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Plans de relance et place de la technologie

Face à la crise, les gouvernements rassemblent tous les moyens de relance qu'ils peuvent mobiliser dans une économie globalisée, et ce n'est pas une tâche facile. Personne ne veut (encore) remettre en cause les acquis du libre échange et de la mondialisation, mais il est aussi clair qu'en filigrane de chaque politique nationale de relance, la préoccupation des gouvernants est bien de recréer une capacité de développement de l'emploi non délocalisable. Ce retour vers une forme politiquement correcte d'égoïsme national est dicté aux gouvernants par l'angoisse des populations face à la pérennité de leur emploi, et de celui de leurs enfants,  situation anxiogène dont les conséquences politiques et sociales sont menaçantes pour tous les pouvoirs.

Pour atteindre cet objectif, la voie clairement privilégiée au moins par deux états, les Etats-Unis et la France, est l'investissement puisque l'ambition est de "construire" les conditions d'une croissance durable qui bénéficie directement aux entreprises et aux salariés de chacun des pays. Or dans une économie ouverte, et pour les pays industriels matures qui disposent encore d'une offre industrielle diversifiée,  la part des produits importés dans une politique d'investissement est moindre que dans le scénario d'une relance par la consommation. Les Etats-Unis comme l'Europe, et dans une moindre mesure le Japon, ont implanté en Asie, surtout en Chine et à Taiwan, leur capacité de production des biens de consommation durables vers lesquels les consommateurs s'orientent dès qu'ils disposent de pouvoir d'achat additionnel, c'est à dire l'électronique grand public. Une relance par la consommation dans cette configuration des moyens de production n'a pas d'impact sur l'emploi, sauf dans la distribution, et dégrade la balance commerciale.

Il reste que les choix opérés par les Etats-Unis et la France diffèrent. La France, qui dispose d'une puissante industrie d'infrastructures - matériaux, sidérurgie, bâtiment et travaux publics, télécommunications, énergie (avec une maîtrise parfaite de la filière nucléaire), matériel ferroviaire...- raisonne naturellement infrastructures. Cette politique a été particulièrement bénéfique dans les années soixante et soixante-dix. Elle a permis, avec le puissant soutien de l'Etat, à la fois de faire émerger des champions industriels mondiaux et d'équiper le pays en infrastructures qui ont corrigé son hyper-centralisation historique grâce à un aménagement du territoire mieux équilibré. C'est ainsi que le plan électro-nucléaire français, dont l'engagement envers l'EPR n'est que la version actualisée, a donné à la France un atout majeur en matière de disposition d'énergie électrique non carbonée, et que les TGV ont remodelé la carte distance/temps. 

Un plan de relance centré sur les grands travaux d'infrastructure classique a donc de réels mérites. Mais il est sur-déterminé par la structure techno-industrielle actuelle. Sa faiblesse est précisément son caractère conventionnel. Très peu de mesures semblent concerner la science, les technologies de l'information, les technologies d"ingénierie médicale, les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, les énergies alternatives... En revanche le plan de relance de Barack Obama, conforme à ses engagements de campagne, met précisément l'accent sur ces technologies du futur et sur la constitution d'un tissu industriel nouveau fondé sur une rupture technologique.

Dans sa présentation du plan de relance, début janvier, le président Obama a certes insisté sur la nécessité de reconstruire ponts et routes dont on sait que l'état général est très médiocre, mais il a mis l'accent sur les investissements dans les énergies renouvelables, en doublant la production d'énergie alternatives dans les trois ans et en améliorant l'efficacité énergétique de deux millions de foyers ainsi qu'en accélérant le déploiement de la fibre optique et de l'internet haut débit. "Ces emplois made in America, consistant à fabriquer des panneaux solaires et des turbines à éolienne, à mettre au point des véhicules verts et de nouvelles technologies dans le domaine énergétique, ne peuvent pas être délocalisés" a reconnu Barack Obama.

Le contenu technologique du plan français paraît, aujourd'hui, insuffisant. Les gouvernements français, traditionnellement, ont de la difficulté à se projeter dans l'avenir technique et à faire confiance à la communauté scientifique pour les guider, contrairement à l'équipe de Barack Obama qui comprend des personnalités scientifiques de renommée mondiale. En matière de technologie de l'information, la France dispose de toutes les compétences nécessaires pour assurer la convergence de l'informatique, des télécommunications, des contenus en logiciels et progiciels et demain de la maîtrise de l'énergie. Par exemple, le défi que représente le véhicule électrique n'est pas seulement de concevoir et construire des produits fiables et attractifs. C'est aussi de piloter leur insertion dans un nouveau système de transport mêlant de façon harmonieuse grâce aux outils de géolocalisation et aux télécommunications l'offre de transport collectif et une composante individuelle repensée. L'avenir industriel passe par la mise en oeuvre simultanée de composants techniques qui marient informatique embarquée, internet des objets, mécatronique, télécommunications à haut débit, logiciels performants. Les pôles de compétitivité, ou "clusters technologiques" ont ouvert le chemin. Il ne faut pas les abandonner maintenant !

Il est donc indispensable d'introduire dans les moutures ultérieures du plan de relance un vigoureux volet technologique, audacieux et innovant, qui permette tant aux grandes entreprises françaises qu'à leur écosystème de cotraitants d'inventer les produits et services du futur et d'en prendre le leadership européen.

Commentaires

Serge

Je suis 100% d'accord avec toi.

Shai Agassi, ancien patron de SAP, a fondé Better Place (http://www.betterplace.com/). Il y a de la place pour des idées neuves de ce genre. Il faut y aller !

Jacques Baudé

Sans oublier l'enseignement de l'informatique et des TIC dès les enseignements scolaires - et notamment au lycée - prôné par l'EPI, l'ASTI, SPECIF, Gilles Dowek, Gérard Berry, Maurice Nivat, et beaucoup d'autres. Arrêtons de laisser croire que les spécialistes naissent par génération spontanée après le bac et sont en nombre suffisant ! Pour l'argumentation, voir les sites EPI : www.epi.asso.fr , et ASTI : asti.ibisc.fr/groupe-itic

Jacques Baudé
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