Apple confirme ses excellents résultats
La grande convergence

Qualité de service, centre d'appel et utilisateur mécontent

L’invasion de notre vie quotidienne par de multiples objets et services hi-tech, dans le monde professionnel comme à domicile, soulève le considérable problème de l’utilisation pertinente et sereine de ces objets. Micro-ordinateur, logiciels, périphériques numériques, réseaux, services d’accès à internet, téléphonie mobile et fixe sur IP coexistent et interférent dans un désordre complexe et mouvant, dysharmonique, qui résiste à l’utilisateur impatient. Or il est admis par les professionnels que 80% des "dysfonctionnements techniques" des produits proviennent des utilisateurs eux-mêmes. Or un utilisateur frustré est un client mécontent, ou un salarié furieux contre sa direction informatique...

La solution avancée par tous les acteurs est le centre d’appel. Or cette réponse se révèle souvent médiocre et coûteuse.

Le gouvernement et les députés français, bien après les associations de consommateurs, se sont récemment émus que les acteurs de la téléphonie mobile fassent payer, cher, les appels aux centres de service, appels généralement motivés par des dysfonctionnements dans la qualité du service. Soucieux de mettre un terme aux excès d’une facturation aussi indue qu’opaque, le gouvernement s’en est saisi au point de fermement convaincre la profession que ces appels seraient gratuits à partir de la mi-2006, décision prise lors d’une table ronde entre opérateurs de téléphonie et association de consommateurs le 27 septembre 2005.

Le coût du recours aux centres d’appels concerne désormais tous les utilisateurs de produits et services électroniques. Ainsi, l’accélération du rythme des offres, comme la baisse des tarifs apparents induite par la concurrence, sur le marché des fournisseurs d’accès internet (FAI) les a conduit à simplifier leur infrastructure technique et commerciale au profit de centres d’appels téléphoniques payants. L’UFC-Que Choisir a révélé en mai que les consommateurs d'internet avaient payé en un an, au tarif de 0,34 € la minute, 112 millions € en assistance téléphonique dont 54 millions pour les seuls temps d’attente.

Il en est de même pour les fabricants de matériel informatique qui privilégient le modèle de vente direct aux circuits de distribution classiques et qui n’ont pas d’infrastructure physique pour accueillir les clients confrontés à un problème.

Le contact privilégié du consommateur avec son fournisseur à travers un centre d’appel est censé simplifier la relation et renforcer la qualité de service, tout en coûtant moins cher au fournisseur qu’un réseau de support physique local. Cette solution théoriquement rationnelle représente un piège de plus en plus douloureux dont personne risque de sortir gagnant. Non seulement les appels sont facturés au client, mais la qualité de la réponse est très souvent médiocre. On ne compte plus les heures à patienter en écoutant une musique sirupeuse en attendant que la personne providentielle comprenne et résolve votre problème. D’après le magazine « 60 millions de consommateurs », 60 % des internautes sont mécontents de la qualité de l’assistance téléphonique. Beaucoup d’interlocuteurs renoncent et se débrouillent, mal, avec leurs propres moyens locaux. Le problème s’étend aux grandes entreprises qui gèrent des parcs de postes de travail et d’imprimantes comprenant des dizaines de milliers de machines et qui ne peuvent plus offrir un service de proximité physique tant pour réduire les coûts que pour standardiser la qualité du service en proscrivant des interventions locales erratiques.

La qualité du support devient de plus en plus un facteur de choix. Aux Etats-Unis, une étude effectuée par l’Université du Michigan (University of Michigan's American Customer satisfaction Index) classe les différents vendeurs chaque année en fonction de la qualité du service. Si Apple occupe régulièrement le premier plan, avec un score de 81, la moyenne de l’industrie stagne à 74 et un leader du circuit direct comme Dell chute de 6% entre 2004 et 2005 pour se retrouver à la moyenne de l’industrie alors même qu’il a fait de la qualité de service son cheval de bataille. L'industrie du PC génère un niveau de satisfaction trés inférieur aux autres industries de biens de consommation comme l'automobile ou l'électroménager. En France la société Techcity (http://www.techcity.fr/), elle même spécialiste de l’assistance technique, publie chaque année un rapport d’évaluation de la performance des services de support technique en environnement hi-tech, le TechCity Mystery Contact Challenge considéré comme un baromètre de référence. Pour le rapport 2005, les fournisseurs d’accès internet voient leur performance baisser de 4,6 % avec un taux d’efficacité de 58,5 %. Les constructeurs d’ordinateur progressent de 3,6% et dépassent légèrement 60 % de taux d’efficacité. Ces résultats sont assez médiocres et justifient les relations tendues avec les utilisateurs.

