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La fin du monde "broadcast"

Il n’a pas fallu attendre l’invention de la radio, puis de la télévision, pour découvrir le pouvoir magique de l’information unilatérale, celle émise par un acteur politique, religieux ou économique pour convaincre le « récepteur », c’est à dire tous les autres, de la justesse de ses vues ou de l’excellence de ses produits. Le monde « broadcast » se caractérise non seulement par le faible nombre des émetteurs et le grand nombre des récepteurs, mais surtout par la passivité et l’impuissance de ceux-çi, dépourvus de moyens symétriques d’analyse et de réaction. Certes les moyens inventés depuis la fin du XIXe siècle pour rendre la production de messages efficace, rapide, puissante n’ont cessé d’être raffinés. La presse a vu ses tirages décuplés grâce à l’imprimante offset rotative, la radio a rapidement conquis des dizaines de millions d’auditeurs dans les années vingt et joué un rôle majeur dans l’avènement de la publicité, mais aussi de la propagande politique. Quant à la télévision elle s’est installée, conquérante, dans tous les foyers depuis les années cinquante en apportant un bouquet d’images et donc de messages sans cesse plus diversifiés, attractifs et convaincants au point de devenir l’enjeu incontournable de toute ambition de conquête de la notoriété.

Le pouvoir de l’image et du son existait avant les grands medias modernes. Il est à la base de la conquête historique des pouvoirs, longtemps l’apanage des seuls mondes religieux et politique. Le monde « broadcast » s’incarnait alors, à une échelle certes plus modeste, dans les cathédrales, les châteaux forts, les beffrois ou autres clochers, montrant de loin que ceux qui les contrôlaient étaient les maîtres du monde.

Mais la caractéristique majeure de ce monde du broadcast – « one to many » – était la difficulté d’être le seul détenteur du pouvoir d’émettre. L’entrée dans le monde des décideurs et des influenceurs était régie par de multiples contraintes légales et économiques qui rendait le prix du ticket d’entrée, quelque en soit la forme, très élevé. La puissance du monde « broadcast » trouve son origine dans une longue série d’innovations techniques qui ont sans cesse abaissé le coût de production et de diffusion de l’information, mais sans remettre fondamentalement en question les conditions d’accès au pouvoir d’émettre.

Et puis internet est arrivé… Certes ce ne fut qu’une menace modeste dans les premières années, mais très vite une poignée de militants du cybermonde ont compris l’enjeu de ce nouvel outil, et l’ont exprimé, dans des revues comme Wired, souvent ivres d’un rêve messianique qui faisait bien sourire les puissants installés dans la gestion confortable de leurs actifs. L’éclatement prématuré de la bulle internet confirmait que l’alerte était finie… Mais l’édifice était atteint dans ses fondations même. Le « droit d’émettre », savamment protégé pendant tant de siècles, tombait dans le domaine public. C’est le début d’une nouvelle histoire.

Elle sera chaotique, elle créera, aussi, des monopoles – Google encore plus puissant que Microsoft ? - et des exclus, mais cette histoire sera celle du « multicast » - many to many - chacun pouvant désormais donner son point de vue sur tout, et le faire savoir instantanément à tout le monde. Ceci remet en question le rôle de la presse, détentrice du pouvoir officiel d’informer garanti par le statut de journaliste, des hommes politiques, médiateurs officiels entre l’opinion et l’expertise, des savants, remis en cause par la diffusion de l’information scientifique… Le monde économique est aussi remis en question, la publicité et l'information sur les produits, contrôlées par les producteurs dans un monde de dissymétrie offre/demande, sont désormais contre-balancées par le pouvoir de s'informer et d'informer entre "égaux" conquis par les consommateurs à travers la profusion de points de vue d'utilisateurs. La blogsphere se remplir de débats, d’experts « amateurs », de passionnés qui ne sont pas reconnus par un statut officiel mais s'imposent dans le cybermonde par leur compétence et leur pédagogie sur tous les sujets. Et déjà cette profusion d’informations et de connaissances, la plupart du temps désintéressées, apparaît aux internautes comme plus légitime que la pensée officielle, qui inspire doute et méfiance…
Cette inversion des flux du savoir n’est certes pas sans risque, mais c’est un phénomène d’une telle ampleur qu’il faut en décrypter avec soin les causes et les conséquences… A suivre !


