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Autisme numérique ?

Pour l’ethnologue, ou peut-être plutôt l’entomologiste, le spectacle offert gratuitement par nos contemporains urbains est source d’étonnements qui ne manqueront pas de nourrir de nombreuses études socio-psycho-comportementales. Prenons le métro par exemple… On y observe une collection d’individus serrés les uns contre les autres, murés dans un silence total, et tous dotés de deux fils blancs rivés chacun dans une oreille et qui se perdent dans une poche ou un sac à main… Le regard est distant, absent, fixé sur un point imaginaire. Dans certains cas, ils/elles tiennent également à la main un boitier doté de boutons et d’un écran, sur lesquels ils pianotent avec une certaine frénésie. Très absorbés par ces tâches sûrement essentielles compte tenu du sérieux avec lequel elles sont accomplies, elles/ils sont étanches au monde extérieur, au risque de bousculer leurs voisins sans en être conscient ou de rater leur destination, ce qui crée cette fois une émotion visible suivant d’une brutale accélération vers la sortie.

On recherche vainement parmi cette population l’usage de ces larges feuilles de papier imprimées recto-verso, naguère appelés journaux, ou encore dans un format plus réduit des piles de feuilles reliées qui constituaient ce qu’on appelait des livres.

Le train est aussi un lieu d’observation riche. Là aussi, les deux fils reliés aux oreilles, ou peut-être directement à la boîte crânienne, sont très présents, mais souvent reliés à un boitier plus large doté d’un écran sur lequel défile des images animées. Chacun est assis face à cet écran qui est leur seul interlocuteur, au moins autant que durent les batteries qui fournissent le son et l’image.

La rue révèle aussi les comportements de nos contemporains. Tout en se déplaçant d’un pas hâtif, le « ruErbain» avec les mêmes écouteurs dans les oreilles, pianote frénétiquement des deux pouces sur le clavier de son téléphone sans se soucier des autres utilisateurs de la rue, ce qui provoque des manœuvres d’évitement dignes des plus beaux ballets contemporains. Cet exercice de souplesse articulatoire a pour but d’envoyer un texte à la personne que l’on vient de quitter ou que l’on va rencontrer dans les minutes qui suivent. On appelle ceci des SMS ( pas très éloigné de SOS), mode de communication qui a permis d’inventer un langage écrit d’une grande simpli6t. mais au fond pour écrire "T ou ?", la richesse syntaxique est peut-être superfétatoire. Certains poussent même le luxe de téléphoner juchés en équilibre précaire sur un deux-roues non motorisé, un vélo, dont la maîtrise récente n’est encore qu’approximative, et bien évidemment simultanément branché sur la dernière musique à la mode…

L’historien expliquera sûrement que ces symptômes visibles d’une pratique étrange se sont ensuite développés largement et n’étaient que les prémices d’un vaste mouvement qualifié plus tard d’« addiction numérique », qui non seulement concerne la musique et la vidéo numériques, le téléphone portable, mais aussi l’amour compulsif pour les jeux vidéos ou tout simplement la fascination pour cette nouvelle lucarne sur le monde qu’est Internet..

Ces observations appellent dès maintenant quelques conclusions provisoires sur ce début de XXIe siècle.

- le trajet domicile travail est ennuyeux, s’allonge avec la cherté du logement en centre ville, et représente un temps vide, inconfortable, dénué de sens, qu’il faut meubler de stimulants distractifs ou anesthésiants
- le voisin n’est pas une source d’intérêt suffisante pour justifier un échange direct sans intermédiation numérique
- la communication de proximité immédiate est toujours moins attractive que la communication avec des personnes invisibles
- la musique, ou peut-être seulement le son, a pour fonction de couvrir les bruits environnants et de fournir une couche protectrice contre les agressions de l’environnement, transport, travail ou voisin de bureau
- il y a un formidable marché pour les sources d’énergie mobiles, légères et durables
- les prothèses auditives ont un bel avenir
- le zapping peut rendre idiot
- de nouvelles traumatologies numériques sont à craindre. Nous avons vu que le GPS pouvait être mortel, pourquoi pas aussi le baladeur numérique ?

Au fond, que faisait-on dans les transports en commun avant l’iPod et le téléphone portable ? Il ne faudrait pas que la révolution de l’usage, dont on vante sur ces lignes les mérites libératoires, n’invente de nouvelles dépendances qui sous prétexte de temps réel détruisent la notion de temps en compromettant la construction d’un environnement conscient. La technologie doit rester sous contrôle ! L’homme doit conserver en toutes situations la lucidité qui va lui permettre de maintenir et même, pourquoi pas, de développer son libre arbitre afin d’être adulte, autonome et responsable sans qu’il soit indispensable que les « réglementeurs » ne soient contraints d’intervenir pour faire leur travail parfois incontrôlé de salubrité publique…


La gouvernance des SI, une quête toujours fragile

Le manque de gouvernance des systèmes d'information demeure, à travers le temps, une anomalie trop fréquente. Pourtant les choses pourraient et devraient véritablement commencer à changer comme ce fut le cas pour les outils de la qualité totale qui ont fini par s'imposer naturellement dans le fonctionnement des entreprises !

