Previous month:
mai 2007
Next month:
juillet 2007

L'informatique professionnelle dépassée par les innovations grand public ?

L’informatique est omniprésente dans la vie quotidienne et personne ne le sait. Les jeunes qui téléphonent, jouent sur leur dernière PS3, chatent, écoutent de la musique sur leur iPod, piratent "naturellement" les films ou les produisent pour impressionner leurs copains sur YouTube n'ont certainement pas la sensation de "faire de l'informatique". Les passionnés qui tournent des films vidéo ou simplement accumulent sur leur disque dur les photos numériques de vacances ne se reconnaissent pas comme des utilisateurs informatiques. Chaque foyer occidental, et dans les zones les plus avancées de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, détient maintenant une vingtaine d'objets électroniques servant à produire, stocker, échanger des informations numériques. Et le monde professionel leur paraît terne par rapport à cette palette chatoyante!

Cette réalité bien installée, qui conduit les terriens de tous les pays à communiquer sous forme numérique tout en ignorant les prouesses techniques qui ont rendu ces gestes si simples et si économiques, bouleverse la perception de l'informatique. Si les outils qui accompagnent les gestes quotidiens ne sont pas perçus comme des "objets informatiques", l'informatique d'entreprise se trouve à nouveau cantonnée dans le cénacle limité des professionnels de l'informatique. Or l'innovation ne se développe plus assez vite dans ce monde et l'ignore ou le contourne ce qui conduit tous les professionnels désormais à poser de sérieuses questions sur leur rôle et leur avenir face à l'invasion de ces outils qui tout ou tard vont "contaminer" le monde des entreprises.

Si tous les acteurs sont concernés par cette révolution, qui va changer leur rôle, elle n’est évidemment pas sans incidence sur la mission et l’image du directeur des systèmes d’information qui incarne depuis trente ans la légitimité de l’informatique professionnelle en entreprise.

Aujourd’hui la surprise, le rythme et l’innovation proviennent de l’informatique grand public, qui poussée par l’essor du multimedia et du web, offre un visage avenant et sans cesse renouvelé d’une informatique conviviale et désirée. Ce visage, ce sont les jeunes de la génération Y qui vont le propager en entreprise. Pour eux, Google Apps ou le pingouin Linux sont infiniment plus cool que SAP ou Microsoft, soudain frappés de vieillissement prématuré !

L’informatique professionnelle, en revanche, porte le poids de son passé, tant dans ses infrastructures que dans les applications qu’elle exploite, et doit composer avec de lourdes contraintes économiques et techniques, telles que la fiabilité et la sécurité. Elle ne peut pas évoluer à la même vitesse et apparaît nécessairement au client exigeant comme décalée par rapport aux standards du moment. Elle n’est plus un sujet d’étonnement scientifique, mais peut devenir un objet d’insatisfaction périodique. L’informatique professionnelle a perdu en maniabilité ce qu’elle a gagné en profondeur, car elle est incontournable dans tous les métiers et son impact est tout à fait reconnu. Mais elle est désormais condamnée à l’excellence tant le bon fonctionnement des systèmes d’information et leur évolution raisonnée à travers l’innovation fonctionnelle et technologique revêtent un caractère critique au cœur de la performance. Plus encore, elle doit devenir sexy !

Le DSI est donc contraint de pratiquer avec souplesse le grand écart : apporter un niveau de service sans cesse plus fiable et plus économique, en garantissant la cohérence, la continuité et la sécurité des systèmes d’information de l’entreprise, et répondre de façon pertinente aux sollicitations d’utilisateurs de plus en plus consommateurs, tentés par les charmes d’une informatique nomade, légère et séduisante.

Sur le cœur même de son métier, il doit satisfaire aux besoins contradictoires de standardisation qui, seule, garantit la maîtrise des coûts et de la qualité de service et de différenciation pour intégrer les besoins d’un marché de plus en plus versatile. Enfin, responsable de personnel, il doit développer les compétences internes pour enrichir sans cesse son offre et entretenir la motivation tout en composant avec les pressions des directions générales et du marché en faveur de l’externalisation et de l’offshore.

