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CES 2007, premières impressions


La quarantième édition annuelle du Consumer Electronic Show qui s’est tenue à Las Vegas du 8 au 11 janvier 2007 a dépassé toutes les précédentes par le nombre d’exposants, de visiteurs, de produits… Depuis 1967 le monde de l’électronique grand public a été radicalement transformé. A chaque étape, le CES a su capter les tendances et annoncer les transformations du marché. Ce quarantième anniversaire s'inscrit dans une phase d'accélération des mutations alimentées par la puissance de l'internet, les performances croissantes du numérique, la généralisation des écosystèmes et la mondialisation totale de ce secteur.

Ce grand marché de la consommation électronique est désormais la fête de la convergence entre l’informatique, les télécommunications et l’électronique grand public, entre les produits et les services, convergence tant annoncée mais qui aujourd’hui est une réalité dont les consommateurs se sont emparés. Comme l’affirme sans nuance le président de la Consumer Electronics Association, Gary Shapiro, « nous sommes sur la ligne de départ de cette ère nouvelle où les producteurs, les programmeurs, les éditeurs de logiciels, les sociétés de service et les fournisseurs de réseaux à large bande… conduiront ensemble la plus grande expansion économique de notre histoire ».

Qu’apporte le CES ? Cette vaste foire rassemble en un lieu central – 60000 m2 quand même qu’il faut arpenter pour saisir toute l’ampleur du mouvement - tout ce que les américains sont capables d’expérimenter et de mettre sur le marché et les asiatiques d’inventer et fabriquer en grande série et à bas coût. L’Asie n’est d'ailleurs pas un bloc homogène et une division du travail s’y est développée, entre le Japon et la Corée, qui inventent, d’un côté, et Taïwan et la Chine de l’autre, qui produisent. L’Europe est tristement absente de ce débat, en dehors de quelques exceptions comme Nokia ou Philips…

L’innovation est bien le produit de la rencontre entre un désir et de la capacité de le satisfaire par un produit ou un service accessible, tant sur le plan de l’ergonomie que du coût. Le désir de communiquer et de se distraire paraît, au sommet de la pyramide de Maslow, l’accomplissement personnel, totalement infini. Il alimente une créativité sans borne des industriels et prestataires de services, dans un marché qui ne cesse de croître tant la numérisation de l'information offre des possibilités multiplesà l'imagination des utilisateurs. Mais il ne s’agit plus simplement pour les industriels des technologies de l’information et les fournisseurs de services d’empiler les innovations techniques. Ils doivent aider le consommateur à s’approprier la technique pour déclencher et enrichir une transformation radicale des usages en permettant à chacun, en tout lieu, à tout moment d’accéder aux contenus de son choix à partir de l’objet relationnel de son choix. Ed Zander, président de Motorola, résume cette ambition en invoquant le passage des objets « cool » vers les expériences « cool » (« moving from cool devices to cool experiences »).

Ce CES 2007 illustre, à travers ce recentrage sur l’individu, le déclin du monde « broadcast » au profit d’une réappropriation par le consommateur de son environnement et de ses choix, phénomène de fond qui a commencé au début du XXIe siècle et que le rédacteur en chef de « Wired », Chris Anderson, qualifie de « long tail » . Aux Etats-Unis, les studios d’Hollywood, les éditeurs de musique, les grands réseaux de télévision – ABC, NBC, CBS -, les stations de radio, mais aussi la presse écrite, connaissent tous une relative désaffection en volume d’audience, et donc en revenus et en influence. Si le monde « broadcast » est un modèle synchronisé et unificateur des contenus et des comportements, jouant un rôle à la fois fédérateur et normalisateur, orientant le consommateur vers des choix limités, le monde « multicast » est fractionné, désynchronisé, auto-centré mais totalement ouvert à toutes les influences.

C’est un modèle qui met en avant l’ego dans une dynamique de création de réseaux d’affinités décentralisés. Cette construction ne s’applique pas seulement aux natifs numériques, qui l’ont inventé, mais tend à impliquer toutes les couches de la population et toutes les activités. Parti de la sphère de l’information et du loisir, ce mouvement affecte les secteurs traditionnels qui doivent composer avec des clients de plus en plus confiants dans leur autonomie, leurs désirs et leur capacité de choix. Ce choix est illustré au CES par l’inéluctable pénétration des objets nomades, dont l’iPod, devenu le symbole universel, le GPS et le téléphone sous toutes ses formes, dans l’habitacle de la voiture. Tom-Tom et Apple dictent leurs choix techniques aux concepteurs de véhicules au nom du client. La norme Bluetooth s’est imposée aux constructeurs pourtant réticents à déployer des outils venus d’un autre monde que celui de l’automobile.

Cette célébration de la technologie s’incarne dans une avalanche d’annonces de produits et de services qui couvrent toutes les phases de la création de contenus, de la diffusion et de l’usage. Si la marche en avant vers la généralisation de la connectivité IP en mode sans fil est irréversible, les batailles , à l’issue incertaine, font rage: bataille de l’écran, au cœur de la diffusion de l’image, bataille de la poche, où le nombre d’objets trouve ses limites physiques, bataille des standards d’enregistrement de la haute définition entre les formats Blu-Ray et HD DVD, bataille, centrale, des droits d’auteur, bataille des standards de communication sans fil entre, WiFi et WiMax, batille des consoles de jeux entre Sony, Nintendo et Microsoft.

D’autres combats sont plus nobles et rassemblent tous les acteurs : celui de la miniaturisation et de la baisse de la consommation d’énergie. Le marché, comme toujours, tranchera et le consommateur, averti et actif, jouera cette fois un rôle beaucoup plus important que lors des révolutions précédentes.

Mais, c’est peut-être loin des néons de Las Vegas, à San Francisco, qu’une autre annonce symbolise de façon emblématique l’ère de la convergence ; c’est le lancement par Steve Jobs de iPhone, à la fois iPod et téléphone, synthèse qu’Apple n’est pas la première firme a réaliser mais qui traduit bien, compte tenu de la capacité de Jobs à définir les tendances de fond, l’effacement de l’objet « ordinateur » face à ce nouveau venu hybride qui aspire à devenir le « communicateur universel ».