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Sottisier : le GPS mortel

Depuis le drame de la descente de Laffrey, la presse répète que le jeune conducteur aurait suivi les indications de son GPS qui l’aurait entraîné dans une pente dont on peut vraiment reconnaître qu’elle fût fatale. « Le chauffeur 22 ans, décédé dans l'accident, pourrait avoir été abusé par son GPS qui lui indiquait l'itinéraire le plus rapide pour rejoindre l'autoroute ». Certes depuis vingt ans, avant et sans GPS, de graves accidents se sont produits au même endroit . Mais invoquer les forces supérieures et incontrôlables de la technique donne du piment à l’affaire. Le « GPS m’a tuer » fait un titre plus racoleur que « un conducteur imprudent engage son véhicule dans un itinéraire interdit à la circulation… ». De même il est commode d’incriminer le dispositif électronique de régulation de vitesse plutôt que la maladresse, l’ignorance, voire la malhonnêteté d’un conducteur…

Il y a quelques mois, dans le contexte également dramatique des suicides du technocentre de Renault , un délégué syndical affirmait « Cette montée en puissance de la place de l'intranet représente in fine des risques pour des salariés au bord de la rupture, du fait du stress généré par une pression tout aussi grandissante sur les objectifs. L'interlocuteur de référence est devenu le poste de travail »* .

Ces déclarations font porter sur le progrès technique, incarné dans un portail intranet ou un GPS, la responsabilité d’actes dramatiques commis par des personnes fragilisées ou simplement incompétentes. L’ordinateur, internet, sont ainsi présentés comme des outils anxiogènes voire criminogènes. Il est bien connu que la bêtise, la malhonnêteté, la violence, le désespoir, les crimes sexuels ont été inventés au XXe siècle par John von Neumann, Tim Berners-Lee et leurs émules.

La recherche de causes exogènes dans l’explication d’actes dramatiques, erreurs humaines ou gestes désespérés, a toujours été une tentation rassurante. Le fait de considérer que les technologies de l’information sont LA cause de ces comportements est devenu une habitude journalistique malsaine qui nuit à l’éducation collective qui, au contraire, devrait développer une meilleure compréhension des enjeux et des risques. La technique et l’homme entretiennent depuis toujours des relations complexes. Quand il ne s'agissait "que" de développer des prothèses musculaires comme la machine à vapeur, le moteur à explosion ou l'électricité, l'homme pouvait commettre des erreurs mais au fond la machine ne prenait pas le pouvoir. Aujourd'hui l'informatique touche quelque chose de plus intime : l'intelligence et la conscience. Et le fantasme du robot vengeur est bien présent. L'idée que l'ordinateur pourrait se substituer à l'homme pour prendre des décisions fait très peur. Il ne faut pas l'écarter mais en prendre la mesure. Il est clair que c’est l’homme qui doit avoir le dernier mot. Il faut qu'il s'en donne les moyens, sans excuse ni prétexte.

Il ne peut y avoir de vrais progrès sans conscience, sans lucidité, sans compétence. Les concepteurs des outils doivent intégrer la fragilité potentielle de leurs utilisateurs. Ceux-ci doivent sans cesse progresser en compétence et considérer que la technique doit être à leur service en toutes circonstances et qu’ils doivent en acquérir le contrôle par la formation… ou la simple lecture du mode d’emploi. Rien ne remplacera jamais l'écoute, la chaleur du contact, l'attention d'un parent ou la sensibilité d'un collégue ou d'un supérieur hiérarchique dans la compréhension des inéluctables tensions et incertitudes qui peuvent saisir tout individu. Rien ne remplacera la formation initiale et continue, ni une information efficace et impartiale, pour renforcer la connaissance du monde et de ses outils et en promouvoir le meilleur usage.

Ce sont ces bonnes pratiques qu’il faut encourager pour monter le niveau de lucidité et d’expertise. Brocarder de façon poujadiste le progrès technique n'est que sottise et irresponsabilité.


