Qui contrôle Internet ? Les bases techniques...
Rencontre avec le président de Dell

Les enjeux politiques de la gouvernance d'Internet

Outre les aspects techniques, le contrôle de l’Internet porte bien entendu sur les contenus. Un vaste débat mondial s’est engagé sur ce point dès l’origine autour de la cohabitation d’une logique libertaire issue de la culture des fondateurs de l’Internet, favorable à une nouvelle citoyenneté mondiale, et du réalisme juridico-politique représenté par les états. Il n’est en effet pas question ni pour les états, ni pour la communauté internationale de laisser s’ériger une zone de non droit international. L’après-11 septembre a donné lieu à une prise conscience planétaire de la capacité d’Internet à faire circuler dans l’anonymat tous les messages, et surtout ceux des réseaux terroristes et mafieux toujours prompts à exploiter les innovations technologiques. Pour certains, comme la Chine ou l’Iran, pays dans lesquels Internet connaît un succès remarquable, l’esprit de liberté doit être également canalisé pour ne pas remettre en cause les dogmes sur lesquels sont édifiés ces régimes.

La tension monte à quelques semaines de la deuxième session du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI) qui se tient, après Genève en décembre 2003, à Tunis en novembre 2005.
Un groupe de travail sur la gouvernance de l’Internet (GTGI) a été crée par le secrétaire général de l’ONU à l’issue des travaux de Genève.
Son mandat est le suivant :
- Élaborer une définition pratique de la gouvernance de l’Internet
- Identifier les questions d’intérêt général qui se rapportent à la gouvernance
de l’Internet
- Trouver un terrain d’entente concernant les rôles et sphères de responsabilité
respectifs des États, des organisations internationales et autres forums en
existence ainsi que du secteur privé et de la société civile, tant dans les pays
en développement que dans les pays développés.

Le premier élément sur lequel s’est mis d’accord le groupe est la définition de la gouvernance d’Internet :
" Il faut entendre par « gouvernance de l’Internet » l’élaboration et l’application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et programmes communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation de l’Internet."

Clairement, il ne s’agit plus de laisser une communauté scientifique et professionnelle, largement influencée historiquement et politiquement par les Etats-Unis, gérer à son gré des règles techniques ayant un tel impact politique. Les états veulent s’impliquer dans des sujets plus vastes que les noms de domaine et estiment qu’ils doivent prendre en mains le destin de l’Internet compte tenu de son rôle majeur dans l’économie, le développement, la sécurité, la cyberdélinquance, le pollupostage (les spam), la circulation des biens et des personnes... Dans un modèle où 91% des utilisateurs d’Internet proviennent des pays riches mais ne représentent que 19% de la population mondiale, les questions relatives au développement prennent évidemment une dimension essentielle.
Le rapport du groupe est d’ailleurs très sévère sur les modes de régulation actuels et leurs limites en matière de transparence, de responsabilisation, de respect du multilatéralisme. Il prône une approche coordonnée de toutes les questions de politique publique qui concernent la gouvernance de l’Internet.

La groupe de travail a examiné quatre modèles possibles d’organisation assurant un dosage plus ou moins équilibré du rôle des Etats, du secteur privé et de la société civile :
- un Conseil mondial de l’Internet composé de membrés désignés par les Etats,
- la création d’un forum mondial de l’Internet lié à l’ONU regroupant toutes les parties prenantes, sans organe de contrôle spécifique,
- la création d’un Conseil international de l’Internet, piloté par les Etats, reprenant les compétences de l’ICANN
- un quatrième modèle dissociant l’élaboration des politiques publiques, confiée à un Conseil des politiques Internet mondiales, placé sous la direction des Etats, le contrôle technique et opérationnel, confié à la Société mondiale pour l’attribution des noms de domaine et numéros sur l’Internet, pilotée par le secteur privé, et la coordination mondiale assuré par le Forum mondial de la gouvernance de l’Internet, tripartite Etats, secteur privé et société civile.

Le groupe de travail complète son approche par une série de considérations générales sur la liberté d’expression, la protection des données et le respect de la vie privée, les droits du consommateur, le respect du multilinguisme, toutes questions majeures sur lesquelles les états ont de bonne raison de ne pas s’entendre.

Ces idées cheminent actuellement entre les différents protagonistes sans faire émerger de consensus. Le gouvernement des Etats-Unis, qui avait déjà ouvert une brèche considérable dans les principes fondateurs avec le Patriot Act, a réaffirmé bien fort qu’il n’était pas question pour lui de renoncer à son rôle historique sur l’Internet. L’Union européenne, quant à elle, semble favorable à une forte évolution du statu quo à travers la création d’un forum mondial de l’Internet. Le débat porte également sur la nature de la structure publique qui pourrait piloter le nouveau système, et l’UIT (Union internationale des télécommunications) , basée à Genève, semble être un candidat crédible.

Si rien n’est encore joué, il y a donc un parfum de reprise en mains de l’Internet par les Etats et la communauté mondiale tout à fait compréhensible dans un monde ouvert et vulnérable mais qui risque de marquer un tournant majeur dans la jeune histoire de l’Internet.

Références :
http://www.w3.org/
http://www.w3.org/2001/11/StdLiaison
http://www.itu.int/wsis/docs2/pc3/html/off5/index-fr6.html


Commentaires

nino

j'aimerai savoir le role que joue l'uit face a l'oaci etl'enjeu de leurs activites respectives

nino

j'aimerai savoir le role que joue l'uit face a l'oaci etl'enjeu de leurs activites respectives

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