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e-Voeux 2007

En caricaturant (légèrement), le rituel des vœux satisfait un plaisir simple et peu coûteux, projeter dans l’année suivante la réalisation de tout ce qu’on a pas pu faire l’année précédente ! Ce mode, bien commode, de l’optatif exprime à la fois les désirs et les espoirs. Dans le domaine des technologies de l’information, la liste est longue !

Mais le passage à l’action se révèle bien difficile. Dans le monde réel, l’atteinte des résultats est conditionnée par la mise en œuvre de trois leviers fondamentaux : vouloir, pouvoir, savoir. Vouloir, c’est fixer des objectifs qui permettent de se rapprocher d’une vision désirable et partagée. Pouvoir, c’est créer les conditions favorables à l’action, c’est valoriser les initiatives et décider en prenant des risques mesurés. C’est aussi contrôler que ce qu’on a décidé sera bien suivi d’effet. Le pouvoir recouvre le vaste champ de la gouvernance qui permet d’assumer des décisions dans le temps en en mesurant et en contrôlant l’impact. Enfin, savoir, c’est partager une culture, un vocabulaire, des connaissances permettant d’étayer la décision sur autre chose que des poncifs, des idées à la mode. C’est aussi faire confiance à la « science », qui ne doit pas se résumer à un recueil de recettes, mais à de véritables connaissances fondamentales étayées par la recherche et l’expérimentation.

Alors établissons la liste de tout ce qu’on a pas fait, ou insuffisamment accompli, et qui devrait changer en 2007 pour le bien commun :
- prendre conscience, une bonne fois pour toute, qu’Internet a tout changé en une décennie dans tous les domaines et que sous-estimer cet tsunami mondial, politique, économique culturel conduit à faire de graves erreurs d’analyse et de politique
- faire admettre partout (entreprises, collectivités, services publics…) que les dépenses consacrées aux technologies de l’information ne sont ni un luxe, ni une dépense fatale, ni un coût injustifié, mais un investissement méthodiquement choisi et contrôlé, piloté dans sa construction et sa mise en œuvre, et suivi dans ses résultats pour créer de la valeur mesurable
- considérer que les acteurs oeuvrant dans le champ des technologies de l’information doivent être des professionnels compétents, certifiés, audités, et qu’il n’y a plus de place dans ce domaine critique pour l’amateurisme et l’improvisation,
- valoriser les outils de conception, de pilotage, de suivi obéissant aux référentiels et normes internationales afin de développer une culture homogène permettant une compréhension des "objets technologiques" en faisant ainsi de la gouvernance des systèmes d'information un outil incontournable d'efficacité et de transparence,
- reconnaître à tous les DSI des entreprises françaises ce que la plupart de leurs homologues anglo-saxons ont obtenu, un statut de dirigeant à part entière. Reconnu et respecté, le DSI est valorisé car capable de faire évoluer leur entreprise, non plus seulement en faisant fonctionner convenablement les infrastructures - ce qui est une figure imposée -, ni même en améliorant les processus actuels, mais surtout en construisant de nouvelles pratiques permettant d’étendre le champ du possible
- dé-diaboliser les solutions ( outsourcing et offshore vs informatique « maison », mais aussi logiciels libres vs Vista… par exemple) pour affronter ces vrais débats, et quelques autres lourds de conséquences comme la modernisation du portefeuille applicatif, avec méthode et prendre des décisions rationnelles, fondées sur des analyses d’impact précises et soucieuses de l’intérêt général à long terme
- développer une véritable culture économique des technologies de l’information qui permette non seulement de connaître les coûts mais surtout de les comprendre pour agir et construire toutes les conditions de la création de valeur lucide et maîtrisée
- réhabiliter le goût de l’innovation, le sens du risque, le plaisir de la créativité pour explorer de nouveaux horizons et changer sans être tétanisé par le futur que, par construction, on a encore un peu de chance de pouvoir influencer !
- former les utilisateurs, les prescripteurs et tous les décideurs pour qu’ils mettent en place tous les préceptes précédents et continuer à apprendre sans cesse

Enfin, faire en sorte que la campagne électorale de 2007 ne soit pas pilotée par un logiciel obsolète, franco-français et antérieur à la société mondiale de l’information pour contribuer à donner à notre pays toutes les chances d'en être un acteur crédible !

Excellente année 2007 !


Le e-père Noël est asiatique

Sous les sapins de Noël des pays développés se sont entassées comme chaque année désormais les merveilles de l’électronique grand public qui attirent sans réserve les faveurs des adultes comme des enfants. La liste de ces objets est impressionnante : tout ce que l’industrie a inventé au cours des dernières années pour créer, échanger, reproduire, stocker, diffuser les productions numériques, musique, image, vidéos, jeux. Dans cet inventaire à la Prévert les vedettes demeurent l’iPod et ses produits dérivés, les appareils photos numériques, dont le marché commence toutefois à être saturé, les téléviseurs haute définition, les caméras vidéos, les consoles de jeux, enjeu d’une guerre féroce, les téléphones portables, déjà banalisés…

Tous ces appareils ont un point commun : ils ne sont pratiquement plus fabriqués en Europe ni aux Etats-Unis.. Ils ont un second point commun : leurs prix de vente baissent de façon continue grâce à un système de production mondial très performant conçu autour d’une chaîne de valeur dont le cœur est désormais en Asie. L’Asie produit 40% de tous les composants électroniques mondiaux, la Chine en représentant quant à elle16%. Les exportations de produits électroniques représentent 34% des exportations totales de la Chine. Au fil des années, le mode de production a évolué rapidement pour sortir du modèle simple de la sous-traitance pour s’appuyer sur un système sophistiqué de répartition des responsabilités entre les acteurs asiatiques.

