français en matière de qualité de service.  Les plaidoyers pour une libéralisation de l’économie française trouvaient dans ces frustrations quotidiennes une matière inépuisable pour justifier une « vraie » ouverture à la concurrence qui allait enfin remettre le client au cœur des préoccupations des entreprises. Par ailleurs l’extraordinaire développement des technologies de l’information promettait de rendre facilement accessibles les services et informations auparavant  chichement octroyés par des employés bougons. La concurrence et les technologies allaient définitivement transformer les  usagers en clients, informés et respectés et, plus encore, co-générateurs de progrès.

Téléphone.php Il faut hélas déchanter car les expériences quotidiennes viennent  bien souvent anéantir ces promesses.  Le client en France n’est pas encore servi comme il pourrait et devrait l’être ce qui place régulièrement notre pays parmi les mauvais élèves dans les classements mondiaux sur le service. Pour un pays qui a fait de la production de services son cheval de bataille économique, grâce au tourisme, ces résultats restent décevants. Et  consommateurs et citoyens qui quotidiennement éprouvent  les  multiples frustrations liées au manque de fluidité de la relation qu’ils entretiennent avec les commerces, les transports et les institutions attendent désespérément que les choses changent…

Le tableau n’est pas tout à fait noir quand on mesure les progrès réalisés dans de nombreux secteurs. L’administration fiscale, par exemple, a accompli un chemin immense pour se rapprocher des citoyens contribuables. Si la relation avec les services des impôts n’est pas, par nature,  des plus enthousiasmante, il faut reconnaître que la qualité du système d’information, la possibilité de disposer d’informations fiables, de télécharger des documents, de rencontrer des personnes réelles et pas seulement des automates  ont radicalement changé la nature de la relation.  Dans un secteur ingrat, ce succès mérite d’être souligné. Il a été méthodiquement programmé.

Mais il demeure tant de poches de résistance  que le chemin à parcourir reste important. La mauvaise nouvelle est  que l’exercice restera difficile.  En effet, chaque progrès enregistré est immédiatement perçu  par le client comme naturel, et constitue de fait une nouvelle référence, mais toute défaillance est sévèrement jugée et dégrade durablement le capital acquis. Cette dissymétrie est une des difficultés majeures des gestionnaires de services.

La perception de la qualité de service par le client  est le résultat de multiples facteurs. La clarté du contrat tacite entre le client et le producteur de services est au cœur du processus. Qu’achète-t-on, à quel prix, dans quel contexte ?  Faire la queue chez Fauchon ou aux soldes d’Hermès  sera positivement vécu.  Un retard de 15 mn récurrent sur un train de banlieue que l’on prend chaque jour aura un impact dévastateur sur l’humeur de la journée.  Un voyageur qui achète un billet pour aller d’un point A à un point B pour une durée et un prix déterminés ne sera pas reconnaissant au transporteur d’honorer ce contrat.  En revanche, tout retard sera perçu comme une contre-performance, voire une trahison,  que des excuses diffusées par des haut-parleurs anonymes ne rachèteront pas.  La sensibilité du client est liée au cumul d’expériences où les aventures négatives pèseront beaucoup que la satisfaction fugace que génère la simple obtention du résultat attendu. La répétition des échecs produit des effets ravageurs sur la confiance, ce qui parfois engendre de l’agressivité et des tensions qui vont jusqu’à la violence verbale voire physique. Là encore, le poison est dans la dose.

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Les entreprises sont particulièrement conscientes  de l’impact de la qualité de service sur leur image, leur positionnement et donc leurs revenus. Toutes ont réagi au fil du temps en enrichissant la batterie de mesures permettant d’écouter le consommateur pour enrichir la qualité perçue du service livré, mais aussi pour canaliser l’ire des mécontents. Services consommateurs, lignes directes, médiateurs, enquêtes, sites web sont mobilisés pour entourer le client de la sollicitude sensée répondre à son attente.

Ces efforts coûteux sont souvent inopérants. Parfois même le remède se révèle pire que le mal. Les courriers clients stéréotypés -  votre demande a bien été prise en compte et fera l’objet d’un examen attentif – trahissent le caractère mécanique du procédé, et finalement le peu de considération pour le client. Les lignes téléphoniques à choix multiples qui imposent un patient parcours, parfois tarifé, génèrent à leur tour impatience et irritation. Les lointains « call centers » qui débitent sans nuance un scénario pré-programmé ne contribuent pas aisément à la satisfaction client.

L’économie du service est complexe parce que le client n’accepte pas d’être trahi dans ses attentes. Or nous sommes loin de la standardisation industrielle. Au-delà du contrat de base, chacun projette ses propres critères de satisfaction. La qualité perçue est un objet psycho-sociologique rebelle aux analyses et aux thérapies simplistes.