Les PME et les technologies de l'information

Le 7 novembre étaient rassemblés à Bercy, au Ministère de l'Economie et des Finances, les principaux acteurs du programme TIC PME 2010 pour marquer officiellement le lancement opérationnel de ce programme. Cette manifestation a été l'occasion de regrouper des acteurs clefs de l'économie française, représentant notamment, dans leur diversité, l'industrie automobile, l'aéronautique, la mécanique, mais aussi le jouet, l'horlogerie, l'habillement, la chaussure, la pêche, le bâtiment et les travaux publics... Tous ces acteurs, au cours des tables rondes qui ont rythmé la journée de travail, ont souligné, par des exemples, les enjeux du développement des échanges électroniques, à travers Internet, au sein de leurs filières, mais aussi souligné la nécessité d'une approche transversale multi-sectorielle permettant aux PME d'optimiser leurs investissements en systèmes d'information. Tous ont également insisté sur la nécessité pour les dirigeants des entreprises, PME comme grands groupes, de s'engager personnellement dans le développement des outils numériques, qui, bouleversant en profondeur les processus et méthodes de travail, transforment l'environnement économique et les méthodes de management.

C'est un rapport du MEDEF, publié en juin 2005, qui avait souligné la nécessité d'encourager une dynamique de filière amplifiée par une action régionale pour aider les PME à s'engager énergiquement dans l'intégration numérique. Lancé, en octobre 2005 par les ministres de l'Industrie, François Loos, et de l'Economie et des finances, Thierry Breton, le programme TIC PME 2010 a repris cette logique en incitant les filières professionnelles, par un appel à projet, à s'engager dans le développement des échanges numériques. Plusieurs dizaines de projets émanant de la plupart des secteurs économiques, ont été ainsi proposés et, après étude et regroupements, ont donné lieu à validation de 19 projets structurés.

Soucieux d'engager toutes les PME dans l'utiisation pertinente des technologies de l'information pour développer leur compétitivité et amplifier leurs échanges, le programme a pour ambition de développer la mise en oeuvre d’outils dans les entreprises d’une même filière permettant la création d’une « chaîne numérique » sur le modèle de celles mises en place par certains secteurs (aéronautique, automobile,...) . Il vise également à mettre en place l’interopérabilité entre les outils développés dans les différentes filières tout en favorisant la normalisation et la standardisation des formats d’échanges de données entre entreprises ;
Enfin, c'est par la qualité de l'ancrage dans le tissu économique régional que cet effort prend tout son sens. Le programme prévoir donc de soutenir localement avec l’aide des DRIRE et des CCI des actions d’assistance à maîtrise d’ouvrage destinées à aider les entreprises à mettre en place les réformes nécessaires pour intégrer les TIC dans leurs processus internes et les relations avec leurs clients et fournisseurs, en favorisant la diffusion des outils technologiques les plus performants dans les entreprises, et en veillant à ce que l’accompagnement du changement soit au coeur des progrès des entreprises (formation, mais aussi réorganisations internes et relations entreprises-clients-fournisseurs).

TIC PME 2010 est un programme novateur car il ne se borne pas à procurer des financements aux organisations professionnelles, à hauteur de 7 millions € néanmoins, renouvelés en 2006/2007 pour 5 millions €, mais s'inscrit dans une démarche globale qui intégre une méthode de travail et un suivi des projets dans le temps. Le dispositif d’aide TIC&PME 2010 porte exclusivement sur le soutien à la prestation « assistance à maîtrise d’ouvrage » nécessaire à une définition et à un pilotage performant des projets ciblés. Il est centré sur la conception d'outils pertinents et sur leur déploiement.

La gouvernance du programme est aussi originale car elle s'appuie sur un comité de pilotage dirigé par les représentants de l'administration et sur une "instance de coordination" qui réunit des personnalités de tous horizons, qu’il s’agisse du ministère, de différents acteurs internes à l’administration, de grandes associations contribuant à l’harmonisation en matière de nouvelles technologies telles que l’Afnet, GS1 France ou EDI France, et du MEDEF. Enfin, il s’agit d’un programme qui vise véritablement à « déverticaliser » l’action des fédérations professionnelles en s’appuyant tout à la fois sur une dynamique régionale et sur une dynamique interprofessionnelle.