Vacances

Saisi à la machine à café (ou presque !) :
- Ouf !!! Nous y sommes enfin. Cette année c’était encore plus interminable que d’habitude, tu trouves pas ? Puis avec les élections, ce printemps pourri, la flotte en overdose, on a perdu nos repères, on se croit en octobre, c’est le week-end de Toussaint qui vient, non ? Pas de blague, cette fois c’est bon, encore deux jours et vendredi je me casse en Grèce ! Imagine : décrocher du bureau, fuir la ville, oublier les clients (ceux-là !), le boss et ses idées de réforme, la Corp et le reporting, s’exiler hors de l’espace contraint de la vie moderne pour retrouver les parfums d’authenticité de la nature sauvage et des sociétés traditionnelles….
- Ouais, super, je vois bien le tableau… La mer étincelante, le rosé frais sous l’ombrage, les deux allemandes de la table d’à-côté qui te regardent en gloussant, le poisson à peine sorti de la mer grillé sous tes yeux,… Et puis quoi, tu rêves ! Nous sommes au XXIe siècle, mon grand ! C-o-n-n-e-c-t-é-s, qui disent ! ATAWAD, j’ai même lu ça dans les blogs… Je ne sais plus ce que ça veut dire, en gros on est toujours branché avec un appareil, téléphone, ou même maintenant ordinaphone, ils inventent n’importe quoi ! L’autre jour j’étais à la caisse du Monop, il y avait une nana qui racontait ses amours en direct live au téléphone. Mieux qu’à la télé réalité. Tu as vu qu’on va même y avoir droit dans les avions, le seul endroit au monde où on était obligé par la loi de se couper du réseau. Déjà que les mémés nous cassent les oreilles dans le TGV…
- Allez, du calme, je reconnais bien le vieux technophobe post-soixante-huitard pré-Sarkozien qui sommeille en toi ! Avoue que c’est bien ces petit objets… Légers, puissants, on peut demander à sa copine « T’es où ? » dans le monde entier !
- Léger… Tu vas voir quand tu auras fait ta valise ? Faisons un petit inventaire… Bon, tu prends ton Blackberry ? Oui, bien sûr… Alors n’oublie pas son alimentation. Tu prends ton réflex numérique ? C’est les vacances,non ? Alors prends ta batterie de secours, ton alimentation pour recharger tout ça, tes nouveaux objectifs ( quand je pense qu’avec les compacts numériques ou les bridges on était débarrassés des objectifs interchangeables…) , et la caméra vidéo HD.. C’est une Sony, non et ton réflex un Nikon, bien sûr, monsieur a eu ses bonus.. Mais tu auras deux alims différentes… Et qu’est ce que tu vas faire des milliers de photos de Grèce que tu vas prendre ??? Et bien tu vas prendre ton ordinateur portable pour les charger et les regarder le soir… et transférer tout ça aux copains au cyber café. T’y coupes pas ! Et les bons câbles qui vont avec, fais gaffe c'est toujours très compliqué les "standards", et bien sûr son alimentation propre…. Alors combien de blocs d’alimentation, ça fait quatre, non ? Et tu es sûr qu’en Grèce ils ont le même standard de prise électrique ??
- Tu rigoles, c’est l’Union Européenne !
- Comme l’Angleterre ! Et puis je suis sûr que tu auras besoin des manuels de ton nouveau Nikon et de ta caméra vidéo.. Rajoute les, au cas où tu aurais oublié comment changer la carte mémoire ! Et puis c’est peut-être le bon moment de comprendre une bonne fois pour toute Photoshop, je te trouve un peu faible là-dessus, on en parlait à la cantine l’autre jour et franchement tu nous déçois. Excel, ça va, mais c'est ringard. Photoshop c'est indispensable à l'ère du Web 2.0.
- Ouais, là, tu me fais penser à un truc…Je ne suis pas sûr que d’avoir le bon abonnement téléphonique avec la boîte pour la Grèce, tu sais ils comptent tout au millimètre, je me demande si je ne vais pas prendre mon téléphone portable perso…
- N’oublie pas ton chargeur ! ET puis il y a un truc ancien et qui marche sans courant...
- Tu rigoles, c'est quoi ?
- Un livre...