Les remèdes

Beaucoup d’énergie a été consacrée dans tous les secteurs à l’amélioration de la qualité perçue. Mais beaucoup de ces efforts ont été consacrés à l’invention de prothèses plus ou moins efficaces. La vérité est que dans un monde informé le client devient armé pour ne pas céder aux sirènes de la publicité et au discours des vendeurs.  Sceptique, le client résiste aux promesses et fustige les échecs. Chaque client a accès à de multiples informations sur ce qu’il souhaite et sur la manière habituelle des fournisseurs de le servir, à travers les blogs et forums où s’échangent des informations pratiques, vécues, et jusqu’alors parées de la vertu de l’authenticité. Chaque achat, chaque sortie, chaque voyage est ainsi précédé pour la grande  majorité des consommateurs par une recherche méthodique d’informations.

Il est clair que le producteur se doit d’apporter au client des informations attractives, jugées complètes, sans biais.  Il doit mettre en œuvre tous les moyens pour rendre l’expérience du client positive. Or le diable est dans le détail…  La principale difficulté pour les fournisseurs est de parler le langage du client. Leurs systèmes d’information ont été historiquement conçus pour résoudre des problèmes internes de production,  de vente et de comptabilité. Or le client porte son propre système de référence. L’automobile est un bon exemple. Le client, par exemple, peut  souhaiter pour répondre à ses besoins  une voiture de 5 places coûtant moins de 25000 €, consommant  moins de 5 l au 100 et rejetant moins de 120 g de CO2/km. On va lui proposer un modèle, une motorisation, un degré de finition exprimés dans le langage du constructeur et non pas dans le sien.  C’est  à lui de faire le chemin vers le fournisseur. C’est aussi le cas pour construire son itinéraire de chemin de fer hors TGV où l’on doit connaître les itinéraires possibles mieux que le personnel ou les systèmes d’information.

La qualité du service perçu commence donc par une prise en considération approfondie du point de vue du client. Intégrer une forte  orientation client dans la conception des processus et des systèmes devient une impérieuse nécessité. Le « parcours client » est le cadre dynamique vers lequel doivent converger toutes les initiatives. Le client doit pouvoir être informé, guidé sans jamais perdre le contrôle du processus de choix dont il doit occuper le centre. La gestion des alternatives, les propositions de choix, la possibilité de revenir en arrière dans son parcours, le coût réel de la prestation par rapport à d’autres solutions doivent être parfaitement gérés. Il est intéressant de voir comment les entreprises issues de l’internet ont su mieux que leurs concurrentes « historiques » apporter un service complet et riche. Ergonomie, simplicité, fiabilité sont les facteurs clefs de la crédibilité que ce soit à travers les sites web, mais aussi les parcours client « physiques ». La signalétique, le confort, le temps d’attente doivent être gérés avec en permanence le souci du client. Ainsi Avis a mis en place une organisation lui permettant pour des clients acceptant, gratuitement, d’être identifiés de réduire à 3 mn le temps d’attente pour les formalités de location d’un véhicule. Ce service a été mis au point avec le personnel lui-même.

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La qualité de service se juge aussi par la capacité du fournisseur à reconnaître et à  corriger une défaillance. Sans attendre, le client doit comprendre pourquoi une prestation ne pourra être exécutée conformément au contrat. Un retard, une dégradation de la qualité, un changement de référence doivent immédiatement être portées à la connaissance du client et expliqués en termes compréhensibles.  La qualité de  l’explication doit être précise et justifier le problème. « Un retard indépendant de notre volonté» manque de capacité de conviction !

Et si toutes les mécaniques peuvent s’enrayer, l’empathie dont fera preuve le fournisseur rachètera beaucoup de frustrations. In fine, c’est  la proportionnalité de la réparation qui sera en mesure de véritablement transformer une défaillance en atout commercial. Là encore, le tact et l’intelligence doivent être sollicités. Tout geste mécanique et sans chaleur sera contre-productif…

La qualité de service est le résultat d’un rigoureux  travail de conception et de livraison tout au long de la chaîne de valeur. Les risques sont d’autant plus grands que dans un souci d’efficacité et de rentabilité les entreprises ont été conduites  à supprimer toute marge de manœuvre et à programmer leurs systèmes matériels,  informatiques  et humains aux limites de leurs capacités. Il y a sûrement à réflechir sur le rapport coût réel/gain  de cette recherche de performance qui conduit à prendre des risques élevés. Mais au-delà il faut aussi reconnaître que la qualité de service, in fine, est  mesurée par des personnes face à d’autres personnes. La formation du dernier chaînon de la chaine de valeur est essentielle, mais plus encore il faut repenser le mode d’organisation pour  baser le service sur les personnes  qui le livrent effectivement. Employés de guichet ou de comptoir, chauffeurs livreurs, réceptionnaires, employés répondant au téléphone sont autant de vecteurs majeurs de la qualité perçue. Ceci ne doit pas se limiter au bon vouloir et au dévouement de chacun. Il faut qu’ils en reçoivent clairement la responsabilité, qu’ils disposent de la liberté d’initiative et de la formation requise pour répondre à la diversité des situations, et qu’ils en soient légitiment récompensés.