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Retour vers le futur

Mon disque dur est intraitable : il garde tout ! Ranger n'est pas inutile et je découvre chaque fois quelques raisons de m'attrister sur les singulières répétitions de l'histoire. Le 13 octobre 2003, je publiais ce texte auquel je n'ai pas changé une ligne. Ce n'est, hélas, pas nécessaire. On peut tout simplement craindre que cela ne soit encore plus difficile.


Pour une relance sélective de l’investissement informatique

 

Au moment le plus sombre de l’offensive allemande de septembre 1914, Foch déclare : « Mon centre cède, ma droite recule : situation excellente. J’attaque ». En ces temps de croissance zéro et de doutes sur notre capacité à relever les défis de notre époque, il est temps d’arrêter de gémir pour réagir et saisir toutes les opportunités d’offensive.. Et si nous prenions conscience collectivement que le futur ne dépend que de notre capacité à tirer profit d’une matière première infinie, insuffisamment exploitée : la matière grise ? En misant sur l’intelligence, la créativité, la connaissance, on pourrait redonner confiance à l’Europe des générations montantes et retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. C’est une longue et rude tâche, mais seul le premier pas coûte. Il faut se (re)mettre en marche dès maintenant

Depuis près de trois ans, les lampions de la fête de la nouvelle économie sont éteints, mais les potentialités des nouvelles technologies demeurent largement inexploitées. Or le développement de l’intelligence aujourd’hui implique la mise en mouvement de toutes les compétences reliées par le réseau mondial que constitue Internet. Le grand mérite de la nouvelle économie est d’avoir financé des infrastructures performantes. Nous avons – presque tous - désormais à notre portée un ordinateur individuel, relié au monde par des réseaux haut débit, et doté d’une interface enfin standard, celle du navigateur web. Il faut maintenant exploiter cet outil pour en tirer la dynamique de changement que depuis son origine l’informatique a toujours recélé tant dans les entreprises que dans les administrations.

Mais instruit par l’expérience, il ne faut pas se précipiter dans le désordre. Une relance sélective et pragmatique des investissements est la voie que nous devons instruire. Elle sera financée par une sélectivité méthodique et l’abandon sans nostalgie des outils obsolètes.

Quatre étapes s’imposent :

-       d’abord il est indispensable qu’au plus haut niveau de l’entreprise, comme des structures publiques, les dirigeants établissent un bilan sans fard des investissements informatiques des cinq dernières années. Il faut revisiter les budgets en bannissant les « services votés », examiner l’état des grands projets, faire le diagnostic de l’infrastructure et relever, avec les acteurs de terrain, ce qui marche, ce qui est améliorable et ce qu’il faut jeter sans acharnement thérapeutique ;

-       ensuite il faut établir une matrice des thèmes d’action en classant les sujets selon  un indice de criticité et un indice de faisabilité, pour privilégier les victoires rapides ;

-       en troisième lieu, il faut construire un plan d’action daté et chiffré sur les 24 prochains mois avec l’engagement commun responsable opérationnel / informaticien de livrer chaque trimestre un système ou des actions de valorisation des outils existants  transformant effectivement les pratiques. Evitons les cathédrales technologiques pour se concentrer sur l’essentiel, les processus de travail, les ruptures dans l’usage;

-        en dernier lieu, il faut mettre les équipes au travail en choisissant des couples utilisateurs/informaticiens, toniques et compétents, et en leur donnant un budget limité pour lancer des projets à impact rapide. Ce peut être aussi bien la suppression des applications inutiles que l’on maintient par routine, que la simplification des applications anciennes grâce au web, l’enrichissement des contenus de l’intranet et des sites web ou le déploiement de l’entreprise étendue vers les clients et les fournisseurs.

Il faut redonner aux équipes, notamment les plus jeunes brisées par le pessimisme ambiant, le goût d’entreprendre, de bousculer les routines et les citadelles, pour transformer les sempiternelles critiques contre « l’informatique » en propositions d’actions. Rien ne va. J’attaque.

 


Télécommunications et automobile

Article publié le 10 février par la Tribune...

L'enjeu est bien de considérer que pour tirer parti et plaisir de la voiture "individuelle", il faut désormais reconnaître qu'elle fait partie d'un système global de transport dont l'efficacité sera assuré par l'interopérabilité des composants... 


Opinions

DES IDÉES SUR LE WEB

Les télécommunications, avenir de l'automobile ?

Par Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Conseil.