Derrière les marques connues, Apple, Sony, Philips, HP, Dell… se cachent en effet des producteurs que le grand public ne connaît pas. 41% de la production électronique de la Chine se fait pour le compte des compagnies internationales, mais la part du marché domestique croît très rapidement ainsi que les marques nationales. Des firmes comme Lenovo (PC), Huawei ( télécommunications), TCL, Haier,, devenu troisième producteur mondial de produits blancs, mais également puissant dans les téléphones et les téléviseurs LCD, ZTE (télécommunications) commencent à être connus non seulement des spécialistes mais aussi des consommateurs.L’industrie électronique asiatique évolue du concept d’OEM (« original Equipment Manufacturer ») vers celui d’ODM (« Original Design Manufacturer »), qui est la spécialité des firmes taiwanaises (Quanta Computers, Compal Electronics, devenu le premier producteur d’ordinateurs portables au monde, Wistron, Asustek, Inventec…). Ces firmes produisent des ensembles complets qui sont généralement fabriqués en Chine continentale et commercialisés sous une marque internationale. Les analystes de l’industrie électronique parlent des performances de la « Chinese connection », ensemble complet de fournisseurs qui peuvent prendre en charge la totalité de la chaîne de valeur. Mais les coréens Samsung et LG exploitent également ce modèle.

E n Chine, d’immenses conglomérats industriels regroupant des centaines de milliers d’ouvriers se chargent de l’assemblage. Ces usines important des composants des voisins asiatiques pour exporter des produits finis. Ainsi Foxconn ( marque de la firme taiwanaise Hon Hai Precision Industry) emploie en Chine 160000 salariés dont le salaire se situe autour de 100 $ par mois pour 60 heures de travail hebdomadaire ; elle fabrique notamment le iPod. Nano, la PlaysStation, certains téléphones Motorola et Nokia, des cartes mères pour toute l’industrie des PC, notamment HP. Hon Hai était classée en 2005 19e fournisseur mondial de biens électroniques avec 27 milliards $ chiffre d’affaires et un taux de croissance de 110%. ;
Le port de Shanghai est devenu en 2005 le plus grand port du monde avec 18 millions de conteneurs, bras armé de la mondialisation, et 443 millions de tonnes traitées.
L’Asie entend bien consolider ses positions dans ce domaine en montant en gamme. Si la Chine produit 38% des téléviseurs mondiaux, sa production migre des classiques tubes cathodiques vers les écrans plats LCD. Le marché des téléviseurs LCD de plus de 40 pouces est florissant en Chine . Les producteurs asiatiques attaquent résolument le marché professionnel, notamment le marché médical. Et l’Inde ne se contente plus, depuis longtemps, de produire du code informatique à bon marché, mais se positionne également sur le marché électronique.

Les positions européennes sont bien évidemment très fragiles dans le marché domestique, car si de grandes marques subsistent, comme Philips, l’outil de production est désormais en Asie. Il faut toutefois souligner dans ce contexte morose la combativité technologique et commerciale du fabriquant français de consoles audio-vidéo, Archos qui se déploie sur tous les marchés, y compris en Asie. La conséquence de cette désaffection (capitulation ?) européenne est une balance commerciale des produits électroniques lourdement déficitaire. La relance de la consommation se traduit automatiquement par le creusement du déficit commercial.

Il serait dangereux de penser que seul le marché de l’électronique professionnelle pourra permettre à l’Europe de tenir son rang dans ce domaine critique car il est indispensable de disposer d’un système global de supply chain pour bénéficier des effets d’échelle et de recherche développement.

Source : http://www.isuppli.com/
http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p227.pdf


Vivre avec son blog

Rencontré lors de la remise du prix du DSI de l’année, le 14 décembre, mon ami Louis Naugès, qui jette sur le monde des technologies de l’information un regard aussi passionné que féroce, me faisait gentiment remarquer que mon blog ne bougeait pas assez vite, en soulignant qu’un blog lent était un blog mort ! Cette apostrophe m’a fait réagir, et j’ai esquissé ma défense en mettant en avant le manque de temps, le conflit entre priorités, justifiés par ma récente prise de fonction dans un nouveau métier et un nouvel environnement de travail. Bref, beaucoup d’arguments justes, certainement, mais qui sur le fond ne démentaient pas la pertinence de sa remarque.

