Crise du modèle économique de l'automobile
Gouvernance des SI : des mesures concrétes, immédiates et indispensables

TIC et rupture du modèle de la croissance du XXe siècle

La part prise dans ce blog par la crise automobile, et les solutions pour s'en affranchir, pourra surprendre les lecteurs habitués à y trouver depuis sa création en septembre 2005 une analyse régulière de l’évolution de l’écosystème informatique et système d’information. Si les technologies de l'information, de la communication et de la connaissance restent au coeur de la réflexion, c'est  leur nouveau positionnement dans l'évolution sociétale qui impose un élargissement du champ de la réflexion et induit l'infléchissement des contenus.  

De fait  ces travaux sur l’automobile anticipent une nouvelle série de réflexions relatives  au virage technique, industriel et comportemental que la planète  a commencé à engager il y déjà plus de quinze ans avec le développement d’internet et du web. C'est le sujet central  de l’ouvrage  "Le web quinze ans déjà… Et après ?" dont la nature systémique est déjà bien différente de "La société de la connaissance" publié seulement en 2002. La technique informatique dont les progrès continuent de façon spectaculaire, et qui pour cela garde tout son intérêt en tant qu'objet d'étude industriel, s'applique désormais de façon si intense à tous les segments de la vie qu'elle en devient consubstantielle.

Aussi, au delà du bon fonctionnement de l'usine informatique, Il s’agit de comprendre comment le déploiement de cette famille d'objets et d'outils transforme en profondeur les usages et les contenus dans toutes les disciplines, dans tous les comportements. La puissance de l'informatique change les perspectives de chaque secteur d'activité, de chaque discipline scientifique, se trouve à la source de chaque innovation. Mais ce facteur de transformation, aussi puissant soit-il, n'aurait certainement pas eu le même impact si la mondialisation, dans laquelle le numérique joue un rôle majeur, n'avait pas révélé de nouveaux facteurs d'interrogations et d'inquiétudes sur la pérennité des moteurs de notre développement. La technique ne peut plus se dissocier du contexte.

 Aujourd’hui, nous avons pris clairement conscience que notre planète était limitée et qu’avec une population croissante, dont l’asymptote devrait se situer au dessous de 9 milliards d’être humains vers 2050, soit en un siècle une croissance nette de 7 milliards de personnes, nous étions confrontés à un sérieux problème de gestion des ressources naturelles - eau douce, terres cultivables, ressources halieutiques, matières premières et énergie - aggravé par les effets climatiques de l'émission croissante des gaz à effet de serre. Cette prise de conscience, à l'origine très controversée, est récente et aujourd'hui peu de voix s'élèvent pour la remettre en question, ni dans son ampleur, ni même dans son calendrier. 

4cv_camping Le modèle de croissance des trente glorieuses était alimenté  par le désir des individus d'atteindre un idéal social dont toutes les composantes sont remises en cause

 Aussi, si le débat sur le principe même de la reconnaissance de la crise des ressources s'épuise, le réflexion sur les solutions n'en est vraiment qu'à son début, même si des jalons ont été déjà bien entendu plantés dans divers disciplines. Mais les modèles d'une "croissance douce", ou de "développement durable", concept déjà prématurément usé, restent à dessiner avec toutes leurs implications économiques mondiales. Ils s'appuient sur une vision nouvelle de nos capacités et de nos limites, et se situent en  rupture avec les  principes de l’économie de l’après-seconde guerre mondiale fondée sur l’accumulation individuelle de biens matériels sans considération pour la rareté des facteurs de production, considérés comme infinis dans un monde qui se découvrait avec enthousiasme. 

Dans sa remarquable « Histoire des techniques », publiée en 1978 ( Encyclopédie de la Pléiade) l’historien Bertrand Gille met en évidence, ce qui était une idée neuve à l'époque, la relation entre le système technique et les autres systèmes : économique, social, politique…Il avance la notion de "limite structurelle » à l’expansion du systèmes technique. D’après lui « les limites structurelles se font sentir à la fin de la période d’expansion. On peut les déceler soit par la difficulté d’accroître les quantités, soit par l’impossibilité de diminuer les coûts de production, soit par l’impossibilité encore de diversifier les productions ». 

Il semble bien que ces symptômes s'appliquent parfaitement à notre situation. Nous situons dans une période de trouble car les remèdes exploités depuis les premiers chocs pétroliers deviennent inopérants. La diversification des produits, moteur de la croissance de la production, sature la demande et soulève le problème de la gestion en amont des matières premières et en aval des déchets, alors que la prise de conscience de l’intensité et du coût de la consommation d’énergie pour fabriquer et utiliser ces produits, tout au long de leur vie, rend les consommateurs circonspects voire hostiles. La recherche des coûts de main-d'oeuvre les plus bas se heurte aussi bien aux réactions violentes des populations dépossédées de leur emploi, et peu préparées à en occuper d'autres,  qu'aux désirs des pays d'accueil de jouer un autre rôle que celui d'usine passive pour prendre leur part dans le développement technologique. Quant aux innovations, elles sont à la fois nombreuses et encore peu radicales dans les secteurs clefs qui conditionnent notre capacité à gérer les transformations sociétales, notamment dans l'énergie, mais aussi dans l'éducation, la santé, la sécurité et la vie en communauté.

Les modèles vacillent sur leurs bases sociologiques, et les recettes classiques s'épuisent. De nouvelles régles sont indispensables. Là encore les techniques vont y pourvoir, dès lors que le système social et politique sera en mesure de les assimiler. les réponses ne seront pas que techniques, une fois encore dans  l'histoire de la civilisation.

Bien sûr le changement de système socio-technique a déjà commencé. La génération Y n'a plus les mêmes motivations. La télé-mobilité remplace l'auto-mobilité. La consommation de biens physiques n'est plus une panacée car les substituts sont nombreux. L'énergie devient une  ressource sensible, et sa gestion consciente va exploiter l'information à travers les réseaux intelligents. 

Ces changements sont pour beaucoup engagés, d'autres sont à venir, les hommes ne réagissent pas avec la même intensité selon leur nouveau de vie et d'information, mais internet contribue largement à une prise de conscience mondiale. C'est pourquoi il faut ouvrir le champ de la réflexion, marier les disciplines, retravailler les bases économiques - quid de la gratuité, par exemple ?- pour construire les fondements documentés de la réflexion. 

Reprenons la conclusion de l'ouvrage incontournable de David S. Landes "Richesse et pauvreté des nations":

" Les optimistes sont gagnants, non pas parce qu'ils ont toujours raison, mais parce qu'ils ont une démarche positive. Même lorsqu'ils ont tort, ils restent positifs, et c'est là la voie de la réussite, de la correction, de l'amélioration et du succès. L'optimisme intelligent, lucide, paye; le pessimisme ne peut offrir que la vaine consololation d'avoir raison. La seule leçon qui ressort est la nécessité de persévérer. Il n'y a pas de miracles. Pas de perfection. Pas de millénarisme. Pas d'apocalypse. Nous devons cultiver une foi sceptique, éviter le dogmatisme, écouter et ouvrir les yeux, nous efforcer de clarifier et de définir les fins pour mieux choisir les moyens."

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