Aux Etats-Unis le développement anarchique d’un marché du téléphone cellulaire perpétuellement saturé crée d’autres problèmes. Le nombre des plaintes portant sur la qualité du service et les pratiques de facturation des opérateurs explose. Des suppléments illégitimes se trouvent facturés par les plus grandes compagnies de téléphone; 11 % des abonnés ont déjà constaté de graves irrégularités sur leur facture. En 2002, un cinquième des usagers ont vu plus d’une communication sur dix s’interrompre inopinément. Et 60 % des abonnés s’étaient d’ailleurs plaints au moins une fois auprès des services clientèle !

De fait l’organisation du service à distance est devenu un véritable cauchemar pour les acteurs du marché qui se trouvent confrontés à une insatisfaction chronique conduisant parfois à la rébellion de leurs clients et à une augmentation non maîtrisée de leurs coûts d’opération. Le problème est complexe, touche toute la profession, et appelle des solutions nouvelles.

Il faut d’abord admettre que l’industrie dans son ensemble succombe aux charmes vénéneux de sa complexité croissante. Les offres tarifaires sont complexes, les produits se suivent à un rythme élevé et le personnel des centres d’appel a des difficultés à conserver un niveau commercial et technique approprié. Le métier d’opérateur de centre d’appel est difficile, la rotation de la main-d’œuvre importante car personne ne souhaite faire une longue carrière dans ce métier de front-office stressant. La localisation de plus en plus fréquentes de ces centres d’appel à distance dans les pays émergents pose souvent des problèmes de compréhension linguistique.

Plusieurs réponses sont à l’étude ou à l’essai. La première est de fractionner les files d’attente en spécialisant les canaux par type d’offre, ou type de problème, technique ou commercial, avec la mise en place d’équipes dédiées, à la compétence pointue. Ceci suppose que le consommateur soit à même de faire un pré-diagnostic et implique donc une coopération plus grande ! Le même résultat peut être obtenu avec une première ligne de personnes très compétentes qui peuvent assister l’utilisateur dans le diagnostic et le diriger vers une des équipes dédiées. Là encore se pose le problème de la formation des « hot-liners » et de leur fidélisation.

La seconde voie consiste à renforcer le service on-line en dopant les sites web d’information plus précises et plus faciles à exploiter pour l’utilisateur désemparé et en exploitant l’e-mail qui permet de faire des réponses plus ciblées.

La troisième passe par une meilleure formation du client lui-même. Il s’agit là d’un véritable sujet qui passe par les fournisseurs mais aussi par une vraie adaptation collective à l’exploitation maîtrisée des outils de la société de l’information, comme le public s’est adapté en son temps à l’automobile. L’analogie a été pousée dans la mise au point d’un outil de mesure de ses compétences en informatique destinée aux utilisateurs, le PCIE, permis de conduire informatique européen ou passeport de compétences informatique européen (http://www.pcie.tm.fr/). Le PCIE est un dispositif modulaire et progressif permettant à chacun de valider ses compétences de base en technologies de l'Information. Il est composé d'un ensemble de modules de test aboutissant à une certification dans des domaines considérés comme fondamentaux dans l'utilisation quotidienne du poste de travail informatique. Le référentiel du PCIE (Syllabus) définit les connaissances requises. C’est une initiative européenne largement développée dans les pays du nord de l’Europe

Enfin, l’industrie réfléchit à une réelle simplification des outils capables eux-mêmes d’autodiagnostic et de déclencher les corrections nécessaires ( « self-healing computing »)

Tout ceci implique un coût supplémentaire, que même le recours de plus en plus massif à l’offshore dans ces fonctions ne peut durablement absorber. Le consommateur n’est pas prêt à payer. Si la profession ne semble pas pressée de mettre un terme à une ressource facile, plusieurs opérateurs français ont préféré renoncer à faire payer leurs services pour attirer les clients excédés. Ainsi Alice propose une hot-line totalement gratuite, Wanadoo et Orange s’engagent à ne pas faire payer les temps d’attente début 2006, Club-Internet offre 30 minutes d’assistance gratuite…

De toute évidence la maîtrise de bout en bout de la qualité de service dans des conditions économiques est un défi redoutable pour tous les acteurs mais constitue la condition d’une meilleure acceptation des technologies de l’information et de leurs innovations, et par là d’un renforcement de leur usage efficace et consensuel.

