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Rencontre avec le président de Dell

Les dirigeants des sociétés informatiques américaines affectionnent rencontrer leurs clients français lors de leur brefs passages à Paris entre deux escales européennes. Cette pratique vaut à quelques DSI le plaisir d'être invités dans un grand hôtel pour écouter la parole de ces patrons pressés, poussés par leur attaché(e) de presse à ne pas perdre de temps dans des détails frivoles... Tout ceci se traduit généralement par des propos convenus sur le rôle central du client, le souci de la qualité du service et une invitation à envoyer un courriel à son adresse personnelle si quelque chose n'allait pas...
Parfois ces rencontres au cérémonial bien rodé laissent filtrer de vraies convictions et un intérêt réel pour l'auditoire.

Ce fut le cas lors du passage au Georges V de Kevin Rollins, président et CEO de Dell depuis juillet 2004. C'est un personnage méconnu en Europe de l'industrie IT mais il tient des propos décapants pour le leader mondial de l'industrie du PC.

- La philosophie de Dell reste constante : rendre plus accessible l'infrastructure des technologies de l'information par l'utilisation de produits standards, diffusés à grande échelle. La force de Dell tient dans son organisation industrielle hyper-compétitive, basée non pas sur le seul coût de la main-d'oeuvre, mais sur l'efficience globale de la supply chain intégrant le canal de distribution grâce à la vente directe et à la connaissance précise des consommateurs. Dell reste attaché à un modèle régional de production. L'usine de Chine ne produit que pour la Chine, et Kevin Rollins croit au développement d'emplois qualifiés dans les pays émergents d'abord pour leur propre bénéfice. Dell va d'ailleurs créer une seconde usine en Europe, après Limerick en Irlande, pour raccourcir encore les délais de livraison en se rapprochant de ses marchés européens et baisser le coût de la supply-chain aval.

- Toujours actif sur le marché Grand Public (15% du CA mondial), notamment grâce aux imprimantes et aux télévisions à écran plat, Dell cherche à développer ses activités dans le service aux grands comptes non pas dans une logique d'outsourcing mais "d'out-tasking". En effet, Kevin Rollins considére que l'outsourcing de fonctions qu'on ne maîtrise pas est une grave erreur, qui ne peut conduire qu'à un accroissement des coûts, un alignement de performance sur les plus moyens et à une dépendance totale. Il conseille aux clients tentés par l'aventure de commencer à simplifier et rationaliser eux-mêmes leurs applications et leur infrastructure. Le seul salut réside dans la standardisation, génératrice de baisse des coûts, pour mettre le talent exclusivement sur l'innovation. Ils ne pratiquent pas eux- mêmes l'outsourcing car les technologies de l'information sont pour eux un élément vital de leur savoir-faire. "I don't want to be the same, I want to be different " dit-il. Il craint l' "averaging effect" de l'outsourcing.

- Sur la sécurité, il pense qu'on tend à en faire un épouvantail alors que les risques réels de "capture d'information" sont trés faibles. Il considère que l'avantage compétitif ne réside que dans l'exécution, pas dans l'accès à de prétendus secrets, que finalement tout le monde partage... La seule chose qu'il faille vraiment protéger c'est le client, pour que ses données ne circulent pas. Il faut se déplacer sans cesse par l'innovation et non pas chercher à se protéger par des barrières.

L'approche de Dell reste modeste en dépit de l'immense succès de cette entreprise qui domine le marché mondial avec une recette simple : la vente directe servie par une organisation sans faille de la supply chain, soutenue par un système d'information...maison. Son chiffre d'affaires a doublé en 5 ans, passant de 25,3 milliards $ en 2000 à 49,2 milliards $ en 2005... Sa part du marché des PC est passée 3,2 % en 1995, à 10,5 % en 2000 et 18,9% au dernier trimestre de l'année fiscale 2005. Le métier affirmé de Dell est finalement d'accélerer la démocratisation des technologies et des services en les rendant plus accessibles aux plus grand nombre d'entreprises. C'est une bonne nouvelle pour les budgets des DSI. Et pour les actionnaires de Dell !

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