De l'éloge de l'externalisation

(Attention, texte susceptible de modifications)

Les rencontres d’Opio rassemblent depuis 18 ans la communauté informatique française entre montagne et mer, Alpes et Méditerranée. Ainsi DSI d’une part, et dirigeants des SSII, éditeurs, constructeurs, cabinets de conseil, opérateurs de services télécommunications, d’autre part, réfléchissent ensemble en oubliant pour un temps leurs préoccupations de court terme et font studieusement converger leurs points de vue pour dégager des tendances et pratiques touchant aux missions et responsabilités de leurs métiers. Dans ce qui ne pouvait paraître au début qu’une réflexion plutôt fermée, voire corporatiste, sur les contingences propres au milieu de l’informatique, le monde en général est venu brillamment s’inviter grâce à des conférences extérieures, choisies généralement avec beaucoup d’à-propos. De grands témoins ouvrent ainsi des perspectives que les questions récurrentes sur l’avenir du DSI, l’insuffisance des compétences, qualitative comme quantitative, pour l’année n+1, l’ingratitude des dirigeants et des utilisateurs pourraient tendre à sous-estimer. Car, au-delà des grandeurs et vicissitudes d’un métier qui rassemble en France plus de 400000 personnes, population qui, en 2012, dépassera celle des agriculteurs, l’information ne concerne plus les seuls informaticiens et se trouve de fait au cœur de l’histoire.

Replacer l’information dans une perspective de long terme, avant et après l’informatique telle qu’on l’identifie aujourd’hui, ne peut qu’insuffler à cette communauté hauteur de vue, vision et enthousiasme.

Ainsi, cette année, Michel Serres est venu dans une conférence dont la simplicité du propos et le naturel de son auteur auraient presque pu faire oublier l’intelligente profondeur. Michel Serres entreprit en une heure d’éclairer la place de l’information dans l’histoire du monde, en en replaçant les étapes clefs dans ce qu’il appelle « le grand récit » qui couvre en grandes étapes claires, du Big Bang jusqu’à nos jours, les axes majeurs de notre destinée.

Précisant que la grande découverte de la science contemporaine est que tout être vivant produit, émet, reçoit, stocke de l’information, Michel Serres rappelle que la première forme sophistiquée de traitement de l’information est la parole. Sortant de la forêt en se dressant sur ses membres inférieurs pour explorer l’espace ouvert de la savane, Homo Sapiens libère ses membres supérieurs de leur fonction de support et de traction, et sa bouche de sa fonction de préhension des aliments pour se donner les moyens de conférer à ces outils dépossédés de leur finalité initiale de nouvelles fonctions supérieures : la main va devenir un instrument de précision exceptionnel et la bouche va servir à produire et véhiculer le langage qui est le principal facteur de différenciation de l’espèce humaine. Homo sapiens n’a pas eu pendant des millénaires d’autre outil de traitement de l’information que la communication orale.

La seconde étape clef du développement de la société de l’information a été la révolution de l’apparition de l’écriture en Mésopotamie, à Sumer, au 7e siècle avant JC . L’écriture, d’abord figurative (hiéroglyphe) puis abstraite ( alphabet grec) permet de stocker l’information sur un support plus pérenne que l’humain qui en était le seul détenteur: pierre, bronze, papyrus… Tout change alors. Les conséquences sont immenses. Les villes sont de plus en plus importantes avec un état, une politique et un droit qui peuvent s’écrire et se transmettre de façon stable comme dans le Code d’Hammurabi.
Trois transformations majeures déclinent l’apport de l’écriture : l’utilisation de la pièce de monnaie, qui remplace le troc, l’apparition de la science à travers la géométrie et le monothéisme des religions du livre.

Nous avons changé de support de l’information. Et nous avons inventé la pédagogie pour apprendre à transmettre. L’écriture marque ainsi la charnière entre l’histoire et la préhistoire.