Salué par son caractère novateur et ambitieux par les représentants de la commission euroopéenne, ce programme traduit l'engagement des acteurs clefs de l'économie française dans une véritable coopération destinée à amplifier le succès des technologies de l'information dans le contexte domestique pour en faire un puissant levier de transformation du tissu économique.

http://www.ticpme2010.fr/infos/lancement_tic_pme
http://www.telecom.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=108


La politique européenne des TIC

L'Union européenne cherche depuis plusieurs années à développer une approche cohérente et ambitieuse des technologies de l'information pour compenser ses insuffisances dans ce domaine par rapport aux Etats-Unis et aux pays émergents comme l'Inde et la Chine, qui en font un outil de conquête du marché mondial. En mars 2000, les chefs d'Etat et de gouvernements de l'Union Européenne se sont en effet fixé pour objectif de faire de l'UE "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde d'ici à 2010". Ce programme couvre un vaste champ d'actions visant à rendre l'Europe plus attractive pour la connaissance et l'innovation par une améilioration du marché du travail, le développement des qualifications, la libéralisation des initiatives, le développement de la recherche...
Le 26 octobre 2006, la commission a présenté un rapport intérimaire sur la relance de l'agenda de Lisbonne mettant en évidence, avec satisfaction, que 75 des 102 mesures définies en 2005 pour atteindre les objectifs initiaux avaient été adoptées.
Toutefois, cet optimisme dissimule encore beauocup d'insuffisances. Dans le domaine des techologies de l'information, les résultats ne sont pas encore à la hauteur de l'ambition et le temps presse. Ni le niveau de l'industrie de la production des technologies de l'information, ni le déploiement des usages dans les entreprises ne permettent de rassembler les conditions de l'ambition de Lisbonne. Toutefois, les initiatives au niveau européen sont nombreuses et parfois confuses. Une initiative politique commune à tous les domaines regroupe au sein du plan d'action eEurope 2005, qui constitue une sorte d'«accélérateur de politiques» de haut niveau. Ce plan vise à concentrer l'attention des Etats et des décideurs sur 7 priorités d'action "eEurope": la large bande, les affaires en ligne (e-business), l'administration en ligne (e-government), la santé en ligne (e-health), la participation de tous à la société de l'information (e-inclusion), l'apprentissage en ligne (e-learning) et la sécurité.

Pour comprendre l'action multiforme de la commission, un portail permettant de trouver aisément toutes les informations concernant les politiques européennes a été récemment déployé Les thèmes suivants regroupent les matériaux dispersés sur les sites de plusieurs directions de la commission pour suivre les politiques et activités qui relèvent de la société de l'information en Europe :

* le développement dans l’UE de l’industrie de société de l'information créée par la convergence des TI, des communications et des contenus
* l'incidence plus large de la société de l'information sur l’économie et le monde du travail en Europe
* le rôle de la société de l'information dans les politiques régionales et internationales de l'UE,
* l'incidence de la société de l'information sur la qualité de la vie de tous les européens,
* la contribution de la société de l'information à l’éducation et la formation dans l'ensemble de l'Europe,
* l'incidence de la société de l'information sur la culture et la société européennes,
* les politiques et activités de recherche sur la société de l’information

Ces sept thèmes principaux abritent des sous thèmes – le thème principal qualité de la vie par exemple, examine l'incidence globale que la société de l'information aura sur la qualité de la vie, et par là on accède à des thèmes plus détaillés qui examinent ces incidences sur la Santé et l’Environnement.

Cet louable effort de classification des actions européennes répond à un besoin de compréhension des enjeux systémiques liés à l'essor et au déploiement des TIC. Sur ce plan, c'est un bon outil pédagogique permettant d'accélérer la prise de conscience de la complexité et de l'interaction des enjeux. Le chantier est vaste pour permettre à l'Europe de conserver sa place dans l'économie mondiale !

http://europa.eu.int/information_society/