C’est donc un métier plus que jamais composite où se mêlent, chaque jour, le détail et la stratégie, le très court terme et le long terme, la maîtrise technique comme le sens de la communication et de la négociation. Le DSI doit sans cesse arbitrer entre ces différents horizons de temps et d’espace et tirer parti de chaque composante de sa culture professionnelle.

En professionnel, le DSI sait qu’il doit desserrer cet étau de contraintes pour créer une dynamique de performance où l’excellence opérationnelle et la vision stratégique ne s’opposent pas mais se renforcent.

Il dispose pour cela d’une palette d’outils et de solutions qu’il doit, avec son équipe, gérer avec discernement en parfaite transparence. La gouvernance des systèmes d’information apporte désormais un cadre global de références et de métriques sur lequel le DSI peut s’appuyer pour construire l’articulation entre la vision d’ensemble et sa déclinaison opérationnelle.

L’informatique, pour d’obscures raisons de technicité et de langage a pu longtemps échapper aux règles de contrôle courantes dans toutes les fonctions de l’entreprise. Cette situation n’est évidemment plus acceptable. Les DSI l’ont compris et ont engagé une véritable rupture, la gouvernance imposant une discipline collective fondée sur le partage d’outils d’analyse, de décision et d’action qui ne peut que servir la fonction

La construction d’une vision stratégique des relations entre la finalité de l’entreprise et les systèmes d’information est devenue une composante clef du métier de DSI. La gouvernance répond à une exigeance de clarification des relations entre acteurs et de transparence des décisions. Ce souci émane bien sûr des directions générales qui souhaitent être rassurées quant à la bonne exploitation des ressources de l’entreprise. Les directions utilisatrices et les informaticiens en attendent également les conditions d’un dialogue serein sur l’évaluation des performances et la recherche d’une meilleure efficacité.

Le DSI, visionnaire et organisateur, partenaire des métiers et gestionnaire des services au quotidien, a besoin de soutien pour remplir ces missions difficiles.

La gestion des interactions au sein de l’entreprise devient désormais un sujet beaucoup plus central que le seul choix des fournisseurs ou des techniques, où il excelle par construction. L’urbanisation et la gouvernance sont indispensables pour clarifier les enjeux, mais ne doivent pas se limiter à être de simples techniques. C’est pourquoi le DSI doit acquérir cette densité émotionnelle que la technique ne développe pas spontanément pour être mieux armé et donc plus efficace. La culture socio-technique du DSI le situe plus généralement dans un monde rationnel, les problèmes ne pouvant être résolus que par une approche logique. Il ignore trop souvent la force des procédures molles et des enjeux de pouvoir. Aussi, pour être un agent de changement reconnu, il doit mieux communiquer, être attentif aux interactions, développer les solidarités et rendre l’informatique non seulement indispensable mais aussi désirable aux yeux des dirigeants comme à ceux des utilisateurs.

C’est pourquoi, loin de devenir obsolète, ce métier, renouvelé et dynamisé dans une logique d’entreprise étendue, reste irremplaçable pour garantir aux entreprises le meilleur usage des technologies de l’information, de la communication et de la connaissance.

PS : pour une vision renouvelée du débat, je vous invite à visiter le blog de Chris Anderson, consacré à l'analyse du phénomène "long tail", sur lequel il illustre les évolutions majeures de la relation entre informatique grand public, celle qui fait plaisir dans la vie quotidienne, et informatique professionnelle, celle qiu dit toujours "non" ! A lire notamment cet article "qui a encore besoin d'un DSI ?" dont voici un extrait !
"the next wave of workers, who come from Gen Y and are also referred to as Millenials. The gestalt of the Millenials (a.k.a., the "I'm special" generation) is that they grew up with a boundless sense of self-importance, always have had the Internet, love to share digital content, need to be constantly challenged, want high-level responsibilities immediately, expect a work-life balance with telecommuting options, and will go around IT practices and policies without hesitation."
ttp://www.longtail.com/the_long_tail/2007/02/who_needs_a_cio.html


01_informatique1


Le courage de changer… ses systèmes d’information !

