Du bon usage du progrès...
Plans de relance et place de la technologie

Zoom, un livre fort...

Zoom Comment  l’industrie automobile a-t-elle pu sombrer aussi profondément dans le marasme et la médiocrité ? Pourquoi les compagnies pétrolières n’ont-elles pas préparé l’inévitable déclin de la ressource pétrolière ? Comment les politiciens n’ont rien vu venir et se sont accrochés désespérément au maintien du statu quo ? C’est aux Etats-Unis que ces erreurs ont été commises et ce sont les questions auxquelles tentent de répondre Iain Carson et Vijay V. Vaitheeswaran. 

Ce ne sont pas de dangereux provocateurs, mais deux brillants journalistes du très sérieux The Economist qui ont plongé au cœur de l’évolution parallèle des Big Three, General Motors, Ford et Chrysler et de Big Oil, les grandes compagnies américaines. Au-delà de ce bilan sans fard du déclin de l’alliance séculaire entre le pétrole et l’automobile aux Etats-Unis, et des profondes conséquences géo-politiques, ce livre ouvre de nouvelles perspectives pour l’industrie automobile mondiale et la recherche de nouvelles solutions énergétiques.

Leur credo est simple : le problème n’est pas la voiture, mais le pétrole. Et ils cherchent à en effectuer la démonstration la plus rigoureuse. Zoom, dont le sous-titre est « The global race to fuel the car of the future », publié en novembre 2007 sonnait le tocsin avant même que l’industrie automobile américaine, mais plus largement l’industrie automobile mondiale, ait totalement perdu ses repères. Aussi frappée que la banque par la crise, l’industrie automobile fait face à une double remise en cause : effondrement de ses ventes ( -38% en janvier 2009 aux Etats-Unis) ,crise de la demande compte tenu de la désaffection du consommateur américain pour les véhicules lourds et gourmands.

 Leur jugement est sans appel : « Les big Three sont devenues toutes de plus en plus faibles car elles n’ont pas accordé suffisamment d’attention aux nouvelles technologies, au développement de nouveaux véhicules innovants et au niveau de qualité de leurs produits», ce qui pour des industriels constitue une troublante accumulation d’erreurs. En se concentrant sur le seul marché lucratif des SUV (Sport Utility Vehicule), en multipliant de façon illisible pour le consommateur marques, modèles et réseaux, en blâmant la concurrence supposée déloyale de leurs compétiteurs japonais et coréens, les constructeurs américains n’ont pas vu venir la fin de leur monde, celui de l’addiction des américains au pétrole.


Toutefois les auteurs rappellent que les avertissements des crises précédentes n’ont pas été entendus. L’industrie a empoché 1,5 milliard $ de subventions fédérales sous Clinton, en 1993, avec la PNGV ( Parnership for a New Generation of Vehicles) dont sont issus trois concepts car sans lendemain industriel. Ils rappelent aussi que GM a lancé en 1996 un programme expérimental de véhicule électrique, l’EV1, assez concluant, mais qui a rencontré des problèmes de fiabilité avant d’être finalement arrêté. Les auteurs sont aussi sévères avec la politique pétrolière américaine. La seconde guerre mondiale a mis en évidence l’absolue nécessité pour les grands états de maîtriser leur approvisionnement en pétrole. Après cinquante d’exploitation de leurs champs domestiques, les Etats-Unis n’avaient dans les années quarante plus de réserve suffisante, ce qui a conduit leurs gouvernements successifs à sécuriser à tout prix leurs approvisionnements en pétrole du Moyen Orient par un accord de soutien militaire à l’Arabie saoudite, qui contient un quart des réseves mondiale connues, et aux états du Golfe. Cette addiction des Etats-Unis au pétrole, qui consomment 25% de la production mondiale de pétrole et près de 50% de la consommation d’essence, qui n’en payent pas le vrai prix, mais n’ont plus que 3% des réserves, est une constante de « l’Axe du pétrole ». Or cette dépendance géo-politique envers des partenaires fragiles et dont la fiabilité est suspectée est une grande faiblesse des Etats-Unis. 

