Apple, toujours en grande forme
25 avril 2009
Annonçant ses résultats du premier trimestre 2009, Apple ne pouvait que pavoiser avec 15% de marge nette et un chiffre d’affaires de 8,16 milliard $, chiffre d’affaires et profit étant en croissance par rapport au premier trimestre 2008 respectivement de 8,6 % et 15,2%. Ce résultat brillant au milieu d’un cortège de mauvaises nouvelles est réjouissant pour tous ceux qui pensent que l’innovation, seule, paye…Pour de sombres et tenaces raisons, Apple n’a jamais été une marque appréciée des informaticiens professionnels. La marque n’a d’ailleurs jamais rien fait de décisif pour les séduire. Aussi il existe une ancienne inimitié et incompréhension entre Apple et le monde de l’entreprise qui persiste en dépit de la robustesse des solutions proposées aujourd’hui par Apple et de l’attractivité du rapport coût/valeur/séduction de ses machines. En réalité, même si cette situation est en train de changer rapidement aux Etats-Unis, Apple n’en souffre guère car son destin est ailleurs.
Du haut de son cash flow (34,6% de marge brute…) et de ses réserves en liquidités de plus de 29 milliards de $, annonçant de trimestre en trimestre des résultats toujours meilleurs que prévus, Apple administre la brillante démonstration de la justesse de ses choix stratégiques et du caractère impeccable de leur exécution. Alors que le monde des technologies de l’information affiche des résultats en demi-teinte dans un contexte morose, Apple parvient encore à surprendre les analystes. Seuls les micro-ordinateurs accusent une petite perte de forme, avec un repli en volume de 3%, sur un marché des PC qui baisse de 7%,
Comment expliquer la résurrection durable de cette compagnie que beaucoup condamnaient à la fin des années quatre-vingt dix ? Le diagnostic était alors apparemment facile face au succès écrasant des solutions Wintel et des produits Dell, HP, IBM… Produits chers et élitistes, refus de la standardisation, part de marché mondial des micro-ordinateurs devenue anecdotique, élimination du marché professionnel, approche hautaine et quasi-sectaire[i] du marché étaient les explications les plus courantes de cette désaffection. Sur ces critères conventionnels, on pouvait effectivement prédire une issue fatale à l’aventure de ce franc-tireur.
Mais l’intelligence d’Apple a été de capter et d’endiguer à son profit la transformation du marché induite par internet et le web. L’informatique progresse en marche d’escalier marquées par des ruptures technologiques. L’ordinateur individuel avec son clavier écran était une révolution par rapport au terminal passif. Mais il est devenu lui-même dépassé par internet qui ne rend plus discriminant le système d’exploitation mais met au premier rang des motivations des consommateurs la connectivité et la simplicité d’usage. Apple s’est engouffré dans cet espace nouveau, quasi vierge, à la fois par talent stratégique et vision anticipatrice, mais aussi par nécessité de sortir d’une marginalisation inexorable. Innover quand tout va bien, tuer soi-même ses propres vaches sacrées est un exercice qui demande un courage que tant d’acteurs de talent n’ont pas eu, comme le prouve, entre autres, la descente aux enfers de Motorola ou les difficultés de Sony… Etre poussé par l’instinct de survie conduit à prendre des risques.
Steve Jobs, en bon dramaturge, décline une pièce en trois actes. Les « apple-ologues » professionnels pourront prétendre que tout était écrit d’avance. Il est vrai que Steve Jobs a compris avant les autres que la consommation de musique allait changer de nature et que le marché en serait transformé. Mais l’intuition et le talent ne sont rien sans un peu de chance…
Acte 1: iPod 2001
Préfigurant la formidable explosion de la demande de solutions numériques par le grand public, Apple et Steve Jobs ont pris en 2001 un virage stratégique majeur. Le monde de l’internet avait besoin d’objets fortement symboliques de cette nouvelle forme de liberté qu’apportaient internet et la numérisation de l’ensemble des supports multimédia d’information et de distraction. Apple malgré ses initiatives dans le monde des ordinateurs personnels avec, en 1998, le premier iMac aux couleurs acidulées n’était plus en mesure de s’imposer sur ce marché. L’iPod était plus qu’un baladeur MP3 esthétique, c’était l’outil qui allait mettre définitivement mettre fin à la confusion organique entre le support et le contenu. En dématérialisant la musique et en permettant son appropriation individuelle sous une forme simple et efficace, l’iPod ouvrait une ère nouvelle. Mais, plus encore, le couplage iPod + iTunes, simple magasin en ligne devenu une très efficace plate-forme de service, créait une dépendance forte entre l’objet nomade et sa base génératrice de revenus récurrents. Les critiques sur le caractère exclusif de ce modèle, aux antipodes du libre, n’ont pas effrayé les consommateurs, les six générations d’Ipod ayant connu un succès croissant pour friser le monopole avec 90% de part de marché aux Etats-Unis. Avec 11 millions d’iPod vendus au premier trimestre 2009, les ventes continuent encore de croître.
Acte 2 : iPhone 2007
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