Il n'y a pas d'exemple d'une industrie qui ait su totalement changer de modèle d'affaires aussi efficacement que l'industrie des télécommunications. Dans les années quatre-vingt, installées dans une logique de monopole national, fragmentées, bureaucratiques, ces compagnies publiques dispensaient un service coûteux, sujet d'ironie, et peu soucieux des clients, cantonnés au rôle d'usager.

Aujourd'hui les télécommunications ont révolutionné la vie quotidienne de 3,5 milliards d'êtres humains en apportant pour un coût souvent dérisoire le plus précieux des services, la mise en relation avec le monde extérieur, partout, toujours, pour tout le monde. Sophistiqué comme en Corée, vital comme en Afrique, convivial et efficace, le service de mobilité qu'apporte la téléphonie a conquis le monde avec des objets et des programmes intuitifs, légers, intégrés dans la vie.

Pour l'industrie automobile, en panne, le modèle est à méditer. Le charme s'est brisé. Naguère synonyme de liberté et de statut social, l'automobile apparaît comme un objet polluant, encombrant. Les adolescents américains, selon une étude du MIT datant de 2006, n'ont pas classé par hasard comme symboles des techniques obsolètes en 2015 le moteur à explosion, le compact disc, l'ordinateur de bureau et le téléphone fixe...

L'industrie automobile doit réapprendre à enchanter en séduisant d'abord son futur public. L'influence des jeunes sur les acheteurs de tous âges est considérable. Elle pourra le faire en s'inspirant de ce qui fait aujourd'hui auprès des moins de trente ans la force des télécommunications mobiles, du web 2.0, des réseaux sociaux. Cette industrie ne doit pas seulement réimaginer le produit automobile, mais aussi s'affranchir du poids d'une association exclusive avec le pétrole qui l'a empêchée, par tradition et conformisme, d'être à l'écoute de modèles alternatifs et des revirements de l'opinion.

En associant son image et ses produits avec ceux de la vague numérique, elle pourra ouvrir une nouvelle ère de croissance où mobilité physique et proximité numériques ne seront plus contradictoires, mais intimement liées.

Le passage du moteur à combustion interne à l'électricité, pour une partie du parc futur, en offre l'opportunité. En réinventant l'architecture du véhicule, l'automobile pourra être plus naturellement en mesure d'intégrer les nouveaux usages de communication non pas comme des intrus tolérés mais comme des éléments consubstantiels du plaisir auto-mobile. Les potentiels de la communication mobile se révèlent également indispensables pour développer les nouveaux usages de l'automobile, comme la location, le "car sharing". L'intégration sans couture des outils comme la géo-localisation, l'accès aux réseaux haut débit, le télépaiement et la télémaintenance des flottes offrira flexibilité et sécurité aux gestionnaires et aux utilisateurs. Connectée, la voiture zéro émission sera aussi facilement intégrable dans le tissu urbain que dans le contexte social.

Il sera difficile pour une industrie aussi ancienne, aussi complexe et puissante que l'industrie automobile de se repenser. La coexistence entre les anciennes pratiques et les nouveaux modèles sera longue, mais tourner la page de 120 années d'histoire glorieuse peut être plus porteur d'espoir, d'innovation et de plaisir que de dureté. Aussi les télécommunications et l'automobile peuvent et doivent s'inventer un destin commun.

Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Conseil


L'automobile, nouvelles normes européennes d'émission

Opinions

DES IDÉES SUR LE WEB

Le quotidien économique La Tribune a publié récemment deux textes que j'ai rédigé dans le cadre de mes activités à Sia conseil, où nous contribuons à faire converger les analyses des différents acteurs de la filière automobile sur l'avenir de ce secteur. Voici un texte publié le 8 janvier 2009.


Emissions de CO 2 : réalisme ou victoire à la Pyrrhus ?

Par Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Conseil.

La Commission européenne, le parlement et les constructeurs automobiles européens se sont entendus le 1er décembre pour fixer en 2015 la limite moyenne de 130 g/km d’émission de CO2, soit 18% de réduction. Les débats ont été vifs mais le contexte brutal de crise a joué en faveur d’une démarche plus pragmatique que le volontarisme de la Commission, qui souhaitait atteindre cet objectif dès 2012. Ces trois années supplémentaires représentent-elles une chance ou vont-elles accentuer les difficultés de l’industrie européenne confrontée depuis dix ans à une stagnation du marché due à une panne du "désir d’automobile" aux causes multiples ?

