Du bon usage du progrès...
03 février 2009
J'appartiens, je le confesse, à cette catégorie de consommateurs passionnés que l'on nomme les "adopteurs précoces" ou "early adopters". J'ai toujours aimé me documenter sur les nouveautés du vaste domaine de biens de consommation électroniques. Cet exercice apporte le plaisir de comprendre et de suivre les évolutions techniques, qui repoussent les limites de ce que l’industrie est capable de relever comme défi. J’aime surtout cette excitation particulière qui consiste à explorer de nouveaux territoires et à découvrir de nouvelles sensations. Des images de plus en plus fidèles, un son de plus en plus réaliste, une capacité de création sans limite, avec le micro-ordinateur, puis de communication, grâce à internet, ont été pour moi à chaque étape à la fois un émerveillement technique et la source de grands plaisirs. La grande convergence entre l'informatique et l'électronique de loisirs, convertie au numérique, a été pour nous tous, "immigrants numériques", une formidable aventure qui nous permettait de "faire converger" nos passions. Nous n'avions plus à choisir entre l'informatique et la photographie, le son et l'image ! Depuis que j'ai vraiment commencé à m'intéresser, adolescent passionné d'image, à l'innovation, au début des années soixante, ces motivations ont été suffisamment puissantes pour régulièrement, bien que raisonnablement, casser ma propre tirelire sous forme d’appareils photo, chaînes hi-fi, micro-ordinateurs et téléphones portables, passant aisément, et sans grand complexe pour un gadgetomane frénétique. Que tous ceux de ma génération qui ont connu ces plaisirs l'avouent franchement sans se cacher !
Mais il faut aussi reconnaître au-delà du plaisir que ces objets nous ont considérablement aidés à travailler. Le micro-ordinateur et le web m'ont permis de décupler ma productivité personnelle, de travailler à distance, d'être en permanence informé et réactif. Je n’aurai jamais autant écrit, notamment les quatre derniers livres, sans internet. L'aventure du blog est le fruit direct de ces innovations.
Cet aveu devait être fait. Mais sans chercher à me disculper, je dois aussi dire que si la technique m'intéresse toujours autant, ce sont ses usages potentiels qui, aujourd’hui, me motivent plus encore... Nous avons déjà atteint un seuil de performance, de confort et de plaisir remarquable. Ceci ne va certes pas s'arrêter. Si on repousse sans cesse les limites de l’hyper-réalisme de l’image et du son, si on rend tous ces supports mobiles et interconnectés, en faisant disparaître tous ces fils qui nous encombrent, on aura sûrement plus de plaisir et d’émotion, mais progressera-t-on pour autant dans la résolution des grands problèmes de notre époque ?
La réponse n’est certainement pas facile à faire émerger, tant les industries du contenant et celles du contenu progressent aujourd’hui de concert. Il serait particulièrement arrogant d'exercer a priori un jugement moral sur ce qui est bien et sur ce qui est futile. Non, la haute résolution de nos téléviseurs HD n'est pas un exercice inutile car les progrès rendus accessibles vont permettre de démocratiser l'imagerie médicale. Non, les réseaux de fibre optique à haut débit ne permettront pas seulement de regarder un match de foot en 3D, mais aussi de faire de la télésurveillance médicale et du co-design sur maquette numérique. Nous sommes entrés dans l’ère du « et » et nous avons cette infinie liberté qui est justement de ne plus devoir faire de choix. Encore faut-il que les usages ne se limitent pas à la sphère des loisirs pour vraiment s'attaquer aux problèmes de fond.
Avec mes amis, également à l'affût des innovations concoctées par les laboratoires de recherche des grandes firmes informatiques et électroniques, arpentant les immenses halls du centre du Convention center de Las Vegas, je me suis attaché à ne pas me laisser entraîner par le sens de la performance techniques mais surtout par la valeur d'usage. Qu'allons nous faire de tous ces objets intelligents que nos semblables imaginent sans cesse ?
Armé de cette ferme intention de ne pas me laisser illusionner par le mirage technique,
je me suis concentré sur deux sujets qui indiscutablement, sans être exclusifs, vont façonner notre avenir collectif :
-
comment les technologies de l'électronique, de l'informatique et de
la communication vont-elles nous aider à résoudre le problème
énergétique ?
- comment ces outils vont aider l'humanité à faire face à l'inéluctable vieillissement de la population de la planète, et pas seulement dans les pays industriels matures, mais aussi dans les pays neufs ?
Sur
l'énergie, il est d'abord évident que l'industrie a pris conscience de sa
responsabilité. ce qui n'était qu'embryonnaire lors de ma précédente
visite en janvier 2007 apparaît avec une éclatante visibilité. Tous les stands
des grandes firmes démontrent les progrès de réduction de
consommation d'énergie sont massifs et immédiatement accessibles avec
les nouveaux produits. Partout les produits s’allégent et se miniaturisent
utilisant pour être fabriqués moins de matériaux et produisant moins de volume et de
poids pour être distribués. Les télévisions à tube cathodique apparaissent des
monstres archaïques face aux écrans OLED. Il est clair que le renouvellement du
marché des tubes cathodiques représente un formidable intérêt pour la
consommation d’électricité mondiale.
Mais plus encore l’électronique et l’informatique vont être déployés pour apporter de l’intelligence dans la gestion de tous les appareils domestiques qui se développent dans les maisons. La vraie finalité de la domotique sera bien de gérer de façon dynamique ces appareils en fonction des usages, du contexte climatique, du coût instantané du Kwh. Le réseau domestique intelligent contribuera directement à l’optimisation de la production électrique, s’intégrant dans un réseau global intelligent. L’offre commence à être abondante, d’autant plus que les fournisseurs ont commencé à harmoniser leurs normes pour assurer une complète interopérabilité.
Le réchauffement climatique et la santé sont des enjeux clés, j’en vois un troisième, il fait référence à l’ISEP selon Muhammad Yunus (IT Solutions to End Poverty). « J’espère que, quelque part dans le monde, un lecteur de ce livre relèvera le défi de la création de l’ISEP »…. Nos grandes écoles ont amorcé des formations orientées « social-business », mais beaucoup reste à faire. L’IT au service des moins favorisés, pour libérer la valeur, redonner la dignité et l’autonomie, … alors oui à la valeur d’usage, trois fois oui à la « valeur de vivre » :-) !
Rédigé par : Elisabeth | 07 février 2009 à 06:40
Parfaitement... Un des aspects novateurs du CES 2009 était une journée de conférences consacrée à l'IT comme vecteur de développement. Yunus a développé une entreprise dédiée à l'IT comme vecteur de lutte contre la pauvreté.
http://www.grameensolutions.com/STEP-Solutions-To-End-Poverty/
Je n'ai pas mentionné l'éducation non plus. Je suis convaincu que nous pourrions vraiment grâce à l'ordinateur de Negroponte à 100$ + et à sa déclinaison de "cartable électronique" faire en sorte que toute la génération des enfants qui abordent aujourd'hui l'enseignement primaire bénéficie d'une formation numérique qui intègre le meilleur des deux mondes : l'absolue nécessité de l'encadrement du maître et la capacité infinie d'accès à l'information et à la connaissance par le web.
Rédigé par : jean-Pierre Corniou | 07 février 2009 à 10:08