La seconde révolution est l’invention de l’imprimerie au XIVe siècle : le livre imprimé remplace (et met au chômage) les trente-mille moines copistes. Une nouvelle phase d’essor économique et urbain en ressort. La science moderne nait avec l’imprimerie. L’ironie de l’histoire est que l’impression de la bible contribue à la coupure entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Pour les hommes du Nord, tout homme est pape avec une Bible à la main, et peut donc se passer de la férule romaine.
Avec le livre imprimé naissent de nouvelles universités et un nouveau savoir. L’homme s’affranchit de ses tutelles, de ses croyances, de ses peurs, il apprend à exprimer autre chose que les dogmes et invente la liberté de conscience. La lecture permet de fabriquer un nouveau imaginaire et d’explorer de nouveaux territoires de savoir.

Nous nous sommes aujourd’hui face à une révolution de même nature, mais encore plus ample et plus rapide compte tenu des moyens techniques considérables dont nous disposons grâce l’informatique et aux télécommunications. Tout change : la ville, la politique, la science, et donc la pédagogie. Bientôt la moitié de la population de la planète vivra dans les villes.

Une des conséquences inattendue de l’internet est le bouleversement de la relation à l’espace. La maîtrise des territoires avait conduit à ce que chaque individu soit doté d’une adresse qui s’inscrit dans un espace physique, métrique, cartésien, défini par des coordonnées, découpé en pays, département, ville, rue. Le monde de l’adresse est aussi celui des concentrations physiques : bibliothèques, musées… Avec une adresse, on peut retrouver tous les délinquants, le droit comme le pouvoir s’expriment dans un territoire physique.
Or l’adresse dans la société de l’information renvoie aujourd’hui à un espace immatériel : adresse électronique + téléphone portable. L’adresse électronique ne se réfère plus à aucun espace. C’est un code dans un espace non repérable métriquement, topologique sans distance.
L’humanité n’habite plus le même espace : quel type de droit va-t-on adopter ?? Comment va-t-on faire ? La toile est devenue un espace de non-droit

La révolution de l’information bouleverse également les processus cognitifs. Au moment de la tradition orale, on stockait l’information dans la mémoire, et il n’y avait pas le choix. Ceux qui récitaient les textes avaient de la mémoire, Au moment du passage à l’écriture, on perd la mémoire qu’on transmet au livre. La fonction mnémonique est passé dans l’écrit et a libéré de la place en mémoire pour de nouveaux usages. La tête bien faire remplace la tête bien pleine.

Avec l’informatique et internet, la transformation touche tous les éléments de la connaissance. On est condamné à devenir intelligent : le savoir classique n’est plus important car tout est accessible instantanément . Le livre est de l’information morte, alors qu’Internet donne une réponse immédiate de la mémoire des autres et de la sienne. Avec Wikipedia au bout des doigts, on change de type de connaissance.

Le passage de l’arithmétique à la géométrie était une nécessité pour déverrouiller le système cognitif. Le calcul était tombé en désuétude… L’histoire des mathématiques est une concurrence sans fin entre le calcul et la démonstration. Or le XX e siècle consacre la victoire du calcul. C’est une revanche du calcul contre la modernité de la géométrie.

On pensait que les facultés cognitives étaient à l’intérieur du sujet pensant : j’ai de la mémoire, je sais traiter l’information, ce sont mes facultés intellectuelles.
Or ces facultés qui étaient celles du sujet sont sorties de la personne et se retrouvent dans des machines.
Nous externalisons sans arrêt nos fonctions corporelles : le sein avec le biberon, la main avec le masse, puis le marteau, les jambes avec la roue… Les outils appareillaient du corps. Nous n’avons jamais externalisé que des fonctions dures pour décupler nos forces physiques.
Nous externalisons maintenant des fonctions douces , on passe du subjectif à l’objectif.
L’univers des outils est une externalisation de notre corps. C’est de l’exo-darwinisme.

L’histoire démontre que quand l’homme décide de confier une de ses fonctions à une structure spécialisée, il libère de l’énergie pour s’attaquer à la résolution de problèmes plus complexes et plus fondamentaux. Ce qui est d’abord vécu comme une perte se révèle en fait une libération.