Dès 2012, cette limitation concernera 65% de la gamme, puis 75% en 2013, 80% en 2014 et la totalité en 2015. L’objectif global est décomposé par pays, la France devant atteindre 126g/km, l’Italie 122 g/km et l’Allemagne 132 g/km. L’accord prévoit des pénalités en cas de dépassement des objectifs : 5 euros pour un gramme, 15 euros pour 2 grammes, 25 euros pour 3 grammes et 95 euros par véhicule au-delà de 3 grammes.

Si elle semble temporiser sur le calendrier, l’Europe garde un cap ambitieux, limiter les émissions moyennes à 95g/km en 2020. Ce saut de 26% risque de n’être que plus douloureux entre 2015 et 2020. Une décennie pour changer en profondeur la culture automobile paraît court tant l’évolution de ce marché, où se sont vendus en 2007 16 millions de véhicules neufs, est complexe.

Grâce à la structure de leur gamme les généralistes ont atteint des résultats convaincants en 2007 : 137 g/km pour Fiat, PSA (142 g/km) et Renault (146 g/km) alors que les constructeurs allemands peinent à descendre au dessous de 170g/km.

Mais l’effort reste considérable. Pour atteindre 130g/km dès 2012, il faut procéder à un "downsizing" systématique des véhicules avec les seuls moyens existants: baisse des cylindrées, de la taille et du poids des véhicules. Jusqu’alors les clients n’y étaient pas plus prêts que les constructeurs. Cette réduction des volumes est aussi contrariée par la réglementation : sécurité, comme le choc piéton, et émission de polluants dangereux traitée par les normes Euro 4, Euro 5 et Euro 6.

L’autre voie plus radicale consiste à réduire le nombre de motorisations essence ou diesel. Quatre solutions existent : l’utilisation des bio-carburants dans des moteurs classiques, les véhicules électriques, les véhicules hybrides, essence ou diesel, et les véhicules à hydrogène, exploité comme carburant ou pour alimenter une pile à combustible produisant à bord de l’électricité.

L’enjeu est de trouver un équilibre volume/prix/faisabilité entre ces solutions qui présentent toutes des difficultés. A court terme, l’hydrogène ne peut être une solution crédible car les techniques sont trop coûteuses pour un déploiement massif, et il n’existera pas de réseau de distribution en Europe.

Les véhicules hybrides ont fait leurs preuves et apportent une réponse efficace mais dégradent sérieusement la marge des constructeurs pour le bas de gamme. PSA a renoncé à déployer sa solution hybride diesel en dehors de son haut de gamme.

Il reste le véhicule électrique "pur" et les véhicules à éthanol. Tous les deux souffrent d’une image de marque médiocre : autonomie et performances limitées pour le véhicule électrique, politique publique hésitante pour les bio-carburants menacés de perdre leurs avantages fiscaux et contestés pour leurs contre-performances écologiques.

Les constructeurs n’ont d’autre choix immédiat que de proposer une offre de véhicules électriques attractive en terme d’autonomie et de performance. Une véritable rupture est nécessaire ! Car ce délai pourrait constituer une victoire à la Pyrrhus si l’offre alternative provenait de constructeurs extérieurs à l’Union européenne. L’industrie américaine exsangue, sommée de se transformer radicalement, ou de disparaître, ou la Chine pourraient trouver dans les voitures à faible émission un moyen de renaître ou d’exister au plan mondial. Plus que jamais le salut de l'économie européenne se situe dans l'innovation. Pour assurer un futur aux millions d'emploi en liés à l'automobile en Europe, il faut que les constructeurs innovent et prennent le leadership sur les produits de demain.

Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Conseil


Plans de relance et place de la technologie

Face à la crise, les gouvernements rassemblent tous les moyens de relance qu'ils peuvent mobiliser dans une économie globalisée, et ce n'est pas une tâche facile. Personne ne veut (encore) remettre en cause les acquis du libre échange et de la mondialisation, mais il est aussi clair qu'en filigrane de chaque politique nationale de relance, la préoccupation des gouvernants est bien de recréer une capacité de développement de l'emploi non délocalisable. Ce retour vers une forme politiquement correcte d'égoïsme national est dicté aux gouvernants par l'angoisse des populations face à la pérennité de leur emploi, et de celui de leurs enfants,  situation anxiogène dont les conséquences politiques et sociales sont menaçantes pour tous les pouvoirs.