On n’en mesure d’autant la portée, et la difficulté, des déclarations du président Obama qui veut « guérir l’addiction des américains au pétrole ». Si les Etats-Unis, leurs gouvernements comme leurs entreprises, tant automobiles que pétrolières, ont pu longtemps sous-estimer, voire railler, les menaces environnementales dues au réchauffement de la planète, s’affranchir des contraintes du Protocole de Kyoto et déclarer comme G. Bush que rien jamais ne fera changer le mode de vie américain, le désastre de la Nouvelle-Orléans en 2006 a commencé à faire changer l’opinion. Comme le 11 septembre, l’ouragan Katrina a été un révélateur de l’exposition des Etats-Unis à des menaces nouvelles et totalement ignorées . Seule une toute petite minorité californienne, aisée et adepte de la Prius avait jusqu’alors porté cette prise de conscience. Toutefois, le changement de culture est très lent et difficile. Ecrit en 2007, le livre met en évidence la persistance de compagnies comme ExxonMobil à nier la nécessité de réduire la place du pétrole dans l’économie américaine, son président, jusqu’en 2006, Lee Raymond déclarant que l’investissement dans les énergies renouvelables était« un complet gaspillage d’argent » . 

Toutefois, les auteurs ne se bornent pas à dénoncer le manque de vision des dinosaures de l’industrie pétrolière et automobile américaines, et leur alliance objective avec l’Arabie Saoudite. Ils analysent de façon complète les perspectives concrètes de changement. Leur première conclusion estque la rupture pourra venir d’Asie, les pays asiatiques ne pouvant pour leur développement suivre le même chemin « carboné » que les Etats-Unis. La question centrale est bien la capacité de la Chine, et de l’Inde , de s’affranchir d’un futur pollué et carboné par l’automobile à essence et les centrales électriques au charbon, pour faire le saut vers des technologies efficaces, novatrices et respectueuses des grands équilibres sans priver leurs populations des bénéfices du progrès matériel. L'issue de ce débat n'est pas facile à prévoir tant les contraintes socio-économiques qui pésent sur ces deux pays sont fortes. 
La rupture peut venir des Etats-Unis eux-mêmes, sur le modèle de la Californie qui a adapté des mesures sévères de réduction de la pollution automobile et où le républicain Schwarzenegger, qui n’a rien d’un vert natif, s’est toutefois converti à la logique environnementale par pragmatisme en même temps qu’il fait rouler son Hummer à l’hydrogène. Le front uni des lobbies commence à se lézarder, les menaces de Big Oil et des Big Three ne font plus peur, les activistes de l’environnement trouvent un écho auprès des venture capitalists qui voient dans l’environnement la prochaine vague de prospérité économique et les tycoons de la Silicon valley endossent sans nuance la croisade environnementaliste.

Sans faire de prédiction entre les technologies alternatives, électricité, pile à combustible, hyrogène, éthanol, qui prendront chacune leur part de marché avant que les techniques ne se restabilisent à nouveau dans une vingtaine d’années, et l'hydrogène reste un candidat crédible, les auteurs concluent que la course est cette fois bien engagée, que les solutions vont sortir des laboratoires et que la décennie 2010 sera celle du début de la transformation de l’industrie automobile. Ce livre synthétique et clair qui permet de comprendre que l’alliance historique entre l’automobile et le pétrole, qui non seulement a façonné le paysage américain, mais aussi conditionné la politique internationale pendant près d’un siècle, risque bien, cette fois de prendre fin.

La crise automobile de 2008-2009 et l’élection de Barrack Obama ne font que conforter les thèses des auteurs. La capacité de rebond des Etats-Unis est considérable et il ne serait pas surprenant qu’ils prennent le leadership de la nouvelle économie « verte ». Néanmoins, le fermier de l’Oklhahoma ne sera pas facile à convaincre…Images

Autres lectures sur le même sujet :
 - "L'économie hydrogène",  Jeremy Rifkin, La découverte, 2002
- "The Clean Tech Revolution", Ron Pernick, Collins Business, 2007
- "Hydrogène, l'avenir de la voiture", Pierre Beuzit et Laurent Meillaud, Archipel, 2007

Commentaires

Pavel Vasilevski

Les voitures américaines commencent à devenir "vertes". On retrouve les hybrides de plus en plus souvent

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.