On voit bien tout le parti que l’ou peut tirer de cette réflexion en l’appliquant aux métiers de l’informatique. L’externalisation de l’informatique d’entreprise, confiée à des professionnels, libère de l’espace pour se consacrer à des missions plus centrales, plus créatrices de valeur.

L’information a façonné notre histoire. Il est clair que ce n’est qu’un début, et que les outils « technologiques » ( ceux qui parlent de la technique) à notre disposition ne peuvent que nous entrainer dans des nouveaux chemins encore inimaginables tant la combinatoires des sciences et des innovations, elles-mêmes en croissance exponentielle, ouvre des espaces infinis.

La sagesse de Michel Serres, en nous ramenant à ca qui caractérise aussi l’homme, la conscience, est de conclure sur un message humaniste en forme de pied-de-nez à la science habituelle : on a mal traduit « philosophie » ! Cela ne veut pas dire « amour de la sagesse », mais plutôt « sagesse de l’amour »…

Michel Serres est un de nos hommes de science français parmi les plus éclectiques. Il entre à l'École navale en 1949, puis à l'École normale supérieure en 1952, où il obtient l'agrégation de philosophie en 1955. En 1968, il obtient un doctorat de lettres. Il est professeur d'histoire des sciences à l'Université Stanford depuis 1984. Il a été élu à l’Académie française le 29 mars 1990.


L'ordinaphone

Avec son sens aigu du marketing, Steve Jobs s’est offert le luxe de lancer deux fois son dernier produit phare. D’abord en janvier 2007 lors de son show annuel du MacWorld à San Francisco, puis en dramatisant savamment la date du vendredi 29 juin où le déjà fameux iPhone a enfin été livré aux premiers clients américains au terme d’une mise en scène accomplie qui a vu les passionnés camper plusieurs jours devant les boutiques Apple. Cet art va même jusqu’à mobiliser dès maintenant les media européens, qui n’hésitent pas à en faire leur première page, alors que le lancement de l’iPhone ne sera opéré qu’en fin 2007, au mieux, en Europe. On peut donc penser que cette vague médiatique augure un troisième lancement spectaculaire lors de l’apparition de l’objet sur le marché européen.

Quand Apple lance avec tant d’emphase un nouveau produit, il s’agit de créer un choc afin d’ouvrir un nouveau marché par un produit révolutionnaire. Or l’iPhone arrive sur un marché immense et déjà encombré où se vendent plus d’un milliard d’unités par an. C’est un marché mature dans les pays développés, avec en moyenne près d’un appareil par personne, très concurrentiel et occupé par des marques bien installées et confrontées à une compétition féroce et à des restructurations permanentes. Même Motorola a annoncé 230 millions $ de pertes au premier trimestre 2007 avec des ventes stagnantes ( 45 millions d’unités pour le trimestre) pour sa division mobiles. De plus les caractéristiques fortes de la marque Apple, ergonomie et esthétique, sont déjà bien représentées dans les marques leaders. Technophiles et fashionitas ont assuré le succès du RAZR chez Motorola, mais aussi chez Nokia, le N95, LG avec son Prada ou RIM dont le Blackberry Pearl est déjà un « must ».

En dehors de la « jobsmania » qui rassemble de façon rituelle les fidèles de la marque, qu’est ce qui donne donc à cet « événement produit » un éclat si particulier ?