Commentaires

leonid

Je complèterais bien votre brillant article par un peu de sociologie du centre d'appel.
Un centre d'appel, c'est une partie de la première ligne, lieu de contact privilégié avec les clients ; c'est aussi le "help desk" où tous les problèmes convergent ; c'est enfin le central téléphonique, porche virtuel de l'entreprise. Dans tous les cas, l'opérateur doit comprendre rapidement ce que lui dit une personne parfois anxieuse et malhabile pour qui il doit trouver une solution. Cela demande expertise et agilité d'esprit. C'est une activité très formatrice. Si vous voulez connaître les problèmes d'une entreprise, passez quelques heures au "help desk" : vous apprendrez plus qu'en plusieurs jours d'enquête.

Beaucoup d'entreprises considèrent pourtant le centre d'appel comme une activité secondaire. Elles le confient volontiers à des sous-traitants dont certains, en ce qui concerne le confort des travailleurs, ont pu être comparés à des élevages de poulets. Les employés des centres d'appel sont souvent mal payés ; ce sont des postes que l'on fait tenir par des étudiants stagiaires. Ces emplois souffrent d'un fort turn-over.

Les agents des centres d'appel remplissent une fonction de contact que tout consultant qualifiera de "stratégique", mais il faudrait un miracle pour que des personnels recrutés de la sorte puissent rendre un service de qualité. Les directions générales éprises d'économie de bouts de chandelle veulent croire en ce miracle.

Elles ne sont pas seules coupables. Les agents des centres d'appel ne travaillent pas dans les mêmes locaux que les autres, ne mangent pas à la même cantine, n'ont pas les mêmes horaires. Le syndrome du village gaulois joue contre eux. Les agents du "siège" ou de la "DR" se sentent bien supérieurs aux "gens du centre d'appel", qu'ils ont tendance à traiter en parias. Ces réactions instinctives, animales, ne font que conforter le comportement des directions générales.

Pourtant, si l'entreprise était rationnelle, on s'y prendrait autrement. Le centre d'appel serait considéré comme le creuset où l'on doit faire passer les meilleurs éléments. L'accès aux fonctions de direction - qu'il s'agisse de diriger un établissement, une région, une direction à la DG - serait précédé par un passage de quelques semaines au centre d'appel pour que le futur directeur puisse voir de près les problèmes qui se manifestent dans la relation avec la clientèle, ou au "help desk". On assurerait la promotion des agents des centres d'appel vers des fonctions d'encadrement pour que l'entreprise capitalise les connaissances acquises "au front" et à chaud. On analyserait les statistiques et commentaires provenant des centres d'appel, qui sont autant d'indicateurs utiles pour la stratégie.

Mais je rêve ! une entreprise qui mette un futur directeur en stage pendant quelques semaines au centre d'appel ? nos entreprises cherchent plus à conforter le statut des dirigeants, à les initier aux aspects relationnels de leur fonction, qu'à former leur compétence. Le stage ne se fera pas au centre d'appel, mais dans les couloirs de la DG ; le futur directeur n'y apprendra rien sur les clients, mais il y sera initié aux méandres internes de l'intrigue.

Les entreprises négligent ce que pourraient leur apprendre les observations accumulées dans le centre d'appel ; elles laissent s'évaporer, par "turn-over", le savoir des agents qui y sont passés ; elles gaspillent un excellent moyen pour former leurs cadres. On m'opposera des contre-exemples : ils existent, c'est vrai et c'est heureux. Mais la situation que j'ai décrite est majoritaire, et c'est bien cela le problème.

JP Corniou

Vos commentaires sont tout à fait pertinents. Je considère comme vous que le centre d'appels est un centre névralgique du système d'information de l'entreprise, ou de son système commercial. Loin de considérer ces personnels comme subalternes, il est essentiel d'en faire des acteurs dynamiques de la relation client, et de les insérer dans la boucle d'amélioration des politiques d'entreprises. Mettre le client au coeur du système, c'est bien aujourd'hui maîtriser le contact client que ces centres opérent, et donc y mettre les ressources nécessaires, et en faire un lieu de formation pour les cadres est une idée tout à fait juste.

tlili sami

chui interesé par ces iformations et je vs felicite

Michel Volle

Ce serait bien si leonid avait cité la source dont il a tiré le texte de son commentaire : c'est http://www.volle.com/opinion/centreappel.htm.

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