Pour atteindre cet objectif, la voie clairement privilégiée au moins par deux états, les Etats-Unis et la France, est l'investissement puisque l'ambition est de "construire" les conditions d'une croissance durable qui bénéficie directement aux entreprises et aux salariés de chacun des pays. Or dans une économie ouverte, et pour les pays industriels matures qui disposent encore d'une offre industrielle diversifiée,  la part des produits importés dans une politique d'investissement est moindre que dans le scénario d'une relance par la consommation. Les Etats-Unis comme l'Europe, et dans une moindre mesure le Japon, ont implanté en Asie, surtout en Chine et à Taiwan, leur capacité de production des biens de consommation durables vers lesquels les consommateurs s'orientent dès qu'ils disposent de pouvoir d'achat additionnel, c'est à dire l'électronique grand public. Une relance par la consommation dans cette configuration des moyens de production n'a pas d'impact sur l'emploi, sauf dans la distribution, et dégrade la balance commerciale.

Il reste que les choix opérés par les Etats-Unis et la France diffèrent. La France, qui dispose d'une puissante industrie d'infrastructures - matériaux, sidérurgie, bâtiment et travaux publics, télécommunications, énergie (avec une maîtrise parfaite de la filière nucléaire), matériel ferroviaire...- raisonne naturellement infrastructures. Cette politique a été particulièrement bénéfique dans les années soixante et soixante-dix. Elle a permis, avec le puissant soutien de l'Etat, à la fois de faire émerger des champions industriels mondiaux et d'équiper le pays en infrastructures qui ont corrigé son hyper-centralisation historique grâce à un aménagement du territoire mieux équilibré. C'est ainsi que le plan électro-nucléaire français, dont l'engagement envers l'EPR n'est que la version actualisée, a donné à la France un atout majeur en matière de disposition d'énergie électrique non carbonée, et que les TGV ont remodelé la carte distance/temps. 

Un plan de relance centré sur les grands travaux d'infrastructure classique a donc de réels mérites. Mais il est sur-déterminé par la structure techno-industrielle actuelle. Sa faiblesse est précisément son caractère conventionnel. Très peu de mesures semblent concerner la science, les technologies de l'information, les technologies d"ingénierie médicale, les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, les énergies alternatives... En revanche le plan de relance de Barack Obama, conforme à ses engagements de campagne, met précisément l'accent sur ces technologies du futur et sur la constitution d'un tissu industriel nouveau fondé sur une rupture technologique.

Dans sa présentation du plan de relance, début janvier, le président Obama a certes insisté sur la nécessité de reconstruire ponts et routes dont on sait que l'état général est très médiocre, mais il a mis l'accent sur les investissements dans les énergies renouvelables, en doublant la production d'énergie alternatives dans les trois ans et en améliorant l'efficacité énergétique de deux millions de foyers ainsi qu'en accélérant le déploiement de la fibre optique et de l'internet haut débit. "Ces emplois made in America, consistant à fabriquer des panneaux solaires et des turbines à éolienne, à mettre au point des véhicules verts et de nouvelles technologies dans le domaine énergétique, ne peuvent pas être délocalisés" a reconnu Barack Obama.

Le contenu technologique du plan français paraît, aujourd'hui, insuffisant. Les gouvernements français, traditionnellement, ont de la difficulté à se projeter dans l'avenir technique et à faire confiance à la communauté scientifique pour les guider, contrairement à l'équipe de Barack Obama qui comprend des personnalités scientifiques de renommée mondiale. En matière de technologie de l'information, la France dispose de toutes les compétences nécessaires pour assurer la convergence de l'informatique, des télécommunications, des contenus en logiciels et progiciels et demain de la maîtrise de l'énergie. Par exemple, le défi que représente le véhicule électrique n'est pas seulement de concevoir et construire des produits fiables et attractifs. C'est aussi de piloter leur insertion dans un nouveau système de transport mêlant de façon harmonieuse grâce aux outils de géolocalisation et aux télécommunications l'offre de transport collectif et une composante individuelle repensée. L'avenir industriel passe par la mise en oeuvre simultanée de composants techniques qui marient informatique embarquée, internet des objets, mécatronique, télécommunications à haut débit, logiciels performants. Les pôles de compétitivité, ou "clusters technologiques" ont ouvert le chemin. Il ne faut pas les abandonner maintenant !

Il est donc indispensable d'introduire dans les moutures ultérieures du plan de relance un vigoureux volet technologique, audacieux et innovant, qui permette tant aux grandes entreprises françaises qu'à leur écosystème de cotraitants d'inventer les produits et services du futur et d'en prendre le leadership européen.

Zoom, un livre fort...