Après cet échange, piqué au vif, j’ai cherché à rassembler mes idées sur le blog après un peu plus d’une année de pratique de cet exercice. Il est vrai que je ne suis pas tendre non plus envers ceux qui prétextent du manque de temps pour expliquer leurs relations douloureuses avec l’apprentissage et l’utilisation des technologies de l’information. Il paraît tellement évident que nous sommes tous conduits à utiliser de façon permanente ces outils que la technologie nous a fabriqués. Ceux qui restent l’écart de cet irrésistible mouvement paraissent d’obstinés conservateurs, hors du temps, condamnés à rester en marge de la société moderne comme ceux qui n’ont jamais réussi à obtenir leur permis de conduire.

Quand nous voyons les jeunes adultes et encore plus les adolescents jongler entre le chat, Skype, l’iPod, leur téléphone portable , surfer sur internet pour faire du copier/coller dans leur traitement de texte ( Open Office plutôt que Word, trop daté et trop monopolistique), tout en téléchargeant le dernier James Bond en DivX, on est fasciné par leur aptitude à jongler avec ces outils. Cependant on reste dubitatif sur leur capacité à faire un tri un peu organisé entre tous ces media et tous ces messages, et ce doute fugace nous donne un coup de vieux, nous qui avons été en tête de tous les combats pour le numérique !

Rappelons que notre monde est désormais classé en trois tribus, les « analogistes » décidemment irréductibles et qui en sont restés sans aucun doute au transistor et à la première chaîne en 819 lignes, « les immigrants numériques » qui sont les nombreuses générations née avant 1990 ( il fallait au moins avoir cinq ans pour entrer nativement dans l’internet), mais qui ont fait l’effort de comprendre la souris, les menus déroulants et la magie du numérique, et enfin les seigneurs de demain, ces mutants inquiétants que sont les « numériques natifs » qui ne peuvent communiquer à deux mètres sans s’envoyer un SMS pour se demander « t ou » avant de se ruer sur le premier micro ouvert pour chater.

Alors, ne pas mettre à jour mon blog à chaque nouvelle impulsion de l’actualité me conduirait à quitter le statut précaire d’immigrant numérique pour rejoindre en fait une nouvelle sous-couche, les « innovateurs numériques prématurément lassés », les INPL, presque taxé de néo- analogiste !

Je reprends mes classiques en rappelant que communiquer est un verbe transitif. On communique quelque chose à quelqu’un ! Un blog, comme un site web, mais en plus facile, est un moyen pour communiquer à un interlocuteur un message, qui peut-être informatif, pratique, culturel, affectif, académique, ou simplement exhibitionniste. Il faut avoir envie de faire partager à ces anonymes qui vous épient sans l’obscurité du web un message qui vous paraît important car il peut les intéresser, les aider à comprendre, leur donner une information utile. C’est un moyen d’influencer l’opinion du petit cercle de vos lecteurs, accessible facilement et de façon peu coûteuse, en cassant ainsi le monopole de ces grands supports d’influence que sont la télévision, la presse écrite et la radio. Autour de vos convictions, vous pouvez séduire, rassembler, et faire naître un courant d’intérêt, un dialogue qui rebondit et permet d’affiner la pensée, d’échanger et de créer un peu plus de sens. Cela peut être aussi tout simplement une moderne bouteille à la mer, moyen sans danger de partager ses sentiments et ses passions de façon d’autant plus impudique que les blogs anonymes permettent de nouer des relations entre anonymes. Ces assidus du blog sont nombreux puisque selon des sources diverses, et contradictoires, il y aurait en France entre 3 et 5 millions de blogueurs, un tiers des blogueurs européens.

Dans tous les cas, quelque soit la motivation initiale, un blog est un travail, il représente un effort d’écriture, de collecte d’informations, de mise en forme rapidement chronophage. Entretenir un blog même si le contenu peut paraître futile est un exercice régulier de concentration et d’écriture qui d’une manière ou d’une autre expose et rend responsable. Quand on cherche à faire un exercice rigoureux sur des sujets de fond, engageant dans le temps – la mémoire du blog est terrible ! – on est obligé de mettre beaucoup de soin dans la cohérence de la pensée et la qualité des informations.

Pour moi, le blog, c’est à la fois un article, un livre, une dissertation, une conversation. Aussi la vitalité d’un blog ne s’exprime pas seulement par le flux de nouveauté, mais également par la robustesse et la pérennité de son propos. Il ne s’agit pas de réagir à l’événement comme le font les agences relayées par les multiples support de presse. Il faut laisser justement le champ de l’instant à la presse. Le blog peut s’autoriser une prise de distance par rapport à l’événement, et donc avancer plus lentement pour faire émerger des réflexions plus matures.

L’immense mérite de cette technique par rapport à celles qui l’ont précédé – notamment la correspondance littéraire destinée à être publiée – est la rapidité et le champ potentiellement infini de diffusion au sein du milliard d’internautes. Mais le support ne doit pas céder le pas au contenu au risque de lasser et de générer ses propres toxines. Ce qui est superbe, au fond, c’est que chacun peut faire comme il le souhaite. Et cette nouvelle liberté est le principal cadeau que nous fait la technologie !