En effet, les concepts sont maintenant bien connus, les outils ont acquis une notoriété suffisante pour être accessibles et supportés par un nombre croissant de personnes formées. Le besoin est de toute évidence constant et reconnu par tous les dirigeants, qui ne cessent de se plaindre du manque de performance des systèmes, de leur coût trop élevé, de leur opacité, de leur anachronisme... mais traduisent rarement leurs frustrations dans une politique suivie et robuste. Pourtant les systèmes d’information et les outils informatiques qui les supportent ont pris dans notre société une importante cruciale et le développement fulgurant de l’internet qui réunit en un seul réseau mondial les entreprises, leurs clients et leurs fournisseurs, impose une régulation et une vigilance constantes pour livrer les performances attendues au quotidien et permettre les indispensables transformations des organisations.

Toutefois, cette place majeure n’a pas été encore accompagnée d’une maturité suffisante dans le management et dans les outils de contrôle des SI. Il est admis qu’entre 30 et 40 % des projets systèmes d’information échouent et l’informatique est encore en 2007 régulièrement l’objet de critiques sur ses coûts et son manque de fiabilité. En même temps, la dépendance des entreprises envers leur informatique ne cesse de hisser le niveau d’exigence tant dans la gestion opérationnelle au quotidien que dans le choix des investissements et leur pilotage. La maîtrise des coûts est une contrainte qui ne doit pas être accompagnée d’une dégradation de la qualité de service ni un retard de l’entreprise ou de l’organisation dans son déploiement stratégique.

C'est pourquoi on ne peut que s'étonner - c'est un understatement... - du décalage qui subsiste entre le niveau d'ambition et la réalité du contrôle sur les décisions qui tissent chaque jour la cohérence et la performance du système d'information. Aussi, il faut de nouveau insister sur la nécessité de doter la fonction informatique et systèmes d’information d’un modèle de gouvernance efficace. C'est une décision d'entreprise que le DSI doit faire émerger et instrumenter. Cette logique est incontournable pour les managers de la DSI, et de façon plus large, pour chaque entreprise ou organisation quelque en soit le métier ou la taille. C’est à la fois une obligation de bonne gestion interne, mais c’est également répondre à une contrainte externe que la loi américaine Sarbanes-Oaxley a établi comme référence dont les régulateurs nationaux s’inspirent sous des formes diverses.

Or la gouvernance impose une discipline collective fondée sur le partage d’outils d’analyse, de décision et d’action. La gouvernance vise à répondre à une demande de clarification des relations entre acteurs et de transparence des décisions. Ce souci émane bien sûr des directions générales qui souhaitent être rassurées quant à la bonne exploitation des ressources de l’entreprise dans les technologies de l’information, mais aussi des actionnaires qui prennent consicence de la vulnérabilité d'une entreprise dont le système d'information n'est plus compétitif. Les directions utilisatrices et des informaticiens en attendent également les conditions d’un dialogue serein sur l’évaluation des performances et la recherche d’une meilleure efficacité. Enfin, les régulateurs publics ont compris les enjeux de la transparence des systèmes et ne cessent de hausser leur niveau d’exigence.

Aussi si la gouvernance des systèmes d’information est de mieux en mieux acclimatée en France, les termes désormais familiers – CoBIT, ITIL, CMMi…- résonnent plus comme des slogans que comme des outils familiers et opérationnels. En effet la compréhension de ces outils reste encore insuffisante et, de plus, la gouvernance ne se limite pas à leur simple déploiement.

Rappelons à nouveau que le cadre de référence doit permettre de garantir simultanément :
- une meilleure évaluation de la performance des SI
- une gestion des ressources des SI plus efficace
- une gestion des risques plus pertinente
- une amélioration de la valeur des services de l'entreprise par le biais de ses SI
- une meilleure adéquation des SI à la stratégie de l'entreprise.

Certes ceci paraît à la fois banal et simple. Mais compte tenu de la diversité des métiers de l’informatique, de leurs rythmes d’évolution différents, des degrés de maturité entre différents pays, il n’existe pas encore un cadre unique de référence, mais de multiples outils entre lesquels il peut apparaître difficile de faire un choix pertinent car chacun ont leurs propriétés mais laissent apparaître des lacunes comme génèrent des redondances. La dernière version de Cobit ( 4.1) se donne comme ambition de devenir le référentiel global qui recouvre toutes les autres... mais il faut reconnaître que son maniement implique un investissement qui rebute parfois les DSI.

Le CIGREF (http://www.cigref.fr ) conscient de cette situation vient de mettre en place une outil d'autodiagnostic, le baromètre de la gouvernance des SI, qui vise de façon simple et pragmatique à développer une vision globale de la gouvernance entre tous les acteurs. Indiscutablement simple et astucieux, cet outil répond au besoin de rendre tangible et partagée la notion de gouvernance que les grands référentiels, dans un souci louable d'exhaustivité, ont fini par rendre complexe et éloignée des préoccupations courantes des acteurs. C'est un excellent moyen de valoriser les initiatives existantes et de déclencher un intérêt réel pour aller plus loin dan sla démarche de gouvernance.

Il ets évident qu'appliquer à l’informatique dans l’ensemble de ses composantes des règles de bonne gestion et de transparence donne confiance aux acteurs de l’entreprise sur la pertinence des objectifs et sur l’adaptation des moyens engagés à ces objectifs. La gouvernance permet d’apporter une réponse instrumentée sur la stratégie informatique, les investissements, la qualité de service, la gestion des projets, la maîtrise des risques, la qualité de formation et la motivation des personnels, la politique d’achats et la performance des fournisseurs… Ce n'est pas un luxe, mais une oblgation qu'il faut rendre accessible, naturelle et efficace. L'initiative du CIGREF devrait largement contribuer à cet objectif.