Zoom Comment  l’industrie automobile a-t-elle pu sombrer aussi profondément dans le marasme et la médiocrité ? Pourquoi les compagnies pétrolières n’ont-elles pas préparé l’inévitable déclin de la ressource pétrolière ? Comment les politiciens n’ont rien vu venir et se sont accrochés désespérément au maintien du statu quo ? C’est aux Etats-Unis que ces erreurs ont été commises et ce sont les questions auxquelles tentent de répondre Iain Carson et Vijay V. Vaitheeswaran. 

Ce ne sont pas de dangereux provocateurs, mais deux brillants journalistes du très sérieux The Economist qui ont plongé au cœur de l’évolution parallèle des Big Three, General Motors, Ford et Chrysler et de Big Oil, les grandes compagnies américaines. Au-delà de ce bilan sans fard du déclin de l’alliance séculaire entre le pétrole et l’automobile aux Etats-Unis, et des profondes conséquences géo-politiques, ce livre ouvre de nouvelles perspectives pour l’industrie automobile mondiale et la recherche de nouvelles solutions énergétiques.

Leur credo est simple : le problème n’est pas la voiture, mais le pétrole. Et ils cherchent à en effectuer la démonstration la plus rigoureuse. Zoom, dont le sous-titre est « The global race to fuel the car of the future », publié en novembre 2007 sonnait le tocsin avant même que l’industrie automobile américaine, mais plus largement l’industrie automobile mondiale, ait totalement perdu ses repères. Aussi frappée que la banque par la crise, l’industrie automobile fait face à une double remise en cause : effondrement de ses ventes ( -38% en janvier 2009 aux Etats-Unis) ,crise de la demande compte tenu de la désaffection du consommateur américain pour les véhicules lourds et gourmands.

 Leur jugement est sans appel : « Les big Three sont devenues toutes de plus en plus faibles car elles n’ont pas accordé suffisamment d’attention aux nouvelles technologies, au développement de nouveaux véhicules innovants et au niveau de qualité de leurs produits», ce qui pour des industriels constitue une troublante accumulation d’erreurs. En se concentrant sur le seul marché lucratif des SUV (Sport Utility Vehicule), en multipliant de façon illisible pour le consommateur marques, modèles et réseaux, en blâmant la concurrence supposée déloyale de leurs compétiteurs japonais et coréens, les constructeurs américains n’ont pas vu venir la fin de leur monde, celui de l’addiction des américains au pétrole.


Toutefois les auteurs rappellent que les avertissements des crises précédentes n’ont pas été entendus. L’industrie a empoché 1,5 milliard $ de subventions fédérales sous Clinton, en 1993, avec la PNGV ( Parnership for a New Generation of Vehicles) dont sont issus trois concepts car sans lendemain industriel. Ils rappelent aussi que GM a lancé en 1996 un programme expérimental de véhicule électrique, l’EV1, assez concluant, mais qui a rencontré des problèmes de fiabilité avant d’être finalement arrêté. Les auteurs sont aussi sévères avec la politique pétrolière américaine. La seconde guerre mondiale a mis en évidence l’absolue nécessité pour les grands états de maîtriser leur approvisionnement en pétrole. Après cinquante d’exploitation de leurs champs domestiques, les Etats-Unis n’avaient dans les années quarante plus de réserve suffisante, ce qui a conduit leurs gouvernements successifs à sécuriser à tout prix leurs approvisionnements en pétrole du Moyen Orient par un accord de soutien militaire à l’Arabie saoudite, qui contient un quart des réseves mondiale connues, et aux états du Golfe. Cette addiction des Etats-Unis au pétrole, qui consomment 25% de la production mondiale de pétrole et près de 50% de la consommation d’essence, qui n’en payent pas le vrai prix, mais n’ont plus que 3% des réserves, est une constante de « l’Axe du pétrole ». Or cette dépendance géo-politique envers des partenaires fragiles et dont la fiabilité est suspectée est une grande faiblesse des Etats-Unis. 

