Dell, version 2.0 ?
27 septembre 2006
Si l'industrie des PC est devenue une commodité, la responsabilité en revient clairement à Michael Dell et il la revendique. Ni les actionnaires ni les clients ne pourraient l'en blâmer ! Le personnel non plus d’ailleurs car Dell a à son actif la création de 25000 emplois en deux ans, et la récente création d’une usine en Pologne, avec mille personnes, rassure sur l’avenir industriel de l’Europe dans ce secteur hyper-concurrentiel. Michael Dell lui-même a toutes les raisons de se réjouir de ce parcours qui l'a conduit à devenir en vingt ans la douzième fortune mondiale avec 17,1 milliards $.
Tout irait bien si une série de mauvaises nouvelles n'était pas venir ternir l'image du géant. Le rappel de quatre millions de portables équipés de batteries Sony défectueuses a été mal perçu par le marché. La progression du chiffre d'affaires en août 2006 se ralentit et déçoit les analystes : 15 % contre une prévision de 16 à 18%, croissance jamais démentie par le passé. Le cours de l'action a immédiatement baissé de 11%,
Créee en 1984, cette entreprise a connu un essor considérable pour devenir le leader mondial de cette industrie, avec 18% de part de marché, générer une valeur en capital de 100 milliards de dollars, passer en dix ans de 5 milliards de dollars annuels de chiffres d’affaires à 56 milliards.
Certes, si la recette apparaît aujourd’hui simple - une logistique exceptionnelle, une distribution directe, pas de stock, des produits simples, fiables et sur mesure- il fallait avoir le talent d’imaginer ce système avant les autres, et en faire un modèle que ses compétiteurs essayent d’imiter.
Au moment où Michael Dell semble reprendre les commandes de son entreprise qu’il avait laissées depuis 2004 à Kevin Rollins, nommé CEO, pour passer à l’offensive avec son plan stratégique qu’il a de manière très opportuniste baptisé « Dell 2.0 », les analystes s’interrogent sur la pérennité du « modèle Dell » dans l’informatique au moment où d’autres formes d’accès au système d’information se développent notamment autour de la mobilité. Car le marché du PC, même très concentré avec Dell, HP, Lenovo, Acer et Fujitsu-Siemens qui représentent 50% des ventes en 2005, connaît une compétition féroce sur les marges.
Toutefois le PC a vingt-cinq ans et tient bon. Le marché est toujours en croissance rapide au rythme de 30 millions d'unités de plus chaque année. Il s’en vend encore 230 millions par an (prévision IDC 2006), et les prévisions 2007 sont de 257 miilions, et même si en volume il est largement dépassé par les téléphones mobiles (environ 230 millions par trimestre en 2006), c’est un outil dont on a encore du mal à se passer. Le rêve du client léger - cher notamment à Sun - n'a pas donné naissance à des solutions suffisamment séduisantes pour les grands comptes, alors que l'ouverture vers les solutions multimedia renforce la nécessité de disposer à la maison d'un coeur de système puissant et bien équipé.
La diversification de Dell vers d’autres produits – PDA, téléviseurs, imprimantes – n’est pas un franc succès en dehors des Etats-Unis, et même si les services prennent une part de plus en plus importante dans le chiffre d'affaires de Dell , c'est un secteur aujourd'hui difficile sur le plan de l'exigence qualitative, très concurrentiel et où les marges ont aussi tendance à s'affiner. 79 % des revenus de Dell proviennent de la vente de PC. Or Dell tirait de la vente de chaque unité un revenu de 1830$ en 2002 contre 1500 en 2006. En d'autres termes, pour un revenu constant, il faut vendre 18% d'unités en plus !
Où est donc le potentiel de croissance de l'entreprise ? Quand on est de loin leader d'un marché de plus en plus mature, la croissance profitable devient un exercice difficile. Michael Dell vise, comme tout le monde, le marché domestique, qui ne représente que 15% du chiffre d'affaires, notamment par une remise en cause de son approche produit trop austère et "low cost" et le développement de boutiques de proximité. Il vise aussi à accroître sa présence sur le marché des serveurs et du stockage, amplifé par le développement d'internet et souhaite toujours croître dans les périphériques pour titiller son rival HP dont le succès dans les imprimantes à jet d'encre est le principal moteur de revenus. Il veut aussi ne plus dépendre que du marché américain en consolidant sa position en Europe, et notamment en France où Dell est leader du marché, et croquer sa juste part du gateau asiatique.
Michael Dell reconnaît que l’attractivité de ses produits est à développer notamment par le design, l’ergonomie et l’esthétique, message que Steve Jobs a compris depuis fort longtemps, même s'il est cantonné, pour de multiples raisons, a une situation de niche. Steve Jobs n'est d'ailleurs que 140e au classement Forbes avec seulement 4,4 milliards $ de fortune personnelle !