On se plait dans la communauté informatique à se raconter cette petite histoire… « Pourquoi Dieu n’a t il mis que sept jours pour faire le monde ? Parce qu’il n’avait pas de base installée… » Nous sommes conditionnés par le poids de notre passé. Plus il est long et glorieux, plus il est difficile de s’en extraire ! La globalisation de l’économie mondiale conduit les économies émergentes à faire naturellement preuve de plus d’audace que les pays matures dans l’adoption des nouvelles technologies. Elles n’ont pas de « base installée » et comme elles doivent rapidement se structurer pour aller de l’avant elles n’hésitent pas à investir dans les techniques les plus récentes ! Les nouveaux pays bénéficient ainsi des infrastructures numériques les plus récentes, des applications les plus modernes, exploitent tout le potentiel de l’internet sans construire de mécanismes complexes et fragiles. Leurs étudiants ont été nourris par l'esprit de l'internet et trouvent dans les entreprises un écho favorable à leurs attentes. A l’inverse, les entreprises des pays mûrs ont investi depuis les années soixante dans la construction de systèmes d’information qui ont rendu d’immenses services pour accompagner la croissance et automatiser les processus classiques d’entreprise. Elles tendent à considérer cet investissement comme un capital précieux, alors qu’il s’agit surtout d’un stock coûteux et hétérogéne d’applications et d’infrastructures anciennes dont le simple entretien absorbe entre 70 et 80 % de leur budget informatique.

Or ces systèmes ne permettent pas, pour la plupart d’entre eux, d’engager les transformations internes de processus qui sont indispensables pour s’adapter aux changements majeurs de l’environnement économique. Il faut donc avoir le courage de changer ses systèmes d’information en minimisant les risques et le coûts de cette transformation. Plus on tarde à le faire, plus l’aventure se révèle risquée. Agir maintenant doit donc devenir la priorité des directions générales avisées.

Pour répondre aux défis des entreprises modernes, les systèmes d’information doivent en effet obéir aujourd’hui à quatre impératifs complémentaires : satisfaire aux besoins de l’entreprise étendue, mettre le consommateur au cœur de l’entreprise, être capable de composer de nouvelles combinatoires de ressources en cas de changement de périmètre et attirer de nouveaux collaborateurs imaginatifs et motivés.

- Les systèmes d’information ont d’abord été crées pour résoudre les problèmes économiques internes, les commandes, la facturation, la paye, la comptabilité. Ils ont fondamentalement été conçus dans une logique centripète pour ramener l’information de la périphérie vers le centre, le siège. L’économie moderne impose au contraire que l’entreprise soit en permanence accessible de l’extérieur par tous ceux qui contribuent à son fonctionnement. Elle doit devenir ouverte et polycentrique. La satisfaction des contraintes légales et sociales comme des nécessités du pilotage doivent être conçues comme une sous-produit des processus opérationnels, et non plus comme un objectif majeur. Ses systèmes doivent être accessibles à tous les fournisseurs pour leur permettre de connaître, sans intermédiaire ni délai, les prévisions de production, les appels d’offres, les commandes, l’état des règlements… Les portails doivent ainsi devenir plus attractifs, plus simples et efficaces. Convaincre un fournisseur par la réduction des coûts d’intermédiation est aussi un argument de négociation

- Comme le fournisseur, le client a droit à être traité en partenaire. Mais il est encore plus vital pour l’entreprise de le convaincre et de le fidéliser. Pour cela elle doit apprendre à communiquer avec lui dans sa langue mais aussi dans son langage. Le client veut à tout moment tout savoir des produits et services qu’on lui propose, et pas seulement pendant les heures ouvrables. Ainsi un catalogue est le plus souvent vu de l’intérieur de l’entreprise à partir des impératifs internes, ou habitudes, techniques, commerciales, organisationnelles. Le client n’a que faire de ces considérations. Il n’attend qu’une chose, sa satisfaction, et si possible immédiate. D’immenses progrès doivent être accomplis pour rendre l’entreprise, et ses produits, accessible, ouverte, compréhensible. Il faut encore beaucoup trop d’effort et de patience pour trouver un produit, un renseignement, un tarif, une adresse ou un numéro de téléphone, dans la plupart des sites des entreprises classiques. Il en est de même pour le service public. Bien souvent encore il est impossible de communiquer avec son assureur, son banquier, son maire, son garagiste ou son médecin par courrier électronique. On explique pour se justifier qu’un contact direct avec un revendeur ou un guichet est préférable, on se permet de faire attendre le client plusieurs jours, aussi longtemps que du temps de la malle postale… Or l’expérience démontre que le client pressé de la génération internet est toujours mieux informé que le vendeur du réseau classique. Il ne se borne pas à éplucher les notices des producteurs, mais consulte les sites des revues spécialisées et les forums pour recueillir l’avis et les conseils de ses pairs, jugés plus objectifs et mieux informés que le point de vue officiel. Or ces sites ne renvoient jamais à ces sources d’information multiples. Point de coopération entre la nomenklatura de l’entreprise – ou des collectivités – et ces réseaux informels, donc suspects, mais d’où émergent une véritable expertise. Les entreprises n’ont pas encore intégré le fait qu’elles ne disposent plus du monopole de l’information et répugnent à orienter vers d’autres points de vue. Les vitrines des sites « officiels » sont avares en information riche, avis, commentaires, sources vidéo, audio, images. On demeure dans un malthusianisme rigide qui néglige l’opportunité d’exploiter le privilège de l’initiative. Le premier qui ouvre ses pages et ses contenus informe véritablement et en tire profit. Sinon il se condamne à la pénible obligation de se justifier !