On n’en mesure d’autant la portée, et la difficulté, des déclarations du président Obama qui veut « guérir l’addiction des américains au pétrole ». Si les Etats-Unis, leurs gouvernements comme leurs entreprises, tant automobiles que pétrolières, ont pu longtemps sous-estimer, voire railler, les menaces environnementales dues au réchauffement de la planète, s’affranchir des contraintes du Protocole de Kyoto et déclarer comme G. Bush que rien jamais ne fera changer le mode de vie américain, le désastre de la Nouvelle-Orléans en 2006 a commencé à faire changer l’opinion. Comme le 11 septembre, l’ouragan Katrina a été un révélateur de l’exposition des Etats-Unis à des menaces nouvelles et totalement ignorées . Seule une toute petite minorité californienne, aisée et adepte de la Prius avait jusqu’alors porté cette prise de conscience. Toutefois, le changement de culture est très lent et difficile. Ecrit en 2007, le livre met en évidence la persistance de compagnies comme ExxonMobil à nier la nécessité de réduire la place du pétrole dans l’économie américaine, son président, jusqu’en 2006, Lee Raymond déclarant que l’investissement dans les énergies renouvelables était« un complet gaspillage d’argent » . 

Toutefois, les auteurs ne se bornent pas à dénoncer le manque de vision des dinosaures de l’industrie pétrolière et automobile américaines, et leur alliance objective avec l’Arabie Saoudite. Ils analysent de façon complète les perspectives concrètes de changement. Leur première conclusion estque la rupture pourra venir d’Asie, les pays asiatiques ne pouvant pour leur développement suivre le même chemin « carboné » que les Etats-Unis. La question centrale est bien la capacité de la Chine, et de l’Inde , de s’affranchir d’un futur pollué et carboné par l’automobile à essence et les centrales électriques au charbon, pour faire le saut vers des technologies efficaces, novatrices et respectueuses des grands équilibres sans priver leurs populations des bénéfices du progrès matériel. L'issue de ce débat n'est pas facile à prévoir tant les contraintes socio-économiques qui pésent sur ces deux pays sont fortes. 
La rupture peut venir des Etats-Unis eux-mêmes, sur le modèle de la Californie qui a adapté des mesures sévères de réduction de la pollution automobile et où le républicain Schwarzenegger, qui n’a rien d’un vert natif, s’est toutefois converti à la logique environnementale par pragmatisme en même temps qu’il fait rouler son Hummer à l’hydrogène. Le front uni des lobbies commence à se lézarder, les menaces de Big Oil et des Big Three ne font plus peur, les activistes de l’environnement trouvent un écho auprès des venture capitalists qui voient dans l’environnement la prochaine vague de prospérité économique et les tycoons de la Silicon valley endossent sans nuance la croisade environnementaliste.

Sans faire de prédiction entre les technologies alternatives, électricité, pile à combustible, hyrogène, éthanol, qui prendront chacune leur part de marché avant que les techniques ne se restabilisent à nouveau dans une vingtaine d’années, et l'hydrogène reste un candidat crédible, les auteurs concluent que la course est cette fois bien engagée, que les solutions vont sortir des laboratoires et que la décennie 2010 sera celle du début de la transformation de l’industrie automobile. Ce livre synthétique et clair qui permet de comprendre que l’alliance historique entre l’automobile et le pétrole, qui non seulement a façonné le paysage américain, mais aussi conditionné la politique internationale pendant près d’un siècle, risque bien, cette fois de prendre fin.

La crise automobile de 2008-2009 et l’élection de Barrack Obama ne font que conforter les thèses des auteurs. La capacité de rebond des Etats-Unis est considérable et il ne serait pas surprenant qu’ils prennent le leadership de la nouvelle économie « verte ». Néanmoins, le fermier de l’Oklhahoma ne sera pas facile à convaincre…Images

Autres lectures sur le même sujet :
 - "L'économie hydrogène",  Jeremy Rifkin, La découverte, 2002
- "The Clean Tech Revolution", Ron Pernick, Collins Business, 2007
- "Hydrogène, l'avenir de la voiture", Pierre Beuzit et Laurent Meillaud, Archipel, 2007


Du bon usage du progrès...

J'appartiens, je le confesse, à cette catégorie de consommateurs passionnés que l'on nomme les "adopteurs précoces" ou "early adopters". J'ai toujours aimé me documenter sur les nouveautés du vaste domaine de biens de consommation électroniques. Cet exercice apporte le plaisir de comprendre et de suivre les évolutions techniques, qui repoussent les limites de ce que l’industrie est capable de relever comme défi. J’aime surtout cette excitation particulière qui consiste à explorer de nouveaux territoires et à découvrir de nouvelles sensations. Des images de plus en plus fidèles, un son de plus en plus réaliste, une capacité de création sans limite, avec le micro-ordinateur, puis de communication, grâce à internet, ont été pour moi à chaque étape à la fois un émerveillement technique et la source de grands plaisirs. La grande convergence entre l'informatique et l'électronique de loisirs, convertie au numérique, a été pour nous tous, "immigrants numériques", une formidable aventure qui nous permettait de "faire converger" nos passions. Nous n'avions plus à choisir entre l'informatique et la photographie, le son et l'image ! Depuis que j'ai vraiment commencé à m'intéresser, adolescent passionné d'image,  à l'innovation, au début des années soixante, ces motivations ont été suffisamment puissantes pour régulièrement, bien que raisonnablement, casser ma propre tirelire sous forme d’appareils photo, chaînes hi-fi, micro-ordinateurs et téléphones portables, passant aisément, et sans grand complexe pour un gadgetomane frénétique.  Que tous ceux de ma génération qui ont connu ces plaisirs l'avouent franchement sans se cacher !