En premier lieu, il faut admettre que les fonctionnalités de l’iPhone ne sont pas résolument nouvelles. Il s’agit vraiment d’un téléphone classique permettant de satisfaire ce besoin trivial d’échanger oralement avec ses semblables. L’iPhone intègre dans un même boitier élégant cette fonction téléphone –assez basique d’ailleurs dans sa première livraison en 2,5 G- , un appareil photo numérique de 2 Mpixels, définition qui est déjà largement répandue et dépassée, et un iPod, appareil qui a donné à la musique numérique son essor mondial, en se vendant à plus de 100 millions d’exemplaires en cinq ans. Mais le marché du téléphone représente des volumes encore plus considérables. Le modèle fétiche de Motorola, le Razr, n’a mis que 18 mois pour atteindre 100 millions de ventes. Steve Jobs a donné à son nouveau né des ambitions modestes, 10 millions d’exemplaires d’ici fin 2008, dégageant une forte marge pour un prix de vente de 499 à 599 $, mais ne représentant qu’un pour cent du marché mondial. Malgré la fascination pour la marque, les risques de déconvenue sont forts face à cette machine coûteuse, liée exclusivement à l’opérateur AT&T avec des contrats de deux ans au prix élevé de 60 à 100 $ par mois. De plus le marché téléphonique est largement dominé par les opérateurs qui ne font pas vraiment de cadeaux aux fabricants de matériel, surtout Apple qui domine déjà le marché de la musique en ligne. Les opérateurs ne semblent pas accueillir avec enthousiasme ce nouveau venu ambitieux qu’est Apple qui contrarie leurs ambitions comme Orange avec son portail Orange World, mais les faits sont têtus et il faudra bien négocier.

La vraie originalité de l’iPhone ne réside pas vraiment dans les fonctions classiques, mais dans la présentation de l’appareil, son ergonomie et l’intégration des fonctions pour lesquelles la marque dispose d’un savoir-faire incomparable. C’est un boitier de 11 mm d’épaisseur, doté d’un large écran tactile de 9cm, sans touche ni bouton, mais avec un clavier virtuel. On navigue avec le doigt entre les fonctions, comme le montrent à l’envi les vidéos de publicité diffusées sur le net. Et derrière cette ergonomie, protégée par de multiples brevets, 200 dit-on, tourne le système d’exploitation de la famille des ordinateurs Apple, Mac OS X. Et c’est véritablement là que la révolution se dissimule. La plupart des téléphones utilisent un logiciel spécifique, lointain héritier des défunts Psion, désormais produit par la société Symbian, ou une version de Windows de Microsoft, Windows mobile, que Microsoft a eu beaucoup de difficulté à imposer sur le marché de la mobilité. Avec Mac OS, l’iPhone est en fait un ordinateur complet qui remplit toutes les fonctions habituelles attendues de ce type de machine. Il permet notamment d’utiliser naturellement Internet avec son navigateur Safari intégré et WiFi.

Or c’est l’usage d’internet qui représente la véritable déclencheur d’un changement dans le marché de la téléphonie mobile comme outil de substitution à l’ordinateur. C’est une fonction qui reste difficile à mettre en œuvre malgré les efforts pour en faciliter l’accès, comme dans Yahoo Go ! Or les chiffres du marché montrent que la population mondiale qui a acheté en 2006 1 milliard de téléphones mobiles contre 250 milllions de PC, dont 70 millions de portables, a de fait élu le téléphone portable comme support de communication favori. Toutefois, cet appareil serte encore essentiellement à … téléphoner, mais aussi à échanger du texte sous forme de SMS, les usages web étant encore peu adoptés par le grand public. Il reste à en améliorer les performances ergonomiques pour en faire un outil universel permettant de communiquer par messagerie ou par la voix, de produire et échanger textes, images et données sans être limité, comme avec un PC, par le poids, l’encombrement et les contraintes d’usage, comme le temps de démarrage. ABC, "always best connected", cet outil doit ausis permettre de s'affranchir des fastidieuses procédures de connection pour être relié sans limitation aux réseaux les mieux appropriés.

Et si, au-delà de son aspect mode destiné aux « early adopters » technophiles et aisés, l’iPhone n’était que le prototype de « l’ordinaphone », objet de synthèse multi-usages dont nous rêvons tous après avoir tout essayé sans vraiment trouver une satisfaction complète depuis une décennie ? On parle déjà d'un iPhone 2, avec GPS, Wimax, capacité de connection de proximité ( NFC) pour actionner des automates et payer... Vous en rêviez, Steve va le faire sans aucun doute si au-delà des 500000 iPhones écoulés en un week-end le succès s'installe durablement !