- Cette dynamique implique un renouvellement rapide des moyens de communication vers le client, avide de nouveautés et de séduction. Ces investissements dans le support internet ou dans le téléphone mobile impliquent en amont des systèmes agiles capables de diffuser des informations et de permettre une interactivité avec le client qui attend d’être informé et servi à sa guise et dans le support de son choix. Il ne suffit plus de construire des vitrines, qui faute d’entretien, deviennent vite poussiéreuses. Il faut faire évoluer tout le système d’information au rythme du client, c'est-à-dire de l’économie.

- L’entreprise doit être en mesure de se recomposer et de se réinventer rapidement. Changer d’organisation, ouvrir de nouveaux territoires, acquérir de nouvelles entités ou se marier avec des concurrents sont des exercices que l’informatique conventionnelle rend lents, compliqués, aléatoires. Or l’informatique ne peut être un frein aux changements indispensables, on ne peut courir un sprint avec un sac à dos empli des millions de lignes de code fruits de trente ans d’histoire de l’informatique. Dans le processus de rapprochement entre entités, la vitesse est essentielle; c’est elle qui permettra de dégager les synergies désirées, de repenser les structures pour leur donner de la visibilité et du sens et engager vis-à-vis des clients comme du personnel une nouvelle dynamique de performance. Ceci passe par une rapide transformation des systèmes d’information, qui doit être exécuté avec méthode.

- Dans une économie numérique de l’immatériel, c’est le talent qui fait la différence. Le talent des individus, le talent des équipes, la capacité collective à imaginer et construire de nouveaux produits et services et explorer de nouveaux territoires. Or la génération qui entre dans le monde du travail a acquis grâce à la pratique de l’internet de nouvelles habitudes de travail collectif. Les outils modernes y ont toute leur place – courriel, messagerie instantanée, téléphone portable, image et son - alors que rares sont les entreprises qui ont su domestiquer tous ces outils pour travailler autrement. Les applications « historiques » ( legacy) sont peu attractives, les moyens d’échange sont encore insuffisamment développés au-delà du simple courriel.Un renouvellement des moyens et surtout des méthodes de travail est urgent. La mobilité, le nomadisme ne sont plus des cas particuliers, mais au contraire deviennent le mode normal d’exercice du travail, la vie professionnelle et la vie privée tendant à devenir intimement liées. Les entreprises doivent donc proposer des « packages » beaucoup plus attractifs en mati ère d’équipement au travail, que ce soit pour les infrastructures et les applications.

Changer dans un monde de vitesse et de réactivité, face à des concurrents véloces et féroces, c’est donc s’alléger pour reconquérir des marges de manœuvre, investir dans l’avenir plutôt que dans la conservation des pratiques du passé. Ceci suppose une analyse lucide des propriétés de son système d’information, une capacité à trier et simplifier pour investir avec précision dans les transformations. Changer, c’est donc décider de faire sortir son informatique de statut conformiste et archaïque de centre de coût pour en faire un moteur de créativité et de transformation. Ce choix implique une vision, systémique, dont découlent un projet de transformation, une méthode et des outils de gouvernance… Il requiert aussi une pointe d’audace !