Mais il faut aussi reconnaître au-delà du plaisir que ces objets nous ont considérablement aidés à travailler. Le micro-ordinateur et le web m'ont permis de décupler ma productivité personnelle, de travailler à distance, d'être en permanence informé et réactif. Je n’aurai jamais autant écrit, notamment les quatre derniers livres, sans internet. L'aventure du blog est le fruit direct de ces innovations.

Cet aveu devait être fait. Mais sans chercher à me disculper, je dois aussi dire que si la technique m'intéresse toujours autant, ce sont ses usages potentiels qui, aujourd’hui, me motivent plus encore... Nous avons déjà atteint un seuil de performance, de confort et de plaisir remarquable. Ceci ne va certes pas s'arrêter. Si on repousse sans cesse les limites de l’hyper-réalisme de l’image et du son, si on rend tous ces supports mobiles et interconnectés, en faisant disparaître tous ces fils qui nous encombrent, on aura sûrement plus de plaisir et d’émotion, mais progressera-t-on pour autant dans la résolution des grands problèmes de notre époque ?  

La réponse n’est certainement pas facile à faire émerger, tant les industries du contenant et celles du contenu progressent aujourd’hui de concert. Il serait particulièrement arrogant d'exercer a priori un jugement moral sur ce qui est bien et sur ce qui est futile. Non, la haute résolution de nos téléviseurs HD n'est pas un exercice inutile car les progrès rendus accessibles vont permettre de démocratiser l'imagerie médicale. Non, les réseaux de fibre optique à haut débit ne permettront pas seulement de regarder un match de foot en 3D, mais aussi de faire de la télésurveillance médicale et du co-design sur maquette numérique. Nous sommes entrés dans l’ère du « et » et nous avons cette infinie liberté qui est justement de ne plus devoir faire de choix. Encore faut-il que les usages ne se limitent pas à la sphère des loisirs pour vraiment s'attaquer aux problèmes de fond.

 

Avec mes amis, également à l'affût des innovations concoctées par les laboratoires de recherche des grandes firmes informatiques et électroniques, arpentant les immenses halls du centre du Convention center de Las Vegas, je me suis attaché à ne pas me laisser entraîner par le sens de la performance techniques mais surtout par la valeur d'usage. Qu'allons nous faire de tous ces objets intelligents que nos semblables imaginent sans cesse ?

Armé de cette ferme intention de ne pas me laisser illusionner par le mirage technique, je me suis concentré sur deux sujets qui indiscutablement, sans être exclusifs, vont façonner notre avenir collectif :

- comment les technologies de l'électronique, de l'informatique et de la communication vont-elles nous aider à résoudre le problème énergétique ?

- comment ces outils vont aider l'humanité à faire face à l'inéluctable vieillissement de la population de la planète, et pas seulement dans les pays industriels matures, mais aussi dans les pays neufs ?

Sur l'énergie, il est d'abord évident que l'industrie a pris conscience de sa responsabilité.  ce qui n'était qu'embryonnaire lors de ma précédente visite en janvier 2007 apparaît avec une éclatante visibilité. Tous les stands des grandes firmes démontrent les progrès de réduction de consommation d'énergie sont massifs et immédiatement accessibles avec les nouveaux produits. Partout les produits s’allégent et se miniaturisent utilisant pour être fabriqués moins de matériaux et produisant moins de volume et de poids pour être distribués. Les télévisions à tube cathodique apparaissent des monstres archaïques face aux écrans OLED. Il est clair que le renouvellement du marché des tubes cathodiques représente un formidable intérêt pour la consommation d’électricité mondiale.

Mais plus encore l’électronique et l’informatique vont être déployés pour apporter de l’intelligence dans la gestion de tous les appareils domestiques qui se développent dans  les maisons. La vraie finalité de la domotique sera bien de gérer de façon dynamique ces appareils en fonction des usages, du contexte climatique, du coût instantané du Kwh. Le réseau domestique intelligent contribuera directement à l’optimisation de la production électrique, s’intégrant dans un réseau global intelligent. L’offre commence à être abondante, d’autant plus que les fournisseurs ont commencé à harmoniser leurs normes pour assurer une complète interopérabilité. 

Sur les produits destinés à la santé, l’offre est en plein essor. Le but est d’aider le malade, ou la personne progressivement dépendante, à contribuer à son autonomie. En lui permettant de déclencher une série d'actes simples et d'en rendre compte à distance en centralisant les résultats en un point de contrôle unique, qui peut être le médecin généraliste, on apporte une réponse pratique aux contraintes de surveillance médicale. Se peser, prendre sa tension, son pouls, assurer une bonne observance de la prise de médicaments  sont autant d’actes qui peuvent être délégués sous surveillance et pour lesquels le praticien à distance saura tirer des enseignements et réagir en cas de besoin. Environ 80% des dépenses de santé sont consacrés à des maladies chroniques. Pour apporter un service fiable et de qualité à cette population aujourd’hui peu sensibilisée à la manipulation d’objets techniques, il faut admettre que se posent des problèmes sérieux de conception de ces matériels. La fiabilité, l’absence d’erreur de manipulation, l’ergonomie doivent être absolument irréprochables. L’industrie commence à relever ce défi, mais les premiers produits identifiés au CES 2009 ne sont que l'avant garde d'un marché considérable pour lequel l'imagination des concepteurs et des praticiens devra être sollicitée.

Alors, bien sûr, si l'image est de plus en plus belle, en relief, en hologramme, nous pourrons nous en réjouir. Mais si nous rendons, grâce à l'intelligence mise dans ces objets, notre planète plus vivable et si nous permettons aux hommes d'avoir une vie plus sereine et plus confortable, nous aurons fait oeuvre utile. 


Livres...

Des nouvelles du dernier...


L'avis du Guide Informatique

Hubert d'Erceville


Une passionnante synthèse épistémologique facile à lire


Jean Pierre Corniou est un très bon orateur, il a le sens du mot et de la formule. Mais c’est aussi un excellent rédacteur, tant sur le style que sur le fond, et un grand stratège. Dans ce livre sur le Web, il a su parfaitement éviter le piège de l’habituelle ritournelle de détail sur historique de l’arrivée du net tarte à la crème ou la liste ennuyante et laborieuse des dernières technos à la mode sur le social ou le participatif. Avec ce livre, il a réussi à concocter une passionnante synthèse épistémologique dans un langage accessible à tous.
Ainsi Jean-Pierre Corniou ne traite pas du phénomène Internet au niveau technique, comme beaucoup d’autres ouvrages. Il l’aborde par thématique, ceci afin de mettre en avant la place prédominante que le réseau a réussi à prendre dans tous les recoins de la société en seulement 15 ans. Car l’outil, devenu média, est désormais au cœur de toutes les activités humaines.
En 204 pages d’un style à la fois alerte et explicite, surtout facile à lire, Jean-Pierre Corniou mène la réflexion et donne le sens de l’arrivée du web sur terre en onze chapitres. L’impact est évalué aussi bien sur la démocratie que la consommation, la santé ou la sécurité, les modèles économiques ou la rencontre, la communication ou l’information. Tous nos repères sont changés.
Le livre est passionnant. Mais, arrivé à la dernière page, on regrette que Jean-Pierre Corniou n’ai pas pris plus de risques sur le sens général de l’évolution. Dans son dernier chapitre consacré au futur d’internet, il se contente d’énumérer quelques impératifs techniques de demain, comme l’informatique verte, le virtuel ou l’explosion des adresses IP. D’autres l’ont déjà fait. Seules, dans les deux dernières pages de conclusion, il nous livre ses sentiments profonds. « La conquête de l’autonomie de pensée et la liberté d’adhésion à des principes démocratiques communs risquent d’être aussi menacées par le libéralisme sans bornes, qui ouvre librement les portes du poulailler libre au renard libre, que par les totalitarismes affichés ». On aurait aimé en savoir plus.


Merci à Hubert d'Erceville pour son commentaire et cette invitation à aller plus loin dans la réflexion. C'est notamment l'objectif de ce blog qui doit permettre dialogue et enrichissement. 

Sans oublier les autres... 
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